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Premier Amour PDF

110 Pages·2015·0.25 MB·French
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LA BIBLIOTHÈQUE RUSSE ET SLAVE — — LITTÉRATURE RUSSE Ivan Tourgueniev (Тургенев Иван Сергеевич) 1818 — 1883 PREMIER AMOUR (Первая любовь) 1860 Traduction d’Ely Halpérine-Kaminsky, Paris, Marpon et Flammarion, 1892. TABLE I ...............................................................................................................6 II............................................................................................................10 III ..........................................................................................................13 IV...........................................................................................................15 V............................................................................................................24 VI...........................................................................................................27 VII.........................................................................................................30 VIII........................................................................................................39 IX ..........................................................................................................43 X............................................................................................................52 XI ..........................................................................................................56 XII.........................................................................................................60 XIII .......................................................................................................64 XIV........................................................................................................67 XV.........................................................................................................70 XVI........................................................................................................74 XVII......................................................................................................82 XVIII.....................................................................................................88 XIX........................................................................................................92 XX.........................................................................................................95 XXI......................................................................................................100 XXII....................................................................................................106 2 Dédié à P. V. Annenkov. Les convives étaient partis depuis longtemps. La pendule avait sonné minuit et demi ; dans la chambre ne restaient que le maître de la maison, et ses deux amis Serguey Niko- laevitch et Vladimir Petrovitch. Le maître sonna et ordonna d’enlever les restes du sou- per. — Ainsi c’est décidé, dit-il en s’enfonçant plus profon- dément dans son fauteuil et en allumant un cigare ; chacun de nous doit raconter l’histoire de son premier amour. C’est vous qui commencerez, Serguey Nikolaevitch. Serguey Nikolaevitch, un homme rondelet, blond, au vi- sage un peu bouffi, regarda le maître puis leva les yeux au plafond. — Je n’ai pas eu de premier amour, dit-il enfin ; j’ai direc- tement commencé par le second. — Comment cela ! — Tout simplement. J’avais dix-huit ans quand, pour la première fois, je fis la cour à une très gentille jeune fille ; mais je la fis comme si j’en avais déjà eu de l’expérience et comme il m’arriva plus tard de la faire aux autres. À vrai dire, je ne fus amoureux que la première et dernière fois, 3 1 qu’à l’âge de six ans de ma niania . Vous vous rendez compte que de cela, il y a bien longtemps. Les détails de nos relations se sont effacés de ma mémoire ; et d’ailleurs, si je m’en souvenais, personne ne s’y intéresserait. — Comment faire, alors ? dit le maître de la maison. Sur mon premier amour, moi non plus je n’ai rien de bien inté- ressant à raconter. Je ne suis tombé amoureux de personne avant de faire la connaissance d’Anna Ivanovna, ma femme actuelle ; et tout a marché pour nous comme sur des rou- lettes. Nos pères nous avaient fiancés d’avance Anna et moi. Nous nous sommes plu très vite et nous nous sommes mariés sans beaucoup de délai. Voila donc mon récit fait en deux mots. Je vous avoue, Messieurs, qu’en soulevant la question du premier amour à raconter, j’attendais quelque chose de vous célibataires, je ne dis pas vieux, mais je ne dis pas non plus absolument jeunes. Ce sera peut-être vous, Vladimir Petrovitch, qui aurez quelque chose d’intéressant à nous dire à ce sujet ? — Mon premier amour est en effet mêlé à des événe- ments qui sortent de l’ordinaire, répondit avec un peu d’hésitation Vladimir Petrovitch, un homme d’une quaran- taine d’années aux cheveux noirs grisonnants. — Ah ! firent d’une seule voix le maître de la maison et Serguey Nikolaevitch. Tant mieux... Racontez. — Soit... ou plutôt non : je ne raconterai pas, je ne suis pas un assez bon narrateur : mon récit pourrait paraître sec et court, ou bien trop détaillé et faux ; mais si vous me le permettez, j’écrirai tout ce dont je me souviens de l’histoire promise et je vous la lirai. 1 Bonne d’enfants. 4 Les amis se refusèrent d’abord à y consentir ; mais Vla- dimir Petrovitch tint bon. Quinze jours après, ils se réuni- rent de nouveau et notre narrateur s’exécuta. Voici ce qu’il avait écrit. 5 I J’avais alors seize ans. C’était pendant l’été de 1833. Je vivais à Moscou chez mes parents. Ils avaient loué une maison de campagne près du mur d’enceinte de Kalouga. Je me préparais à entrer à l’Université ; mais je travaillais peu et sans trop me presser. Personne n’entravait ma liberté. Je faisais ce que je vou- lais, surtout depuis que je m’étais séparé de mon gouver- neur français, lequel ne pouvait s’habituer à l’idée qu’il était tombé « comme une bombe » en Russie, et, l’exaspération sur le visage, se roulait toute la journée sur le lit. Mon père me traitait avec une affabilité indifférente ; ma mère s’occupait fort peu de moi, quoiqu’elle n’eût pas d’autre enfant. D’autres soucis l’absorbaient. Mon père, un homme encore jeune et très beau, avait épousé ma mère par intérêt. Elle était de dix années plus âgée que lui. Elle menait une vie assez triste : elle était constamment inquiète, jalouse, irritée, mais jamais en pré- sence de mon père. Elle le craignait beaucoup ; quant à lui, froid et réservé, il se tenait à distance. Je n’ai jamais vu un homme aussi galamment calme, assuré et impérieux. Je n’oublierai jamais les premières semaines que je passai dans cette maison de campagne. Le temps était magnifique. Nous y étions venus le 9 mai, juste le jour de Saint-Nicolas. Je me promenais tantôt dans notre jardin, tantôt de l’autre côté du mur d’enceinte. J’emportais avec moi quelques li- vres, — le traité de Kaïdanov entre autres ; — mais, celui-là, 6 je l’ouvrais rarement ; je préférais me réciter tout haut à moi-même des vers que je savais par cœur. La sève bouil- lonnait en moi, et mon cœur languissait d’une façon douce et plaisamment romanesque. J’attendais je ne sais quoi, je m’intimidais, je m’étonnais et j’étais toujours sur le qui- vive. Mon imagination vagabondait et voltigeait rapide- ment autour des mêmes images, comme, à l’aube, les mar- tinets autour du clocher. Je devenais rêveur ; je m’attristais, je pleurais même. Mais de la tristesse et des larmes qui m’inondaient, sous l’impression d’un vers musical ou de la beauté d’une soi- rée, sortait comme une fleur de printemps, le sentiment joyeux d’une vie jeune et débordante. J’avais pour mon usage un petit cheval de selle ; je le sel- lais moi-même et je m’en allais seul au loin, en me lançant au galop, m’imaginant être un chevalier sur l’arène. Et que joyeusement le vent sifflait dans mes oreilles ! Ou bien tournant mon visage vers le ciel, j’enfermais sa lumière et son azur éclatant dans mon âme ouverte. Je me souviens qu’en ce temps, l’image d’une femme, le fantôme de l’amour, ne se dressait presque jamais dans mon esprit avec des contours bien définis. Mais dans tout ce que je pensais, dans tout ce que je ressentais se cachait cependant un pressentiments demi conscient et pudique de quelque chose d’inconnu, inexplicablement doux et fémi- nin... Ce pressentiment, cette attente pénétrait tout mon être ; il devenait mon souffle ; il coulait dans toutes mes veines, dans chaque goutte de mon sang... Le sort voulut que bien- tôt il devînt réalité. 7 Notre villa se composait d’une maison seigneuriale cons- truite en bois avec des colonnes, et de deux pavillons bas. Le pavillon de gauche était occupé par une fabrique de pa- piers peints... Plus d’une fois j’allais là pour regarder comment une di- zaine de gamins mal peignés et maigres, dans des tuniques sales, aux visages bouffis de buveur, sautaient sur des le- viers en bois qui pesaient sur des presses et, de cette façon, par le seul poids de leurs corps malingres, imprimaient le dessin sur le papier. Le pavillon de droite, inoccupé, était à louer. Un jour, — trois semaines après le neuf mai, — les volets des fenêtres de ce pavillon s’ouvrirent ; des visages de femmes apparurent. Une famille quelconque s’était instal- lée là. Il me souvient que ce même jour, pendant le dîner, ma mère s’enquit au majordome de ce qu’étaient les nouveaux voisins, et ayant entendu le nom de la princesse Zassékine, elle dit d’abord, non sans un certain respect : — Ah ! princesse... mais aussitôt elle ajouta : Probable- ment sans fortune. — Ils sont arrivés dans trois fiacres, remarqua avec défé- rence le majordome en présentant le plat ; — ils n’ont pas de voiture, et leurs meubles sont très ordinaires. — Oui, répondit ma mère, cependant ce sont toujours des gens convenables. Mon père la regarda froidement et ne dit rien. En effet, la princesse Zassékine ne devait pas être bien riche : le pavillon qu’elle avait loué était si vieux, si petit et si bas, que des gens quelque peu aisés n’auraient jamais consenti à y loger. 8 Du reste, je ne fis alors aucune attention à tout cela. Le titre de prince ne m’imposait pas. J’étais encore sous l’impression de la lecture récente des Brigands de Schiller. 9 II J’avais l’habitude d’errer chaque soir dans notre jardin à la recherche des corbeaux. J’avais contre ces oiseaux pru- dents, rapaces et malins, une véritable haine. Le jour dont je viens de parler, je me rendis, comme à l’ordinaire, dans le jardin, et, après avoir vainement inspec- té toutes les allées (les corbeaux m’avaient probablement reconnu et croassaient de loin), je me rapprochai par ha- sard de la haie basse qui séparait notre terrain de l’étroite bande de terre formant le jardin du pavillon de droite. Je marchais la tête inclinée. Tout à coup, j’entendis des voix. Je regardai par-dessus la haie et je restai cloué sur place. Un étrange spectacle s’offrit à mes yeux. À quelques pas de moi, sur la clairière, parmi les fram- boisiers aux fruits encore verts, se tenait une grande et svelte jeune fille, vêtue d’une robe rose à raies, et portant un fichu blanc sur la tête. Autour d’elle se pressaient qua- tre jeunes gens, et, à tour de rôle, elle les frappait sur le front avec des fleurs grises dont je ne connais pas le nom. mais qui sont souvent dans les mains des enfants. Ces fleurs forment de petits sacs et se déchirent avec bruit quand on les cogne contre un corps dur. Les jeunes gens se soumettaient si volontiers à cette opé- ration, et, dans les mouvements de la jeune fille (je la voyais de profil), il y avait un je ne sais quoi de si gracieux, d’impérieux, de caressant, de railleur et de charmant, que je faillis jeter un cri d’étonnement et de plaisir ; et j’aurais 10

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Mon premier amour est en effet mêlé à des événe- ments qui sortent de l'ordinaire, répondit avec un peu d'hésitation Vladimir Petrovitch, un homme
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