ebook img

Réalisme thomiste et critique de la connaissance PDF

237 Pages·1947·7.942 MB·French
Save to my drive
Quick download
Download
Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.

Preview Réalisme thomiste et critique de la connaissance

. . , e a 1sn1e om1ste • • e t r1t1que • onna1ssance par Étienne GILSON Professeur au Collège de France P.t\RIS J. LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE VRIN 6, place de la Sorbonne (Ve) 1947 r • • PRJ;;FACE • _Les nombreux critiques dont l'attention s'est por tée sur le Réalisme méthodique (Paris, Téqui, s. d.), ont considéré et jugé ce petit livre de points de vue souvent différents. Pourtant, deux reproches lui ont été adressés avec une fréquence telle, qu'il m'est difficile de ne pas y voir l'expression d'un tentiment commun digne d'être pris en con.sidé ration. Le premier est d'avoir limité ma discussion du réalisme critique à deux cas particuliers : celui du Cardinal Mercier el celui de Mgr L. Noël. Or, fail-on remarquer, il y en a bien d'autres. Pourquoi les passer sous silence? Haec sunt nimium pauca. Le deuxième reproche est, f aule d'en accepter la justification critique, d'avoir transformé l'existence du monde extérieur en un simple postulat 1 • En ce qui concerne le, premier reproche, je pourrais dire, car c'est la vérité, que je ne voyais pas alors, que je ne vois encore pas aujourd'hui non sembra a lui che se : • le problème de trouver un 1 « ••• réalisme critique est en soi contradictoire, comme la notion de cercle carré ,,(p. 10,) il Realismo si riduca a un puro e simplice postulato? E allora che ne sarà di tutta la filosofia perenne che vi si regge sopra? U. D. 1., dans Angelicum, 1937, fasc. 3-4, » p. 644. D'autres aitiques, que l'on me dispensera de citer, m'ont accus& de pragmatisme, comme si je n'avais pas affirmé expressément que le réalisme s'appuyait sur l'évidence de ses principes (Le réalisme méthodique, p. 12). Je n'imaginais pas alors que l'or1 pourrait confondre un p1.ncipe avec un postulat . • ' ' '· \ · 6 RÉALISME THOMISTE ET CRITIQUE . . l'utilité de critiquer successivement toutes· les formes particulières du· thomisme critique néo-scolastique. Il me semblait, et il me· semble encore, qu'une discussion _dogmatique est à peu près épuisée, quant à l'essentiel, lorsqu'elle a porté sur un ou deux exemples typiques de la thèse en question. On pourra facilement allonger l'histoire du problè"!-e, sans que la philosophie ait rien à y gagner. Pourtant, · _puisqu'on me citait des noms, j'ai dû me convaincre que mes critiques ne . voyaient pas eux-mêmes la gén'éralité de mes conclus ions et ne savaient pas d'eux-mêmes les appliquer à la solution des cas dont je n'avais pas parlé. C'est pourquoi j'ai dti. . allonger la liste des thomismes critiques et de ·1 eurs discussions dogmatiques. Je n'ai nullement l'illusion d'apaiser par là mes adversaires. Je sais fort bien · au ·contraire que je vais seulement les multiplier. D'abord, si longue qu'elle soit devenue, cette liste est encore incomplète, et on lui reprochera de l'être. Ensuite, la discussion d'une doctrine doit se limiter à ce qu'elle contient d'essentiel du point de vue du problème précis que l'on discute; autrement, elle se perdrait dans le détail infini de l'individuel. Com ment éviter de passer' pour partial et incomplet aux yeux de ceux que l'on-discute et de leurs parti sans? Enfin, el surtout, ceux que_ l'on discute ne manquent pas de répondre. Si l'on ne répond pas à leurs réponses, on semble faire preuve d'un dédain peu courtois, mais ioule réponse à leurs réponses engage dans des controverses d'autant plus intermi nables que ceux qui les entretienne_nt mettent plus d'art à brouiller les pistes ou, comme l'on dit, à noyer le poisson. Je liens donc à assurer mes • • PRiFACE 7 critiques, qu'après avoir fait de mon miéux pour les satisfaire, je n'ai pas la naïveté de penser qu'ils se tiendront pour satisfaits. Le second reproche, je l'avoue, m'a paru plus . surprenant, el c'est à mes yeux la seule raison vala ble que j'aie de publier ce nouveau livre. Lorsque j'ai lu dans une revue thomiste, sous la plume d'un fils spirituel el intellectuel de saint Thomas d'Aquin, · que l'on me mettait en demeure d'opter entre un réalisme critique el un réalisme réduit à l'étal de postulat,· j'ai dû constater combien profondément la métaphysique classique était aujourd'hui conta minée par la Critique de Kant. ·Le lhomisme de pareils thomistes, pour qui la notion d'évidence semble avoir perdu ioule valeur el celle de connais << sance humaine toute signification, est en état de » décomposition avancée. Le présent li11re est donc une analyse critique du cartésiano-thomisme, ou du . kanliano-thomisme, c'est-à-dire un essai de téra tologie métaphysique dont l'objet principal est d'é- · clairer le normal à la lumière du pathologique, mais il est aussi l'expression d'une inquiétude devant les débauches de concordisme philosophique aux quelles on se livre dans certains milieux scolastiques contemporains. J'ai dit ailleurs qu'un bon désac cord·en philosophie valait mieux qu'une apparence d'entente dans la confusion. On me l'a reproché. Je ne m'en dédis pas. La philosophie porte sur des nécessités de pensée · avec lesquelles il n'est pas permis de biaiser. Si pénible soit-il, un désaccord est respectable s'il est honnête; mais il n'est pas possible de tolérer honnêtement la moindre con fusion, dès qu'on croit la percevoir dans un pro- - . • - • . 8 RÉALISME THOMISTE ET CRITIQ-UE blème où les principes mimes de la connais$ance · sont en jeu. En pareil cas, l'eflort pour atteindre une positio11 métaphysique pure exige la recherche . . de formules exclusives de tout compromis. Il se peut qu'en cet effort j'aie parfois passé la mesure, mais j'aurais commis plus souvent celte faute,_ si m_on texte n'avait été lu et critiqué avec ta·nt de .<;oin par M 110 Lucie· Gilson, Professeur de Philoso phie au Lycée d'Orléans, que je tiens à remercier ici· d'observations et de conseils qui m'ont rendu les plus grands serQices. _ • • • • • - • • • • • - • • • CHAPITRE PREMIER , REALISME ET SENS COMMUN • Après avoir passé pendant une vingtaine de siècles pour le type même de ces évidences que ~eul l'insensé peut songer mettre en doute, à l'existence du monde extérieur a enfin re~u de Descartes· sa démonstration métaphysique. Dès. que l'existence du monde extérieur eut été démontrée par lui, il apparut aux yeux de ses disciples, non seulement que sa démonstration ne valait rien, mais que les principes mêmes qui rendaient une démonstration nécessaire la ren daient du même coup impossible. Descartes avait en effet posé d'abord que toute connaissance évi dente part de la pensée, et d'elle seule; d'où il -suit que l'existence du monde extérieur ne peut être tenue pour immédiatement évidente. Mais Descartes espérait la démontrer en appliquant aux sensations _le principe de causalité. Comme tout le reste, les sensations doivent avoir une cause. Or nous n'avons pas conscience d'être _leur cause, mais plutôt de les subir. Nous n'avons pas non plus conscience de les recevoir de Dieu, mais plutôt de les recevoir de choses extérieures à notre ·pensée. N'ayant aucune idée claire et distincte qui nous autorise à tenir Dieu pour leur • • • 10 . REALISME THOMISTE• ET CRITIQUE ' cause, et, au contraire, une très forte inclination naturelle à croire qu'elles sont causées en nous par des choses, nous devons affirmer que ces choses existent. Car Dieu est p·arfait, donc il . ne peu.t nous décevoir, et il nous décevrait si, nous donnant lui-même directement ces idées,_ il · nous avait en même temps donné cette irrésis tible tendance· naturelle croire qu>elles nous à viennent de choses extérieures nous. Il est donc à . . prouvé que le mond~ extérieur existe 1 • . . . Voir R. DESCARtEs, Discours de la méthode, comment. par 1 . E. Gilson, Paris, J. Vrin, 1925, pp. 358-359, sur la certitude- . morale, mais qui n'est pas une évidence métaphysiq'!Je immédiate de l'existence du monde extérieur. - Sur la démonstration cartésienne çlle-même, voir E. GILSON, Etudes sur le rôle de la pensée médiévale dans la formation du systwie cartésien, Paris, . J. Vrin, 1930; pp. 234-255. - Il n'est peut-être pas inutile de . ' rappeler ici qne c'est Descartes lui-même qui affirme que sa preuve du monde extér\eur est -une preuve par la causalité : • Et il faut remarquer que cet axiome· doit si nécessairement • être admis, que de lui seul dépend la co~naissance de toutes les choses, tant sensibles qu'insensibles. Car d'où savons-nous, par exemple, que le ciel existe 'l •.• • (DESCARTES, Secondes Réponses .•• : édit. Adam-Tannery, t. IX, p. 128). Contre l'inter prâtation de la preuve qui se fonde sur ce texte irrécusable et que l'analyse même de la preuve confirme abondamment, o~ a voulu maintenir que Descartes prouve l'existence du monde extérieur par la véracité divine. C'est là un abus manifeste, qui n'autorise pas à mettre en doute la nature de ce que Descartes fait, et dit qu'il fait. La véracité divine intervient en effet dans la preuve, mais simplement pour prouv~r que la cause externe ' de nos sensa~ions n'est pas Dieu. Descartes a prévu Berkeley et il a cherché à l'exclure par ce moyen; mais le fait que Dieu soit vérace, bien loin d'éliminer· la preuve par la causalité, la rend possible : la véracité divine légitime en effet cette appii cation particulière du principe de causalité, qui permet d'affirmer que la cause externe des sensations est bien le monde matériel • · des corps étendus. - Sur les conséquences historiques de la démonstration cartésienne de l'existence du monde extérieur, voir E. G:1LsoN, The Unity of philosophical Experience, Scribner's, New-York, 1937, ch. 11, The cartesian experiment, pp. 125-220 • • • . , 11 REALISME ET SENS COMMUN . • Lorsqu'on la réduit ainsi l'essentiel, cette à démonstration comporte trois moments princi paux. Premièrement, une analyse de la sensation qui la fait apparaître, par opposition à l'image, comme un fait soustrait à la volonté et imposé à . la pensée du dehors. Deuxièmement, un appel au principe de causalité, qui nous permet de poser, hors de la pensée, une cause de ces sensa tions dont la pensée elle-même a consciencJ de ne pas être cause. Troisièmement, un appel la à véracité divine, pour nous assurer que la cause . véritable des sensations est bien l'existence de choses créées, distinctes de la pens~e, et non pas Dieu. En procédant ainsi, Descartes donnait pour la première fois l'exemple, et le .modèle parfait, d'une doctrine où l'existence du monde extérieur est inférée à partir de la pensée. C'est, comme on l'a dit depuis, un illationisme nom que >>, << l'on doit appliquer à toute doctrine où l'existence du monde extérieur se prouve par application, à un certain contenu de la pensée, du principe de causalité 1 • C'est pourquoi l'on ne saurait nier que la doctrine du car 1 dinal Mercier ne constitue, sur ce point précis, un illationisme de type cartésien (voir E. Le réalisme méthodique, GILSON, Paris, Téqui, s. d., pp. 18-32). Les raisons que l'on fait jouer pour le désolidariser de Descartes sont assez curieuses. On dit que le cardinal Mercier ne ·ronde pas sa preuve, comme rait Descartes, sur la véracité divine. Nul ne prétend qu'il l'ait rait; disons d'abord, avec Descartes lui-même, que la preuve carté sienne est· fondée sur le principe de causalité, puis que celle du cardinal Mercier l'est également. Il faudrait prouver le con traire pour les opposer sur ce point. Mais l'argument le plus remarquable consiste à soutenir que le cardinal Mercier a évolué, n'a introduit dans sa doctrine des arguments illatio riistes que sur le tard et, assure-t-on, sans abandonner l'immé- - ' ' • 12 RÉALISME THOMISTE ET CRITIQUE • diatisme qu'il aurait d'abord professé. Il faut pourtant choisir entre faire de lui un immédiatiste, un illationiste, ou un inco , hérent. Je le crois un illationiste très cohérent. Mgr L. Noël préfère n1aintenir à la fois l'illationisme du cardinal, ce qui du moins ne se peut nier, et la persistance de son immédiatisme primitif. Sur quoi il ajoute : Comment alors cette pensée « est-elle cohérente? Ici nous sommes réduits aux hypothèses, et peut-être ne seront-elles guère satisfaisantes et nous laisseront elles dans une certaine confusion que nous ne dissiperons pas entièrement • (Les progrès de l'épistémologie thomiste, dans Revue néoscolaslique de philosophie, t. 34 (1932), p. 430). C'est admettre qu'il s'est contredit pour lui laisser une chance sur deux d'avoir dit la vérité. Mais rien n'oblige l'admettre, car à s'il est vrai, comme .Mgr L. Noël nous l'assure, que le cardinal Mercier a, dès l'origine, admis une preuve de l'existence du « monde extérieur basée sur le principe de causalité (art. cil., » p. 431), c'est en fonction de cette constante de sa pensée qu'il 1 faudrait interpréter le reste. Ce ne serait peut-être pas si difficile qu'on nous le dit. Les textes cités par Mgr L. Noël (Notes d'épis témologie thomiste, Paris-Louvain, 1925, pp. 221-223) ne s'opposent aucunement l'illationisme avéré de la doctrine, car ils affirment: à 1° l'existence d'une réalité interne, point de départ de cet illationisme; 2° la conscience de la passivité de nos sensations, ce qui autorisera, comme chez Descartes, à en chercher la cause hors du sujet sentant; 3° le fait que l'esprit se représente d'abord tout ce qu'il saisit dans la nature comme existant en r.oi, ce dont le cardinal Mercier se sert pour prouver que nous avons de la substance " une notion immédiate », et que nous concevons spontanément tout objet comme substance, mais non pour soutenir que nous avons une certitude évidente de l'ea;istence des substances. Les textes de la Critériologie cités par Mgr L. Noël dans Les progrès de l'épistémologie thomiste (p. 432, note 2) ne font pas plus difficulté que les précédents. Le Cardinal y affirme en effet deux idées qu'il me semble avoir toujours maintenues ensemble et qui ne se contredisent d'aiileurs nullement: 1° • nous avons l'intuition sensible directe de choses extérieures »; directe, .·. en ceci que nous percevons d'abord des choses, et non pas le fait que nous les percevons; 2° Mais il nous est impossible d'affirmeJ,' a avec certitude l'existence d'une ou· de plusieurs réalités extra mentales sans employer le principe de causalité Sa thèse est ». ·:. simplement ici, comme ell«: semble l'être partout, que l'acte par. leqùeJ la perception nous livre directement, et sans inter médiaire réflexif, du réel comme réel, ne garantit pourtant pas · avec certitude l'existence extramentale de ce réel, et qu'il faut, pour en être sûr, recourir au principe de causalité. Je dois do11c

See more

The list of books you might like

Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.