Bulletin de la Société entomologique de France, 113 (4), 2008 : 497-509. Première évaluation de la biodiversité des Odonates, des Cétoines et des Rhopalocères de la forêt marécageuse de Lokoli (Sud Bénin) par Sévérin TCHIBOZO*, Henri-Pierre ABERLENC** Philippe RYCKEWAERT*** et Philippe LE GALL**** * Centre de Recherche pour la Gestion de la Biodiversité et du Terroir (Cerget), 04 B.P. 0385 Cotonou, Bénin <[email protected]> ** CIRAD, UMR CBGP, TA A-55/L, F – 34398 Montpellier cedex 5. *** Cirad, UR 27, TA B-57, F – 34398 Montpellier cedex 5. **** IRD c/o CNRS, laboratoire Evolution, Génomes et Spéciation, avenue de la Terrasse, bât. 13, BP 1, F – 91198 Gif-Sur-Yvette Résumé. – La forêt marécageuse de Lokoli a été prospectée en 2006 pour établir un premier inventaire des Odonata, Coleoptera Cetoniidae et Lepidoptera Rhopalocera : sur 24 espèces d’Odonates recensées, 13 sont nouvelles pour le Bénin, parmi lesquelles Oxythemis phoenicosceles Ris, espèce rare, et Ceriagrion citrinum Campion, classée comme vulnérable sur la liste rouge de l’UICN et justifiant à elle seule la protection du site. Douze espèces de Cétoines ont été recensées, pour la plupart typiquement forestières ; Cyprolais aurata (West- wood) s’avère être une espèce typique de forêt inondée et Grammopyga cincta Kolbe n’est connue au Bénin que de Lokoli et de la vallée de l’Ouémé ; sur 75 espèces de Rhopalocères, 28 sont nouvelles pour le Bénin et 9 seulement sont strictement inféodées à des milieux forestiers. Eurema hapale Mabille, E. desjardinsii regularis Butler et Acraea encedana Pierre, espèces peu communes, sont inféodées aux milieux humides. La forêt marécageuse de Lokoli, unique au Bénin sur le plan écologique et contribuant à la biodiversité régionale, devrait impérativement être élevée au statut de réserve naturelle. Summary. – First evaluation of Odonata, Coleoptera Cetoniidae and Lepidoptera Rhopalocera biodiversity in the Lokoli swampy forest of South Benin. Odonata, Coleoptera Cetoniidae and Lepidoptera Rhopalocera were collected during 2006 from the Lokoli swampy forest. 24 Odonata species were listed, with 13 new species for Benin, including Oxythemis phoenicosceles Ris, a rare species, and Ceriagrion citrinum Campion, an endangered species on the IUCN red list, which suggest that this forest should be made a nature reserve. 12 flower beetles species were listed, most of them live only in forests. Cyprolais aurata (Westwood) is known to be a species living only in swampy rainforests and Grammopyga cincta Kolbe is known in Benin only in Lokoli and in Ouémé valley. Among 75 butterflies species, 28 are new to Bénin and only 9 occur strictly in forests. The uncommon species Eurema hapale Mabille, E. desjardinsii regularis Butler and Acraea encedana Pierre live only in swampy areas. The Lokoli swampy rainforest is ecologically unique in Benin and contributes to regional biodiversity, therefore it must become protected as nature reserve. Keywords. – Dahomey gap, faunistic inventory, IUCN red list, nature reserve, Odonata, Coleoptera, Cetoniidae, Lepidoptera Rhopalocera. _________________ Les Arthropodes jouant un rôle clé dans les écosystèmes forestiers, les responsables de la conservation de la nature doivent les prendre en considération au même titre que la grande faune et la flore (COUTURIER et al., 1985). Les études consacrées aux Insectes des réserves naturelles et des milieux forestiers du Bénin sont peu nombreuses (TCHIBOZO, 1996 ; TOUROULT & LE GALL, 2001a & b ; FERMON et al., 2001 ; ROBICHE et al., 2002. ; TCHIBOZO & BRAET, 2004). Pour contribuer à combler cette lacune, deux d’entre nous (ST & PLG) avons en cours de rédaction ou de publication plusieurs articles consacrés à l’entomofaune béninoise. La présente évaluation concerne la forêt marécageuse de Lokoli au sud du Bénin. En Afrique occidentale, les forêts et les différents types de savanes sont distribués en ceintures parallèles à l’équateur depuis l’océan jusqu’au Sahara, avec un décalage des savanes vers le sud au niveau du couloir du Dahomey ("Dahomey gap") ; cependant les zones forestières ont beaucoup régressé à cause de l’activité humaine et des changements climatiques. Le couloir du Dahomey comprend le Togo, le Bénin et la bande côtière orientale du Ghana. C’est une bande de savane orientée nord-sud qui atteint l’océan, séparant à l’ouest un ensemble forestier qui s’étend de la Guinée au Ghana et à l’est un autre ensemble forestier qui s’étend du Nigéria au Congo. Le couloir du Dahomey a connu des phases d’extension et de régression en fonction 498 TCHIBOZO et al. – Biodiversité de la forêt de Lokoli des fluctuations climatiques et a même disparu complètement au cours des intermèdes les plus humides. Il constitue une barrière biogéographique pour certains taxa, qui y sont en limite orientale ou occidentale de répartition : le Bénin est ainsi une zone charnière que certaines espèces (ou sous-espèces) forestières ne franchissent pas. D’autres espèces, principalement inféodées aux milieux ouverts, ont une vaste répartition en Afrique. Le couloir du Dahomey abrite aussi un certain nombre d’espèces endémiques (LE GALL et al., 2002). Au sud du Bénin, la forêt marécageuse de Lokoli (07°02’N ; 02°15’E) est l’un des derniers vestiges forestiers du couloir du Dahomey (fig. 1-3). Elle est située dans le département du Zou, sur le territoire de la commune de Zogbodomè, dans l’arrondissement de Koussoukpa (carte 1). Sa superficie est d’environ cinq cents hectares, entrecoupés de zones ouvertes cultivées en Taro sauvage ou Macabo (Colocasia esculenta) (Araceae). SOKPON et al. (2001) et DAN (2003) ont étudié la composition floristique de la forêt de Lokoli et ont inventorié 115 espèces végétales. C’est une forêt dense marécageuse dégradée. On y trouve entre autres les espèces suivantes : Anthocleista vogelii (Loganiaceae) ; Alstonia congensis (Apocynaceae) ; Xylopia rubescens (Annonaceae) ; Hallea ciliata, H. (= Mitragyna) stipulosa, Nauclea diderechii, Tarrena paniculata (Rubiaceae) ; Spondianthus preussi (Euphorbiaceae) ; Syzygium owariense (Myrtaceae) ; Pterocarpus santalinoides (Fabaceae) ; Milicia excelsa (Moraceae) ; Ficus congensis, F. leprieuri (Moraceae) ; Ceiba pentandra (Bombacaceae) ; Raphia hookeri, R. vinifera, R. sudanica (Arecaceae) ; Cyclosorus gongylodes (Thelypteridaceae) ; Crinum jagus (Amaryllidaceae) ; Culcasia scandens (Araceae) ; Ipomea aquatica (Convolvulaceae) ; Nymphaea lotus (Nymphaeaceae) ; Azolla africana (Azollaceae) ; Cyperus difformis (Cype- raceae) ; Rhynchospora corymbosa (Cyperaceae) ; Ludwigia abyssinica (Onagraceae). La forêt de Lokoli offre donc un intérêt exceptionnel par sa position dans la charnière biogéographique qu’est le couloir Dahoméen, par son état de forêt relictuelle et par ses caractéristiques écologiques originales de forêt marécageuse. MATÉRIELS ET MÉTHODES Les prélèvements ont été réalisés d’avril à novembre 2006, c’est-à-dire essentiellement en saison des pluies, dans les zones accessibles de la forêt (en partie en pirogue), en lisière et dans les abords ouverts (champs, cultures…). Libellules et Lépidoptères étaient capturés à vue, au filet, le plus souvent en pirogue. Des pièges-nasses (cylindres de moustiquaire ouverts dans leur partie inférieure) appâtés avec des fruits fermentés (bananes + sucre) ont été suspendus à des branches (fig. 3), attirant certains Rhopalocères, notamment des Nymphalidae. Les Cétoines ont été piégées avec des pots hissés dans des arbres, appâtés avec des fruits fermentés. Les Rhopalocères ont été déterminés avec l’ouvrage "Butterflies of West Africa" (LARSEN, 2005), qui constitue la référence pour cette région. Nous en avons repris la nomen- clature. L’identification des espèces de quelques genres "difficiles" de Lépidoptères (Neptis, Leptotes et Cacyreus) a été confirmée par l’examen des genitalia. RÉSULTATS Odonata Des Odonates n’ont été capturés en République du Bénin (ex Dahomey) que par Villiers (FRASER, 1951) et par TCHIBOZO & DIJKSTRA (2003). Les espèces recensées en forêt de Lokoli avaient été citées du Bénin par FRASER (1951), sauf Chlorocypha pyriformosa Fraser, Ceri- agrion citrinum Campion, Acisoma panorpoides Rambur, Acisoma trifidum Kirby, Olpogastra lugubris Karsch, Orthetrum africanum (Selys), Oxythemis phoenicosceles Ris, Parazyxomma flavicans (Martin), Sympetrum navasi Lacroix, Trithemis grouti Pinhey, Zyxomma atlanticum Selys, Ceriagrion corallinum Campion et Pseudagrion hamoni Fraser. Pour l’Afrique de l’Ouest, voir IUCN (2006). Bulletin de la Société entomologique de France, 113 (4), 2008 : 497-509 499 Carte I. – Situation de la forêt de Lokoli au Bénin. ANISOPTERA Aeshnidae Gynacantha cylindrata Karsch, 1891 Libellulidae Acisoma panorpoides Rambur, 1842 Acisoma trifidum Kirby, 1889 Chalcostephia flavifrons Kirby, 1889 Olpogastra lugubris Karsch, 1895 Orthetrum africanum (Selys, 1887) 500 TCHIBOZO et al. – Biodiversité de la forêt de Lokoli Oxythemis phoenicosceles Ris, 1909 Espèce probablement rare, connue pour le moment seulement de Lokoli (fig. 5). Pantala flavescens (Fabricius, 1798) Espèce à large répartition. Parazyxomma flavicans (Martin, 1908) Rhyothemis notata (Fabricius, 1781) Seul un mâle a été collecté. Sympetrum navasi Lacroix, 1921 Trithemis arteriosa (Burmeister, 1839) Espèce très commune. T. grouti Pinhey, 1961 Seul un mâle a été collecté. Zyxomma atlanticum Selys, 1889 Espèce probablement rare. ZYGOPTERA Chlorocyphidae Chlorocypha curta (Hagen, 1853) C. pyriformosa Fraser, 1947 Seul un mâle a été collecté. Coenagrionidae Agriocnemis maclachlani Selys, 1877 Ceriagrion citrinum Campion, 1914 Espèce très menacée, nouvelle pour le Bénin. Classée comme vulnérable (VU) sur la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Elle est connue avec certitude du Sud-Ouest du Nigeria et très rare au Bénin, où elle n’est citée que de Lokoli et de la forêt communautaire de Gnanhouizoumè. Il faudrait mieux connaître sa répartition au Bénin et protéger tous ses habitats (fig. 4). Ceriagrion corallinum Campion, 1914 C. glabrum (Burmeister, 1839) Très répandue. C. rubellocerinum Fraser, 1947 Très répandue. Pseudagrion basicornu Schmidt, 1936 Probablement rare. P. hamoni Fraser, 1955 Très répandue. P. sjoestedti Förster, 1906 Seul un mâle a été collecté. Coleoptera Cetoniidae Bien que les Cétoines de la région guinéo-congolaise soient assez bien connues sur le plan systématique (KRAJCIK, 1998, 1999), on ignore encore presque tout de leur écologie (BOUYER et al., 2007) et de la répartition exacte des espèces : alors qu’il existe un nombre élevé de publications taxonomiques relatives à la région, on ne dispose que de quelques publications faunistiques concernant un nombre restreint de localités au Sénégal (RUTER, 1964, 1975), en Guinée (RUTER, 1954, 1958, 1966), en Côte d’Ivoire (RUTER, 1948, 1969) et au Ghana (JOLY, 2001). Goliathini Chlorocala africana africana (Drury, 1773) L’une des espèces les plus communes du continent africain. Les populations du Bénin sont légèrement différentes des populations répandues dans les forêts guinéennes, en Côte d’Ivoire et au Ghana par exemple. Cyprolais aurata (Westwood, 1841) Cette espèce est largement répandue dans la région guinéo- congolaise. Les recherches menées en forêt de Lokoli permet- tent de préciser son écologie. Au Bénin, l’espèce n’avait été capturée précédemment qu’à deux reprises et uniquement à vue : un mâle en forêt de la Lama en novembre 1997 et un couple à Niaouli en octobre 1998. Que ce soit à Niaouli ou à la Lama, la majorité des collectes a été effectuée dans les zones de forêts exondées, mais souvent à proximité de zones inondées. La récolte de séries importantes de cette espèce par un piégeage effectué uniquement en forêt inondée et Bulletin de la Société entomologique de France, 113 (4), 2008 : 497-509 501 l’absence de cette espèce dans tous les piégeages effectués dans des zones exondées démontre l’inféodation de cette espèce à ce type très particulier de forêt (fig. 6). Lophorrhina quinquelineata (Fabricius, 1781) Espèce forestière très commune dans toute la région guinéo- congolaise, qui se développe essentiellement dans les cavités d’arbres, qui sont très abondantes dans la forêt de Lokoli. Cetoniini Pachnoda marginata aurantia (Herbst, 1790) Une des espèces les plus fréquentes en Afrique de l’Ouest. La sous-espèce P. m. aurantia est plus particulièrement répandue dans la région du couloir dahoméen. Pachnoda postica Gory & Percheron, 1833 Espèce des milieux boisés, très abondante dans toute la région guinéenne. Marmylidia marginella (Fabricius, 1775) Espèce abondante dans toute la région forestière de l’Ouest et du Centre de l’Afrique. Megaleucosma maritima (Moser, 1914) Espèce largement répandue dans la région guinéenne, plutôt dans les milieux boisés (fig. 7). Alleucosma viridula (Kraatz, 1880) Espèce forestière commune en région guinéenne. Grammopyga cincta Kolbe, 1895 Cette espèce peu connue du Bénin n’a été capturée qu’en petit nombre d’exemplaires et uniquement dans la vallée de l’Ouémé. Elle semble plus abondante dans les forêts sempervirentes du Ghana (Le Gall, observation personnelle) (fig. 8). Diplognathini Diplognatha gagates (Forester, 1771) C’est l’une des espèces de Cétoines les plus communes en Afrique. Pseudinca incoides (Thomson, 1860) Espèce forestière guinéo-congolaise très commune, dont on connaît très peu de choses sur la biologie. La larve se déve- loppe aussi très probablement dans les cavités d’arbres. Trichiinae Myodermum alutaceum (Afzelius, 1817) Espèce largement répandue dans la région. Discussion. – La faune des Cétoines de la forêt de Lokoli est relativement pauvre : cette forêt étant de faible superficie, c’est un cas d’insularisation. On n’observe que 12 espèces, en majorité inféodées aux milieux forestiers, contre une quarantaine à Pobé et plus de 70 à Niaouli, deux forêts géographiquement très proches de Lokoli. Cette forêt, si particulière sur le plan écologique, apporte sa contribution à la biodiversité régionale avec des espèces spécialisées comme Cyprolais aurata ou Grammopyga cincta, qui sont absentes ou très rares dans les autres types de forêt. Il est hautement probable, vu les fortes densités d’adultes observées, que les larves de Cétoines constituent une ressource alimentaire non négligeable pour les prédateurs, abondants dans cette forêt. Il serait intéressant d’étudier le lien entre la biomasse de ces larves saproxylophages et l’abondance des Écureuils volants (qui vivent eux aussi dans les cavités d’arbres). Lepidoptera Rhopalocera PAPILIONIDAE Habitats1 Papilio dardanus dardanus Brown, 1776 F sèches, MO P. nireus nireus L., 1758 F, MO P. demodocus demodocus Esper, 1798 S, MO, F dégradées Graphium leonidas leonidas (F., 1793) S 1 D’après LARSEN (2005), dans l’ordre de préférence des habitats (* espèce nouvelle pour le Bénin ; ° espèce peu commune et/ou localisée en Afrique de l’Ouest ; F : forêts ; S : savanes ; MO : milieux ouverts non naturels (friches, cultures, prairies, jardins…) 502 TCHIBOZO et al. – Biodiversité de la forêt de Lokoli Fig. 1-8. – 1-3, forêt de Lokoli. – 4, Ceriagrion citrinum Campion. – 5, Oxythemis phoenicosceles Ris. – 6, Cyprolais aurata (Westwood). – 7, Megalleucosma maritima (Moser). – 8, Grammopyga cincta Kolbe. (1-5, photos S. Tchibozo ; 6-8, photos C. Vanderbergh et Ph. Le Gall). Bulletin de la Société entomologique de France, 113 (4), 2008 : 497-509 503 Fig. 9-20. – 9-10, Charaxes plantroui Minig (9, ♀ ; 10, ♂). – 11, Neptis troundi Pierre-Baltus. – 12, Mimeresia libentina Hewintson, face ventrale. – 13, Acraea encedana Pierre. – 14, Liptena septistrigata Bethune-Baker. – 15, Deudorix odana Druce. – 16, Eurema hapale Mabille. – 17, Pseudoneptis bugandensis ianthe Hemming. – 18, Pardaleodes incerta murcia Plötz. – 19, Euxanthe eurinome Cramer. – 20, Elymniopsis bammakoo Westwood, face ventrale (photos H.-P. Aberlenc). Échelle : 1 cm. PIERIDAE Coliadinae Catopsilia florella (F., 1775) S, MO Eurema hecabe solifera (Butler, 1875) S, MO E. hapale (Mabille, 1882) * ° marécages (fig. 16) E. desjardinsii regularis (Butler, 1876) ° lisières F, S humides Pierinae Colotis euippe euippe (L., 1758) S, MO, F dégradées C. evagore antigone (Boisduval, 1836) S Belenois creona creona (Cramer, 1776) S, MO B. calypso calypso (Drury, 1773) S arborées 504 TCHIBOZO et al. – Biodiversité de la forêt de Lokoli LYCAENIDAE Lipteninae Mimeresia libentina (Hewitson, 1866) * ° F, F dégradées (fig. 12) Citrinophila similis (Kirby, 1887) * F Liptena septistrigata (Bethune-Baker, 1903) * ° F (fig. 14) Theclinae Spindasis mozambica Bertolini, 1850 S Axiocerses harpax (F., 1775) S Deudorix antalus (Hopffer), 1855 * S, MO D. odana odana Druce, 1887 * ° F (fig. 15) Polyommatinae Anthene liodes (Hewitson), 1874 * ° lisières F Lampides boeticus (L., 1767) * S, MO Cacyreus lingeus (Stoll, 1782) F dégradées, MO, lisières F Leptotes babaulti (Stempffer, 1935) S, F dégradées Euchrysops malathana (Boisduval, 1833) * S, F dégradées Lepidochrysops quassi quassi (Karsch, 1895) * MO Zizeeria knysna (Trimen, 1862) S, MO Zizula hylax (F., 1775) S, MO, F dégradées NYMPHALIDAE Danainae Danaus chrysippus chrysippus (L., 1758) S, MO Tirumala petiverana (Doubleday & Hewitson, 1847) F sèches, F dégradées Satyrinae Melanitis leda (L., 1758) F, S, MO Elymniopsis bammakoo bammakoo (Westwood, 1851) * F (fig. 20) Bicyclus dorothea dorothea (Cramer, 1779) * F, F dégradées B. sandace (Hewitson, 1877) F, S boisées B. safitza safitza (Westwood, 1850) S, F dégradées Ypthima doleta Kirby, 1880 F dégradées Charaxinae Charaxes varanes vologeses (Mabille, 1876) F sèches, F dégradées C. boueti Feisthamel, 1850 * ° F, S C. epijasius Reiche, 1850 S C. brutus brutus (Cramer, 1779) * F, F dégradées C. tiridates tiridates (Cramer, 1777) F, F dégradées C. numenes numenes (Hewitson, 1859) F, F dégradées C. etesipe etesipe (Godart, 1824) * F, S C. achaemenes atlantica van Someren, 1970 * S C. anticlea anticlea (Drury, 1782) * F C. virilis virilis van Someren & Jackson, 1952 * F C. plantroui Minig, 1975 * F sèches, S (fig. 9-10) Euxanthe eurinome (Cramer, 1775) * ° F, F dégradées (fig. 19) Nymphalinae Precis pelarga (F., 1775) * F, S, MO Hypolimnas misippus (L., 1764) S, MO Juniona oenone oenone (L., 1758) S, MO J. sophia sophia (F., 1793) * MO J. terea terea (Druce, 1773) F dégradées Catacroptera cloanthe ligata Rothschild & Jordan, 1903 S Biblidinae Ariadne enotrea enotrea (Cramer, 1779) lisières F Neptidopsis ophione ophione (Cramer, 1777) lisières F Eurytela dryope dryope (Cramer, 1775) F sèches Limenitidinae Pseudoneptis bugandensis ianthe Hemming, 1964 * F (fig. 17) Neptis morosa Overlaet, 1955 S, MO Bulletin de la Société entomologique de France, 113 (4), 2008 : 497-509 505 N. troundi Pierre-Baltus, 1978 * F (fig. 11) Hamanumida daedalus (F., 1775) S, MO Aterica galene galene (Brown, 1776) F, F dégradées Euphaedra medon medon (L., 1763) F, F dégradées, MO E. ceres lutescens Hecq, 1979 F, F dégradées, MO Heliconiinae Acraea encedon encedon (L., 1758) * S, MO A. encedana Pierre, 1976 ° MO près marécages (fig. 13) A. lycoa Godart, 1819 F, F dégradées A. serena (F., 1775) (= eponina Cramer, 1780) S, F dégradées A. acerata Hewitson, 1874 F dégradées, MO A. neobule Doubleday, 1847 S, MO Phalanta phalanta aethiopica (Rothschild & Jordan, 1903) F sèches, S boisées HESPERIIDAE Pyrginae Sarangesa bouvieri (Mabille, 1877) * ° F sèches, lisières F Spialia spio L., 1764 S, MO Hesperiinae Pardaleodes edipus (Stoll, 1781) lisières F (fig. 18) P. incerta murcia (Plötz, 1883) * lisières F Monza cretacea (Snellen, 1872) * F sèches, F dégradées Les Rhopalocères, qui représentent la grande majorité des Lépidoptères diurnes, sont de plus en plus utilisés comme bioindicateurs dans des études écologiques ou biogéographiques concernant la protection des milieux naturels (BOBO et al., 2006 ; BOGGS et al., 2003). En effet, leur grande taille, leur visibilité dans le milieu, la (relative) simplicité de leur identification et la connaissance assez avancée de leur biologie font des Rhopalocères d’utiles taxa bioindicateurs. Tableau I. – Comparaison du nombre d’espèces par familles ou sous-familles de Nymphalidae de la forêt de Lokoli et d’Afrique de l’Ouest. Familles / sous-familles Nb spp. ft de Lokoli Nb spp. Afrique de l’O2 % Papilionidae 4 34 12 Pieridae 8 80 10 Lycaenidae 15 510 3 Danainae 2 9 22 Satyrinae 6 70 9 Charaxinae 12 62 19 Nymphalinae 6 38 16 Biblidinae 3 17 18 Limenitidinae 7 287 2 Heliconiinae 7 65 11 Hesperidae 5 257 2 TOTAL 75 1431 5 En Afrique de l’Ouest, près de 1500 espèces ont été recensées par LARSEN (2005), alors que seulement un millier était connues 25 ans auparavant (D’ABRERA, 1980), mais on ne disposait encore que de très peu de données sur le Bénin. Les trois quarts des espèces étant inféodés aux forêts, on peut supposer que ce pays non forestier, par sa situation dans le couloir du Dahomey, a pour cette raison peu intéressé les lépidoptéristes. Ceci montre l’intérêt d’étudier la lépidoptèrofaune des quelques forêts relictuelles, comme celle de Lokoli, notamment en vue de justifier la protection de ce type de milieu (NAGEL et al., 2003). De plus, LARSEN 2 D’après LARSEN, 2005. 506 TCHIBOZO et al. – Biodiversité de la forêt de Lokoli (op. cit.) indique la présence possible au Bénin de nombreuses espèces connues des pays limitrophes (Togo, Nigeria) et non encore signalées. Les seules études notables concernant des Rhopalocères du Bénin se rapportent à la forêt de Lama (FERMON et al., 2001 ; TCHIBOZO & BRAET, 2004)), située à une quinzaine de kilomètres de celle de Lokoli, et dont les relations avec cette dernière seraient intéressantes à étudier. Chaque espèce peut être inféodée à un ou plusieurs milieux au Bénin (LARSEN, 2005) : - les forêts, depuis celles qui sont primaires jusqu’au plus dégradées, avec un gradient d’humidité lié soit à la pluviométrie, soit aux conditions édaphiques (cas de la forêt marécageuse de Lokoli). Ce sont ces milieux qui renferment la plus grande biodiversité en Lépidoptères et qui ont le maximum d’intérêt pour la conservation des espèces. Les espèces présentes sortent rarement du couvert végétal (comportement "sciaphile") et ne se déplacent guère sur de longues distances (Larsen, comm. pers. ; P.R., obs. pers.) - les savanes, comprenant la savane guinéenne, les savanes boisées, et la savane non arborée ou savane soudanaise. Les espèces sont présentes en dehors du couvert végétal (milieux ouverts) et se déplacent souvent sur d’assez grandes distances, voire en effectuant des vols migratoires pour certaines ; - les zones humides et marécageuses, avec quelques espèces particulières ; - les milieux créés par l’Homme : friches, cultures, prairies, jardins, etc., qui sont des milieux ouverts, souvent colonisés par des espèces de savanes ou ubiquistes. Inventaire. – Une première liste des espèces capturées dans la forêt de Lokoli et ses abords est donnée dans le tableau ci-dessus, ainsi que leurs habitats connus. Sur un total de 75 espèces, 28 n'avaient pas encore été signalées du Bénin, mais leur présence était fort probable selon LARSEN, à l’exception d’Eurema hapale Mabille, espèce localisée et inféodée aux zones marécageuses. On note aussi la présence de 8 espèces peu fréquentes ou localisées en Afrique de l’Ouest, dont la plupart font partie des espèces nouvelles pour le Bénin. Le tableau I permet de comparer le nombre d’espèces par famille ou sous-famille par rapport à la faune d’Afrique de l’ouest. Le nombre d’espèces recensées à ce jour est relati- vement élevé, compte tenu de la très courte durée des collectes sur le terrain, pendant une partie de l’année, sachant que beaucoup d’espèces restent discrètes et que les populations de la majorité des taxa forestiers tropicaux sont de faible densité. En comparaison, 83 espèces ont été recensées en 3 mois de la forêt semi-déciduée de Lama (FERMON et al., 2001), bien plus étendue en superficie et étudiée avec des moyens plus importants. Toutefois, Larsen estime que cette forêt pourrait renfermer potentiellement près de 250 espèces, sachant qu’une partie d’entre elles a échappé aux investigations, notamment celles volant à une certaine hauteur ou au-dessus de la canopée. Rappelons que certaines forêts primaires de l’ouest du Cameroun peuvent abriter près d’un millier d’espèces de Rhopalocères (LARSEN, 2005) ! On constate la faible proportion de Lycaenidae, Hesperiidae et Limenitidinae, qui sont d’ailleurs les groupes les plus nombreux parmi les Rhopalocères africains. Les deux premières familles correspondent à des espèces généralement de petite taille, plus ou moins discrètes, ayant de plus un vol très rapide pour les Hesperiidae. On sait aussi que de nombreuses espèces forestières de Lycaenidae ne volent qu’au-dessus de la canopée et sont par conséquent très difficiles à observer. Les Limenitidae renferment des genres dont les nombreuses espèces sont majoritairement inféodées à la forêt (Euphaedra, Bebearia, Euriphene, Cymothoe…) et à répartition souvent restreinte. Dans l’inventaire, seules deux espèces d’Euphaedra sont recensées, mais ce sont pratiquement les seules de ce genre ayant une écologie large puisqu’on peut les retrouver dans des milieux très anthropisés et ce sont donc de mauvais bioindicateurs. Les Satyrinae sont représentés en partie par le genre Bicyclus qui renferme de nombreuses espèces forestières, mais celles trouvées ici se développent aussi dans des milieux plus ouverts.