i Université de Montréal La Critique de la raison pure, une œuvre inachevée par Adam Westra Philosophie Faculté des arts et sciences Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de M.A. en Philosophie option recherche Août, 2009 © Adam Westra, 2009 ii Université de Montréal Faculté des études supérieures Ce mémoire intitulé : La Critique de la raison pure, une œuvre inachevée présenté par : Adam Westra a été évalué par un jury composé des personnes suivantes : Bettina Bergo présidente-rapporteuse Claude Piché directeur de recherche Iain Macdonald membre du jury iii RÉSUMÉ Selon Kant, il faut rendre la Critique plus compréhensible. Cela revient à doter son exposition d’un plus haut degré de lucidité (Helligkeit), c’est-à-dire combiner la clarté discursive avec une clarté intuitive. Pour ce faire, nous représentons les grandes lignes de la structure discursive de la Critique sous la forme d’un modèle emprunté à la description de la formation du caractère moral esquissé dans l’Anthropologie. Ainsi, la raison est d’abord régie par son « instinct de connaissance » (Wißbegierde, Erkenntnistrieb), qui la plonge dans un état de vacillement (Schwankender Zustand). Ensuite, elle réagit par du dégoût (Überdruß), ce rejet ouvrant la voie à l’introspection (Selbsterkenntnis) proprement critique. La raison entreprend alors une révolution de son mode de pensée spéculatif (Revolution der Denkungsart) consistant à passer, sous l’égide du devoir moral (Pflicht), de la malhonnêteté à l’honnêteté, envers soi-même ainsi qu’envers autrui. Il s’agit, en un mot, d’une « renaissance » (Wiedergeburt) morale. Mots clés : Kant, caractère moral, mode de pensée (Denkungsart), devoir (Pflicht), modèle, analogie, métaphore, éthique, herméneutique, logique. iv ABSTRACT According to Kant, the Critique must be made more comprehensible. This entails increasing the degree of lucidity (Helligkeit) of the exposition, i.e., by combining discursive clarity with intuitive clarity. In order to accomplish this task, the lines of force of the discursive structure of the Critique are represented here in the form of a model borrowed from Kant’s description of the formation of moral character in the Anthropology. Thus, reason is at first ruled by its “knowledge-instinct” (Wißbegierde, Erkenntnistrieb), which, however, plunges it into a state of vacillation (Schwankender Zustand). Reason eventually reacts with disgust (Überdruß), and this rejection opens the way to a properly critical introspection (Selbsterkenntnis). Finally, reason undergoes a revolution of its speculative mode of thinking (Revolution der Denkungsart), i.e., a transition, under the aegis of moral duty (Pflicht), from dishonesty to honesty, towards itself and towards others: in a word, a moral “rebirth” (Wiedergeburt). Keywords: Kant, moral character, mode of thinking (Denkungsart), duty (Pflicht), model, analogy, metaphor, ethics, hermeneutics, logic. v TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ ...............................................................................................................................iii ABSTRACT ...........................................................................................................................iv RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ...............................................................................vi INTRODUCTION .................................................................................................................1 1. Méthodologie 1.1. Justification théorique .....................................................................................................15 1.2. Considérations herméneutiques ......................................................................................27 2. À la recherche de l’archétype 2.1. La formation du caractère moral .....................................................................................33 2.1.1. L’instinct (Instinkt) ......................................................................................................38 2.1.2. L’état de vacillement de l’instinct (schwankender Zustand des Instinkts) ..................44 2.1.3. Le dégout (Überdruß) ..................................................................................................53 2.1.4. La révolution du mode de pensée (Revolution der Denkungsart) ...............................66 CONCLUSION ......................................................................................................................89 BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................94 vi RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Citations Les références aux œuvres de Kant comprendront une mention abrégée du titre de l’œuvre en italiques (voir ci-dessous la liste des abréviations utilisées), puis la pagination de l’édition de l’Académie de Berlin (Akademie-Ausgabe). La mention abrégée « Ak. » sera suivie du numéro du tome en chiffres romains, puis de celui de la page en chiffres arabes (par exemple, Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science sera cité : Prolégomènes, Ak. IV, 255). Les références à la Critique de la raison pure (Kritik der reinen Vernunft) ne mentionneront pour leur part que la pagination des éditions A (1781) et B (1787) de cette œuvre. La traduction française des passages cités apparaîtra dans le corps du texte, suivi, dans le cas d’une citation courte, du texte allemand entre parenthèses, et dans le cas d’une citation plus longue, d’un renvoi en note de bas de page où figurera le passage original. Abréviations AB Anthropologie Busolt AC Anthropologie Collins AF Anthropologie Friedländer AM Anthropologie Mrongovius Anthropologie Anthropologie du point de vue pragmatique (Anthropologie in pragmatischer Hinsicht) AP Anthropologie Parow CF Le Conflit des facultés (Der Streit der Facultäten) CJ Critique de la faculté de juger (Kritik der Urteilskraft) JL Jäsche Logik LB Logik Blomberg LDW Logik Dohna-Wundlacken Prolégomènes Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science (Prolegomena zu einer jeden künftigen Metaphysik, die als Wissenschaft wird auftreten können) Religion La Religion dans les limites de la simple raison (Die Religion innerhalb der Grenzen der bloßen Vernunft) WL Wiener Logik vii À mon père viii REMERCIEMENTS Un des thèmes de cette étude étant la collaboration, je remercie sincèrement les personnes suivantes : mon père, à qui je dédie ce mémoire, ainsi que ma Mumsie et mon Auntie, pour toute leur aide ; mon directeur de recherche, Claude Piché, pour tout son soutien ; mes amis Filippo Palumbo, Stéphane Roy Desrosiers et Maxime Julien, pour leurs suggestions et commentaires ; et tout spécialement Clara Dupuis-Morency, pour sa contribution irremplaçable à ce projet, pendant toutes les phases de son exécution, et surtout pour la patience, la générosité et l’encouragement qu’elle n’a cessé de témoigner envers l’auteur, aussi monomaniaque qu’Achab. Ce projet a été réalisé grâce à une bourse du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. ix « Les philosophes, pour leur part, ne peuvent nous présenter que des modèles de vie. » (Die Philosophen können uns ihrerseits nichts als Lebensformen darbieten.) – Goethe* * Lettre de Johann Wolfgang von Goethe à Johannes Daniel Falk (ma traduction) ; citée par Ernst Cassirer, Kants Leben und Lehre, annoté par Tobias Berben, in Gesammelte Werke 8, Hamburger Ausgabe, sous la dir. de Birgit Recki, Hamburg, Felix Meiner Verlag, 2001, p. 1 1 INTRODUCTION La Critique de la raison pure est une œuvre inachevée. C’est essentiellement ce que Kant avoue dans la Préface de la deuxième édition de 1787. Certes, le contenu doctrinal de la critique de la raison spéculative pure ne peut, en conséquence de la nature de son objet, être changé : cette faculté et sa critique constituent, de part et d’autre, des systèmes parfaitement complets et unifiés, c’est-à-dire invariables (B XXXVII-XXXVIII). Cependant, il demeure possible, souhaitable, voire nécessaire, d’apporter des modifications à la présentation du système critique. Kant, commentant la deuxième édition de son ouvrage et méditant sur l’avenir de celui-ci, remarque que « dans la présentation beaucoup est encore à faire » (in der Darstellung ist noch viel zu tun) (B XXXVIII). Or il déclare explicitement qu’il laissera ce travail à autrui : À ces hommes de mérite, qui à la profondeur de vue joignent encore si heureusement le talent d’une présentation lumineuse (un talent que je ne me sens point), je laisse le soin d’achever mon ouvrage, encore ça et là défectueux sur ce dernier point1 (B XLIII). Kant précise qu’il faudrait parvenir, de cette manière, à une « présentation plus compréhensible » (faßlicheren Darstellung) (B XLII), car il estime que son ouvrage, tel quel, demeure trop obscur : On ne le jugera pas correctement parce que l’on ne le comprendra pas ; et on ne le comprendra pas parce qu’on est bien disposé à parcourir un livre des yeux, mais non par la pensée ; et l’on ne voudra pas prendre 1 « Diesen verdienten Männern, die mit der Gründlichkeit der Einsicht noch das Talent einer lichtvollen Darstellung (dessen ich mir eben nicht bewußt bin) so glücklich verbinden, überlasse ich, meine in Ansehung der letzteren hin und wieder etwa noch mangelhafte Bearbeitung zu vollenden. »
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