L' Initiation s 0 M M A 1 R E CAHIERS DE DOCUMENTATION ESOTERIQUE TRADITIONNELLE ORGANE OFFICIEL DE L'ORDRE MARTINISTE In memoriam, Robert Ambe,ain, par Yves-Fred Boisset ......................... 129 Revue fondée en 1888 par PAPUS (Dr Gérard ENCAUSSE) Martinézisme ef martinisme, par Robert Ambelain ................................. 131 Réveillée en 1953 par le Dr Philippe ENCAUSSE Deux articles à propos de l'alchimie, par Richard Khaitzine ................... 134 Le Corbusier et l'architecture religieuse (suite), par Michel Léger ......... 143 Directeur : Michel LÉGER Les dialogues avec l'ange (suite), présentation de Daniel Steinbach ........ 155 Rédacteur en chef: Yves-Fred BOISSET Nos lecteurs nous écrivent : Robert Francken .......................................... 166 Souvenir: sur l'alchimie, par Sédir ........................................................... 167 Le martinisme dans Balzac, par Émile Ferdar. ......................................... 1T l Initiation des femmes, par Oswald Wirth .................................................. 178 Les livres et les revues ......•.......................................................................... 181 US JOURNÉES PAPUS 1997 AURONT UEU US 17 18 U 19 OCTOBRE PROCHAINS # Le dimanche 19 : à 10 heures: nous nous retrouverons devant la porte d'entrée « Gambetta » du cimetière du Père Lachaise. Nous rendrons hommage au docteur Gérard Encausse (Papus) et à son fils, notre bien aimé frère le docteur Philippe Encausse, qui repose à ses côtés. ROBER"f AMflE!.AtN [1907-1'997) (photo confiée par madame Robert Ambelain) A 12 heures 30: comme chaque année, tous ceux qui le pourront participeront au traditionnel « banquet Papus » qui aura lieu à la Maison de la Mutualité, 24, rue Saint Victor, Paris 5ème. Toutes les informations relatives à ces jourf?ées peuvent être requises auprès du siège de /'O:.: M:.:, 5fl, rue de la Chapelle, 75Q18 Paris Nouvelle série (depuis 1953) Trimestriel : 45 F N°3de1997 juillet-août-septembre 1997 129 li' l niti ution ' h, nu• .1111111 Bo11wrl, 112 ioo Bo11log1w-Bllln11court lN Ml!MOftlAM ! ft091!ftT AM91!lAlN ( '( 'I' 1 PAHIH tt •. .z1m ••~ o 11 Acl111l11h1lrnl111u·: .1111•111wlh111 l1!N( 'Al ISRE Arh11lul11lrnh•111'"11rl,loh1I 1 A1111h• llOISHKI' H"1l111'(1•m'N 1111Jol11IN1 MAIU 'l IS 1•1 M.-11', 'l'l IRPAllD l e 27 mai dernier, un s'attachait toujours à le transmet d'entre les plus tre à ceux qui s'en montraient di grands de tous les gnes, à ceux qui étaient animés vrais cherchants de de ce vrai désir qui est dans le AMIH 1i11:( "l'li:llRH IU:'l'AIU»A'l'AllO:H, notre siècle a quitté notre plan cœur de toute martiniste ou/et de -.N'A'l"l'li:NU11;1, PAH 1'0111~ HOllNt 'IUIU: terrestre. Ce jour-là, Robert Am tout franc-maçon attaché à la VO'l'IUI! Al lON Nl 1!M 11:N'I' 11111 belain, au soir d'une vie remplie Tradition. ('l'AN/11:\' UN IV l>U l 'OIWU/l'/'11100 sans défaillance au service de la Il était auprès de Philippe En Vraie Connaissance, s'éteignait causse quand celui-ci réveilla AMIN l.IC( 111'1~1 li{I~ PIU\:c '11 HN11:11u1-1, (selon l'expression courante) !'Ordre et la revue en 1953. C'est VOllH 1•011v11:1, nfi:.1A HOllHC 11mu: alors que nous savons que, dans le deuxième numéro de VO'l'IUl: AllONNl1:M11:N'l1 l1111H comme il aimait à nous le rappe cette nouvelle série que Robert (1'A Nl JI:',' IN< '//, j N0 IÎW) ler, ceux qui auront éclairé les publia l'article que nous reprodui autres seront toujours présents. 1 sons dans les pages suivantes. (chè111111o u ( 1c :p 1) l'm11h1111h• l'lul011llm1 à uRno bmeortm fuetn, t pdoounrn téo udse cleeuuxr cquuri , eLte ss 'adiemuaxi ehnotm mmêemse s s'ai plperuércs iacioenn t llt lldl'llNN~ IÎ l'111lmlulHh111hHll'~ sus initiatique, ont eu le bonheur ceptions furent parfois divergen de le rencontrer et de faire avec tes. Mais, pour nous, qui avons lui un bout de chemin, un remar eu l'honneur et le bonheur d'être quable enseignant tant son érudi de leurs amis, ils demeurent à tion dans les divers domaines jamais unis dans nos souvenirs et Les O(>inîons éo1l11cN dnuNl cN 111'1,h'.ltlN 'I"" 1mhlh1l 'INl'l'IA'l'ION doivent religieux, ésotériques et initiati dans nos prières comme dans être éonsidérécs comme Jll'Olll'llN1 ) llHU'lj nUllllU'll 111 11'tm1~11gent que la ques était vaste et embrassait notre reconnaissance. l'llNllOllNHhlllh'i cl11 1111111!"1'1, toutes les connaissances, même L'INITIATION !Hl 1•é1m11tl llllN1 h1H 111111111111'1111111•11u11111111iqués. les plus intimes et les plus ca Nous renouvelons à Ma 'Les IJlllllUNCl'ltN 11011 ntlllN~H 1111 Noui l•Hpj l'llllilllN. chées. dame Ambelain ainsi qu'à ses Mais il fut bien plus qu'un ensei proches, l'assurance de notre gnant : il fut un véritable éveilleur, fraternelle sympathie et nous ce qui, dans les choses de la lui sommes reconnaissants de spiritualité, revêt une importance nous avoir confié la photo de primordiale. Ce qu'il avait reçu, il " Robert qui illustre notre cou verture. 1 Quand l'annonce de son départ nous est parvenue, le numéro 2/97 de la revue était déjà en fabrication. C'est la Yves-Fred BOISSET ©Tous droits de reproduction, do lrnduollon ul d1nd11plntlo11 rt\11111v i\11 pour tous puys. raison pour laquelle nous avons dû différer au présent numéro l'hommage Le directeur: Michel LEGLlR, 2, ulluo l ,11 11111y1~1 u, '/HOOO Vot Hfllllos que nous sommes désireux de lui ren Cert.d'Inscr. à la Commission paritaire du pttplo1· Uù pl'llHllU d11 21·9·7011° S0.554 dre. Imprimerie BOSC FRERES, 69600 Oullins· l)apôt li.\µ,ul 11" %2·1• Hùpt.199 130 131 Nous avons reçu cet avis que nous publions ci-dessous, in extenso. Robert AMBELAIN (Aurifer S::: !:::) 1 ~ ~ ckakui /lkp,,-u (da tb!t/7? MARTINÉZISME ET MARTINISME d, !'!h@{l/l& Le Temple de Salomon, merveille de la Jérusalem antique, .:;..; ... ,. .• ,,.:.;.·f;. .... ,, •., ... .. ·.'.j·,:::-.. • _,,.,, exécuté sur l'ordre de ce roi selon les instructions et d'après les schémas mystérieux reçus de David son père par l'archi À la gloire du Grand Architecte de l'Univers tecte Hiram et les compagnons-constructeurs des Corporations tyriennes, fut construit à l'image de l'Homme Archétype et à celle Très Chers Frères, de l'Univers. « Étudier le symbolisme secret du Temple, c'est étu j'ai le devoir de vous annoncer que le T:: P:: M:: dier l'un et l'autre ». Robert Ambelain, Aurifer, Eques a Reconciliationibus i.O. Tels sont à ce sujet les enseignements secrets des Élus-Cohens, , déjà Souverain Grand Commandeur de N:: V:: 0:: résumé dans la pièce n° 3 du manuscrit 5475 de la Bibliothèque de Lyon. est transité en le cercle de purification et est passé au Grand Orient Éternel de tous les Orients. Le Temple est donc un élément ésotérique et prophétique perma nent. Il porte en lui les schèmes de son propre destin relatif, reflet Notre T:: P:: M::, le Souverain Grand Commandeur Ivan du Destin Éternel de l'Homme et du Cosmos. Mosca Hermete, Eques Peregrinus a Stella Matutina i.O., qui de Lui eut la succession il y a trente ans (le juin 1967 A::D::) Il s'identifie à eux par l'analogie qui les unit, Microcosme embléma vous invite à la méditation et à vous réunir spirituellement tique du Macrocosme, véritable miroir de pierre où s'est miré !'Ar- dans une chaîne d'union idéale à sa mémoire. chitecte Primitif: Adam-Kadmon. ' P.t.1.n.q.s.c. Et au stade second, les cinq Objets essentiels du Sanctuaire que sont le Chancelier hebdophore, la Mer d'Airain, l'Autel des holo caustes et celui des parfums, la mystérieuse Arche du Témoi gnage, ces cinq Objets aux redoutables consécrations, ne sont que LE GRAND SECRÉTAIRE GÉNÉRAL (Amedeo De Giovanni, Ariel 1.0.) les Symboles, Pantacles à trois dimensions, Centres théphores, des Cinq « »Apparences » (les Personna du christianisme latin), de l'Ancien-des-jours de la Kabbale, les Attributs mystiques et 4,=_,jttA'"~! 1f théurgiques du Nom Essentiel : /eshouah, le Grand Nom de Cinq Lettres. 111 C'est dire que, pour comprendre l'ésotérisme secret du Temple, pour réaliser l'ascèse des courants idéologiques qui véhiculèrent ce mot fatidique, véritable nom-de-pouvoir bien avant notre ère, et Rome, le 13ème jour de la Lune de Sivan 5757 A:: M:: pour atteindre l'enseignement ultime de /'Initiateur Éternel qui Je 18 juin 1997 A::O:: 1 Cet article, publié initialement dans le numéro 2 de 1953, a été repris dans le nu méro 3 de 1991. 132 133 s'identifia à lui, il faut avoir soi-même vécu occultement sa cons ces hautes vérités ... Il en résulte de tout ceci que c'est un excellent truction, sa ruine et sa résurrection symboliques. mariage à faire que celui de notre première École et de notre ami Boehme. C'est à quoi je travaille, et je vous avoue franchement Cela, seul, un Maitre-Maçon le peut, qui connaît l'acacia et son que je trouve les époux si bien partagés l'un et l'autre, que je ne symbole, qui, mort dans. les ténèbres du Hikal, avec Hiram, comme sais rien de plus accompli. .. " Hiram, s'est relevé, dèux-fois né, dans toute la gloire du Debbhir illuminé, avec /'Étoile, et avec le Maitre. Cela, un profane l'ignorera Et le Philosophe Inconnu écrivait ces lignes en 1796, soit six ans toujours parce qu'il ne l'aura pas psychiquement vécu. après avoir démissionné de tous les Ordres Maçonniques et des Élus-Cohens eux-mêmes ... Mais, de même que pour comprendre l'ésotérisme du Temple de Jérusalem il f~ut avoir vécu la mort et la résurrection d'Hiram, de C'est dire que sa pensée, demeurée vivante pour ses nombreux même pour accéder à la connaissance du Temple Céleste, il faut disciples, trouve encore au sein des derniers Martinézistes, un le réaliser en soi-même, et vivre théurgiquement sa construction écho fidèle, et qu'il faut souhaiter que les « lumières » symboliques et sa défense. Martinez de Pasqual/y n'a pas enseigné autre de leurs cercles opératoires brillent encore longtemps ... chose. Sans doute le martinézisme opératif demeurera longtemps une Martinistes et Martinézistes sont donc bien frères en esprit. Mais le énigme pour le rationaliste (nous disons «longtemps » et non tou premier est un spéculatif, et le second est à la fois un spéculatif et jours ... ). Mais le rationaliste est-il certain de posséder la vérité ab un opératif. solue? C'est ici qu'il convient de se souvenir de l'axiome du plus gnostique des Apôtres : saint Paul. " .. .Et la Foi n'est que la subs Tel le second Architecte du Temple, ce Zorobabel énigmatique qui tance des choses espérées. .. " ombre de sa légende et de son nom un de ses hauts-grades, le Martinéziste « opère » à la fois sur lui-même et sur l'Univers par le Pour le disciple de Martinez de Pasqually, il arrive au bout de peu canal de ce Plasma Cosmique qu'est 1' Éther Astral, à qui Platon de temps que la manifestation fulgurante déclenchée par une opé attribuait déjà pour image le Dodécaèdre, symbole de la Cité ration lui démontre, par elle-même et ses déroulements secondai Sainte. Ce faisant, le Cohen œuvre à la reconstruction et à la dé res successifs dans le temps, que ni l'autosuggestion, ni le fense de cette dernière, ésotérique image de l'Homme Collectif du subconscient, ne sont à' la source des phénomènes hyperphysi troisième Temple dont le CHRIST, ou« Réparateur», est le nouvel ques ou praeternaturels qu'elle constitue. Dès lors en possession Hiram, l'unique Architecte. Et cette Cité Mystique a nom lonah, la d'une certitude, celui que Martinez de Pasqually nommait, en son 1 « Grande communion des Saints ». étrange vocabulaire, un « Mineur Spirituel» devient un « Mineur Réconcilié ». Là où le profane ne voit donc qu'une école de magie, là où le ratio naliste ne voir qu'une mystique d'un autre âge, le véritable Marti Et l'Âme qui quêtait la Lumière est, ~ésormais correctement orien niste peut rencontrer alors la justification de cette parole du tée, sur le chemin de l 'Adeptat. .. Philosophe Inconnu qui, vers les dernières années de sa vie com prit enfin la profondeur de pensée de son Maître : "Je suis même tenté de croire que M. de Pasqually, dont vous me 1 Du latin minor (petir) et spiritus (esprit). Cette expression désignait, pour Martinaz parlez, et qui, puisqu'il faut vous le dire, était notre maître, avait la de Pasqually, l'esprit en tutelle, l'Âme déchue, soumise aux Archontes. Quant au second terme, il vient du latin conci/io (assembler, réunir) et reconcilio (ramener, « clé active » de tout ce que notre cher Boehme expose en ses établir). Le Mineur Réconcilié était l'opérateur ayant réalisé un commencement de théories, mais qu'il ne nous croyait pas en état de porter encore réintégration 134 135 Richard KHAITZINE Mathieu de Lesseps était grand amateur de grades maçonni DEUX ARTICLES À PROPOS DE L'ALCHIMIE ques ; il avait été initié au Rite Écossais Philosophique, au rite Ecossais Ancien et Accepté et au Rite de Misraïm. On signale une 1) Ferdinand de lesseps loge au Caire avant 1788, et il est probable que l'implantation de la franc-maçonnerie se développa lors de la campagne d'Égypte. Afin de faire suite à l'excellent article de Christian Lochon 1 , il n'est Dans la première moitié du XIXème siècle, le Grand Orient de peut-être pas· inutile de rapporter les faits suivants. Les lecteurs France fonda trois loges à Alexandrie et une à Mansourah. Quant à des Alchimiques mémoires d'Eugène Canseliet savent que, selon la Mère loge de Paris du rite Philosophique, elle fonda les Cheva lui, Ferdinand de Lesseps, constructeur du canal de Suez, avait liers des Pyramides au Caire en 1811 et les Amis de la Concorde à l'habitude de -recevoir monsieur «X», personnage dont l'état-civil Alexandrie en 1812 ; lesdites loges s'affilièrent peut-être par la fut occulté par un pseudonyme passé à la postérité : Fulcanelli. suite à la Société Secrète Égyptienne. Selon un rapport secret de la police autrichienne en Italie, daté du 1er décembre 1818 à Ve Ces rencontres avaient lieu au 22 de l'avenue Montaigne, dans nise, il s'était fondé en Égypte, sous la protection du pacha Méhé le v·lllème arrondissement de Paris. À cet emplacement, de nos met Ali, un ordre maçonnique dénommé Société Secrète jours, se trouve le siège de France 2. Autrefois, dans la seconde Égyptienne. Cet ordre pratiquait le Rite Écossais Ancien et Accep moitié du XIXème siècle, Ferdinand de Lesseps y avait fait cons té ; son originalité résidait en ce que le vénérable y prenait le titre truire une curieuse demeure de style mauresque, connue sous le de Grand Cophte, ce qui semble le placer dans la filiation, du nom de Pavillon égyptien. Il est vrai que depuis la campagne moins spirituelle, de l'ancien Rite de la Haute Maçonnerie Égyp d'Égypte ce pays et son architecture étaient à la mode en France, tienne de Cagliostro. Cet ordre était ouvert aux femmes comme comme en témoigne encore le passage du Caire. Le logis de aux hommes, fait peu courant mais qui était de mise dans la Char l'avenue Montaigne aurait été construit afin de recevoir le grand bonnerie et chez les Mopses d'Allemagne. La Société Secrète ami de Ferdinand de Lesseps : Abd-el-Kader. L'émir fut-il abrité là possédait deux loges principales à Alexandrie et au Caire et des lors de sa venue à Paris à l'occasion de !'Exposition universelle de succursales dans différents ports de la méditerranée, notamment 1867? On l'ignore. 2 en Italie et dans les îles ioniennes. Comment s'établirent les liens d'amitié qui unissaient les deux Pour en revenir à Mathieu de Lesseps, il fut un admirateur de hommes? On le sait : Abd-el-Kader, contacté par la loge Henri IV Napoléon et l'un de ses hauts fonctionnaires les plus dévoués. Il du Grand Orient de France, en 1864, fut initié à la loge Les Pyra posséda la charge du préfet du Cantal durant les Cent-Jours. No mides. Ce qui se sait moins, ce sont les implications de la famille tons que Pierre Dujols, dernier descendant des Valois et grand ami de Lesseps avec la maçonnerie. Le père de Ferdinand, Mathieu de de l'alchimiste Fulcanelli, était originaire de cette région, tout Lesseps, fut secrétaire de la légation française au Maroc (1791- comme Grasset d'Orcet, l'érudit mentionné à diverses reprises par 1797). De 1803 à 1806, il fut commissaire des relations commer Fulcanelli dans ses œuvres. ciales en Égypte, puis consul général de France à Livourne Id (Toscane), commissaire impérial à Corfou (1809-1814), consul En 1818, le Grand Cophte de la loge d'Alexandrie était Domenico chargé d'affaires à Alep (Syrie) de 1824 à 1827 et à Tunis de 1827 Drovetti, un Piémontais d'origine, ex-consul de France au Caire, ce à 1832, date de sa mort. qui montre bien les implications entre l'action napoléonienne dans le bassin méditerranéen et ses liens avec la Société Secrète Égyp 1 voir <<!'Initiation», n° 1 de 1997, pages 23 et SS. tienne. Le protecteur de ladite Société, le pacha Méhémet Ali, était 2 Une photo de ce petit édifice peut se voir dans le livre d'Irène Hillel Erlanger un grand ami de Mathieu de Lesseps et l'on prétend que ce dernier «Voyage en kaléidoscope», éd. de la Table d'Émeraude. aurait participé à l'établissement de la Société Secrète Égyptienne. 137 136 1 Curieux roman que ces Voyages en kaléidoscope , livre rédigé dans le style dada. Ouvrons une parenthèse à ce sujet. Le mou Si Ferdinand de Lesseps fut l'artisan du canal de Suez, les liens vement dada fut constitué par Tristan Tzara à Zurich et comme son d'amitié qui unissaient .son père et le pacha d'Égypte n'y furent nom l'indique - un dada étant un cheval en langage enfantin - il pour rien. Rappelons également que Ferdinand fut membre du n'était pas sans rapport avec la cabale phonétique ou Langue des courant saint-simonien· et que le projet du canal de Suez prit nais sance èhez ces derniers. L'époque était aux idées novatrices et Oiseaux2 . généreuses sous l'influence des doctrines de Fourier, de Considé La Suisse fut dignement représentée dans les milieux montmar rant, de Proudhon et de Saint-Yves d'Alveydre. Le comte de Saint trois de la fin du XIXème siècle, notamment au Chat Noir; de plus, Simon - neveu du mémorialiste Henry de Rouvroy, comte de Saint nombreux étaient les libertaires qui y avaient trouvé refuge. Simon - développa une école de pensée pré-socialiste. Quant au saint-simonisme, il fut l'œuvre de ses disciples Enfantin, Bazard et Lors de la parution des Voyages· en kaléidoscope, Fulcanelli Pierre Leroux. Ces deux derniers furent membres de la Charbon s'étonna qu'une femme ait pu consacrer des pages aussi précises nerie. Très lié avec George Sand, Leroux devait fonder avec cette à l'alchimie ; d'ailleurs, il évoqua ce livre dans ses Demeures philo dernière la Revue Indépendante. Ladite revue fut reprise ensuite sophales. Il est probable qu'Irène Erlanger avait bénéficié de confi par Félix Fénéon, un habitué du cabaret du Chat Noir. dences de la part de Pierre Dujols. En outre, elle fréquenta le 22 de l'avenue Montaigne et le café de la place Blanche, là où se ré Ferdinand de Lesseps disposait d'une résidence à Villiers-le-Bel unissaient les surréalistes. Contrairement à une légende qui a la et d'un appartement rue Vernier à Paris. A cet endroit, existait un vie dure, madame Erlanger ne fut pas empoisonnée après la sortie laboratoire d'alchimie qui se verrait encore de nos jours selon ce de son livre. Elle décéda le 21 mars 1920. En revanche, il est que nous confièrent des amis de cette illustre famille. Il faudra bien exact que les exemplaires de son curieux roman furent retirés rapi un jour rendre justice à Ferdinand de Lesseps et aux siens dont le dement de la circulation. Certains ont voulu y voir un complot. Il est nom fut injustement traîné dans la boue à la suite du tristement plus probable que ce soit l'entourage de Fulcanelli qui procéda au célèbre scandale de Panama. Si la famille de Lesseps et quelques rachat et, ce, pour une raison précise. En effet, Les Voyages ~en uns des amis de Ferdinand furent inculpés, les vrais coupables kaléidoscope livrent, à diverses reprises, l'état-civil de !'Adepte ... bénéficièrent de l'entière impunité. Si il y eut enrichissement dans cette affaire ~ et d'immenses fortunes s'édifièrent - ce fut au sein de la classe politique. Environ cent cinquante politicards y trouvè LE CHAT NOIR ET FULCANELLI rent leur compte, dont le ministre des Travaux Publics. Quant au Crédit Lyonnais, il bénéficia de huit millions de francs perçus au Qui ne connaît le célèbre refrain composé par Aristide Bruant à titre de commissions. la gloire du cabaret montmartrois : Concernant le logis du 22 de l'avenue Montaigne, on peut le voir " Je cherche fortune figurer dans l'étrange roman, publié chez Crès en 1919 et signé Autour du Ch!'at Noir par Irène Hillel Erlanger : Voyages en kaléidoscope. Irène Erlanger Au clair de la lune était l'épouse du compositeur Camille Erlanger et appartenait à A Montmartre le soir " l'illustre famille des Camondo. L'un de ses ailleuls, Abraham, mort en 1873, avait été le banquier du sultan de Constantinople. 1 La Revue Indépendante existe toujours. Dirigée par notre excellent Bernard Drupt, 1 réédité par les éditions de la Table d'Émeraude, en 1984. elle est l'organe du Syndicat des journalistes et des écrivains, 206/208, rue Édouard 2 Sur ce sujet, lire« la langue des oiseaux», de Richard Khaitzine (éditions Dervy). Branly, 93100 Montreuil sous Bois. "~ 138 139 En revanche, rares sont ceux qui se sont avisés que cet endroit 1) il fut membre de cette obscure diplomatie ; fut étroitement lié au courant alchimique du dernier quart du 2) il créa lui-même ce haut-lieu. XIXème siècle, même si Fulcanelli lui consacra quelques lignes soigneusement pensées dans ses Demeures f!hilosophales. Il est pour le moins étrange que personne, dans les milieux se piquant de s'intéresser aux arts ou à l'ésotérisme, ne se soit avisé " Ce sont les moustaches du chat qui lui ont fait donner son nom ; de certaines singularités contenues dans les confidences fulcané on ne se doute guère qu'elles dissimulent un haut point de science, liennes. Jamais Fulcanelli n'a accrédité la thèse - retenue par les et que cette raison secrète valut au gracieux félin l'honneur d'être élevé au rang des divinités égyptiennes. À propos du chat, beau historiens - selon laquelle Salis aurait été· le gérant de cet établis coup d'entre nous se souviennent du fameux Chat Noir qui eut tant sement. Il écrit en toutes lettres que le seigneur de Chatnoirville y de vogue sous la tutelle de Rodolphe Salis. Mais combien savent exerçait une tutelle. quel centre ésotérique et politique s'y dissimulait, quelle maçonnerie internationale se cachait derrière l'enseigne du cabaret artistique? Qui dit tutelle - et personne ne nous contredira sur ce point de D'un côté, le talent d'une jeunesse fervente, idéaliste, faite droit - dit aussi conseil de tutelle et subrogé tuteut? Or, il exista bel d'esthètes en quête de gloire, insouciante, aveugle, incapable de et bien un conseil de tutelle au Chat Noir, conseil vraisemblable · suspicion ; de l'autre, les confidences d'une science mystérieuse ment composé de membres qui furent de généreux donateurs mêlée à l'obscure diplomatie, tableau à double face exposé à des ayant participé à l'instauration de ce cabaret. Au sein de la liste sein dans un cadre moyenâgeux. L'énigmatique tournée des que nous publierons au sein de l'ouvrage consacré à ce sujet 1 se grands-ducs, signée du chat aux yeux structateurs sous sa livrée révèlent de très grands noms : Ferdinand de Lesseps, Jules Verne, nocturne, aux moustaches en «X», rigides et démesurées, et dont Félix Tournachon, dit Nadar, Camille Flammarion, Mistral et Ana la prose héraldique donnait aux ailes du moulin montmartrois une valeur symbolique égale à la sienne, n'était pas celle de princesses tole France ... La plupart de ces personnalités créèrent également en goguette ... " la Société pour la propagation du plus lourd que l'air, autrement dit : l'aviation. Mais qui fut le subrogé tuteut? Nous parierions vo Ces curieuses et troublantes confidences sont assorties de deux lontiers qu'ils s'agissait de Fulcanelli en personne. notes: En 1886, Salis n'a plus le moral. Si le Chat Noir a suscité un le signe de la Lumière. Le dialecte picard, gardien, comme mouvement de curiosité bien parisien, l'intérêt est retombé. Ce fut le provençal, des traditions de la langue sacrée, a conservé le Charles de Sivry, le beau-frère de Verlaine, qui suggéra à Salis de son dur ka pour désigner le chat : réveiller l'intérêt de la clientèle au moyen de marionnettes. Ce Rodolphe Salis imposa au dessinateur Steinlen, auteur de projet initial évolua grâce à Henri Rivière, un jeune peintre de la vignette, l'image du moulin de la Galette, celle du chat, Montmartre. Embauché par Salis, Rivière créa le célèbre Théâtre ainsi que la couleur de la robe, des yeux, et la rectitude géo d'Ombres. Le principe reposait sur la projection de silhouettes dé métrique des moustaches. coupées, en zinc, sur un écran. « 1808 », un drame de Caran d'Ache en trente tableaux ayant pour sujet des batailles napoléo Le cabaret du Chat Noir, fondé en 1881, disparut à la mort de niennes, remporte un immense su~cès. Rivière devait assumer la son créateur en 1897. responsabilité du théâtre jusqu'en 1896, créant quarante pièces. Parmi les plus célèbres de ses œuvres; citons « Le Sphinx» et « La Marche à /'Étoile ». le titre de cette dernière pièce est assez Comment Fulcanelli put-il être au courant des activités secrètes révélateur des préoccupations hermétiques de ce milieu. Quant au de ce cabaret? Il n'existe que deux réponses à cette question : « Sphinx», il nous faut en dire quelques mots. 1 À paraître chez Dervy. (À ce jour, le titre n'en n'est pas encore arrêté). ~ 140 141 Rivière y contait son histoire des origines à nos jours. Mais avait été l'organisateur d'un curieux et subtil jeu littéraire à quatre quelle n'était pas la surprise des spectateurs en contemplant la mains. Souhaitant faire référence à ses deux livres, non encore publiés, il avait mandaté quatre auteurs talentueux aux fins dernière image? On y voyait le sphinx d'Egypte verdâtre et pris d'illustrer ses travaux dans leurs œuvres respectives. Partant, il dans les glaces. On avouera qu'une telle vision apocalyptique était pour le moins surprenante compte tenu du climat en cette région. avait embauché, dans un premier temps, Alfred Jarry et Raymond La chose est encore plus troublante si nous la rapprochons Roussel, puis Maurice Leblanc et Gaston Leroux. Maurice Leblanc d'autres informations. En effet, Jules Verne est l'auteur d'un roman fut chargé d'illustrer, sous le voile de l'allégorie, les vicissitudes de intitulé le « Sphinx des.g laces » et d'un autre titré « Sens dessus Mercure lors de l'œuvre au blanc. Pour ce faire, Leblanc rédigea dessous » qui évoque notre terre menacée d'un double cata les aventures d'Arsène Lupin, avatar d'Hermès (Mercure), être clysme. Ca11Jille Flammarion, de son côté, écrivit « La fin du protéiforme, champion des transformations et insaisissable comme monde », ouvrage prophétisant la destruction de notre planète son modèle philosophique. Quant à Gaston Leroux, il lui échut de suite à un double cataclysme par l'eau et par le feu. Lorsqu'on se mettre en scène le soufre alchimique et d'illustrer le troisième souvient que tel était l'avertissement lancé par Fulcanelli et, qu'en Œuvre, l'Œuvre au rouge. Tout lecteur est à même de vérifier que outre, son·« Mystère des Cathédrales» s'ouvre sur un frontispice le Fantôme de /'Opéra, Rouletabille ou Chéri-Bibi, sont des per montrant le Sphinx, ces coïncidences ne laissent pas d'intriguer. sonnages qui souffrent et qu'ils possèdent en commun, à un ni veau ou à un autre, la couleur rouge. L'Adepte contemporain donne une définition lapidaire - aux deux sens du terme - de l'alchimie : Dans le cadre du-même livre, nous révélions, et il s'agissait d'une information inédite, que Fulcanelli avait eu pour élève, dans le domaine des Sciences, Raymond Roussel. Depuis cette paru-. " L'alchimie, c'est la permutation des formes par la lumière. " tion, des renseignements complémentaires nous sont parvenus, Cette permutation des formes par un agent lumineux, n'est-ce lesquels confirment nos hypothèses de travail. Néanmoins, certai pas le principe sur lequel reposait le Théâtre d'Ombres? Dès lors, il nes de ces informations ne nous appartenant pas, nous ne s~u est judicieux de s'interroger à ce sujet. Fulcanelli n'aurait-il pas rions les livrer dans l'immédiat. Nous nous limiterons à certaines créé ce divertissement à des fins didactiques, souhaitant illustrer le découvertes troublantes mais très parlantes. fondement de l'Art Hermétique? Il est intéressant de noter qu'en 1895 naissait le cinématographe, invention reposant strictement Tout lecteur du «Mystère des Cathédrales» sait qu'il s'achève sur le même principe. Mais que penser de cette coïncidence ultime sur un blason de complaisance constituant les armoiries de qui voudrait que les inventeurs présumés du cinématographe se !'Adepte. On peut y voir un écu, coupé à la champagne (tiers infé soient nommés les frères Lumière. D'autant qu~ Louis Lumière, le rieur). La champagne figure le bain mercuriel et l'hippocampe fait est attesté, ne croyait nullement à l'avenir de sa découverte ! d'argent qui s'y dresse représente l'embryon de soufre. Or, En fut-il réellement l'inventeur ou uniquement l'exploitant d'un bre l'hippocampe est une représentation très peu usitée en matière ar vet? La question, pour dérangeante qu'elle soit, mérite d'être po tistique, tout comme en héraldique, aussi le voir figurer à de nom sée. breuses reprises dans les réalisatio~s d'artistes ayant fréquenté un même endroit ne saurait être le fruit du hasard. Ceci nous amène à C'est peut-être le moment de se souvenir de la thèse que nous mentionner ce qui, à coup sûr, est le plus surprenant de cette formulions au sein d'un ouvrage publié l'an passé 1 . En résumé, mystérieuse affaire. nous y exposions que Fulcanelli, toujours dans le même esprit, Nous avons rapporté, précédemment, que ce fut le peintre 1 Steinlen qui se chargea de dessiner l'affiche de la tournée du Chat « La Langue des Oiseaux», éditions Dervy. Noir. Un œil exercé découvrira avec stupeur, dissimulé en trompe- 143 142 l'œil sur le félin, l'image' caractéristique d'un hippocampe. La plu Michel LÉGER part des chats peints par Steinlen montrent le même symbole. Les LE CORBUSIER toiles de Toulouse-Lautrec, autre familier du cabaret, laissent voir dans nombre de cas la même anomalie. Tel est le cas, notamment, ET de l'affiche dessinée pour le Divan japonais ; le cheval de mer y L'A R.C:H:ITECTURE figure, reproduit dans les plumes décorant le chapeau de la dame RELIGIEUSE visible au premier plan. La lanterne, commandée à Eugène Gras set, servant d'enseigne au Chat-Noir comportait naturellement un <s-uï~e> 1 chat dont la queue en· panache figurait très nettement un hippo campe. Nous pourrions multiplier les exemples. 2 La chapelle Notre-Dame du Haut de Ronchamp L'étonnant Raymond Roussel fut -entre autres livres - l'auteur de « Impressions d'Afrique», roman se déroulant dans une Afrique Œuvre unique, exceptionnelle dans la création. architecturale de d'opérette. La genèse de ce texte f1,1t un texté de grande jeunesse, Le Corbusier, où le théoricien laisse la place au plasticien, au intitÙlé « Parmi les Noirs», histoire nous contant les aventures d'un créateur, voire même à l'artisan. colon blanc prisonnier d'indigènes. Roussel insistait souvent sur les liens unissant ces deux textes. Pourquoi une telle insistance? À l'origine un site, un lieu particulier, privilégié, voué à la médita Était-ce parce que parmi les noirs se détachait un blanc (ou des tion et au culte, où, comme nous l'avons vu dans le précédent nu blancs)? L'hypothèse méritait d'être vérifiée. Une analyse à la méro, il est décidé, après guerre, de reconstruire un édifice loupe des scènes projetées dans le cadre du Théâtre d'Ombres religieux, la chapelle Notre-Dame du Haut, Du Haut car perchée devait récompenser notre opiniâtreté. Entre les ombres noires se sur un sommet en opposition à la chapelle Du Bas dans le village. détachaient effectivement des silhouettes blanches ... très indiscrè tes. Et dans l'une desdites scènes, entre les jambes des person En réponse à ce paysage harmonieux, souple, un bâtiment ~ux nages, se distinguait très nettement le contour reconnaissable et formes généreuses et rondes, inspiré des nombreux voyages du familier d'un ... hippocampe ! Depuis, nous avons eu l'occasion, en maître en Orient et de Chandinagrh, cet étrange édifice qui s'élève nous rendant dans les salons de l'Hôtel de Ville de Paris, d'y dé dans ces montagnes vosgiennes propose un vocabulaire orientali- couvrir un blason porteur du cheval de mer en question figuré en sant. une pose altière. Au programme, une chapelle à deux fonctions : soit accueillir un Le sujet que nous venons de développer mériterait de longs petit nombre de fidèles pour les offices hebdomadaires, soit une prolongements. Qu'il suffise, dans l'immédiat, de rappeler que le foule de pèlerins pour des offices exceptionnels. Alors, cabaret, placé sous la tutelle de Rodolphe Salis, comportait une l'architecture se décompose, l'édifice en lui-même, de l'intérieur, et singulière décoration : un chat noir pourvu d'ailes ... était-ce à seule l'édifice marquant le site par une esplanade. fin de suggérer que le chat Vole quand ailé? 1 Après l'ascension de la montagne, surgit, en réponse aux hori zons, l'édifice d'une blancheur éclatante ; il est surmonté d'une co que sombre de laquelle s'échappent trois flèches, ou plutôt trois 1 Contrairement aux allégations de monsieur Canseliet, Fulcanelli ne se traduisait pas par le Vulcain ou le Volcan du Soleil, mais bien par Volcan-Hellé (le volcan lu 1 La première partie de cet article a été publiée dans le numéro 2 de 1997 paru à la natique ou lunaire). Hellé était une déesse-lune chez les Grecs. Enfin, Roussel dé fin du mois de juin dernier. signe son répétiteur en sciences sous le nom de Volcan et le présente comme un 2 Les intertitres sont de la rédaction. homme distrait... lunaire. 144 145 minarets. Ici, le béton se modèle, se sculpte, matière plastique tantôt blanche et projetée, tantôt sombre et résultante du négatif Défense et illustration d'un coffrage de bois savamment calculé. On est presque obligé de l'architecture religieuse de faire le tour du bâtiment, comme pour une sculpture, emporté au XXème siècle par les formes, avant de pénétrer à l'intérieur de la chapelle, de la grotte. On n'emprunte qu'occasionnellement la lourde porté En juin 1950, Le Corbusier dessine la chapelle d'un seul jet. Son émaillée, rare objet de couleur vive. projet est immédiatement synthétique, tenant compte du terrain, du site (il a sur sa table le carnet de croquis où il a minutieusement À l'intérieur la lumière monumentale, majestueuse, se fait ma dessiné le paysage) et du programme qui comporte une nef inté tière. Sur l'épais et lourd mur «sud », la lumière transcende rieure pour deux cents personnes, trois petites chapelles et l'autel l'espace intérieur ; forte de sa vigoureuse présence, elle dessine extérieur pour les messes de pèlerinage. Il a également l'idée de la une fine mosaïque composée de percements aux larges entable construction : tout l'édifice sera constitué de voiles minces en ci ments qui jouent avec le nombre d'or. En réponse, des petits trous ment projeté que métal déployé. de lumière, tels de minuscules étoiles transpercent le mur «est». Enfin, la lourde et imposante masse de la coque, formant le toit, Sur cette base substantielle de nombreuses études se succè repose délicatement, légèrement sur une fine raie, sur un filament dent alors pour recomposer les éléments très définis : la toiture, le de lumière marquant l'intersection de ce volume avec les murs « est » et « sud ». mur « sud » et sa constellation, les trois chapelles et leur tour lanterne, les balcons, les chaires. Dans cette architecture, chaque forme, chaque courbe, chaque Enfin le projet complet et une maquette en plâtre sont présentés, geste trouve sa réponse, son négatif; aux chapelles rondes en novembre 1950, à monseigneur Dubourg, archevêque de Be s'opposent des autels cubiques ; à la légère courbe convexe du sançon. mur «est», marquant le chœur extérieur, répond une ligne con cave qui dessine le sol. Mais Le Corbusier revoit encore les lignes essentielles de la sil houette générale, en réduisant les dimensions générales et, en Dans cette chapelle aux formes irrégulières, dissymétriques, fonction des moyens financiers très modestes, il cherche un dessin échappant aux lois de la géométrie, à travers un vocabulaire orga~ plus tendu, une géométrie plus rigoureuse. nique et poétique, Le Corbusier, se comportant en maître absolu, total, régissant, dessinant les moindres détails des gardes corps Une maquette en fil de fer au 1/ 1 OOème est réalisée pour vérifier aux dessins des vitres, nous propose une chapelle à la hauteur de l'ensemble dans l'espace. nos plus belles cathédrales, ce qui marque un tournant capital dans son œuvre architecturale. Son impact et son importance dans Les éléments géométriques les plus typiques sont la toiture l'histoire de l'art contemporain est-il pleinement mesuré? coque, composée de deux conoïdes renversés et parallèles (ce sont les deux dalles en béton de la\\i,Coque), et le mur« sud » com À visiter, assurément ! Car, plus que tout œuvre, la chapelle No posé de deux surfaces réglées opposées qui partent obliquement à tre-Dame du Haut de Ronchamp, véritable aventure, se vit plutôt la Grande Porte, se redressent en parcourant le plan du mur et ar qu'elle ne se raconte. rivent à former deux verticales à l'angle sud-est de l'édifice. Cette ii toiture-coque apparaît en façade comme un bateau, symbole de l'Arche.
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