Agronomie, Environnement & Sociétés Revue éditée par l’Association française d’agronomie (Afa) Siège : 16 rue Claude Bernard, 75231 Paris Cedex 05. Secrétariat : 2 place Viala, 34060 Montpellier Cedex 2. Contact : [email protected], T : (00-33)4 99 61 26 42, F : (00-33)4 99 61 29 45 Site Internet : http://www.agronomie.asso.fr Objectif AE&S est une revue en ligne à comité de lecture et en accès libre destinée à alimenter les débats sur des thèmes clefs pour l’agriculture et l’agronomie, qui publie différents types d’articles (scientifiques sur des états des connaissances, des lieux, des études de cas, etc.) mais aussi des contributions plus en prise avec un contexte immédiat (débats, entretiens, témoignages, points de vue, controverses) ainsi que des actualités sur la discipline agronomique. ISSN 1775-4240 Contenu sous licence Creative commons Les articles sont publiés sous la licence Creative Commons 2.0. La citation ou la reproduction de tout article doit mentionner son titre, le nom de tous les auteurs, la mention de sa publication dans la revue AE&S et de son URL, ainsi que la date de publication. Directeur de la publication Marc BENOÎT, président de l’Afa, Directeur de recherches, Inra Rédacteur en chef Olivier RÉCHAUCHÈRE, chargé d’études Direction de l’Expertise, Prospective & Etudes, Inra Membres du bureau éditorial Pierre-Yves LE GAL, chercheur Cirad Hervé SAINT MACARY, directeur adjoint du département Persyst, Cirad Philippe PRÉVOST, directeur Agreenium Université en ligne Danielle LANQUETUIT, consultante Triog et webmaster Afa Comité de rédaction - Marc BENOÎT, directeur de recherches Inra - Valentin BEAUVAL, agriculteur - Jacques CANEILL, directeur de recherches Inra - Joël COTTART, agriculteur - Thierry DORÉ, professeur d’agronomie AgroParisTech - Sarah FEUILLETTE, cheffe du Service Prévision Evaluation et Prospective Agence de l’Eau Seine-Normandie - Yves FRANCOIS, agriculteur - Jean-Jacques GAILLETON, inspecteur d’agronomie de l’enseignement technique agricole - François KOCKMANN, chef du service agriculture-environnement Chambre d’agriculture 71 - Marie-Hélène JEUFFROY, directrice de recherche Inra et agricultrice - Aude JOMIER, enseignante d’agronomie au lycée agricole de Montpellier - Jean-Marie LARCHER, responsable du service Agronomie du groupe Axéréal - François LAURENT, chef du service Conduites et Systèmes de Culture à Arvalis-Institut du végétal - Francis MACARY, ingénieur de recherches Irstea - Jean-Robert MORONVAL, enseignant d’agronomie au lycée agricole de Chambray, EPLEFPA de l’Eure - Christine LECLERCQ, professeure d’agronomie Institut Lassalle-Beauvais - Adeline MICHEL, Ingénieure du service agronomie du Centre d’économie rurale de la Manche - Philippe POINTEREAU, directeur du pôle agro-environnement à Solagro - Philippe PRÉVOST, directeur Agreenium Université en Ligne - Hervé SAINT MACARY, directeur adjoint du Département Persyst, Cirad Secrétaire de rédaction Philippe PREVOST 3 Assistantes éditoriales Sophie DOUHAIRIE et Danielle LANQUETUIT Conditions d’abonnement Les numéros d’AE&S sont principalement diffusés en ligne. La diffusion papier n’est réalisée qu’en direction des adhérents de l’Afa ayant acquitté un supplément (voir conditions à http://www.agronomie.asso.fr/espace-adherent/devenir-adherent/) Périodicité Semestrielle, numéros paraissant en juin et décembre Archivage Tous les numéros sont accessibles à l’adresse http://www.agronomie.asso.fr/carrefour-inter-professionnel/evenements-de- lafa/revue-en-ligne/ Soutien à la revue - En adhérant à l’Afa via le site Internet de l’association (http://www.agronomie.asso.fr/espace-adherent/devenir- adherent/). Les adhérents peuvent être invités pour la relecture d’articles. - En informant votre entourage au sujet de la revue AE&S, en disséminant son URL auprès de vos collègues et étudiants. - En contactant la bibliothèque de votre institution pour vous assurer que la revue AE&S y est connue. - Si vous avez produit un texte intéressant traitant de l’agronomie, en le soumettant à la revue. En pensant aussi à la re- vue AE&S pour la publication d’un numéro spécial suite à une conférence agronomique dans laquelle vous êtes impli- qué. Instructions aux auteurs Si vous êtes intéressé(e) par la soumission d’un manuscrit à la revue AE&S, les recommandations aux auteurs sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.agronomie.asso.fr/carrefour-inter-professionnel/evenements-de-lafa/revue-en-ligne/pour-les-auteurs/ À propos de l’Afa L’Afa a été créée pour faire en sorte que se constitue en France une véritable communauté scientifique et technique autour de cette discipline, par-delà la diversité des métiers et appartenances professionnelles des agronomes ou personnes s’intéressant à l’agronomie. Pour l’Afa, le terme agronomie désigne une discipline scientifique et technologique dont le champ est bien délimi- té, comme l’illustre cette définition courante : « Etude scientifique des relations entre les plantes cultivées, le milieu [envisagé sous ses aspects physiques, chimiques et biologiques] et les techniques agricoles ». Ainsi considérée, l’agronomie est l’une des disci- plines concourant à l’étude des questions en rapport avec l’agriculture (dont l’ensemble correspond à l’agronomie au sens large). Plus qu’une société savante, l’Afa veut être avant tout un carrefour interprofessionnel, lieu d’échanges et de débats. Elle se donne deux finalités principales : (i) développer le recours aux concepts, méthodes et techniques de l’agronomie pour ap- préhender et résoudre les problèmes d’alimentation, d’environnement et de développement durable, aux différentes échelles où ils se posent, de la parcelle à la planète ; (ii) contribuer à ce que l’agronomie évolue en prenant en compte les nouveaux en- jeux sociétaux, en intégrant les acquis scientifiques et technologiques, et en s’adaptant à l’évolution des métiers d’agronomes. Lisez et faites lire AE&S ! 4 Sommaire Avant-propos O. RÉCHAUCHÈRE (Rédacteur en chef) et M. BENOÎT (Président de l’Afa) Éditorial B. DAVIRON, T. DORÉ, J.L. FORT, M.H. JEUFFROY et T. NESME (coordonnateurs du numéro) Etat des lieux des ressources concernées P13- Agriculture et ressources naturelles : de quoi parlons-nous ? T. NESME, T. DORÉ, D. LEENHARDT, S. PELLERIN P23- Agriculture et économie : du solaire au minier… et retour ? B. DAVIRON Contribution de l’agriculture à la raréfaction des ressources naturelles, évolution de l’activité agricole pour réduire cet impact, et solutions agronomiques pour faire face à cette raréfaction P35- Une approche agronomique territoriale pour lutter contre le ruissellement et l’érosion des sols en Alsace P. VAN DIJK, C. ROSENFELDER, O. SCHEURER, A. DUPARQUE, P. MARTIN, J. SAUTER P49- Quelle(s) agriculture(s) pour une eau de qualité ? S. FEUILLETTE, M. BENOIT P59- Les bordures extérieures de champs en Beauce, des espaces à valoriser : ne laissons pas la biodiversité au bord du chemin C. LE BRIS P65- Vers des systèmes de grande culture moins dépendants des énergies fossiles F. ANGEVIN, C. COLNENNE-DAVID, M.H. JEUFFROY, E. PELZER, T. DORÉ P77- Avancées et perspectives sur l’amélioration de la disponibilité du phosphore dans les systèmes de culture M.P. FAUCON, E. MICHEL, H. LAMBERS, D. HOUBEN P87- Respect et valorisation des ressources naturelles et agriculture biologique : des principes forts se déclinant dans la conception et la gestion agronomique des systèmes de production L. FOURRIÉ, B. LECLERC, A. CADILLON P93. Agriculture biologique et ressources naturelles : pas si simple ! P. VIAUX Organisation de la conception des solutions P99- Le recyclage agricole des résidus organiques : une ressource naturelle pour en préserver d’autres T. WASSENAAR, J. QUESTE, J.M. PAILLAT P109- Entretien avec A. Gosselin : clés de réussite pour une urbanisation équilibrée et durable préservant au mieux la ressource sol A. GOSSELIN, T. DORÉ P115-Regards croisés sur des démarches de protection de l’eau associant le monde agricole F. BARATAUD, R. REAU, F. HELLEC P127- Observatoire et tableau de bord pour un pilotage dynamique des pertes de nitrate dans une aire d’alimentation de captage L. PAVARANO, L. PROST, R. REAU P135- Biodiversité à l’échelle du paysage : plan d’aménagement dans l’AOC viticole Saumur-Champigny G. PAIN, M. VAN HELDEN, J. PITHON Notes de lecture P145- Nature à vendre – Virginie Maris T. DORÉ P147- Concevoir l’écosystème, un nouveau défi pour les agronomes – Elsa Berthet T. DORÉ P149- Agriculture et cycles biogéochimiques globaux : analyse des transformations des cycles de l’azote et du phosphore à des échelles spatiales larges, du territoire à la planète – Thomas Nesme T. DORÉ Annexe P151- Appel à contribution du numéro 5 6 Avant-propos Notre (plus si) jeune revue a désormais 12 volumes à son actif, ce qui incite à y lire quelques trajectoires dans les su- Olivier RÉCHAUCHÈRE jets traités. Ainsi, en considérant rétrospectivement la sé- Rédacteur en chef quence des publications de la revue, ce nouveau numéro s’inscrit dans un double continuum : Marc BENOÎT - Le premier est consacré aux ressources au sens Directeur de publication large, incluant notamment le volume 2.2, qui était consacré La photosynthèse est au cœur des enjeux du fonc- à la ressource en eau et à sa gestion via les assolements, le tionnement des champs, prairies et autres cou- volume 4.2 qui s’intéressait aux façons de mieux valoriser, verts végétaux qui passionnent les agronomes. préserver et améliorer les ressources génétiques cultivées Mais ce moteur n’est efficace que s’il n’est pas au sein des systèmes de culture et enfin le volume 5.1 consa- soumis à de trop nombreux facteurs limitants, et cré au climat, que l’on peut considérer comme une « méta ici apparaissent les ressources que mobilisent les ressource » en tant que pourvoyeur de conditions et de agriculteurs pour soutenir l’efficacité photosyn- ressources nécessaires à l’activité agricole. Toutes ces res- thétique : sol, eau, engrais, énergie, biodiversité... sources pour l’agriculture ont une dimension « naturelle » au Deux questions majeures sont posées aux agro- sens où elles reposent sur des composantes physico- nomes : chimiques ou biologiques ; toutes, à des degrés divers, ont - Comment, sur le plan strictement agro- aussi une dimension humaine, par le travail qu’elles incorpo- nomique, utiliser au mieux les ressources natu- rent ou par les dégradations d’origine anthropique qu’elles relles et les préserver, dans la diversité des formes subissent. Cette mise en perspective souligne, s’il en était d’agricultures ? besoin, l’importance de nos responsabilités et rôle collectifs pour les préserver. - Comment, d’un point de vue socio- économique, les gérer avec le plus d’efficacité et - Le second continuum est consacré à l’innovation, de sobriété possible ? Et pour cela, quel statut dans la lignée du volume 5.2 et illustre parfaitement le posi- donner à ces ressources : bien commun, bien de tionnement des agronomes : (i) prendre en compte des marché ? niveaux d’action emboîtés, des enjeux planétaires aux con- textes politiques et réglementaires jusqu’aux diverses décli- naisons techniques possibles localement, (ii) associer con- Une planète limitée, des coûts d’accès croissants naissances scientifiques et savoirs issus de la pratique, et aux ressources, et une meilleure connaissance du s’ouvrir à toutes celles et ceux susceptibles de contribuer à bilan entre besoins et ressources disponibles sont la conception et la mise en œuvre de solutions dont trois des raisons qui induisent une montée plané- l’urgence est chaque jour plus grande. taire de l’urgence de ces questions. Mais l’impression générale est que ces ressources sont Ainsi, ce numéro d’Agronomie, Environnement & Sociétés encore d’une disponibilité qui n’inquiète pas confronte les agronomes à la finitude des ressources de l’ensemble des acteurs en charge de leur gestion. notre planète, mais sur ce combat urgent et de longue du- Sensibiliser à cette question à « bas bruit » est l’un rée, ils ne sont pas seuls à devoir intervenir. Expliciter nos des enjeux de ce numéro. points de vue aidera, nous l’espérons, à cette mobilisation partagée que nous appelons de nos vœux. Pour susciter le questionnement, le volume est conçu comme une interrogation en double boucle : comment les agricultures contribuent- Remerciements : elles à cette raréfaction ou dégradation de res- Aux auteures et auteurs des textes sources et comment les réduire ? En retour, com- ment les innovations agronomiques, tant tech- Aux membres du comité de numéro : Benoît Daviron, Thierry niques qu’organisationnelles, élaborent-elles des Doré, Jean-Luc Fort, Marie-Hélène Jeuffroy et Thomas avenirs viables sur cette question ? Nesme. L’équilibre au sein du numéro entre les différents Aux relectrices et relecteurs : Valentin Beauval, Jacques types de textes penche un peu plus fortement Caneill, Vincent Colomb, Stéphane Cordeau, Séverine Dori- qu’à l’accoutumée en faveur des articles scienti- zon, Sarah Feuillette, Yves François, Jean-Jacques Gailleton, fiques. C’est en grande partie dû à l’effort pédago- gique voulu par les membres du comité de numé- Christian Gary, Claude Gitton, Olivier Guérin, Sabine Houot, ro : sur les principales ressources concernées, le Marie-Hélène Jeuffroy, Philippe Lacombe, Jean-Marie Lar- lecteur dispose ainsi de synthèses ou d’études de cher, Christine Leclercq, Blandine Lemercier, Francis Macary, cas très abordables. Mais les témoignages ne Florent Maraux, Adeline Michel, Jérome Mousset, Thomas manquent pas, notamment lorsqu’il s’agit de la conception Nesme, Bertrand Omon, Virginie Parnaudeau, Sylvain Pelle- des solutions ; et la délicate question des liens entre rin, Philippe Pointereau, Philippe Prévost, Sophie Raous, l’agriculture biologique et les ressources naturelles est Adrien Rusch, Hervé Saint Macary, Jean-Marie Vinatier. abordée dans un couple de textes de mise en débat qui se répondent de façon constructive. 7 A l’équipe de suivi et réalisation de la chaine éditoriale : So- phie Douhairie, Danielle Lanquetuit et Philippe Prévost. 8 Benoît DAVIRON - Thierry DORÉ être mobilisées ou impactées lors des processus de produc- Jean-Luc FORT - Marie-Hélène JEUFFROY tion agricole, et proposent une typologie originale des res- Thomas NESME sources naturelles selon que celles-ci sont renouvelables, (Coordonnateurs du numéro) recyclables ou dissipées lors des processus de production agricoles. Ils montrent ensuite que cette typologie permet de raisonner les leviers agronomiques et les niveaux d'orga- nisation qu'il convient d'activer pour mieux protéger les ressources naturelles. Le regard de B. Daviron est quant à lui celui d’un économiste, qui nous décale donc de nos visions d’agronomes. Mais il s’agit d’une macroéconomie non or- thodoxe qui porte davantage sur l’analyse de la ressource et de son usage au fil du temps que sur sa monétarisation. A partir d’une analyse des modalités de la production et de la consommation de la biomasse agricole, l’auteur distingue L Ce numéro cherche à éclairer comment l’économie solaire, caractérisée par la dépendance vis-à-vis l’agronomie, seule ou avec d’autres disci- de la biomasse non seulement pour la fourniture d’aliments plines, peut être mise à contribution pour et d’énergie mais aussi comme source quasi-unique de ma- faire face aux multiples enjeux concernant tières premières, de l’économie minière qui tire l’essentiel la raréfaction des ressources naturelles qui des ressources de l’humanité de l’exploitation du sous-sol. concernent l’agriculture. L’ère industrielle a fait basculer une partie de l’humanité dans l’économie minière, dont on sait le caractère fini. Mais Les activités agricoles mobilisent un grand nombre un retour vers l’économie solaire est-il possible, les besoins de ressources naturelles (terre, minerais, eau, de l’humanité ayant considérablement changé, en quantité énergies fossiles, biodiversité fonctionnelle, etc.). et en qualité, depuis 150 ans ? Cela pose de vraies questions Certaines d’entre elles se raréfient, soit parce que aux agronomes qui sont, avec les forestiers, les “pilotes” de leurs stocks s’épuisent, soit parce que leurs ré- la production de biomasse. serves sont altérées par les pollutions et rendues impropres aux usages qui leur sont destinés. Les Après cette prise de recul général, un second ensemble acteurs de l’agriculture sont donc interrogés, non d’articles porte sur la contribution de l’agriculture à la raré- seulement sur les solutions qu’ils peuvent mettre faction des ressources naturelles, et sur les évolutions de en œuvre pour réduire leur contribution à cette l’activité agricole à envisager, et parfois déjà mises en raréfaction, mais également sur les manières dont œuvre, pour réduire cette contribution. Les solutions peu- ils s’adaptent à ce nouveau contexte. En d’autres vent être des pratiques, des systèmes de culture, des orga- termes, on s’interroge sur les défis que nisations spatiales des activités agricoles, ou encore des l’agronomie doit relever face à cette évolution du règles d’accès visant à préserver les ressources naturelles. contexte plus ou moins rapide et prévisible. Une La gamme des types de ressources proposée précédem- première difficulté à la mobilisation de l’agriculture ment par Nesme et al. est prospectée, avec des articles sur est liée au fait que, même si la raréfaction se mani- la ressource sol (érosion, Van Dijk et al.), la ressource eau feste déjà depuis un certain temps, la disponibilité (dégradation de sa qualité, Feuillette et Benoît), la biodiver- de la plupart de ces ressources reste encore élevée sité (Le Bris), les énergies fossiles (Angevin et al.), et enfin le (notamment en contexte occidental) et ne consti- phosphore (Faucon et al.). Dans chacun des cas, les auteurs tue pas une contrainte suffisante pour susciter des posent la question du rapport entre l’agriculture et la res- adaptations spontanées de grande ampleur. Ceci source évoquée, puis traitent des moyens de réduire questionne donc la capacité et la volonté des ac- l’épuisement, ou la dégradation, de la ressource, par une teurs agricoles à anticiper ces situations contrai- adaptation des pratiques agricoles. Leur lecture de manière gnantes, et donc à contribuer à la durabilité des transversale confirme globalement l’analyse de Nesme et al. systèmes actuels. Une seconde difficulté est liée au faisant correspondre des leviers d’action agronomique et fait qu’en majorité ces ressources relèvent de des types de ressource. Elle montre aussi que, pour cer- « bien communs », et nécessitent des actions col- taines ressources, on semble disposer de connaissances lectives et une perception partagée des enjeux. significatives sur les processus (dégradation de la qualité de Celle-ci est d'autant plus difficile que les enjeux l’eau par exemple, dans une moindre mesure énergie fossile associés à la raréfaction de certaines ressources et ressource en terre), alors que pour d’autres (biodiversité restent diffus, lointains, sous-estimés ou mal éva- en particulier), les relations entre pratiques agricoles et lués. évolution de la ressource restent assez peu documentées. Après ces contributions focalisées sur une ressource, un Le numéro est organisé en trois temps. Le premier point de vue inverse est présenté, qui part d’un ensemble de temps est celui d’une prise de recul par rapport à la problé- pratiques (en l’occurrence celles de l’agriculture biologique) matique traitée. Deux regards sont portés. Celui de T. et évalue son impact sur une diversité de ressources ; c’est Nesme et al. est un regard d’agronomes. Il dresse un pano- le point de vue adopté par L. Fourrié et al. Contrairement rama des ressources naturelles en lien avec l’agriculture. Les aux précédentes contributions qui exposent des synthèses auteurs explorent la diversité des ressources qui peuvent scientifiques ou des témoignages de terrain, il s’agit là d'une 9 opinion agronomique engagée ; celle-ci est contrebalancée par l'opinion de P. Viaux sur le même sujet. Le troisième ensemble d’articles porte sur l’organisation de la conception des solutions pour faire face à la raréfaction des ressources. Comme évoqué ci-dessus, pour certaines problématiques, les connaissances sur les processus sont là, mais elles ne suffisent pas pour aboutir à des ensembles de pratiques cohérents permettant de résoudre les difficultés. Qui est en charge d’imaginer et de concevoir les solutions ? Comment mobiliser les agriculteurs, et souvent des non- agriculteurs, sur cette question, lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, d’une question de gestion de biens communs ? Comment articuler connaissances scientifiques et savoirs issus de l’action ? Autant de questions qui sont abordées dans cinq contributions, portant de nouveau sur une diversi- té de ressources. On a là un ensemble tout à fait original rassemblant des témoignages et discussions de plusieurs cas concrets portant sur des actions pour gérer la ressource en biomasse (à travers le recyclage des résidus) en interac- tion avec la préservation d’autres ressources (Wassenaar et al., à la Réunion) ; pour préserver la ressource en sol dans ses conflits avec les autres usages (Gosselin, à partir d’expériences dans différentes régions françaises) ; pour produire une eau de qualité (Barataud et al., et Paravano et al., dans plusieurs captages du Nord de la France et de l’Europe) ; et pour préserver la biodiversité (Pain et al., en vignoble Saumur-Champigny). Ici encore, au-delà de l’intérêt de chaque cas, une lecture transversale est instructive. Elle montre, d’une part, que certaines conditions (politiques, réglementaires…) sont indispensables pour permettre le changement de pratiques, mais également que ces condi- tions sont insuffisantes. Pour parvenir à la mise en œuvre de systèmes efficaces, il est nécessaire de développer en amont des phases d’interactions fortes avec les différents acteurs parties prenantes. Cela implique pour les agronomes de considérer d’autres points de vue, de produire d’autres références, de raisonner à des niveaux d’organisation qui ne leur sont pas forcément familiers et de mobiliser d'autres acteurs que les agriculteurs. Enfin le numéro se clôt par trois notes de lectures. Les ou- vrages analysés sont un peu décalés par rapport à la pro- blématique centrale du numéro, mais ils apportent tous des éléments de discussion intéressants pour enrichir la problé- matique des relations entre agronomie et ressources natu- relles : V. Maris par son analyse de la notion de service éco- systémique ; E. Berthet par son approche des transforma- tions des manières de produire par les sciences de la con- ception ; T. Nesme par ses investigations sur les échelles de travail des agronomes. 10 Etat des lieux des ressources concernées 11
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