JULES MARY ROGER-LA-HONTE JULES MARY ROGER-LA-HONTE 1886 Untextedudomainepublic. Uneéditionlibre. ISBN—978-2-8247-1671-8 BIBEBOOK www.bibebook.com À propos de Bibebook : Vousavezlacertitude,entéléchargeantunlivresurBibebook.comde lireunlivredequalité: Nous apportons un soin particulier à la qualité des textes, à la mise en page, à la typographie, à la navigation à l’intérieur du livre, et à la cohérenceàtraverstoutelacollection. Les ebooks distribués par Bibebook sont réalisés par des bénévoles del’AssociationdePromotiondel’EcritureetdelaLecture,quiacomme objectif:lapromotiondel’écritureetdelalecture,ladiffusion,laprotection, laconservationetlarestaurationdel’écrit. Aidez nous : Vouspouveznousrejoindreetnousaider,surlesitedeBibebook. http://www.bibebook.com/joinus Votreaideestlabienvenue. Erreurs : Sivoustrouvezdeserreursdanscetteédition,mercidelessignalerà: [email protected] Télécharger cet ebook : http://www.bibebook.com/search/978-2-8247-1671-8 Credits Sources: — BibliothèqueÉlectroniqueduQuébec Ontcontribuéàcetteédition: — Association de Promotion de l’Ecriture et de la Lecture Fontes: — PhilippH.Poll — ChristianSpremberg — ManfredKlein Licence Letextesuivantestuneœuvredudomainepublicédité souslalicenceCreativesCommonsBY-SA Except where otherwise noted, this work is licensed under http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/ Lirelalicence CetteœuvreestpubliéesouslalicenceCC-BY-SA,cequi signifie que vous pouvez légalement la copier, la redis- tribuer,l’envoyeràvosamis.Vousêtesd’ailleursencou- ragéàlefaire. Vous devez attribuer l’œuvre aux différents auteurs, y comprisàBibebook. I CHAPITRE A la ruelle du Montalais, qui descend au lac, et à deux pas du bois de Ville-d’Avray, s’élevait une maison de cam- pagne, fraîche et coquette au possible derrière ses clématites etsesplantesgrimpantes:vrainidd’amoureuxquidétestentlebruitet d’amantségoïstespourquilemondefinitàleuramour. LavillaMontalaisavaitétéachetéequelquesannéesauparavantpar M.RogerLaroque,uningénieur-mécanicien,trèsconnu,dontlesateliers deconstructionsétaientrueSaint-Mauretquiavait,enoutre,unappar- tementparticulier,boulevardMalesherbes,117. L’hiver,ilhabitaitboulevardMalesherbes;l’été,ilseréfugiaitàVille- d’Avray,avecsafemmeetsafille;maischaquematinsesaffaireslerap- pelaientàParis,rueSaint-Maur;ilydéjeunaitetrentraitlesoir,verssept heures,pourdînerenfamille. Le soir où commence notre récit – en juillet 1872 – à huit heures, contresonhabitudetrèsrégulière,RogerLaroquen’étaitpasencoreren- 1 Roger-la-Honte ChapitreI tré. Le dîner était prêt. La lampe suspendue venait d’être allumée dans uneravissantesalleàmangercommuniquantavecuneserreettouten- combrée de fleurs. Au salon, dont les fenêtres ouvraient sur une large terrasse, non plus qu’à la salle à manger, personne. Et l’on eût dit, sans leslumières,quecettemaisonétaitinhabitée,tantellesemblaitcalmeet commeendormieaumilieudesfleursdanslanuitenvahissante. Pourtant, à gauche du salon, deux voix chuchotent. De ce côté, se trouvelachambredeMᵐᵉLaroque,encoreplongéedanslademi-obscurité ducrépuscule. Deuxvoix,l’unesuperbe,graveetdouce,decellesquifontaimerune femmesanslaconnaître,l’autre,enfantine,pareilleausonducristal,ap- pelantlerire,lesjeuxetl’insouciance.C’estlamèreetlafille,Henriette LaroqueetSuzanne. MᵐᵉLaroqueatraînéunechaiselongueauprèsdelafenêtreentrou- verte. Elle s’y est assise. Elle a attiré Suzanne auprès d’elle. Elles sont blondestoutes deux. L’une a vingt-cinq ans. Elle est en pleine floraison desabeauté.L’autreaseptansetn’estpasencoreauprintempsdesavie. Ellesseressemblent. Bien que huit heures aient sonné et que depuis plus d’une heure son mari devrait être là, Mᵐᵉ Laroque n’est pas trop inquiète. De quoi s’inquiéterait-elle? Ne sait-elle pas que Roger l’adore autant qu’elle l’aime? Cependant,plusqued’autrejour,elledésireraitcesoir-làqu’ilnefût point en retard. Henriette et Suzanne l’attendent avec impatience et la maison elle-même, avec ses fleurs à profusion, son air souriant de fête, sembleétonnéedecesilenceetdecettesolitude. C’est que, justement, il y a sept ans que Suzanne est née : Suzanne, l’uniqueenfant,l’enfantgâtée,l’adorationdupère. Et,dansleslonguesheuresdelajournée,depuisl’avant-veille,Hen- riette lui fait réciter quelques mots qu’elle lui apprend par cœur et par lesquelsSuzannevasouhaiterlabienvenueàRoger,dansuninstant,lors- qu’ilentrera. Écoutezlavoixgravedelamèreetlecristalpurdelapetitefille,chu- chotant,n’osantparlerhaut,afindeconserverbienàelles,pourquelques 2 Roger-la-Honte ChapitreI minutesencore,lemystèredeleurdoucesurprise. —Tun’aspasoublié,chèreenfant? —Oh!non,mère,jen’airienoublié. —Quediras-tuàtonpère,lorsqu’ilt’embrassera? —Jeluidirai:«Père,jet’aimedepuisseptans.Jet’aimeautantque maman.Jesaisquetuconsacrestavieàpréparerlamienne,etquetute fatiguespourquejesoisheureuseplustard.Mais,pèrechéri,jenesuis jamaissiheureusequequandtum’embrasses.Jesaisquetuesindulgent pourmoi,ettouslesjoursjet’aimedavantage,parceque,touslesjours, jevoiscombientuesbon.Sijet’aifaitdelapeine,pèrechéri,c’estsans lesavoir…etjet’endemandepardon!» —Ettupensescequetudis,n’est-cepas,monenfant? — Oh! mère, dit la mignonne en jetant les deux bras autour du cou d’Henriette,c’estvrai,sais-tubienquejel’aimeautantquetoi! Lademiedehuitheuressonna. Henrietteeutungestedesurprise. —Tonpèrenedînerapasavecnouscesoir,dit-elle,viens.Jeneveux pasquetuattendespluslongtemps. Ellespassèrentdanslasalleàmanger. MᵐᵉLaroquesonnapourqu’onservît.Iln’yavait,àlavilla,pourtout domestique,qu’uncocher,unecuisinièreetunefemmedechambre,Vic- toire,laquelleétaitauserviced’Henriettedepuisdeuxjoursseulement. Ledînerfutsilencieux. Malgré elle, un vague sentiment de crainte oppressait le cœur de la jeunefemme.Àdeuxoutroisreprises,Rogers’étaittrouvéainsienretard, maisilavaiteusoindetélégraphier.Cesoir,rien.Pourquoi? Ellesrevinrentàlachambreàcoucher. Uneheures’écoula.Rogernerentraitpas. Henrietterêvaitdevantlafenêtre,demi-couchéesurlachaiselongue. Victoireavaitvouluallumer.Elles’yétaitopposée.Àquoibon?Elle n’avaitpasenviedelire,etilfaisaitunclairdelunemagnifique.Leciel étaitd’unbleutransparent,laissantdevinerdelointainsinfinis. Dixheuressonnèrent. —Tunedorspas,chérie?fitHenriette. —Non,mère,ditl’enfantdontlesyeuxétaientgrandsouverts. 3 Roger-la-Honte ChapitreI —Tuneveuxpastecoucher? —Oh!non,jevoudraisembrasserpetitpèreauparavant. Henriette,tourmentée,allas’appuyersurlebalcon,regardantversle cheminparoùRoger,venantdelagare,avaitcoutumed’arriver.Suzanne, auprèsd’elle,regardaitaussi. La villa Montalais est isolée de Ville-d’Avray par des jardins et des arbres. En face d’elle, dans les marronniers et un peu sur la gauche, est unepetitemaisonproprette,auxcontreventsverts,donnantdeplain-pied sur la rue, alors que la villa, au contraire, est séparée de la rue par une pelouseconstammentrafraîchieparunjetd’eau. Lamaisonnetteétaitéclairée;lesfenêtresouverteslaissaientvoirune chambremeubléed’acajou,ayantunetableaumilieuet,danslefond,une sortedebureau-secrétairepoussécontrelemur. Onzeheuressonnèrentnonloindelà,àl’égliseduvillage. —MonDieu!dit-elle,ques’est-ildoncpassé? Et,s’adressantàsafille: —Tun’aspasfroid?Tunet’endorspas? —Oh!non,mère!ilfaitsibon,etjevoudraistantvoirpetitpère! Danslamaisond’enface,devantlesfenêtres,unhommedemoyenne taille venait de passer et s’asseyait à son secrétaire qu’il ouvrait. On le voyaitdistinctementetHenrietteetSuzanneleregardaient.C’étaitlelo- cataire,lepèreLarouette. —Notrenouveauvoisinestrentré,ditlapetite. L’hommeavaittirédesaredingoteunportefeuillegonflé,l’avaitvidé etéparpillaitdevantluilesliassesdebilletsdebanque,desrouleauxde louis,unefortunequ’ilsemitàrangerméthodiquement,comptantetre- comptantavecunplaisirvisible. HenrietteetSuzannelevoyaientdeprofil;et,telqu’ilétaitplacé,La- rouettetournaitledosàlaported’entréedesachambre. —Qu’est-cequ’ilfait,notrevoisin?interrogeaSuzanne. —Ilcomptedel’argentqu’ilvientderecevoir,sansdoute. Onentenditlepremierquartdeonzeheures,aucarillondel’église. Henriettesepenchasursafille,etl’embrassaaufront,longuement. —JevaisappelerVictoirepourqu’elletedéshabilleettecouche,dit- elle. 4 Roger-la-Honte ChapitreI —Oh!mère,encoreuninstant…Papanepeuttarder… —Non,mignonne,ilsefaittard…Tuseraisfatiguée. Et la jeune femme appuya sur le bouton d’une sonnette électrique communiquantavecl’officeetseremitaubalcon. Suzanneregardaitdanslarue,leplusloinqu’ellepouvaitvoir. Victoireentra. —Allumezunelampeetlaveilleuse,ditHenriette,puisvousprendrez Suzanne. Aumêmeinstant,lafillettesepenchaitendehorsdubalconenbattant desmains,riantetappelant,dansuncridejoie: —Père!père!noust’attendons…Jenesuispascouchée!… Unhomme,eneffet,remontaitlarue,àquelquespasdelà.Ilétaitde hautestature,coifféd’unchapeaugrisclairetvêtud’unpardessusd’été égalementgris,avecunepèlerinesurlesépaules. AucrideSuzanne,ilsejetadanslesmarronniers,devantlamaison. Henriette,ensepenchant,l’avaitvuaussi. —Roger!Roger!dit-elle,pourquoies-tuenretard?…Dansquellein- quiétudetunousasmises,situsavais!… Maisl’homme,qu’ileûtentenduounon,nerépondaitrien.Ilsecou- lait maintenant, le dos baissé, dans les arbres, de tronc en tronc, en se rapprochantdelamaisondeLarouette. Toutàcoup,ileutàfranchirunsentier.Lalunel’éclairaencore… —C’estRoger!…murmuraHenriette,quefait-ildonc?oùva-t-il? Suzanne, étonnée, se taisait, mais ses yeux suivaient son père avec unecuriositéinquiète…Etlamèrenerespiraitplus…lecœurtordupar uneangoisse…lesmainscrispéesauferdubalcon…trèspâle…lesdents serrées…presqueméconnaissable… L’hommedépassalesarbresetpénétrafurtivementdanslamaison. —Tiens!fitSuzanne,pèrequivachezlevoisin!… Quelques secondes se passèrent. Larouette se levait, et, debout près desonsecrétaire,refermaitlestiroirsàclefavecméthodeetlenteur. Tout à coup, il se passa derrière lui une chose qu’il ne vit pas, mais que,deleurbalcon,distinguèrentSuzanneetHenriette. La porte du fond venait de s’ouvrir doucement, sans aucun bruit, puisque Larouette n’avait pas entendu, et un homme qui paraissait de 5
Description: