Revue générale du droit www.revuegeneraledudroit.eu Articles et commentaires 2016, numéro 1 Que reste-t-il de la domanialité publique par anticipation? Nelly Sudres Citer cet article : Nelly SUDRES, « Que reste-t-il de la domanialité publique par anticipation ? », Revue générale du droit (www.revuegeneraledudroit.eu), Articles et commentaires 2016, numéro 1. Maître de conférences en droit public à l’Université Montpellier 1. Que reste-t-il de la domanialité publique par anticipation ? A quelques jours de la date anniversaire des trois ans de la décision Association ATLALR1, le Conseil d’Etat opère ce qui, au premier abord, peut apparaître comme un changement radical de cap. Après avoir affirmé, le 8 avril 2013, que les biens soumis au Code général de la propriété des personnes publiques doivent, pour appartenir au domaine public, être notamment affectés au service public et avoir « déjà »2 fait l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public, les juges du Palais royal renouent, dans leur décision Commune de Baillargues du 13 avril 20163, avec la logique d’anticipation de la domanialité publique. En l’espèce, se posait la question de savoir si la procédure de bornage4 pouvait être utilisée afin de distinguer au sein des parcelles des requérants celles qui restaient leur propriété de celles qui avaient fait l’objet d’une expropriation afin que la commune de Baillargues puisse aménager un plan d’eau artificiel destiné à la pratique des activités sportives et de loisir et pouvant servir de bassin d’écrêtement des crues. La délimitation des propriétés publique et privée ne pouvant faire l’objet d’un bornage que si les dépendances publiques appartiennent au domaine privé5, le juge devait, pour déterminer la procédure de délimitation appropriée, apprécier si les parcelles publiques en question, non encore affectées au service public mais destinées à l’être, n’étaient pas, dès à présent, incorporées au domaine public. Adoptant un considérant de principe qui diffère de la jurisprudence classique en matière de domanialité publique virtuelle, la décision Commune 1 CE, 8 avril 2013, Association ATLALR, p. 58 ; JCP A. 2013, no 2172, note C. Chamard-Heim ; AJCT 2013, p. 347, obs. S. Defix ; RJEP 2013 comm. 40, note G. Eveillard ; RDI 2013, p. 404, obs. N. Foulquier ; AJDA 2013, p. 764, obs. R. Grand ; DA 2013, no 50, note T. Leleu ; Contrats-Marchés publ. 2013, chron. 6, obs. F. Llorens et P. Soler-Couteaux. 2 Ibid. 3 CE, 13 avril 2016, Commune de Baillargues, n° 391431, sera publié au Lebon ; AJDA 2016, p. 1171, note L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; JCP-A. 2016, comm. n° 2124, comm. P. S. Hansen ; Construction-Urba. 2016, repère n° 5, obs. H. Périnet-Marquet ; JCP-A. 2016, act. n° 363, obs. M. Touzeil-Divina. 4 Art. 646 du Code civil. 5 CE, 20 juin 1975, Leverrier, Leb. p. 382. [2] Nelly Sudres www.revuegeneraledudroit.eu de Baillargues affirme que « quand une personne publique a pris la décision d’affecter un bien qui lui appartient à un service public et que l’aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait, telles que, notamment, les actes administratifs intervenus, les contrats conclus, les travaux engagés, ce bien doit être regardé comme une dépendance du domaine public »6. Ainsi, le Conseil estime, en l’espèce, que la décision de la commune d’affecter les terrains en cause au service public, couplée à l’engagement de travaux de réalisation du projet, ne pouvaient permettre aux juges du fond de refuser de regarder l’affectation des terrains à l’utilité publique comme entreprise de façon certaine. La décision du 13 avril 2016 s’inscrit dans le sillon de la théorie de la domanialité publique virtuelle ou par anticipation7. Cette « construction jurisprudentielle »8 a fait couler beaucoup d’encre, ce qui nécessite que soit pris le temps de définir ce que l’on entend par cette expression. Quelle qu’ait pu être la position du Conseil d’Etat sur les implications de la théorie de la domanialité publique virtuelle - créant un « purgatoire » de la domanialité publique auquel ne s’applique que les principes du domaine public ou intégrant immédiatement les dépendances en question au domaine public9-, l’on peut se référer au dernier état de sa jurisprudence avec la décision Association ATLALR. Les juges y choisissent d’utiliser indifféremment les notions de « principes de la domanialité publique » et d’« appartenance au domaine public ». Dès lors, comme l’expose clairement C. Chamard-Heim, « la domanialité publique virtuelle doit s’entendre, 6 CE, 13 avril 2016, Commune de Baillargues, préc. 7 Nous préfèrerons cette dernière expression qui permet de mettre en évidence le fait que l’immeuble propriété publique est un bien en voie d’incorporer la domanialité publique (l’adjectif « virtuel » étant plutôt entendu aujourd’hui comme une réalité parallèle que comme une potentialité). 8 Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, Traité de droit administratif, Tome 2, Paris, LGDJ, 15ème éd., 2014, n° 212. 9 Comparer notamment : CE, avis, 18 mai 2004, Cinémathèque française : « Il est donc soumis, dès à présent, aux principes de la domanialité publique et sera incorporé au domaine public de l’Etat à la date de son affectation à la Cinémathèque française » (nous soulignons) et CE, 8 avril 2013, Association ATLALR, préc. [3] Que reste-t-il de la domanialité publique par anticipation ? dans l’esprit du Conseil d’Etat, comme une incorporation anticipée dans le domaine public et non comme une application anticipée de certains de ses principes »10. L’arrêt Commune de Baillargues marque le retour de la logique anticipative pour les biens soumis au Code général de la propriété des personnes publiques. En effet, si les termes choisis dans le considérant de principe de la décision du 8 avril 2013 avaient laissé présager d’un abandon de la théorie pour les biens régis par le Code, il n’en est finalement rien. Car quand bien même le Conseil d’Etat choisit de resserrer la période temporelle d’anticipation de la domanialité publique dans l’arrêt Commune de Baillargues, il n’en reste pas moins que les biens y sont incorporés alors qu’ils ne sont pas encore concrètement et matériellement affectés au service public. L’on ne saurait parler de Lazare juridique car la théorie de la domanialité publique par anticipation n’est pas réhabilitée dans toute son étendue et tous ses excès potentiels observés dans la décision Association ATLALR. Les juges du Palais royal procèdent, effectivement, à un cantonnement de la domanialité publique par anticipation qui survit au Code général de la propriété des personnes publiques pour les biens qui y sont soumis. Cantonnement puisque seuls les biens dont l’aménagement est entrepris de façon certaine rentrent dans la définition de la domanialité publique virtuelle, excluant ceux que la certitude de l’affectation à l’utilité publique suffisait antérieurement à faire entrer dans la catégorie. Survivance de la théorie de la domanialité publique par anticipation car, bien que les immeubles faisant l’objet d’un commencement d’aménagement font dès ce moment partie du domaine public, la logique anticipative persiste puisque ces biens ne seront véritablement affectés au service public qu’à partir du moment où leur aménagement sera effectif et opérationnel. Le Conseil d’Etat a choisi, le 13 avril 2016, de consacrer, pour les biens du flux11, une domanialité publique par anticipation désormais un peu moins anticipée. La rigueur de la jurisprudence Association ATLALR qui 10 C. Chamard-Heim, « La théorie du domaine public virtuel : le chant du cygne », JCP-A. 2013, comm. n° 2172. 11 Bachelier G., « Spécial, indispensable, global, virtuel : trop d’adjectifs pour le domaine public immobilier ? », AJDA 2013, p. 960. [4] Nelly Sudres www.revuegeneraledudroit.eu laissait entendre que toute idée d’anticipation était désormais condamnée pour les biens soumis au Code, fait place à la théorie de la domanialité publique par anticipation qui, si elle est restreinte, retrouve droit de cité. Un tel renouement avec la logique anticipative restreinte (I) ne surprend guère car cette théorie jurisprudentielle permet de satisfaire la volonté de limiter la domanialité publique aux seuls biens nécessitant l’application du régime protecteur de l’affectation à l’utilité publique. Les biens publics régis par le Code général de la propriété des personnes publiques peuvent intégrer, de manière précoce, le domaine public non plus dès que l’affectation à l’intérêt général est certaine, mais à partir du moment où cette certitude est éprouvée par du fait et du droit. Néanmoins, l’encadrement (II) par la variation du curseur temporel de la « certitude de l’affectation » génère des interrogations sur l’effectivité du contrôle recherché. L’interprétation extensive des preuves du « commencement d’aménagement » n’est assurément pas exclue. Aussi doit être posée la question de la nécessité de recourir à la théorie de la domanialité publique par anticipation afin de protéger l’affectation future du bien au service public. I. Un renouement attendu avec la logique anticipative Trois ans après la décision Association ATLALR qui semblait marquer la fin de la théorie de la domanialité publique par anticipation pour les biens soumis au Code général de la propriété des personnes publiques, le Conseil d’Etat opte pour un considérant de principe qui renoue clairement avec la logique anticipative (C) sans toutefois afficher explicitement le revirement opéré (A). La solution, qui tente d’encadrer temporellement le recours à l’anticipation de la domanialité publique pourrait, de prime abord, apparaître comme entrant en contradiction avec la volonté clairement affirmée par le Code de circonscrire les biens faisant partie de ce domaine. Toutefois, les déclarations des conseillers d’Etat ayant participé à sa rédaction permettent de soutenir que le caractère contra legem de la décision n’est qu’apparent (B). [5] Que reste-t-il de la domanialité publique par anticipation ? A. Un revirement non assumé La lecture de la décision Commune de Baillargues pourrait donner à penser qu’il ne s’agit que de la suite de l’arrêt Association ATLALR, un complément ou plutôt un approfondissement de la position adoptée en 2013. Pourtant, les termes choisis trois ans plus tôt ainsi que le contexte dans lequel la décision avait été prise laissaient à penser à une volonté affichée de mettre un terme à la théorie de la domanialité publique par anticipation, générant la sensation d’un revirement non assumé par les juges du Palais royal le 13 avril 2016. Les « faiseurs de systèmes »12 se seraient-ils trop avancés en proclamant la mort de la théorie de la domanialité publique par anticipation ? Auraient- ils cru, depuis les tribunes, déceler un « virage » que les juges, au volant du bolide, n’auraient pas envisagé, encore moins voulu ? Pourtant le considérant de principe de la décision Association ATLALR ne laissait que peu de place aux doutes : « qu’en l’absence de toute disposition en ce sens, l’entrée en vigueur de ce code n’a pu, par elle-même, avoir pour effet d’entraîner le déclassement de dépendances qui, n’ayant encore fait l’objet d’aucun aménagement, appartenaient antérieurement au domaine public en application de la règle énoncée ci-dessus, alors même qu’en l’absence de réalisation de l’aménagement prévu, elles ne rempliraient pas l’une des conditions fixées depuis le 1er juillet 2006 par l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques qui exige, pour qu’un bien affecté au service public constitue une dépendance du domaine public, que ce bien fasse déjà l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public »13. Sans aller jusqu’à parler de champ lexical, la matérialité, l’effectivité, la concrétisation des aménagements y sont affirmées sinon martelées. La réalisation tangible de l’aménagement prévu est affichée comme l’antonyme de la « prévision certaine de l’aménagement », alors anciennement suffisante. Et la position affichée y est d’autant plus forte 12 Termes employés par le commissaire du gouvernement CHENOT B. dans ses conclusions sur CE, 10 février 1950, Gicquel, Rec. p. 100, et repris dans ses écrits ultérieurs, notamment « La notion de service public dans la jurisprudence économique du Conseil d’Etat », EDCE, 1950, p. 77. 13 Nous soulignons. [6] Nelly Sudres www.revuegeneraledudroit.eu que, statuant sur l’expulsion de l’association de parcelles dont la prétendue incorporation avait été réalisée avant le 1er juillet 2006, les juges du Palais Royal n’avaient pas à se positionner sur les conséquences de l’entrée en vigueur du Code. Rien de surprenant alors à ce que la doctrine ait proclamé à l’unisson la mort de la théorie de la domanialité publique par anticipation14. L’on ne saurait occulter la fermeté des termes choisis pour s’assurer de la réalité effective de l’aménagement. La rédaction de la décision du 8 avril 2013 ne doit rien au hasard et le choix des mots ne pouvait qu’être précautionneusement pesé dans le contexte d’alors, marqué par le doute, depuis l’avènement du Code, de la permanence ou non de la théorie de la domanialité publique par anticipation. Difficile de ne pas voir dans l’aménagement « entrepris de façon certaine » de la décision Commune de Baillargues un lien de parenté certes éloigné avec « le fait de prévoir de façon certaine un tel aménagement », apparemment proscrit par la décision Association ATLALR pour les biens soumis au Code. Le parti d’alors de ne pas reprendre l’adjectif indéfini « certaine » pour l’accoler à l’aménagement, y compris l’aménagement seulement entrepris, semblait pouvoir être interprété comme la volonté de cantonner la recherche d’une certitude d’aménagement aux biens non soumis au Code, l’effectivité ou le caractère opérationnel de l’aménagement prenant le relais pour les biens du flux. Les certitudes que la lecture de la décision du 8 avril 2013 avait pu générer se trouvent ébranlées par la rédaction du considérant de principe de la décision Commune de Baillargues. Aurait-on mal lu l’arrêt Association ATLALR ? Les juges du Palais Royal incluaient-ils, quoiqu’ils ne l’aient explicitement exprimé, le commencement de réalisation dans la « réalisation de l’aménagement prévu » ? Considéraient-ils que le fait d’entreprendre des 14 V. par ex. C. Chamard-Heim, « La théorie du domaine public virtuel : le chant du cygne », préc. ; P. Cossalter, « Les habits neufs de l’Empereur ou la théorie virtuelle de la domanialité publique », Revue générale du droit on line, 2013, numéro 7252 ; N. Foulquier, « La métemspychose de la domanialité publique virtuelle », RDI 2014, p. 46 ; J.-F. Giacuzzo, « La remise en cause partielle de la domanialité publique « virtuelle »», JCP-Notariale et immobilière 2013, comm. n° 1249 ; F. LLorens et P. Soler-Couteaux, « La lente agonie de la théorie de la domanialité publique virtuelle », Contrats-Marchés pub. 2013, repère n° 10. [7] Que reste-t-il de la domanialité publique par anticipation ? aménagements implique que le bien soit, dès ce stade, considéré comme faisant « déjà l’objet d’un aménagement indispensable » ? S’ajoutent à cela les questions soulevées par la rédaction du considérant de principe de la décision Commune de Baillargues. Il s’agit non d’une reformulation du considérant de principe de la décision Association ATLALR mais d’un véritable nouveau considérant. Doit-on alors l’appréhender comme un complément de l’ancien, sa suite, son approfondissement ? Ou plutôt l’expression d’une nuance par rapport à la rigueur choisie en 2013, la manifestation d’un changement de cap impliquant une réécriture ? S’il est facile de céder à une interprétation conciliante des deux décisions prises à près de trois ans d’intervalle, l’on ne cache pas le malaise à opérer une telle analyse de la décision du 8 avril 2013 sans avoir la sensation de succomber à une relecture a posteriori concordante. Il nous semble plutôt que le ton utilisé par les juges du Palais Royal dans l’arrêt Association ATLALR laissait bien à comprendre du défunt avenir choisi pour la théorie de la domanialité publique par anticipation appliquée aux biens soumis au Code général de la propriété des personnes publiques. La formulation du considérant de principe de la décision Commune de Baillargues et la composition de la formation de jugement en sous-sections réunies ne reflètent pas le changement de cap opéré, un changement de cap certes encadré car le Conseil d’Etat qui a repris, en la limitant temporellement, la théorie anticipative. Le renversement opéré par l’exhumation réalisée de la théorie de la domanialité publique par anticipation vêtue de nouveaux habits ne surprend guère car il s’inscrit dans la droite ligne des interprétations « authentiques » proposées des dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques. B. Une décision qu’en apparence contra legem La théorie de la domanialité publique par anticipation pouvait sembler, de prime abord, exclue par l’esprit et la lettre du Code général de la propriété des personnes publiques invitant à qualifier la décision du 13 [8] Nelly Sudres www.revuegeneraledudroit.eu avril dernier de jurisprudence contra legem. Néanmoins, l’acceptation mesurée de cette domanialité, l’encadrement auquel le juge procède n’exclut pas d’envisager l’adéquation de sa décision avec le mouvement de réduction de la domanialité publique entrepris par le Code. A cela s’ajoutent les interprétations données par les rédacteurs du texte, interprétations dans le sens de l’acceptation d’une certaine anticipation de la domanialité publique d’un bien. D’une possible interprétation praeter legem au vu du silence du Code sur le devenir de la théorie, en passant par une probable qualification contra legem selon les termes du rapport au président de la République relatif au Code, on aboutit à une lecture secundum legem d’après les commentaire des « rédacteurs » du code si tant est que l’on oublie pas que le juge jouit d’une certaine liberté d’interprétation. A la lecture de l’article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques15, la substitution du qualificatif « spécial » par « indispensable » n’implique pas une exclusion de la théorie de la domanialité publique virtuelle, ou alors de façon plus qu’implicite, si l’on veut bien prendre en compte la logique restrictive souhaitée pouvant laisser entendre que la domanialité publique réduite exclut désormais son anticipation. Une rédaction claire des dispositions concernant la question a été manquée. Comme le relève P. Cossalter, « introduire le terme « effectivement » entre « fassent » et « l’objet » aurait suffi » tout comme « l’on aurait pu aussi plus élégamment écrire « fasse l’objet d’un aménagement effectif et indispensable… » »16. 15 « Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public ». 16 P. Cossalter, « Les habits neufs de l’Empereur ou la théorie virtuelle de la domanialité publique », préc. pour une lecture différente de l’article mettant en évidence l’opposition entre la conjugaison choisie -« fasse »- et celle délaissée – « ait fait », E. Fatôme, « la consistance du domaine public immobilier : évolution et questions ? », AJDA 2006, p. 1087 ». [9] Que reste-t-il de la domanialité publique par anticipation ? Par ailleurs, l’utilisation du temps présent du subjonctif (« fasse ») implique, selon l’interprétation juridique classique, une obligation laissant à penser que l’aménagement indispensable doit exister. Quoiqu’il en soit, les dispositions du Code ne sont pas tranchées sur la question, pouvant laisser à penser que la décision Commune de Baillargues, qui n’impose qu’un aménagement indispensable entamé et non terminé, adopte une solution praeter legem. Bien que sans valeur juridique, il serait téméraire de refuser de lire le Code à l’aune des informations diffusées dans le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du Code17. Il y est expliqué que le parti a été pris de « proposer une définition qui réduit le périmètre de la domanialité publique » de sorte que « c’est désormais la réalisation certaine et effective d’un aménagement indispensable pour concrétiser l’affectation d’un immeuble au service public, qui déterminera de façon objective l’application à ce bien du régime de la domanialité publique ». On retrouve ici la rigueur de la décision Association ATLALR concernant les biens soumis au Code. Dans la volonté d’instituer une méthode de qualification du domaine public plus objective, les caractères certain et effectif de la réalisation de l’aménagement semblent évincer toute logique d’anticipation de la domanialité publique, ce que confirme la suite du rapport : « cette définition prive d’effet la théorie de la domanialité publique virtuelle ». La décision Commune de Baillargues qui réintroduit l’idée de domanialité publique « précoce » semble alors entrer en contradiction avec l’exigence affirmée de concrétisation de l’aménagement. Certes l’entrée du bien dans le domaine public est moins « prématurée » que sous l’empire de l’ancienne théorie de la domanialité publique virtuelle, mais le raisonnement anticipatif reste. Le considérant de principe de la décision du 13 avril 2016 et l’option affichée par le rapport semblent, à ce stade, entrer en contradiction, argument plaidant en faveur de la qualification contra legem de la solution adoptée par le Conseil d’Etat. 17 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, JORF n°95 du 22 avril 2006 p. 6016, texte n° 20. [10]
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