Pour la personne handicapée : Un parcours de soins sans rupture d’accompagnement L’hospitalisation au domicile social ou médico-social RAPPORT Établi par : Pascal JACOB Président de Handidactique - I = MC2 en mission auprès de Madame Nora BERRA, Secrétaire d’Etat en charge de la santé en lien avec Madame Marie-Anne MONTCHAMP, Secrétaire d’Etat auprès de la Ministre des solidarités et de la cohésion sociale Février 2012 A Sonia, Romain, Clément et Frédérique JACOB Vous avez été les auteurs de ce rapport, dont je n’ai été que le traducteur, merci de votre énergie et de votre patience. 2 3 Ce rapport n’a été possible que grâce à l’engagement et la détermination de : Philippe BAS Jean CASTEX Émilie DELPIT Bertrand-Pierre GALEY Nicolas GALEY Patrick GOHET Maryvonne LYASID Agnès MARIE-EGYPTIENNE Denis PIVETEAU Annie PODEUR Emmanuelle THOMAS 4 5 Sommaire Préface ........………………………………………………………………………………...…9 Introduction ………………………………………………………………………………….13 PREMIERE PARTIE : CONSTRUIRE L’HOSPITALISATION AU DOMICILE SOCIAL OU MEDICO-SOCIAL ………………………………………15 1. Qu’est-ce que l’hospitalisation à domicile? ...……………………………………………15 2. Pourquoi l’HAD en hébergement social et médico-social ?....………………………….. 17 a. D u point de vue des personnes handicapées ...……………………………………….17 b. Du point de vue des familles …………………………………………………………16 c. Du point de vue du milieu hospitalier ………………………………………………..20 d. Du point de vue des établissements sociaux et médico-sociaux ...…………………...21 e. Intérêts de l’HAD en ESMS ……………………………………………………….....23 f. La vision des professionnels (hospitaliers, médico-sociaux, libéraux)...……………..25 i. Infirmiers et aides-soignants ...…………………………………....………….25 ii. Équipes éducatives………................................................................................26 iii. Rééducateurs …………………………………………………………………27 iv. Personnels d’encadrement…………………………………………………….28 v. Médecins……………………………………………………………………...29 3. L’expérience de l’HAD en EHPAD ……………………………………………………..31 4. Dans quels cas a-t-on besoin d’HAD pour des personnes handicapées accueillies en ESMS (notamment MAS ou FAM) ? Exemples et typologie clinique………………..31 5. Situations théoriques ……………………………………………………………………..32 6. Exemple concret : mise en place expérimentale d’une HAD pour un jeune adulte polyhandicapé résidant en MAS………………………………………….....32 7. Schémas types d’une intervention de l’HAD depuis la demande jusqu’à la réalisation de l’acte en établissement : contraintes et exemples…………………….........35 a. Le mandat territorial des établissements d’hospitalisation à domicile…………………... ......36 b. Les contraintes à lever afin de permettre l’intervention de l’HAD en ESMS………………...36 i. La connaissance précise de la situation médicale…………………..………..36 ii. La présence médicale et paramédicale………………………………..37 iii. La formation des professionnels……………………………………...37 c. La préparation………………………………………………………………...……....38 i. L’élaboration d’une convention cadre ………………………………..38 ii. La rédaction des protocoles de soins ………………………………...39 d. Le fonctionnement ………………………………………...…………………………40 i. La répartition des tâches entre l’HAD et la structure d’accueil…...….40 ii. La coordination des soins ………………………………………...…..45 1. Le médecin coordonnateur et l’équipe de coordination……..45 2. Le médecin traitant……………………………………….….46 6 iii. Le suivi, les ajustements, le passage de relais et la fin de la prise en charge………………..………………………………....46 8. Conditions de pérennisation …………………………………………………………..….47 a. Les besoins de formation...…………………………………………………….……..47 b. Les coûts………………………………………………………………………..……..48 c. Tarification……………………………………………………………………….…...50 d. Modalités d’observation et de suivi de la période de validation et révision de la circulaire à court terme (18 mois)………………………………......50 DEUXIEME PARTIE : L’AMELIORATION DE L’ACCES AUX SOINS DES PERSONNES TOUCHEES PAR UN HANDICAP SEVERE - 12 PROPOSITIONS ....53 Conclusion …………………………………………………………………………………...55 Synthèse du rapport……………………………………………………………………….…..57 Lettre de mission………………...……………………………………………………………60 Annexes : - Annexe 1 Contribution du Pr Louis Vallée (CHRU de Lille)……………………………….64 - Annexe 2 Contribution du Dr Le Bourgeois (Hôpital Saint-Joseph de Paris)……………..…65 - Annexe 3 Contribution du Dr Delaubier (CHU de Poitiers)………………………………....66 - Annexe 4 Contribution du centre de réadaptation de Coubert (77)…………………………..67 - Annexe 5 Contribution de la FEGAPEI……………………………………………………...68 - Annexe 6 Contribution de la FEHAP………………………………………………………...71 - Annexe 7 Contribution de la FNEHAD………………………………………………………72 - Annexe 8 Contribution de la MNASM …………………………………………………..…..73 Remerciements …………………………………………………………………………….…74 7 Préface D'où vient cette voix, cette voix sans paroles prononcées, inaudible dans le champ social ? Elle vient du plus profond de nous-mêmes, de notre humanité partagée, et nous ne l'entendons pas. Trop souvent nous évitons de nous mettre à l'écoute des personnes les plus vulnérables, alors même que ce sont elles qui appellent à l'extension de notre empathie, de notre attention aux autres, de la prévoyance collective. Elles sont porteuses des marques de notre humanité si précieuses au regard du corps social. Certaines personnes ne seront pas entendues socialement parce qu'elles ne peuvent s'exprimer verbalement. Parmi elles, les personnes polyhandicapées, les personnes atteintes de handicap intellectuel. Ou toutes celles qui, dans un contexte nouveau, sont inaudibles du fait de leurs difficultés d'articulation, de leur mutisme, de leurs troubles du comportement. Il faut ici parler en leur nom, au nom de leurs familles et des professionnels souvent remarquables qui les accompagnent quotidiennement, et que l'on stigmatise parfois au même titre que ceux dont ils prennent soin. C'est en laissant la place au discours des familles et des personnes concernées que ce rapport a été élaboré, par Pascal Jacob dont l'engagement au profit des personnes handicapées n'est plus à souligner, tant il a œuvré d'années en années pour faire évoluer les mentalités, pour créer de nouvelles conditions de vie et améliorer les conditions existantes, notamment au sein de l'association I=MC2 qu'il préside. Pascal Jacob allie sa volonté et sa sensibilité de père à la connaissance d'un expert dans le champ du handicap, avec toujours la volonté de parler au nom du plus grand nombre. Car le handicap est une notion délicate, très extensive, et recouvre des situations individuelles extrêmement variées, toutes singulières. Certains individus n'ont aucunement besoin que l'on parle à leur place. Ils savent faire valoir leurs capacités au travers de leur handicap. Mais cela dépend largement du contexte. Il y a fort peu de points communs entre un enfant sourd- muet, un adolescent autiste, un adulte atteint de Cérébral Palsy (IMC) ou une personne âgée polyhandicapée. Mais tous auront bien du mal à être accueillis à l'hôpital pour une prise en soin adaptée à leurs difficultés de communication. Tous auront intérêt à ce que leur voix puisse être entendue afin d'être socialement respectée. Pour cela, l'accès à des soins appropriés et la continuité de l'environnement social s'avèrent indispensables. Pourquoi extraire la personne de son milieu de vie où l'accompagnement est organisé autour d'elle ? Pourquoi renforcer la situation de handicap par le handicap social qui vient se surajouter à l'atteinte organique, et parfois augmenter la souffrance psychique par un nouvel isolement ? Car on peut être à la fois institutionnalisé et isolé. Il suffit d'être laissé pour compte, de n'être pas entendu dans ses souhaits, désirs et habitudes de vie ; d'être réduit à ses besoins fondamentaux, à ses fonctions organiques, d'être objectivé comme si l'on n'était qu'un corps. Or, prendre les décisions adaptées ne peut se faire et ne doit se faire, le plus possible, qu'avec 8 la personne et ses spécificités, et non pas en son nom et à sa place. La personne doit toujours être replacée au centre de l'activité de soin et d'accompagnement. Il n'est pas nécessaire d'avoir des facultés éminentes pour posséder un style de vie, une manière d'être singulière. Et l'accompagnement est une prise en considération du style de vie propre à la personne, de son rapport aux autres et à elle-même. La démarche éthique qui vise à apporter un bienfait aux personnes à travers une réflexion collective préalable prenant en considération la singularité, passe par une réflexion sur les principes (ce qui devrait idéalement être fait) et une réflexion sur les moyens (ce qui est envisageable). Bien souvent il y a antagonisme entre ces deux directions. Dans l'exemple qui nous occupe, il devient clair qu'une démarche d'hospitalisation à domicile mettant au centre de la réflexion la personne concernée ne conduit pas nécessairement à un surcoût pour la société. Pourquoi le séjour en milieu hospitalier serait-il toujours préféré à la possibilité de faire venir l'hôpital vers le lieu de vie des individus concernés ? La fragilité psychique de certaines personnes peut être renforcée par la séparation avec le milieu de vie habituel, avec leur famille, leurs amis, leurs activités favorites ou encore la présence de personnels avec lesquels une relation privilégiée est possible. Le simple fait pour certains de n'être plus compris, du fait de leur élocution difficile, de leurs troubles comportementaux ou de leur handicap intellectuel, est en soi une mise à l'écart, et ce quelle que soit la qualité de l'accueil à l'hôpital ou la bonne volonté que l'on déploie à leur égard. Privilégier le domicile à l'hôpital, est-ce une exclusion de plus ? Ce qui pourrait apparaître comme une exclusion de plus (ne pas accéder comme tout un chacun à l'hôpital) peut tout aussi bien être de l'ordre de la préservation d'un équilibre de vie. Il faut comprendre la démarche d'HAD comme instaurant une continuité, pour s'attaquer de manière transitoire à un problème précis et localisé (la maladie), ou assurer des soins récurrents dans une maladie chronique. Ceci ne doit pas faire oublier que pour nombre des personnes concernées, la sortie en dehors de l'institution est aussi un désir, pour échapper à une sorte d'insularité forcée, mais ces sorties sont désirées dans d'autres circonstances que celle d'un départ à l'hôpital, qui renvoie à une identité de malade. Etre handicapé n'est pas être malade La personne handicapée n'est pas une personne malade. La maladie se caractérise par son état transitoire, ou par la possibilité d'un retour à l'état initial. On peut être tétraplégique, s'enrhumer, et s'en remettre. L'atteinte virale n'est pas liée au handicap. Etre malade n'est pas un état, puisque l'on suppose en parlant de maladie une possible rémission. Comme avec le vieillissement, sur lequel la médecine n'a pas de prise, le handicap oppose aux professionnels du champ médical une résistance difficile à accepter : le patient ne ressortira pas de l'hôpital 9 libéré de son handicap, mais seulement traité pour sa maladie. Cela ne doit pas empêcher — bien au contraire — qu'on le considère comme tout autre patient, car sa fragilité est souvent plus grande. Mais être handicapé c'est être plus vulnérable Certes la maladie est à considérer avec davantage de précaution, car un simple rhume pour qui ne peut pas expectorer peut très vite devenir une bronchite ou une pneumonie. Mais ce n'est pas pour autant qu'il faut voir le handicap comme une maladie chronique acquise. Le handicap est une part de soi, certainement pas la plus agréable à vivre. Mais néanmoins une part de soi. Il appartient à l'identité de la personne, il est un état, avec lequel on a appris à vivre. Et cet état peut être plus ou moins bien compensé par d'autres affections, et par une mauvaise prise en soins. Avoir un handicap nécessite d'être compensé par un environnement La prise en soins (dans laquelle j'inclus ici l'accompagnement) se doit d'apporter un appui à la personne pour lui donner une certaine stabilité affective, une certaine confiance en ses possibilités et l'amener vers le silence des organes (l'absence de douleur). C'est une manière de compenser la différence de constitution là où elle existe pour que se déploient les capacités de chacun. Sans cela, dans la douleur, le mépris ou la sous-estimation, ces capacités resteront enfouies. On ne verra que le handicap et les incapacités, sans se souvenir que la douleur, la maladie ou la mise à l'écart affective ont des conséquences sur les capacités visibles. Il est toujours plus difficile de faire valoir celui que l'on est dans un contexte où l'on n'est reconnu qu'à travers ses déficiences. Dans ce cas on sera considéré comme un être handicapé plus que comme une personne qui a un handicap. Le handicap est une partie de soi et non une totalité résumant à elle seule toute l'identité personnelle. L'environnement familial et institutionnel dans lequel les personnes handicapées évoluent souvent est donc à considérer comme un appui humain et technique que l'HAD vient renforcer. Un défi de compétence à relever ensemble Le défi à relever est de ne pas tomber dans l'antagonisme des pratiques professionnelles, mais de valoriser les compétences des professionnels du champ médico-social et du champ hospitalier. Il n'y a pas, dans la prise en soin du handicap, de prééminence de l'un sur l'autre. La perception des enjeux, le vocabulaire, l'ordre des priorités, la manière d'y répondre n'est pas la même d'un champ professionnel à l'autre. De ce constat ne découle en rien l'impossibilité de travailler ensemble ou l'annexion d'un espace de travail par une équipe. D'une préparation minutieuse, d'une organisation précise des rôles de chacun peut naître au contraire un respect la compétence de l'autre. Celle-ci est possible et se doit d'être 10
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