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Références et allusions de Lacan au monde chinois PDF

37 Pages·2006·0.46 MB·French
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Références et allusions de Lacan au monde chinois - 1 Références et allusions de Lacan au monde chinois 26/09/1953 Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse Qu’on reprenne donc l’œuvre de Freud à la Traumdeutung pour s’y rappeler que le rêve a la structure d’une phrase, ou plutôt, à nous en tenir à sa lettre, d’un rébus, c’est-à-dire d’une écriture, dont le rêve de l’enfant représenterait l’idéographie primordiale, et qui chez l’adulte reproduit l’em- ploi phonétique et symbolique à la fois des éléments signifiants, que l’on retrouve aussi bien dans les hiéroglyphes de l’ancienne Égypte que dans les caractères dont la Chine conserve l’usage. […] Par le mot qui est déjà une présence faite d’absence, l’absence même vient à se nommer en un moment original dont le génie de Freud a saisi dans le jeu de l’enfant la recréation perpétuelle. Et de ce couple modulé de la présence et de l’absence, qu’aussi bien suffit à constituer la trace sur le sable du trait simple et du trait rompu des koua mantiques de la Chine, naît l’univers de sens d’une langue où l’univers des choses viendra à se ranger […] L’indifférence avec laquelle la coupure du timing interrompt les moments de hâte dans le sujet, peut être fatale à la conclusion vers quoi se précipitait son discours, voire y fixer un malentendu, sinon donner prétexte à une ruse rétorsive. Il est remarquable que les débutants semblent plus frappés que nous des effets de cette inci- dence. C’est un fait qu’on constate bien dans la pratique des textes des écritures symboliques, qu’il s’agisse de la Bible ou des canoniques chinois : l’absence de ponctuation y est une source d’am- biguïté, la ponctuation posée fixe le sens, son changement le renouvelle ou le bouleverse, et, fau- tive, elle équivaut à l’altérer. Certes la neutralité que nous manifestons à appliquer strictement cette règle maintient la voie de notre non-agir. Mais ce non-agir a lui-même sa limite, sans quoi nous n’interviendrions jamais. Et ce n’est pas en maintenir la voie que de la pousser sur ce seul point à la rigueur. 7/07/1954 Écrits techniques Si le génie de R. M. Brunswick fut grand, elle ne le formula pas toujours bien. Si elle a pu faire quelque chose c'est dans la mesure où, par position, elle coïncidait avec le personnage de la sueur. Elle était objectivement entre Freud et le malade, subjectivement Freud vint toujours entre le malade et elle. Elle réussit là où la sueur avait échoué. Le père était trop près du malade, la sueur aussi (elle avait fait son identification au père et elle est active dans leur relation et d'une http://www.lacanchine.com Références et allusions de Lacan au monde chinois - 2 façon traumatique, trop proche, qui entraînait la même panique de la passivation que devant le père. Elle est identifiée au père par le malade). Au lieu de ça, R. Mac Brunswick sut à la fois participer d'une certaine dureté propre au person- nage paternel, d'un autre côté, elle se soumet à là réalité du sujet : il y a une sorte de retour à l'école du sujet par ce que les Chinois appellent «la douceur malléable de la femme ». Elle sait lui montrer qu'elle n'est pas adhérente à Freud, donc pas identifiée au père et «pas trop forte». Le sujet est ré-enfanté par elle et, cette fois, de la bonne façon. 7/11/1955 La chose freudienne ou sens du retour à Freud en Psychanalyse Ceci veut dire que l’analyste intervient concrètement dans la dialectique de l’analyse en faisant le mort, en cadavérisant sa position comme disent les Chinois, soit par son silence là où il est l’Au- tre avec un grand A, soit en annulant sa propre résistance là où il est l’autre avec un petit a. Dans les deux cas et sous les incidences respectives du symbolique et de l’imaginaire, il présentifie la mort. 15/02/1956 Les psychoses Mais ça n'épuise pas la question de la fonction de la négation à l'intérieur du langage, car c'est dans ce cas que gît leur duplicité, au moment où on vous dit loin, parce que pour l'instant il est là, au moment où vous le rappelez c'est parce que justement il est parti. Ici bien entendu nous avons cette fondamentale relation à la négation de ce qui est là, mais autre chose est son articulation co- hérente dans la négation, il y a là quelque chose qui pose en lui-même son problème, et tout le problème est peut-être dans cette espèce d'illusion de privation qui naît de l'usage commun ré- pandu qui est le premier usage de la négation, toutes les langues comportent toute une gamme de négations possibles, et certainement importantes, qui vaudraient une étude spéciale: la négation en français, la négation en chinois, etc. L'important c'est que ce qui paraît être une simplification dans le discours, recèle une dynamique, mais que cette dynamique nous échappe, qu'elle est se- crète, que le degré d'illusion qu'il y a dans le fait qu'une Verneinung, c'est simplement constater l'accent qu'il y a à propos de quelque chose qui apparaît par exemple dans un rêve, « ce n'est pas mon père », en tout cas chacun sait ce qu'en vaut l'autre, le sujet qui vous dit cela accuse le coup, et dit: nous sommes habitués à le prendre comme tel, que c'est là son père, et comme nous som- mes contents, nous n'allons pas plus loin. 31/05/1956 Les psychoses Je pense que ce texte est assez clair et que l'apparente contradiction formelle que vous pourrez en recueillir du fait que Freud dit que les rêves s'expriment en images plutôt qu'en autre chose est aussitôt je pense restitué et remis en place; car aussitôt, il vous montrera de quelles sortes d'ima- http://www.lacanchine.com Références et allusions de Lacan au monde chinois - 3 ges il s'agit; c'est-à-dire d'images en tant qu'elles interviennent dans une écriture, c'est-à-dire non pas même pour leur sens propre, car, comme il le dit, il y en a certaines qui seront là, même pas pour être lues, mais simplement pour apporter à ce qui doit être lu une sorte d'exposant qu'il situe, qui resterait autrement énigmatique. C'est la même chose que ce que je vous ai écrit au tableau l'autre jour, quand je vous ai donné l'exemple des caractères chinois. J'aurais pu les prendre parmi les anciens hiéroglyphes, où vous verriez que ce qui sert à dessi- ner le pronom à la première personne, et qui se dessine par deux petits signes qui ont une valeur phonétique, peut être accompagné par l'image plus ou moins corsée, selon que l'individu est un petit bonhomme qui est là pour donner aux autres signes leur sens rapporté par leur signification; mais les autres signes ne sont pas moins autographiques que le petit bonhomme, doivent être lus dans un registre phonétique. 27/06/1956 Les psychoses Le « tu », si vous y regarder bien, est de très près, du côté formel, grammatical des choses, qui est justement ce à quoi se réduit pour vous toute espèce d'usage du signifiant dans lequel vous mettez malgré vous des significations, et que vous y croyez à la grammaire! Tout votre passage à l'école se résume à peu près comme gain intellectuel à vous avoir fait croire à la grammaire, on ne vous a pas dit que c'était cela: le but n'aurait pas été atteint! Mais c'est à peu près ce que vous avez recueilli. Mais si vous vous arrêtez à des phrases comme celle-ci: « si tu risques un oeil au dehors, on va te descendre » ; ou bien encore: « tu vois le pont, alors tu tournes à droite », vous vous apercevrez que le « tu » à y regarder de bien près n'a pas du tout la valeur subjective d'une réalité quelconque de l'autre et du partenaire, que le « tu » là, est tout à fait équivalent à un site ou à un point, que le « tu » a tout à fait la valeur d'une conjonction, que ce « tu » introduit la condition ou la temporalité. Je sais bien que ceci peut vous paraître tout à fait hasardé, mais je vous assure que si vous aviez une petite pratique de la langue chinoise, vous en seriez absolument convaincu: il y a ce fa- 如 meux terme qui est le signe de la femme et le signe de la bouche rú . Mais on peut s'amuser beaucoup avec ces caractères chinois. Le « tu » est quelqu'un auquel on s'adresse en lui donnant un ordre, c'est-à-dire comme il convient de parler aux femmes! On peut aussi dire mille autres choses, donc ne nous attardons pas. Ce qui est beaucoup plus intéressant, ce sont des phrases que je m'attarderai pas à vous citer, parce que ce serait peut-être considéré comme abusif, mais enfin j'ai là l'occasion de vous montrer que le «tu » sous cette forme, exactement ce même « tu » est employé pour servir à formuler la locution « comme si », ou bien encore qu'une autre forme du « tu » est employé très exactement comme je vous le disais à l'instant, pour formuler à proprement parler, et d'une façon qui n'a aucune espèce d'ambiguïté, un « quand » ou un « si » introductif d'une conditionnelle. Cette référence montrera peut-être qu'il n'est pas exclu, que si la chose est moins évidente dans nos langues parce que si nous avons quelques résistances à le comprendre et à l'admettre dans les exemples que je viens de vous donner, c'est uniquement en fonction des préjugés de la gram- maire qui vous forcent, parce que si tout d'un coup vous vous penchez sur une phrase au lieu de l'entendre, qui vous force dans les artifices de l'analyse étymologique et grammaticale à mettre à http://www.lacanchine.com Références et allusions de Lacan au monde chinois - 4 ce « tu » la deuxième personne du singulier, bien entendu c'est la deuxième personne du singulier, mais il s'agit de savoir à quoi elle sert. En d'autres termes, il s'agit de s'apercevoir que le « tu» a, comme un certain nombre d'autres éléments qu'on appelle dans les langues qui pour nous ont l'avantage de servir un peu à nous ouvrir l'esprit - je parle justement de ces langues sans flexion qu'on appelle des particules, qui sont ces curieux signifiants multiples, quelquefois d'une ampleur et d'une multiplicité qui va jusqu'à engendrer chez nous une grammaire raisonnée de ces langues, une certaine désorientation, mais qui sont quand même un apport linguistique qui bien entendu est universel. 15/08/1956 La lettre volée C’est qu’à jouer la partie de celui qui cache, c’est le rôle de la Reine dont il lui faut se revêtir, et jusqu’aux attributs de la femme et de l’ombre, si propices à l’acte de cacher. Ce n’est pas que nous réduisions à l’opposition primaire de l’obscur et du clair, le couple vétéran du yin et du yang. Car son maniement exact comporte ce qu’a d’aveuglant l’éclat de la lumière, non moins que les miroitements dont l’ombre se sert pour ne pas lâcher sa proie. 9/05/1957 L'instance de la lettre dans l'inconscient ou la raison depuis Freud Que la tempête traite universellement Comme elle fait une herbe. Car cette strophe moderne s’ordonne selon la même loi du parallélisme du signifiant, dont le con- cert régit la primitive geste slave et la poésie chinoise la plus raffinée. 12/03/1958 Les formations de l'inconscient Vous le trouvez à propos de ce qu'elle appelle dans ses contributions l'Œdipe ultra-précoce de l'enfant. Les dessins de celui-ci nous montrent que l'empire maternel comporte en son intérieur ce que j'ai appelé, par une référence à l'histoire chinoise, les royaumes combattants - l'enfant est ca- pable de dessiner à l'intérieur de ce champ ce qu'elle repère comme des signifiants, les frères, les sœurs, les excréments. Tout cela cohabite dans le corps maternel, tout est déjà en son intérieur, puisqu'elle y distingue aussi ce que la dialectique du traitement permet d'articuler comme étant le phallus paternel. Celui-ci serait d'ores et déjà présent comme un élément particulièrement nocif et particulièrement rival par rapport aux exigences de l'enfant concernant la possession du contenu du corps maternel. http://www.lacanchine.com Références et allusions de Lacan au monde chinois - 5 28/01/1959 Le désir et son interprétation Il fait là-dessus une association très remarquable: « Il y a a joke à propos des lèvres (au sens génital du terme) courant transversalement et non pas longitudinalement. Mais je ne me souviens pas comment ce joke était arrangé, quelque comparaison avec l'écriture chinoise et son rapport avec la nôtre, l'une et l'autre partant de différents côtés, l'une du haut vers le bas, l'autre transver- salement. Bien sûr, les lèvres sont side by side (c'est-à-dire côté contre côté), tandis que les parois du vagin sont l'une antérieure, l'autre postérieure, c'est-à-dire l'une longitudinale et l'autre trans- versale. Je pense encore, dit-il, au chaperon. Ces jokes qui sont en anglais une sorte de partie du patrimoine culturel sont bien connus, ils sont en général sous la forme de limericks. Le limerick est quelque chose de très important et ré- vélateur. Je n'en ferai qu'état. J'ai cherché dans une collection assez considérable de quelque trois mille limerick. Ce limerick existe sûrement, j'en ai vu d'autres qui s'en approchent, je ne sais même pas pourquoi le thème de la Chine semble justement considéré. Il y avait cette sorte d'inversion de la ligne d'écriture - évoquée chaque fois que quelque chose se rapproche d'une assimilation, en- core et en même temps, d'une opposition de la ligne à la fente génitale avec celle de la bouche, transversale, avec aussi ce qu'on suppose derrière la ligne de la fente génitale de la transversalité du vagin. […] c'est qu'en tous cas quelque chose doit nous retenir. C'est le fait que le sujet l'associe tout de suite à quelque chose d'un tout autre ordre, à ce jeu poétique et verbal dont ce n'est pas simple- ment pour m'amuser que j'ai donné un exemple, c'est pour donner une idée du style, d'une ex- trême rigueur littéraire; c'est un genre qui a des lois, les plus strictes qui soient - et joke ou lime- rick, peu importe - qui portent dans une histoire définie littérairement, et portant elles-mêmes sur un jeu concernant l'écriture. Car ce que nous n'avons pas retrouvé dans le limerick que nous avons déterré, le sujet, lui, affirme l'avoir entendu: c'était en se référant à la direction différente des lignes d'écriture dans notre façon d'écrire et la chinoise, qu'il évoque à ce moment-là quelque chose qui ne s'impose pas tellement à cette association: à savoir justement ce qui met sur la voie d'un rapprochement entre l'orifice des grandes lèvres et les lèvres de la bouche. Ce rapprochement comme tel, affectons-le à l'ordre symbolique. Ce qui peut avoir plus de sym- bolique, ce sont les lignes de caractères chinois, parce que c'est quelque chose qui est là, qui nous désigne qu'en tous cas cet élément-là dans le rêve est un élément qui a une valeur signi- fiante, que dans cette sorte d'adaptation, d'adéquation, d'accommodement du désir en tant qu'il se fait quelque part par rapport à un fantasme qui est entre le signifiant de l'Autre [S(A)] et le signifié de l'Autre [s (A)] car c'est cela la définition du fantasme en tant que le désir a à s'accommoder à lui. Et qu'est ce que je dis là si ce n'est exprimer d'une façon plus articulée ce qui est notre expé- rience. http://www.lacanchine.com Références et allusions de Lacan au monde chinois - 6 22/04/1959 Le désir et son interprétation Si du côté du mort, de celui qui vient de disparaître, ce quelque chose n'a pas été accompli qui s'appelle les rites - les rites destinés à quoi en fin de compte ? Qu'est-ce que c'est que les rites funéraires ? Les rites par quoi nous satisfaisons à ce qu'on appelle la mémoire du mort, qu'est-ce ? si ce n'est l'intervention totale, massive, de l'enfer jusqu'au ciel, de tout le jeu symbolique. Je voudrais avoir le temps de vous faire quelques séminaires sur ce sujet du rite funéraire à travers une enquête ethnologique. Je me souviens, il y a de nombreuses années, d'avoir passé assez de temps sur un livre qui en est une illustration vraiment admirable et qui prend toute sa valeur, pour nous exemplaire, d'être d'une civilisation assez distante de la nôtre pour que les reliefs de cette fonction en apparaissent vraiment d'une façon éclatante. C'est le Liji, 禮記‭ (‬S‭. ‬礼记) un des livres chinois consacrés. Le caractère macrocosmique des rites funéraires, à savoir le fait qu'en effet il n'y a rien qui puisse combler de signifiants ce trou dans le réel si ce n'est la totalité &.signifiant, le travail ac- compli au niveau du Logos - je dis cela pour ne pas dire au niveau du groupe ni de la communauté (bien sûr c'est le groupe et la communauté en tant que culturellement organisés qui en sont les supports) - le travail du deuil se présente d'abord comme une satisfaction donnée à ce qui se pro- duit de désordre en raison de l'insuffisance de tous les éléments signifiants à faire face au trou créé dans l'existence, par la mise en jeu totale de tout le système signifiant autour du moindre deuil. 27/01/1960 L'éthique de la psychanalyse Je veux dire que dans sa recherche anxieuse de la source du mal, l'homme se trouve devant ce choix parce qu'il n'y en a pas d'autre. Mais encore faut-il dire qu'il y a ces trois là. Il y a l'oeuvre, et c'est la position de renonciation à laquelle vous savez que bien d'autres sagesses que la nôtre se sont placées, à savoir que toute oeuvre est par elle-même nocive et n'engendre que les consé- quences qu'elle-même comporte, autant de négatif que de positif, qui est une position formelle- ment exprimée dans le taoïsme par exemple, à ce point que c'est tout juste permis de se servir d'un vase sous la forme d'une cuiller, l'introduction d'une cuiller dans le monde est déjà la source de tout le flot des contradictions dialectiques. Puis il y a la matière et là nous nous trouvons devant quelque chose dont vous avez, je pense, un petit peu entendu parler, certaines théories, qu'on ap- pelle cathares, on ne sait d'ailleurs pas très bien pourquoi. 9/03/1960 L'éthique de la psychanalyse Là-dessus, vous allez me demander qu'est-ce que c'est que ces éléments signifiants. Je répon- drai, l'exemple le plus pur du signifiant, c'est la lettre, une lettre typographique. (Bruits divers). Une lettre, cela ne veut rien dire. Pas forcément. Pensez aux lettres chinoises pour chacune desquelles http://www.lacanchine.com Références et allusions de Lacan au monde chinois - 7 vous trouvez au dictionnaire un éventail de sens qui n'a rien à envier à celui qui répond à nos mots. Qu'est-ce à dire ? Qu'entends-je en vous donnant cette réponse ? Pas ce qu'on peut croire, puisque ceci veut dire que leur définition aux lettres chinoises, tout autant que celles de nos mots, n'a de portée que d'une collection d'emplois et, qu'à strictement parler, aucun sens ne naît d'un jeu de lettres ou de mots qu'en tant qu'il se propose comme modification de leur emploi déjà reçu. Ceci implique que toute signification qu'il acquiert, ce jeu, participe des significations auxquelles il a déjà été liées, si étrangères entre elles que soient les réalités qui sont intéressées à cette réitération. Et ceci constitue la dimension que j'appelle la métonymie, qui fait la poésie de tout réalisme. 9/03/1960 Discours aux catholiques Une lettre, cela ne veut rien dire, me direz-vous. Pas forcément. Pensez aux lettres chinoises. Pour chacune vous trouverez au dictionnaire un éventail de sens qui n'a rien à envier à celui qui répond à nos mots. Qu'est-ce à dire? Qu'entends-je en vous donnant cette réponse? Pas ce que l'on peut croire, puisque ceci veut dire que la définition de ces lettres chinoises, tout autant que celles de nos mots, n'a de portée que d'une collection d'emplois. Ceci implique que toute signification qu’il acquiert, ce jeu, participe des significations auxquelles il a déjà été lié, si étrangères entre elles que soient les réalités qui sont intéressées à cette réitéra- tion. Et ceci constitue la dimension que j’appelle de la métonymie, qui fait la poésie de tout réa- lisme. 16/03/1960 L'éthique de la Psychanalyse La mise en valeur des racines et des radicaux dans les langues flexionnelles est quelque chose qui pose des problèmes particuliers qui sont loin d'être applicables à l'universalité des langues. Ce serait bien difficile à mettre en valeur pour ce qui est par exemple du chinois où tous les éléments signifiants sont monosyllabiques. […] Comment ne pas, après cela, avec cela, ne pas au moins constater l'originalité de la position freudienne par rapport à tout ce qui existe en matière d'histoire des religions ? L'histoire des reli- gions consiste essentiellement à chercher à dégager le commun dénominateur de la religiosité. Nous faisons une dimension de ce qu'on appelle l'homme, de son lobe religieux, et alors nous constatons la diversité des manifestations religieuses, et nous sommes obligés de faire rentrer là- dedans des religions aussi différentes qu'une religion de Bornéo, la religion confucéenne, taoïste, la religion chrétienne. Comme vous le savez, ceci ne va pas sans difficultés. […] Ce dont il s'agit et ce à quoi nous sommes amenés, c'est donc que Freud, quand il nous parle dans Moise et le monothéisme de l'affaire de la loi morale, puisque c'est de cela qu'il s'agit pour lui, http://www.lacanchine.com Références et allusions de Lacan au monde chinois - 8 l'intègre pleinement à une aventure qui n'a trouvé, écrit-il textuellement, son achèvement, son plein déploiement que dans l'histoire, dans la trame judéo-chrétienne. Il est écrit que pour ce qui est des autres religions qu'il appelle vaguement d'orientales - je pense qu'il fait allusion à toute la lyre, à Bouddha, à LaoTseu et à bien d'autres - elles se caractérisent toutes, dit-il, avec une hardiesse devant laquelle il n'y a qu'à s'incliner, aussi hasardeuse qu'elle nous paraisse, ce n'est en fin de compte, nous dit-il, que le culte du Grand Homme. Je ne suis pas du tout en train de souscrire à cela. Il dit que simplement les choses sont restées à mi-route, plus ou moins avortées, à savoir qu'est-ce que cela veut dire le meurtre primitif du Grand Homme ? Je pense qu'il pense la même chose à propos du Bouddha. Et bien sûr, dans l'histoire des ava- tars de Bouddha, on trouverait bien des choses où il retrouverait son schéma, légitimement ou non, que c'est pour ne pas avoir, au fond, poussé jusqu'au bout le développement du drame, jus- qu'au bout, à savoir jusqu'au terme de la rédemption chrétienne, que ces religions autres en sont restées là. Inutile de vous dire que ce très singulier christocentrisme est tout de même pour le moins surprenant sous la plume de Freud. Et pour qu'il s'y laisse glisser presque sans s'en aper- cevoir, il faut tout de même qu'il y ait à cela quelque raison. 11/05/1960 L'éthique de la Psychanalyse Le cycle naturel immanent en effet à tout, peut-être, ce qui est, est quelque chose d'extrème- ment divers d'ailleurs dans ses registres et ses niveaux. Mais je vous prie de vous arrêter à la coupure qu'introduit, que comporte cette émergence dans l'ordre de la manifestation du réel que comporte le cycle comme tel, qu'il soit traité, et il l'est, par l'homme dès lors que l'homme est le support du langage, ou par rapport à un couple de signifiants, tel par exemple, pour prendre une pensée traditionnelle, dans toute espèce même d'ébauche, d'un symbolisme, qu'il soit traité en fonction du yin et du yang, à savoir deux signifiants dont l'un est conçu comme éclipsé par la mon- tée de l'autre et par son retour et aussi bien d'ailleurs - je ne tiens ni au yin ni au yang -, l'introduc- tion, simplement, du sinus et du cosinus, en d'autres termes, la structure engendrée par la mé- moire ne doit pas vous masquer, dans notre expérience comme telle, la structure de la mémoire elle-même en tant qu'elle est faite d'une articulation signifiante. Car, à l'omettre, vous ne pouvez absolument soutenir ni distinguer ce registre qui est essentiel dans l'articulation de notre expé- rience, c'est à savoir l'autonomie, la dominance, l'instance comme telle de la remémoration, au niveau non du réel, mais du fonctionnement du principe du plaisir. Je vous l'indique en passant, quel rapport et quelle distinction la plus fondamentale ceci introduit-il ? Il ne s'agit point là d'une discussion byzantine. Il s'agit que c'est là que nous pouvons, si nous créons une faille et un abîme, inversement combler ailleurs ce qui se présentait aussi comme failles et comme abîme, à ceci près qu'il était émis une idée: c'est à savoir que c'est ici que se peut apercevoir où peut résider la naissance du sujet comme tel, dont rien par ailleurs ne peut justifier le surgissement. […] Ici se manifeste comme telle l'apparition du sujet, faisant toucher du doigt pourquoi la notion de l'inconscient, pourquoi et en quoi la notion de l'inconscient est, dans notre expérience, centrale. Partez de là et vous y verrez l'explication de bien des choses, ne serait-ce que de cette singularité repérable dans l'histoire qui s'appelle les rites. Les rites, je veux dire en tant qu'il s'agit de ces rites par quoi l'homme des civilisations dites primitives se croit obligé d'aider, d'accompagner justement http://www.lacanchine.com Références et allusions de Lacan au monde chinois - 9 la chose la plus naturelle du monde, c'est à savoir le retour des cycles naturels. Si l'empereur n'ouvre pas le sillon à tel jour du printemps, sans doute - vous savez qu'il s'agit de l'Empereur de Chine - sans doute tout le rythme des saisons va se corrompre; si l'ordre n'est pas conservé dans la Maison Royale, le champ de la mer va empiéter sur celui de la terre. Nous en avons encore le retentissement jusqu'au début du XVIe siècle, dans Shakespeare. Qu'est-ce que ceci peut vouloir dire, si ce n'est précisément ce rapport essentiel qui lie le sujet aux signifiances et l'instaure à l'ori- gine comme responsable de l'oubli ? 06/07/1960 L'éthique de la Psychanalyse Cela nous met sur la vieille question. Un nommé Mencius - c'est le nom dont l'ont appelé les jésuites - nous dit qu'elle se juge de la façon suivante - la bienveillance est à l'origine naturelle à l'homme, elle est comme une montagne couverte d'arbres. Seulement, des habitants des environs commencent à couper les arbres. Le bienfait de la nuit est d'apporter un nouveau foisonnement de surgeons, mais au matin, les troupeaux viennent, qui les dévorent, et finalement, la montagne est une surface chauve, sur laquelle rien ne pousse.(p.360-361) […] L'organisation universelle a à faire avec le problème de savoir ce qu'elle va faire de cette science où, manifestement, se poursuit quelque chose dont la nature lui échappe, comme de bien entendu. Si cette science, qui occupe la place du désir, ne peut guère être une science du désir que sous la forme d'un formidable point d'interrogation, c'est pas sans doute sans un motif struc- tural. Autrement dit que la science, en tant que poussée, qu'animée par quelque mystérieux désir ne sait bien entendu, pas plus que rien dans l'inconscient, ce que veut dire ce désir, et l'avenir nous le révélera, et peut-être du côté de ceux qui, par la grâce de Dieu, ont mangé le plus ré- cemment le livre. je veux dire ceux qui n'ont pas hésité, ce livre de la science occidentale, de l'écrire avec leurs efforts, voire avec leur sang. Il n'en est pas moins un livre comestible. je vous ai parlé tout à l'heure de Mencius. Mencius explique très bien, après avoir tenu ces propos que vous auriez tort de croire optimistes sur la bonté de l'homme, comment il se fait que ce sur quoi on est le plus ignorant, c'est sur les lois en tant qu'elles viennent du ciel, les mêmes lois qu'Anti- gone. Il en donne une démonstration absolument rigoureuse. Il est trop tard pour que je vous la dise ici. Les lois du ciel en question, ce sont bien les lois du désir. Celui qui a mangé le livre et ce qu'il soutient de mystère, on peut en effet se poser la question, est-il bon, est-il méchant ? C'est une question qui apparaît maintenant sans aucune importance. L'important, ce n'est pas de savoir si l'homme est bon ou mauvais d'une façon originelle, l'important est de savoir ce que donnera le livre quand il aura été tout à fait mangé. (p.375) 6/12/1961 L'identification Qu'est-ce que c'est qu'un signifiant ? Si tout le monde, et pas seulement les logiciens parle de a quand il s'agit de a est a, c'est quand même pas un hasard. C'est parce que pour supporter ce qu'on désire, il faut une lettre. Vous me l'accordez, je pense. Mais aussi bien je ne tiens point ce http://www.lacanchine.com Références et allusions de Lacan au monde chinois - 10 saut pour décisif sinon que mon discours ne le recoupe, ne le démontre d'une façon suffisamment surabondante pour que vous en soyez convaincus; et vous en serez d'autant mieux convaincus que je vais tâcher de vous montrer dans la lettre justement, cette essence du signifiant, par où il se distingue du signe. […] D'autre part, j'aurai l'occasíon de vous montrer ce qui peut, à nous, masquer la valeur de la let- tre, ce qui, en raison du statut particulier du caractère chinois, est particulièrement bien mis en évidence dans ce caractère. Ce que je vais donc vous montrer ne prend sa pleine et plus exacte situation que d'une certaine réflexion sur ce qu'est le caractère chinois : j'ai déjà tout de même assez quelquefois fait allusion au caractère chinois et à son statut pour que vous sachiez que de l'appeler idéographique, ce n'est pas du tout suffisant. Je vous le montrerai peut-être en plus de détails, c'est ce qu'il a d'ailleurs de commun avec tout ce qu'on a appelé idéographique, il n'y a à proprement parler rien qui mérite ce terme au sens où on l'imagine habituellement, je dirais presque nommément au sens où le petit schéma de Saussure, avec arbor et l'arbre dessiné en dessous, le soutient encore par une espèce d'imprudence qui est ce à quoi s'attachent les malentendus et les confusions. Ce que je veux là vous montrer, je l'ai fait en deux exemplaires. On m'avait amené en même temps un nouveau petit instrument dont certains peintres font grand cas, qui est une sorte de pin- ceau épais ou le jus vient de l'intérieur qui permet de tracer des traits avec une épaisseur, une consistance, intéressante. Il en est résulté que j'ai copié beaucoup plus facilement que je ne l'au- rai fait normalement la forme qu'avaient les caractères sur ma calligraphie. Dans la colonne de gauche, voilà la calligraphie de cette phrase qui veut dire « l'ombre de mon chapeau danse et tremble sur les fleurs du Hai Tang ». De l'autre côté, vous voyez écrite la même phrase dans des caractères courants, ceux qui sont les plus licites, ceux que fait l'étudiant ânon- nant quand il fait correctement ses caractères : ces deux séries sont parfaitement identifiables et en même temps elles ne se ressemblent pas du tout. Apercevez-vous que c'est de la façon la plus claire en tant qu'ils ne se ressemblent pas du tout que ce sont bien évidemment de haut en bas à droite et à gauche, les sept mêmes caractères, même pour quelqu'un qui n'a aucune idée, non seulement des caractères chinois, mais aucune idée jusque là qu'il y avait des choses qui s'appelaient des caractères chinois? Si quelqu'un découvre cela pour la première fois dessiné quelque part dans un désert, il verra qu'il s'agit à droite et à gauche de caractères et de la même succession de caractères à droite et à gauche. Ceci pour vous introduire à ce qui fait l'essence du signifiant et dont ce n'est pas pour rien que je l'illustrerai le mieux de sa forme la plus simple qui est ce que nous désignons depuis quelque temps comme l'Einziger Zug. L'Einziger Zug qui est ce qui donne à cette fonction son prix, son acte et son ressort, c'est ceci qui nécessite, pour dissiper ce qui pourrait rester ici de confusion, que j'introduis pour le traduire au mieux et au plus prés ce terme qui n'est point un néologisme, qui est employé dans la théorie dite des ensembles : le mot unaire au lieu du mot unique. Tout au moins il est utile que je m'en serve aujourd'hui pour bien vous faire sentir ce nerf dont il s'agit dans la distinction du statut signifiant. Le trait unaire, donc, qu'il soit comme ici vertical - nous appelons cela faire des bâtons - ou qu'il soit, comme le font les Chinois, horizontal, il peut sembler que sa fonction exemplaire soit liée à la réduction extrême, à son propos justement, de toutes les occasions de différence qualitative. Je http://www.lacanchine.com

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Références et allusions de Lacan au monde chinois. 26/09/1953. Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse. Qu'on reprenne
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