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Université de Montréal L'art du récit chez Apulée par Emma Servonnet Centre d'études classiques PDF

118 Pages·2015·0.56 MB·French
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Université de Montréal L'art du récit chez Apulée par Emma Servonnet Centre d'études classiques, Faculté des arts et des sciences Mémoire présenté à la Faculté des arts en vue de l’obtention du grade de maîtrise en études classiques option langues et littératures Août, 2014 © Emma Servonnet, 2014 L'art du récit chez Apulée Un des éléments des Métamorphoses d'Apulée qui attire en premier l'attention des lecteurs est la présence de nombreuses histoires insérées dans le roman, parsemées tout le long du récit et occupant une place très importante dans celui-ci. S'il est peut-être déstabilisant de voir ainsi la trame principale interrompue de façon si régulière (et ce dès le début du roman, tout juste après le prologue !), ces histoires ne sont cependant pas que le résultat d'une envie d'Apulée d'éxagérer ou d'en mettre plein la vue, juste pour le plaisir. Certes, l'auteur souhaite divertir son public, mais ces récits ont d'autres fonctions et méritent d'être l'objet d'un examen approfondi, sous plusieurs aspects. Les Métamorphoses d'Apulée ont pour point de départ un roman grec, les Μεταμορφώσεις, dont il ne nous est malheureusement rien parvenu. Toutefois, il existe un second texte grec, l'ὄνος, qui est une version abrégée des Μεταμορφώσεις et qui permet, dans une certaine mesure, de se rendre compte du contenu du roman original. Bien entendu, l'œuvre d'Apulée tire sa structure de base de l'original grec, dont il reprend la trame principale, tout en offrant fort probablement une version bien plus complexe et variée du récit des Μεταμορφώσεις. Les Métamorphoses sont plus longues que les deux romans grecs, contiennent plus de récits insérés (notamment, celui de Cupidon et Psyché), sans compter que le onzième livre est sans conteste un ajout propre à Apulée. De plus, un simple survol de ces récits insérés permet de constater qu'ils véhiculent des thèmes récurrents qui sont d'ailleurs aussi présents dans la trame principale. Ainsi, les premiers livres sont voués à la magie, aux revers de fortune, ce qui pave la voie à la métamorphose de Lucius en âne, à la fin du livre 3. Ou encore, le livre 9 cumule quatre histoires d'adultères, tandis que le livre 10 contient deux histoires de femmes meurtrières. Dans les grandes lignes, il apparaît que trois thèmes principaux sont exploités dans les Métamorphoses, soit la curiositas, la voluptas et la fortuna, ce qui contribue à unifier le roman et renforcer sa cohérence. Par ailleurs, ces nombreux récits insérés nécessitent l'intervention de tout autant de narrateurs et Apulée n'hésite pas à faire parler plusieurs de ses personnages, qu'ils soient 1 secondaires ou même tertiaires. En effet, il revient à une vielle femme anonyme, dont le rôle est très limité, de raconter le conte de Cupidon et Psyché. Et c'est à peine le roman entamé que Lucius, héros du livre et narrateur principal, cède la parole à un autre personnage, annonçant une tendance déterminante dans les Métamorphoses. Mais tous ces personnages tiennent des discours cohérents et plausibles et une attention particulière a été accordée à la transmission des informations, de sorte que Lucius tend à rapporter ce qu'il y a de plus près de la vérité, dans la mesure de ses capacités. Enfin, ces narrateurs cherchent parfois à servir leurs intérêts, comme Haemus, dans le livre 7, qui, jeune homme de bonne famille, cherche à se faire passer pour un sanguinaire brigand et adresse à son assemblée de voleurs un discours conçu sur mesure pour les convaincre de sa supercherie. De manière générale, Apulée semble avoir cherché à exprimer le point de vue subjectif de ses personnages et leur perception influence parfois l'histoire. C'est bien sûr le point de vue de Lucius qui sculpte le plus le récit, que cela concerne parfois des détails (les descriptions de la maison de Milon dans les trois premiers livres) ou des événements de plus grande importance, comme sa perception grandiose et solenelle de sa transformation en homme et de ses initiations dans le livre 11. En bref, la première impression quelque peu désordonnée que peuvent donner les Métamorphoses n'est pas l'effet d'un manque de planification de la part d'Apulée. Celui-ci, cherchant certes toujours à surenchérir, a pris soin de développer son récit (ou plutôt ses récits) de façon cohérente et significative. 2 Génétique et structure Les Métamorphoses sont, comme d'autres textes latins, basées sur un roman grec, les Μεταμορφώσεις, qui a fourni à Apulée l'intrigue principale, ainsi que quelques-uns des récits insérés du livre. Si il est évident que le conte de Cupidon et Psyché et que le onzième livre sont propres à Apulée, il est beaucoup plus difficile de se prononcer sur l'origine des autres histoires que rapporte Lucius, humain ou âne, d'autant plus que le texte original grec ne nous est pas parvenu. Il subsiste cependant sous une forme abrégée, l'ὄνος, qui est indépendante des Métamorphoses et qui permet de clarifier en partie les similitudes et les différences entre le roman grec et le roman latin. Afin de prendre la mesure de l'apport d'Apulée au texte grec, et d'ainsi mieux comprendre l'importance qu'il accordait aux récits insérés, il est essentiel de s'attarder aux deux versions grecques des Métamorphoses. Romans grecs Le texte qui est généralement admis comme étant le roman original des aventures de Lucius, intitulé Μεταμορφώσεις, ne nous est pas parvenu et n'est accessible que par ses deux dérivés, soit en grec l'ὄνος et en latin les Métamorphoses. Il est aussi mentionné dans la Βιβλιοθήκη1 de Photios, qui avait vraisemblablement à disposition les deux textes grecs et qui d'ailleurs conclut que l'ὄνος est une version abrégée des Μεταμορφώσεις. Peu de choses nous sont rapportées à propos du contenu, sinon que les deux histoires contiennent leurs lots de superstitions et d'événements fantastiques. Selon Photios, la principale distinction à faire est dans le ton, c'est-à-dire que pour lui l'ὄνος est satirique alors que les Μεταμορφώσεις n'aurait pas ce détachement et ce ton humoristique, son auteur aurait réellement cru possibles les aventures qu'il décrit. Étant donné que le commentaire de Photios sur les deux romans grecs est notre seul point de départ (hormis les textes de l'ὄνος et des Métamorphoses) dans l'étude de l'ὄνος et surtout des Μεταμορφώσεις, il est préférable de prendre connaissance de ce passage avant 1 Photios, Bibliothèque, codex 129. 3 tout. « Ἀνεγνώσθη Λουκίου Πατρέως μεταμορφώσεων λόγοι διάφοροι. Ἔστι δὲ τὴν φράσιν σαφής τε καὶ καθαρὸς καὶ φίλος γλυκύτητος· φεύγων δὲ τὴν ἐν λόγοις καινοτομίαν, εἰς ὑπερβολὴν διώκει τὴν ἐν τοῖς διηγήμασι τερατείαν, καὶ ὡς ἄν τις εἴποι, ἄλλος ἐστὶ Λουκιανός. Οἱ δέ γε πρῶτοι αὐτοῦ δύο λόγοι μόνον οὐ μετεγράφησαν Λουκίῳ ἐκ τοῦ Λουκιανοῦ λόγου ὃς ἐπιγέγραπται «Λοῦκις ἢ Ὄνος» ἢ ἐκ τῶν Λουκίου λόγων Λουκιανῷ. Ἔοικε δὲ μᾶλλον ὁ Λουκιανὸς μεταγράφοντι, ὅσον εἰκάζειν· τίς γὰρ χρόνῳ πρεσβύτερος, οὔπω ἔχομεν γνῶναι. Καὶ γὰρ ὥσπερ ἀπὸ πλάτους τῶν Λουκίου λόγων ὁ Λουκιανὸς ἀπολεπτύνας καὶ περιελὼν ὅσα μὴ ἐδόκει αὐτῷ πρὸς τὸν οἰκεῖον χρήσιμα σκοπόν, αὐταῖς τε λέξεσι καὶ συντάξεσιν εἰς ἕνα τὰ λοιπὰ συναρμόσας λόγον, «Λοῦκις ἢ Ὄνος» ἐπέγραψε τὸ ἐκεῖθεν ὑποσυληθέν. Γέμει δὲ ὁ ἑκατέρου λόγος πλασμάτων μὲν μυθικῶν, ἀρρητοποιΐας δὲ αἰσχρᾶς. Πλὴν ὁ μὲν Λουκιανὸς σκώπτων καὶ διασύρων τὴν Ἑλληνικὴν δεισιδαιμονίαν, ὥσπερ κἀν τοῖς ἄλλοις, καὶ τοῦτον συνέταττεν. Ὁ δὲ Λούκιος σπουδάζων τε καὶ πιστὰς νομίζων τὰς ἐξ ἀνθρώπων εἰς ἀλλήλους μεταμορφώσεις τάς τε ἐξ ἀλόγων εἰς ἀνθρώπους καὶ ἀνάπαλιν καὶ τὸν ἄλλον τῶν παλαιῶν μύθων ὕθλον καὶ φλήναφον, γραφῇ παρεδίδου ταῦτα καὶ συνύφαινεν. » « Nous avons lu [...] les Métamorphoses de Lucius de Patras, en plusieurs livres. Sa phrase est claire et pure ; il y a de la douceur dans son style ; il ne cherche point à briller par un bizarre emploi des mots ; mais dans ses récits il se plaît trop au merveilleux, tellement qu'on le pourrait appeler un second Lucien ; et même ses deux premiers livres sont quasi copiés de celui de Lucien qui a pour titre : la Luciade ou L'Ane ; ou peut-être Lucien a copié Lucius ; car nous n'avons pu découvrir qui des deux est le plus ancien. Il semble bien, à dire vrai, que de l'ouvrage de Lucius l'autre a tiré le sien comme d'un bloc, duquel, abattant et retranchant tout ce qui ne convenait pas à son but, mais dans le reste conservant et les mêmes tournures et les mêmes expressions, il a réduit le tout à un livre intitulé par lui : la Luciade ou L’Ane. L'un et l'autre ouvrage est rempli de fictions et de saletés ; mais avec cette différence que Lucien plaisante et se rit des superstitions païennes, comme il a toujours fait, au lieu que Lucius, parle sérieusement et en homme persuadé de tout ce qui se raconte de prestiges, d'enchantements, de métamorphoses d'hommes en bêtes, et autres pareilles sottises des fables anciennes. »2 Une première lecture permet de cerner les principales problématiques concernant les textes grecs : l'un dérive de l'autre (vraisemblablement, l'un est une version abrégée de l'autre) ; deux auteurs sont nommés (Lucius de Patras, Lucien) et les deux œuvres auraient 2 Traduction de Paul-Louis Courier dans Lucius de Patras, L'âne, Éditions Allia, Paris, 2004, pp. 9 et 10. 4 un ton différent (l'une relève plutôt du satire, l'autre serait crédule). Ainsi, Photios attribue les Μεταμορφώσεις (le texte original, au ton plus crédule) à Lucius de Patras, tandis que l'ὄνος (la version abrégée, satirique) est attribué à Lucien de Samosate. Étant donné qu'un seul des deux textes nous est parvenu, il est très difficile de départager les informations que nous apporte Photios, tout particulièrement lorsque l'on constate que Lucius de Patras est le personnage principal de l'ὄνος (et donc fort probablement des Μεταμορφώσεις), ce qui met en doute le fait qu'il serait aussi l'auteur du roman original grec. Cependant, en comparant l'ὄνος avec les Métamorphoses d'Apulée, il est possible dans une certaine mesure de tracer un portrait des Μεταμορφώσεις et peut-être même de leur auteur. L'ὄνος, épitome des Μεταμορφώσεις S'il a d'abord été généralement admis que l'ὄνος est une version abrégée des Μεταμορφώσεις, comme le laisse entendre Photios dans son commentaire, il n'en demeure pas moins que certains doutes ont été soulevés et qu'il importe de revenir sur certains éléments du texte qui permettent de déterminer que l'ὄνος est bel et bien un épitome3. Tout d'abord, ce sont surtout certaines incohérences dans l'ὄνος qui se révèlent être des erreurs survenues lors de l'abréviation du texte original. Par exemple, lorsque Lucius et la jeune fille s'enfuient du repère des brigands, ils sont interceptés par ceux-ci au croisement de trois routes. Les voleurs les attrapent aisément, malgré le fait qu'ils soient à pieds et que les divers embranchements de la route auraient pu faciliter la fuite de l'âne et de la jeune fille. On comprend mieux ce passage en le comparant au même épisode qui est décrit par Apulée à la fin du livre 6 des Métamorphoses. Alors que Charité et Lucius sont en train de s'enfuir, ils arrivent à un carrefour et la jeune fille veut aller à droite, vers chez ses parents, tandis que l'âne insiste pour aller à gauche, car il sait que l'autre chemin a été emprunté par les voleurs qu'ils risqueraient de croiser. Tandis que tous deux se disputent à propos de la voie à prendre, les brigands les surprennent, les capturent et les ramènent dans 3 Perry, B. E., The Metamorphoses Ascribed to Lucius of Patrae, 1920, Press of the New Era Printing Company, Lancaster, pp. 8 à 11. 5 leur repère. Il est donc fort probable que dans la version originale, tout comme dans les Métamorphoses, Lucius et la jeune fille aient été en désaccord sur le chemin à suivre (puisque dans l'ὄνος, il est clairement indiqué qu'il s'agit d'une voie qui se divise en trois, « τριπλῆ ὁδός ») et que ce soit à cause de cela que les voleurs aient pu les récupérer si facilement. Étant donné que cette dispute a été coupée dans l'épitome, que la route se divise en trois voies devient un détail superflu, qui n'explique en rien que les brigands aient pu attraper si vite Lucius et la jeune fille. Quelques autres exemples similaires ont été relevés, comme dans le chapitre 38 (il est mentionné que les prêtres de la déesse syrienne utilisent un fouet d'une sorte particulière, probablement un flagrum, pour punir Lucius ; or il apparaît évident que dans la version originale, ce fouet avec été précédemment mentionné, comme dans le livre 8 des Métamorphoses, où ce même fouet est utilisé par les prêtres pour se flageller en public). Dans la même veine, la rencontre décrite dans le chapitre 44 entre le jardinier, maître un temps de Lucius, et d'un soldat romain semble elle aussi avoir été maladroitement abrégée. Le jardinier provoque la colère du soldat parce qu'il ne comprend pas le latin et ignore donc la question qui lui a été adressée. Une bagarre s'ensuit, durant laquelle la violence dont fait preuve le jardinier paraît disproportionnée (il abandonne pour mort le soldat). Or, encore une fois, si l'on compare ce passage à celui des Métamorphoses (9, 39 à 40), on se rend compte que le soldat a en fait voulu prendre l'âne de force au jardinier et que celui-ci a défendu son bien4. Étant donné qu'il est possible de compléter ces lacunes grâce au texte latin, il paraît évident que l'ὄνος est une version abrégée d'un roman qui, lui, a servi de base aux Métamorphoses d'Apulée. En plus de cette démonstration intratextuelle, la langue dans laquelle a été rédigé l'ὄνος donne aussi à penser que ce texte se baserait sur un autre roman, écrit dans un excellent grec attique (Photios le qualifie de « καθαρὸς »). L'épitome préserve en grande partie ce style du roman original, mais il y mêle aussi des éléments de κοινή que Perry attribue à la personne qui aurait abrégé les Μεταμορφώσεις et non à l'auteur de celles-ci5. 4 Ibid., pp. 9 à 11. 5 Ibid., p.12 et p.65. 6 Cela sans compter que la pratique d'abréger les textes était relativement répandue durant l'antiquité tardive. D'ailleurs, dans le cas des romans grecs, celui de Xénophon d'Éphèse, les Éphésiaques, nous est probablement parvenu sous une forme raccourcie, puisque, selon la Souda, le roman était composé d'une dizaine de livres, alors qu'il nous est parvenu sous la forme de seulement cinq livres6. S'il est aisé de démontrer que l'ὄνος est une forme abrégée des Μεταμορφώσεις, la prochaine problématique concerne l'auteur de ce roman, ainsi que de son épitome. Lucien, auteur de l'ὄνος ou des Μεταμορφώσεις ? Photios attribue les Μεταμορφώσεις à un certain Lucius de Patras, qui n'est probablement autre que le personnage principal du livre (si l'on se fie à l'ὄνος) qui s'exprime à la 1ère personne du singulier. Toutefois, il semble assez clair qu'il s'agit d'une confusion entre le protagoniste de l'histoire et son auteur, une confusion dont l'origine est incertaine et qui n'est pas inhabituelle dans le cas des textes antiques7. Ou comme l'énonce Perry : « ... it would have required the exercise of a greater critical alertness than that possessed by most copyists to avoid acceptance of the authorship as indicated by the professed historian Lucius ... »8. Par ailleurs, même Apulée est le sujet d'une telle méprise : Saint Augustin, parlant des Métamorphoses, croit que c'est Apulée lui-même qui s'est transformé en âne et qui a entrepris d'écrire ses propres aventures9. Dans ce cas, Photios aurait pris aux pieds de la lettre les déclarations de Lucius concernant sa fascination pour la magie, qui n'auraient été en réalité là que pour ajouter au ton satirique de l'œuvre. Cependant il ne s'agit que de suppositions, puisque dans l'ὄνος de trop longues discussions sur les croyances et le surnaturel auraient été coupées, n'apportant rien à l'action. Quant à l'ὄνος, Photios désigne Lucien de Samosate comme étant l'auteur de 6 Ibid., p.12. 7 Perry, B. E., The Ancient Romances, 1967, University of California Press, Berkeley, p. 212 et p. 217. 8 Perry, B. E., The Metamorphoses Ascribed to Lucius of Patrae, 1920, Press of the New Era Printing Company, Lancaster, p.15. 9 Auguste, La cité de Dieu, 18. 7 ce texte et si le ton de l'histoire semble seoir au style de Lucien, il paraît peu probable qu'il ait abrégé le roman d'un autre, surtout si l'on considère que l'ὄνος reprend mot pour mot les Μεταμορφώσεις et que sans modifier le texte original qu'il transmet, il en omet seulement certains passages (et c'est ce que semble indiquer Photios et ce qui est communément admis10). Tout comme les Μεταμορφώσεις ont été attribuées par erreur à Lucius de Patras, l'ὄνος est attribué à Lucien, qui aurait écrit l'orignal et non la version épitome. Toutefois, avec si peu d'informations sur les auteurs, et sans le premier roman de la Luciade, il est difficile d'affirmer quoi que ce soit avec certitude et seuls les contenus des deux dérivés des Μεταμορφώσεις peuvent fournir de potentiels indices sur l'auteur du roman. L'une des pistes pourrait être l'identité du personnage principal, Lucius, qui dans les versions grecques comme dans celle d'Apulée, est issu de la noblesse romaine11. À la fin de l'ὄνος est aussi mentionné le frère de Lucius, Gaïus qui est un « prophète », et même si il ne fait qu'apparaître brièvement, on devine qu'il est du même moule que Lucius. Ces deux personnages, aux noms génériques, représenteraient un certain type de Romains, jugés enclins à croire aux miracles et à la magie12. Apparemment, cela constituerait une des particularités du récit : « Nothing could be more surprising or startling to an ancient reader of fiction, especially burlesque fiction, than to find the leading character in a story, he who was the butt of the farce, a Roman of high social standing. »13. Et surtout, Perry relève un passage d'Alexandre ou le faux devin de Lucien dans lequel le Romain Rutilien demande à Alexandre quel précepteur il devrait engager pour son fils. La réponse est « Pythagore ». Or, l'enfant meurt quelques jours plus tard, prouvant ainsi l'incompétence du devin. Mais c'est Rutilien lui-même qui sauve la mise du charlatan, en expliquant que Pythagore éduquerait son fils dans l'au-delà14. En extrapolant, il apparaît que Lucien aurait pu considérer les membres de la noblesse romaine comme susceptibles de croire à ce genre de superstitions15. 10 Perry, B. E., The Ancient Romances, 1967, University of California Press, Berkeley, p. 223. 11 Ibid. pp. 220 à 221. 12 Ibid., p. 221. 13 Ibid., p. 220. 14 Lucien de Samosate, Alexandre ou le faux devin, 33. 15 Perry, B. E., The Ancient Romances, 1967, University of California Press, Berkeley, p. 222. 8 Perry estime aussi que, considérant que les Μεταμορφώσεις devaient probablement dater du IIème siècle après J.C., Lucien est l'un des rares auteurs grecs connus qui possédaient le sens de l'humour requis pour écrire un tel roman16. Toutefois, au-delà du ton du récit, il faut aussi prendre en compte la langue dans laquelle il a été écrit. En effet, le grec de l'ὄνος, en majorité attique, contient toutefois plus d'éléments de κοινή, ioniques et propres à la poésie que les autres textes de Lucien qui nous sont parvenus. Cela peut s'expliquer en partie par le fait que le texte a été abrégé par une tierce personne, mais aussi par le fait que le ton du roman et son thème trivial imposait un style différent de celui dont usait habituellement Lucien17. D'autres éléments permettraient d'identifier Lucien comme étant l'auteur des Μεταμορφώσεις, que ce soit la nature de ses autres travaux, les résultats d'une analyse de son style en comparaison avec celui de l'ὄνος18 ou encore, ses comparaisons récurrentes entre l'homme et l'âne, une de ses images préférées19. Cependant, en l'absence du texte original, il est difficile d'affirmer avec autant d'assurance que Perry que Lucien serait l'auteur des Μεταμορφώσεις. Tout en considérant aussi Lucien comme pouvant être l'auteur du roman grec original, Van Thiel avance aussi d'autres noms. Tout d'abord, Adrien de Tyr, rhéteur grec, est aussi l'auteur d'un livre intitulé Métamorphoses. Toutefois, il est reconnu comme étant l'auteur de ce livre, alors que les Μεταμορφώσεις sont apparemment anonymes. De plus, la longueur des deux textes ne semblent pas concorder, l'œuvre d'Adrien de Tyr étant de 7 livres, tandis que les Μεταμορφώσεις étaient plus courtes et n'excédaient probablement pas 4 livres. Il est cependant possible que les Μεταμορφώσεις aient été une parodie du livre d'Adrien de Tyr 20. Flavius Phoenix et Flavius Phylax de Hypata, deux frères, sont aussi mentionnés par Van Thiel, comme étant de potentiels auteurs du texte grec. La ville dont ils sont originaires, la même que celle dans laquelle l'action commence dans les Métamorphoses, est peut-être un indice. Par ailleurs, ils étaient les fils du sophiste Flavius Alexandre, et auraient appartenu à 16 Ibid., p. 221. 17 Ibid., p. 225. 18 Perry, B. E., The Metamorphoses Ascribed to Lucius of Patrae, 1920, Press of the New Era Printing Company, Lancaster, pp. 65 à 73. 19 Ibid., p.62. 20 Van Thiel, Helmut, Der Eselsroman, tome 1 Untersuchungen, 1971, C. H. Beck, München, p.39. 9

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Dans la même veine, la rencontre décrite dans le chapitre 44 entre le .. 28 Scobie, A., The Structure and Unity of Apuleius' Metamorphoses, dans
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