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Raison d'Etat et pensée politique à l'époque de Richelieu PDF

505 Pages·2000·12.94 MB·French
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B i b l i o t h è q u e de VEvolution de Etienne Thuau Raison d’Etat et pensée politique à le )oque de Rie lelieu Postface de Gérard Albin Michel RAISON D’ÉTAT ET PENSÉE POLITIQUE A L’ÉPOQUE DE RICHELIEU Bibliothèque de « L'Évolution de l'Humanité » ÉTIENNE THU AU RAISON D ’ETAT ET PENSÉE POLITIQUE À L’ÉPOQUE DE RICHELIEU Postface de Gérard Mairet Albin Michel Bibliothèque de « L'Évolution de VHumanité » Première édition : © Armand Colin, 1966 © Éditions Albin Michel, S.A., 2000 22, rue Huyghens - 75014 Paris www.albin-michel.fr ISBN : 2-226-11665-6 ISSN : 0755-1770 SOMMAIRE Introduction. L’idole, le scandale et l’énigme du siècle ........... 9 I. Les croyances politiques communes ..................... 13 IL L’accueil à Tacite et à Machiavel ou les deux raisons d’État ................................................................ 33 III. L’opposition à la « raison d’Enfer» 103 IV. Le courant humaniste ................................................ 153 V. Le courant étatiste et le triomphe de la «raison divine» ........................................................................... 166 Conclusion. La laïcisation de la pensée politique et les ruses de la raison d’État............................................................. 411 Bibliographie...................................................................................... 421 Index des noms......................................................................................... 457 Index des principaux thèmes ............................................................. 463 Postface de Gérard Mairet ............................................................. 465 Table analytique ........................................................................... 489 INTRODUCTION L’IDOLE, LE SCANDALE ET L’ÉNIGME DU SIÈCLE «...la France... n’a plus d’autre Religion que celle de l’État, fondée sur les maximes de Machiavel». Mathieu de Morgues En entreprenant cette étude, nous nous proposions de dégager de la litté­ rature politique du temps de Richelieu les principes de l'organisation civile qu’elle contient. Nous voulions rechercher les conceptions ainsi que les caté­ gories intellectuelles et imaginatives qui permirent à cette société de penser son organisation et son devenir. Un des attraits du XVIIe siècle est la clair­ voyance de ses penseurs et il vaut la peine de chercher si ces maîtres de la luci­ dité intérieure ne nous ont pas laissé aussi une leçon de lucidité politique. Mais, à mesure que notre enquête progressait, elle attirait notre attention sur un aspect capital de la pensée du siècle, particulièrement sensible sous Louis XIII : les divisions de cette période d’unanimité. En effet ce qui frappe dans la pensée politique française au XVIIe siècle, c’est qu’elle traverse une crise. De loin, la monarchie de droit divin semble un dogme indiscuté et, à travers la majestueuse construction de Bossuet, elle a été longtemps regardée comme le type parfait du régime qui ignore les ten­ sions internes. Mais les historiens nous ont mis en garde contre cette vision académique du passé 1. Au XVIIe siècle, en effet, le renforcement de l’État, bouleversant les anciennes structures mentales, donne au développement de la pensée politique un caractère dramatique. Son histoire, qui à distance pa­ raissait se ramener au progrès linéaire de l’absolutisme, laisse voir dans son détail les incertitudes et les déchirements. Ignorant les certitudes olympiennes, en proie au doute et à l’inquiétude, ces Français d’autrefois nous deviennent plus réels et plus proches. L’idée autour de laquelle semble se cristalliser l’inquiétude de l’époque est celle de la raison d’État. Ce principe qui était, selon Conring, « l’étoile polaire de la politique moderne » et qui fut l’idée directrice du gouvernement de Richelieu nous conduit au cœur des débats idéologiques du temps. C’est la notion politique qui s’imposa à la méditation des contemporains. La raison d’État était-elle une idée bienfaisante ou une innovation néfaste ? Une foule d’esprits, en France et en Europe, se posaient la question 1 2. 1. L. André, Les sources de l'histoire de France au XVIIe siècle, tome IV, introduction. 2. On peut appliquer aux Français de l’époque de Richelieu ce qu’un Allemand disait de ses compatriotes : « L’on entend tous les jours une infinité de gens qui parlent de la raison d’Ëtat. Tout le monde s’en mêle ; aussi bien ceux qui sont ensevelis dans la poussière de l’école, que ceux qui remplissent les charges de la magistrature : mais à bien considérer ce que c’est, il y en a peu 10 RAISON D’ÉTAT ET PENSÉE POLITIQUE Le mal venait de loin. L’esprit étatiste de l'époque de Richelieu n'était pas une nouveauté absolue, car le règne de la raison d’État avait été préparé par les Politiques qui entendaient séparer la religion et le gouvernement du royaume. Leur zèle était présenté par leurs adversaires d’une façon carica­ turale, mais juste au fond, et ainsi un pamphlet de 1588 les définissait en ces termes : « Et pour autant que les uns et les autres crient sans cesse : L’état, l’état, la police, la police, sans se soucier en premier lieu de la sainte religion, voire disent la Police lui devoir être en tout et partout préférée, ils sont justement appelés Politiques1 ». Le pamphlet relevait et réfutait 70 propositions de ces défenseurs de l’État, qui préféraient favoriser les hérétiques plutôt que les « Catholiques zélés ». 11 les associait aux libertins, aux épicuriens et aux athées. Surtout il n’omet­ tait pas de rappeler qu’ils étaient disciples de Machiavel. D'après leurs prin­ cipes, disait-il: « Il est licite aux Rois et aux Princes se parjurer, fausser la foi, prévariquer toutes pactions et promesses jurées, pour affaires de leur État. C'est le damnable conseil de l’Évangéliste de Cour, Machiavel, par lequel il tâche les rendre contempteurs de toute justice, paix, équité, loi, foi et reli­ gion : et de bons Princes faire les plus malheureux parjures, traîtres, déloyaux, infidèles, blasphémateurs et renieurs de Dieu qui soient sur la terre 2 ». Ainsi, derrière l’État, se profilait le fantôme de Machiavel que bien des hommes du XVIIe siècle ont regardé comme un esprit satanique. Or ce damna­ ble auteur était, comme nous le verrons, bien présent à cette époque. Ainsi, dans la seule librairie du XVIIe siècle que nous puissions regarder de nos yeux, celle de La galerie du Palais d’A. Bosse, nous voyons l’auteur du Prince figurer en bonne place à l'étalage. La raison d’État, qui pouvait se recommander du Florentin, révélait ce qu’il y avait d'inquiétant dans le règne du « Dieu mortel ». qui s’en forment une juste idée. L’on dit souvent que telles et telles choses se sont faites par l’autorité souveraine, ou par raison d’Ëtat ; mais il y en a peu qui sachent ce que c’est que l’État, que la raison d’État, et jusqu’où doit s’étendre le pouvoir des Souverains. Il y a des disciples de Machiavel qui prennent pour raison d’État, laquelle ne devrait rien avoir que de très saint et de très salutaire aux peuples, une politique également opposée aux lois divines et humaines, et qui font d’une vierge toute pure et toute innocente, une vile et infâme prosti­ tuée *. ( Dissertatio de ratione status in imperio Romano-Germanico, pamphlet anti-Habsburg de Bogislav Chemnitz, publié peu après 1640, sous le pseudonyme d’Hippolithus a Lapide, traduit en 1712 par M. Bourgeois du Chasteau sous le titre : Intérêts des Princes d'Allemagne ). Ces remarques donnent une bonne idée des réflexions des sujets de Louis XIII, avec cette réserve que, distinguant moins facilement la bonne raison d’État de la mauvaise, la no­ tion leur paraissait dangereusement ambiguë. Dans son livre, Storia dell'eta baroca in Italia, Croce cite ( p. 76 ) un texte amusant de G. C. Cappacio (Il forastiero, Napoli, 1634) qui fait la même constatation. Croce rappelle aussi que Don Quichotte, en bon italianisant, discute avec le curé et le barbier de la raison d’État et des façons de gouverner. 1. La foi et religion des politiques de ce temps, par L)o»i Robert A., religieux bénédictin, d’après le P. Lelong, 93 p. BN : Lb34 435. iXeajpajusciri^L v ia citation sont dans le texte.) 2. Ibid., pp. 61-62.

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