Une stèle carthaginoise bien prolixe: une scène de magie punique Hélène Benichou-Safar To cite this version: Hélène Benichou-Safar. Une stèle carthaginoise bien prolixe: une scène de magie punique. Ephesia Grammata. Revue d’études des magies anciennes, 2008, 2, pp.1-30. halshs-00915218 HAL Id: halshs-00915218 https://shs.hal.science/halshs-00915218 Submitted on 24 Nov 2014 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License 1 UNE STÈLE CARTHAGINOISE BIEN PROLIXE : UNE SCÈNE DE MAGIE PUNIQUE Hélène Bénichou Safar1 Le sanctuaire carthaginois de Salammbô où sont honorés, du VIIIème au IIème siècles avant J.-C., Tanit et Baal Hammon, fait partie de cette catégorie de sanctuaires à ciel ouvert appelés « tophets », qui sont spécifiques de la civilisation punique et sont curieusement constitués par des empilements de strates d’urnes emplies de cendres enfantines, enfouies sous des tertres et surmontées de stèles ou de cippes votifs. Avec ses milliers de nourrissons ou de très jeunes enfants ainsi ensevelis et ses milliers d’ex-voto très fréquemment inscrits et/ou décorés, il en est même le plus spectaculaire et le plus illustre représentant. Il n’en reste pas moins que, près d’un siècle après sa découverte, une grande part d’ombre le voile encore à notre intelligence. C’est que pour être nus ou gravés de dédicaces courtes et stéréotypées, ou agrémentés de motifs simples, ésotériques et répétitifs, ses monuments sont particulièrement peu loquaces et que les témoignages directs ou indirects sur son utilisation nous font totalement défaut. Cherchant à dissiper un peu de cette obscurité, nous entreprendrons ici l’examen d’une image - exceptionnelle à plus d’un titre - qui provient de ce lieu de culte et a souvent donné lieu dans les travaux scientifiques à des mentions incidentes ou des interprétations hâtives2 mais, si l’on excepte l’étude fouillée mais essentiellement stylistique que lui a consacrée J. Debergh3, n’a jamais bénéficié vraiment de toute l’attention qu’elle méritait. Nous voulons 1 Laboratoire des Études Sémitiques Anciennes / UMR 8167. CNRS. 2 E.g. PICARD (G.C.), C.R.A.I., 1945, p. 450 ; id., Les religions de l’Afrique antique, Paris, 1954 ; id., Le monde de Carthage, Paris, 1956, p. 178 ; MOSCATI (S.), L’épopée des Phéniciens, Paris, 1971, fig. 38 (légende) BISI (A.M.), Le stele puniche (Studi Semitici, 27), Rome, 1967, p. 68-69 ; LANCEL (S.), Carthage, Paris, 1992, p. 260. Pour une bibliographie exhaustive, voir l’article cité à la note suivante. 3 Image grecque, interprétation carthaginoise, Revista de la Universidad Complutense, XXV, 1976, fasc. 101, p. 91-112, fig. 1-7 et fasc. 104, p. 201-204. 2 parler de celle qui rehausse le fronton de la stèle Cb 687 bis4 (ici, fig. 1-35), une stèle d’une soixantaine de centimètres de hauteur, dépourvue d’acrotères, inscrite de la traditionnelle dédicace6 mentionnant les nom et généalogie du dédicant (un dénommé Adonbaal) et datable approximativement de la seconde moitié du IIIème avant J.-C7. Cette image rompt effectivement l’uniformité de l’iconographie du tophet en faisant appel à une technique de gravure inhabituelle, le méplat, et en utilisant, au lieu des classiques symboles linéaires isolés ou juxtaposés, la représentation humaine, dans le traitement d’un thème inédit de surcroît. Nous prendrons donc ici le temps de l’analyser de façon aussi minutieuse et aussi neutre que possible afin de l’obliger, s’il se peut, à parler d’elle-même et à éveiller ainsi dans l’esprit de l’observateur des échos capables de suggérer une interprétation. Cette dernière devra alors être mise à l’épreuve des faits qu’attestent les sources textuelles et l’archéologie pour pouvoir être créditée d’une suffisante vraisemblance. 4 PICARD (C.), Catalogue du musée Alaoui. Nouvelles série (Collections puniques), Tunis, s. d., I, p. 196 n°687 bis, pl. LXXXIV = Corpus Inscriptionum Semiticarum, pars prima (désormais abrégé en C.I.S.), 3, pl. CIII n° 5780. Cette stèle, qui a été déplacée par les Romains, a été découverte en lisière nord du secteur Vb / Cintas du tophet : cf PICARD (G.-C.), C.R.A.I., 1945, p. 450 et le plan d’ensemble du tophet dans BENICHOU-SAFAR (H.), Le tophet de Salammbô à Carthage. Essai de reconstitution (Collection de l’École française de Rome, 342), Rome, 2005, pl. VIII. 5 Ces photographies nous ont été très obligeamment fournies par M. H. BEN YOUNÈS, Directeur de la Division du Développement Muséographique du Musée National du Bardo de Tunis. Que celui-ci veuille bien lire ici l’expression de notre reconnaissance. 6 En voici le texte : LRBT LTNT PN B‘L WL’DN LB‘LHMN ’Š NDR ’DNB‘L BN ’ŠMNHLŞ BN YTN BN HN’, c’est-à-dire : « À la grande Dame Tanit et au Seigneur Baal Hammon, ce qu’a voué Adonbaal, fils d’Eshmunhillès, fils de Yaton, fils de Hanno ». 7 La stèle présente, en effet, des forme et hauteur conformes au standard de la troisième époque du sanctuaire (-550/525 - 300/275) mais la pierre dans laquelle elle a été taillée, est déjà le calcaire gris qui se généralisera à l’époque suivante, et un détail que nous évoquerons plus loin accentue ce caractère tardif (pour ces différents aspects, cf. BENICHOU-SAFAR (H.), op. cit, p. 84, 102 et 137 ; ead., Les stèles dites « de Sainte-Marie » à Carthage, Punic wars, Studia Phoenicia, X (O.L.A., 33), 1989, p. 364, et infra, note 24). Elle devrait donc se rattacher à la période comprise entre -250 et -200. 3 Appréhendé dans sa globalité, le décor de la stèle Cb 687 bis (cf. fig. 3) montre une femme assise par terre sous un symbole astral et près d’un tertre sur lequel elle s’appuie, qui tient un vase de la main droite et s’active à en répandre le contenu sur le sol ; son poignet droit est accosté ou équipé d’un objet de nature incertaine. Ce décor qui s’étale sur toute la surface antérieure du fronton et empiète même un peu sur le fût droit de la stèle, ce qui est assez inhabituel, n’est pas exempt d’imperfections : dans le rendu des effets de perspective, notamment, ou le respect des proportions. Il n’en est pas moins d’une bonne qualité d’exécution. Le dessin en particulier, qui a été réalisé par incision d’une surface réservée sur un fond bien dressé a, en effet, été tracé d’une main très sûre, sans le moindre repentir. Et ceci nous convainc que le trait descendant irrégulier qui naît au voisinage de la panse – endommagée - de la poterie, qui semble avoir été délibérément gravé en creux et a parfois été interprété comme un filet du liquide répandu, n’est en réalité qu’une rayure accidentelle de la pierre. Sinon, il partirait du bec verseur du vase plutôt que de la panse, serait dirigé vers l’extérieur plutôt que vers l’intérieur et serait figuré en relief plutôt qu’en creux (comme chaque fois qu’il y a ici représentation de matière). Ce défaut de la pierre est donc trompeur ; il était important de le souligner pour que soit écarté de la discussion tout élément parasite. Ce décor a de plus été traité en frontalité, ce qui contribue à lui conférer une valeur de symbole. En ne prêtant, en effet, aucune attention à l’action qu’elle est en train d’accomplir mais en fixant au contraire son regard droit devant elle, la femme représentée semble suspendre son geste et s’offrir ainsi à la contemplation. Son image n’a donc absolument pas la fonction narrative qu’elle aurait eue si elle avait été traitée en profil (avec le regard indifférent, par conséquent, à la présence humaine) mais a plutôt celle d’un signe au contenu ésotérique. Elle reste d’ailleurs plate et comme privée de matérialité (sauf peut-être au niveau des pieds) en dépit de l’effort manifeste de l’artiste pour donner une impression générale 4 d’épaisseur et donc de volume à la scène (méplat, redan, perspective - erronée mais perspective tout de même - pour montrer l’extension d’une jambe et la flexion de l’autre). Et le fait que les deux acteurs d’origine de ce jeu visuel - la femme de l’image d’une part, Adonbaal, le dédicant, d’autre part - soient ici de sexes différents, ne peut que confirmer cette valeur de symbole en excluant la possibilité que la représentation constitue un portrait du dédicant8. Le décor renvoie donc à une pratique qui, pour être comprise, doit être une institution. La composition de l’ensemble témoigne par ailleurs d’une gestion très maîtrisée de l’espace. On constate, en effet, que les lignes de force du dessin sont, pour les unes, tout naturellement orientées vers le sol (verticale et obliques partant de la tête du personnage (cf. fig. 4) mais pour les autres (mouvement du bras droit, installation des jambes, axes des épaules et des jambes (cf. fig. 5), très artificiellement orientées vers la gauche, ce qui a pour vertu de guider le regard vers cette zone de l’image (zone A : cf. fig. 6), une zone largement occupée par le groupe centré sur la main, et plus discrètement par le pied droit. On remarque d’autre part que le personnage représenté s’inscrit dans une figure géométrique – triangulaire, grosso modo - homothétique du contour du champ de gravure mais décentrée par rapport à lui, ce qui a pour effet de libérer à gauche, sur le fond uni, une bande oblique (zone B : cf. fig. 7) et de donner ainsi du relief au groupe « main droite + vase + objet indéterminé » qui s’y détache. Et si l’on croise les deux précédentes observations, c’est-à-dire si l’on superpose les secteurs A et B (cf. fig. 8), on voit que c’est le groupe centré sur la main et le poignet droits qui occupe la plage de recouvrement, la zone privilégiée de l’image par conséquent, la zone « noble » du champ de gravure : celle que nous avons appelée ailleurs « la place de 8 On retrouve une situation absolument identique avec la stèle C.I.S., 1, pl. XLI n°176 qui, elle aussi, a 5 l’autorité » et dont il se confirme ici qu’elle se situe généralement à gauche sur les bas-reliefs phénico-puniques9. On soupçonne alors que la main et le poignet droits de la femme qui sont tout particulièrement désignés à l’attention du spectateur et qui sont les seuls éléments dynamiques10 de la représentation, expriment la quintessence du message dont la stèle est porteuse. Et l’on pressent que tous les éléments qui s’ordonnent autour d’eux et qui sont, eux, statiques, n’ont de valeurs que circonstancielles : c’est-à-dire que les uns et les autres se limitent à préciser quand, où, par qui, comment, pourquoi l’un et l’autre sont ici symboliquement mis en mouvement. L’analyse de détail de l’image tentera d’en faire la démonstration mais une vision globale le confirme déjà : fermé au sommet par la courbe enveloppante et unificatrice du croissant renversé, limité à la base par l’étroit redan ménagé sur toute la largeur du monument, contenu sur les côtés par les obliques de la pierre, l’ensemble se présente en effet comme un petit tableau, c’est-à-dire comme un tout, ce qui est l’indice d’une unité thématique. Tous les éléments formels qui le constituent doivent donc bien concourir à l’expression d’une même idée. Mais venons-en à l’examen de détail annoncé en précisant au préalable qu’il portera successivement sur l’environnement puis l’apparence et, pour finir, la gestuelle du personnage mis en scène. Ce personnage se tient, nous l’avons vu, auprès d’un tertre et sous un symbole astral. été offerte par un homme et représente, à la fois en frontalité et sur une surface fermée, une femme. 9 Cf. notre Iconologie générale et iconographie carthaginoise, article en voie de publication dans Antiquités Africaines. 10 Réellement ou potentiellement : cf. infra, p. 14. 6 Le tertre est évidemment indicatif d’un espace à ciel ouvert11. Et cet espace à ciel ouvert doit être un lieu sacré puisqu’on le trouve évoqué sur un monument à vocation religieuse, ou magico-religieuse. Ce peut donc être une nécropole ou un téménos ou autre. Jusqu’à ce jour, aucune des tombes puniques découvertes dans les nécropoles de Carthage n’est apparue marquée en surface par un monticule de terre ou de cailloux. Ce constat n’exclut, certes, pas la solution « nécropole » mais la rend assez improbable. Le tophet de Salammbô, par contre, est justement caractérisé par les minuscules tumuli sous lesquels les urnes cinéraires ont été ensevelies. Les chances sont donc grandes que le tertre figuré par le graveur constitue un repère géographique fiable et localise la scène étudiée dans l’enceinte du tophet. La scène ne peut, en revanche, être située dans le temps. La dénaturation du croissant (par son passage à l’horizontalité et son association au disque) interdit, en effet, de la situer la nuit ou à un moment particulier du cycle de la lune. Tout au plus peut-on envisager qu’elle ait été placée sous les auspices de cet astre majeur qui l’embrasse ici toute entière de ses cornes épaisses, semble avoir une valeur propitiatoire quand il est à Carthage combiné avec le disque12 mais reste en général d’un symbolisme vague dans cette présentation. En tout cas, cette intemporalité s’accorde parfaitement avec la fonction de symbole que nous avons reconnue plus haut à l’ensemble du décor. Considérons à présent le personnage et, pour commencer, ses particularités physiques et la tenue qu’il porte. 11 Le décor ne comporte d’ailleurs aucun élément architectonique capable de renvoyer à un temple, comme on l’observe souvent : cf. BENICHOU-SAFAR (H.), Iconologie générale… iam cit. 12 La vogue qu’il a connue à Carthage suffit à nous en convaincre : à la troisième époque du tophet, par exemple, on le retrouve seul ou combiné au signe dit « de Tanit » sur 40% des monuments votifs : cf. BENICHOU-SAFAR (H.), Les stèles dites « de Sainte-Marie »…, p. 362. 7 Sa chevelure et son habillement montrent qu’il s’agit d’une femme. Ce constat n’est pas anodin car il fait état de ce qui est déjà un choix de la part du graveur. Et de fait, l’intention qui a présidé à la création de cette œuvre n’aurait peut-être pas pu s’accommoder d’un homme. Les traits du visage de cette femme sont très sommaires. Ils ne permettent donc pas d’y voir la marque d’un âge précis (entre 25 et 65 ans peut-être ?), ce qui n’est pas nécessairement négatif : on peut y lire une nouvelle confirmation de la valeur symbolique de l’action représentée avec l’indication que la personne qui s’y livre peut indifféremment être un sujet jeune ou moins jeune. Sa tête, d’autre part, est nue, ce qui ne laisse pas d’étonner quand on sait que toutes les femmes figurées sur les stèles votives ou funéraires de Carthage - dans un contexte empreint de religiosité, par conséquent - recouvrent la leur d’un grand voile retombant13 et que, dans d’autres sociétés sémitiques ou de tradition sémitique, l’absence d’un tel accessoire est pour une femme le signe d’une mise à l’écart et/ou une marque d’infamie14. De même, sa chevelure répandue sur les épaules surprend quand on pense que les respectables matrones carthaginoises mettaient un soin jaloux - à en juger encore par les stèles 13 Voir, par exemple, la stèle votive citée supra, note 8 mais, surtout, FERRON (J.), Mort-Dieu de Carthage, Paris, 1975, passim. 14 Dans la Bible, par exemple, le rédacteur de Nb. V, 18 réclame que la femme convaincue ou soupçonnée d’adultère soit « décoiffée » c’est-à-dire « dévoilée », explique H. NUTKOWICZ (Quelques mots sur le voile, de la Bible au Talmud, Res Antiquae, 2006, p. 8) puisque « la racine verbale employée [ … ] signifie décoiffer en découvrant et en rejetant ce qui enveloppe et cache les cheveux ». Le texte de la Première Épître aux Corinthiens (XI, 13) contient pour sa part cette phrase éloquente : « Jugez par vous-mêmes : est-il convenable qu’une femme prie Dieu sans être voilée ? ». Et J. BOTTERO rappelle (dans L’amour libre et ses désavantages, Mésopotamie. L’écriture, la raison, les dieux, Paris, 1987, p. 228) que, chez les Assyriens, les prostituées étaient appelées harimtu, terme qui « insiste, écrit-il, sur leur caractère à part des autres (harâmu = séparer) », et étaient « reconnaissables notamment […] au fait qu’il leur était interdit de porter le voile ». Pour la codification de cet interdit, cf. PRITCHARD (J.B.), Ancient Near Eastern Texts, 2ème éd., Princeton, 1955, p. 183 § 40. 8 locales - à ramener leurs cheveux sur l’arrière de la tête15. Et l’on se perd en conjectures sur ses mèches de cheveux serpentiformes16 qui courent ininterrompues le long de ses joues jusqu’aux épaules, envahissent son front et s’entremêlent sur la partie antérieure de son crâne (cf. fig. 917). Son cou, d’autre part, qui est cerclé d’un bourrelet, paraît ceint d’un collier d’un modèle inhabituel dans la bijouterie carthaginoise18, et porté haut, donc voyant (selon nos critères modernes, du moins), alors que c’est plutôt, semble-t-il, la base du cou ou la poitrine qui est habituellement garnie à Carthage19. Et cette étrangeté s’accompagne d’une autre, touchant également à la parure : le bracelet double qui orne rituellement la main droite du dévot à 15 Sur les stèles funéraires de Carthage, le voile des femmes, systématiquement écarté de part et d’autre du visage, trahit manifestement la volonté de montrer un cou complètement dégagé. Une unique fois, les cheveux semblent tressés : FERRON (J.), op. cit., pl. XLV= CAR n° 97. En dehors de la métropole africaine, la situation se présente différemment puisque les figures féminines phénico-puniques qui se présentent « en cheveux », arborent le plus souvent une coiffure plus ou moins courte mais standard, qui fait croire qu’elles portent une perruque ou que leur chevelure a été traitée de façon conventionnelle : voir, par exemple, pour Sulcis : BARTOLONI (P.), Le stele di Sulcis. Catalogo, Rome, 1986, pl. XLIV, n° 260-263, XLVII n° 269-272, XLVIII nos 273, 274, 277, XLIX nos 278, 280, etc. 16 À Carthage, nous n’avons retrouvé pareil traitement de la chevelure que dans le masque du « sanctuaire Carton » qui représente la tête de Méduse. Présenté à l’Exposition du Badischen Landesmuseum de Karlsruhe intitulée Hannibal ad portas. Macht und Reichtum Karthagos, Karlsruhe, 2004, cet objet figure dans le Catalogue sous le n°20, p. 237. 17 Nous remercions bien vivement ici J. DEBERGH qui nous a fait bénéficier de ses talents de photographe en nous autorisant à reproduire la fig. 5 (ici, fig. 9) de son article « Image grecque, interprétation carthaginoise » et en mettant à notre disposition la diapositive dont les détails feront plus loin l’objet de notre fig. 11. 18 Bien que très fruste à cet endroit, la surface de la pierre permet de discerner des petites incisions verticales. Il est donc probable que le graveur a voulu suggérer un collier fait d’une lame à motifs répétés ou de breloques identiques. 19 Cf. par exemple, PICARD (C.), Les représentations du cycle dionysiaque à Carthage dans l’art punique, Antiquités africaines, 14, 1979, p. 99 fig. 21 ; La Méditérranée de Phéniciens. De Tyr à Carthage, Catalogue de l’exposition de l’Institut du monde arabe, 6 novembre 2007 – 20 avril 2008, Paris, 2007, p. 354 n°214 ; Hannibal ad portas, p. 236 n°17 ; FERRON (J.), op. cit., pl. LXXXVIII, 3 n°217 ; MOSCATI (S.) dir., I Fenici, Catalogue de l’exposition de Venise, Milan, 1988, p. 417, 520…. Pour trouver à Carthage un collier porté, comme ici, plaqué contre la gorge et non étalé à la base du cou, voir celui qui rehausse la tête de Cérès sur certaines séries monétaires puniques : cf. JENKINS (G.K.) - LEWIS (R.B.), Carthaginian gold and electrum coins, Londres, 1963, pl. XVIII, n°397, XXXI, 9 ou 11, par exemple. 9 Carthage, à en juger par le fréquent motif de la « main levée »20, est ici porté au poignet gauche. Ainsi l’impression que notre effigie présente des caractéristiques hors normes se renforce-t-elle. L’examen du vêtement l’accuse à son tour, et plus fortement encore. Car cette femme qui, de façon insolite, expose ses bras nus, n’est pas habillée de la longue tunique à tombée droite et base horizontale que portent ses semblables sur les stèles de Carthage ou de l’univers phénico-punique en général21. Les sillons qui, de haut en bas, rayent son costume et évoquent selon les endroits, en même temps que des plis, l’ampleur, le bouffant, la souplesse ou la tension du tissu, se divisent en effet à partir de l’entrejambes et jusqu’aux pieds vers lesquels ils convergent, en deux groupes, ce qui donne à croire qu’elle est en réalité affublée d’une large « tunique-pantalon » ceinturée sous les seins mais surtout resserrée aux chevilles. Finalement, tout cet accoutrement dénote une complète marginalité du personnage. Aussi semble-t-il difficile d’y voir une citoyenne de la bonne société carthaginoise respectueuse des codes vestimentaires en vigueur et tentant, au contraire, d’y reconnaître soit une étrangère, soit une femme de basse condition : esclave ou prostituée notamment. Mais nous n’en aurons vraiment fini avec cet examen de l’apparence que lorsque nous aurons fait remarquer que notre « héroïne » a curieusement le pied droit chaussé d’une sandalette (que l’on devine découpée sur le dessus, au niveau des orteils) mais le gauche nu, 20 Il s’agit du symbole de la main droite levée, paume ouverte vers l’extérieur, qui a connu une faveur particulière à Carthage où on le trouve reproduit à des centaines d’exemplaires, sur les stèles votives notamment, mais qui a servi aussi hors de cette cité (par exemple, à Utique [CINTAS (P.), Manuel d’archéologie punique, I, Paris, Picard, 1970, pl. IV, n°13], Lilybée [Hannibal ad portas, p. 256 en bas] ou Palerme [Palermo punica, Catalogue de l’exposition du Museo Archeologico Regionale Antonio Salinas, 6 dicembre 1995 – 30 settembre 1996, Palerme, 1998, p. 193, n°185 à 187] et bien avant l’époque de sa domination (à Lachish, par exemple, où on le repère à l’Âge du Bronze : voir la main en ronde bosse datant du Late Bronze II qui porte le numéro d’inventaire WA 1980-12-14, 12036 au British Museum). 21 Cf. par exemple : C.I.S., 1, pl. XLI n°176 ; FERRON (J.), op. cit., pl. LX (en ht. à g.), LXXXV (id.); Hannibal ad portas, p. 256 (en bas) ; BARTOLONI (P.), Le Stele di Sulcis, pl. XLVI - XLVII n°265 et 268 ; MAES (A.), : Le costume phénicien des stèles d’Umm el-’Amed, Studia Phoenicia, XI (OLA, 44), p. 220 fig. 8.
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