Politique de transports et accès à la ville pour tous? Une méthode d’évaluation appliquée à l’agglomération lyonnaise David Caubel To cite this version: David Caubel. Politique de transports et accès à la ville pour tous? Une méthode d’évaluation appliquée à l’agglomération lyonnaise. Economies et finances. Université Lumière - Lyon II, 2006. Français. NNT: . tel-00080103v1 HAL Id: tel-00080103 https://theses.hal.science/tel-00080103v1 Submitted on 14 Jun 2006 (v1), last revised 26 Sep 2007 (v2) HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Université Lyon Lumière - Lyon Laboratoire d’Economie des Transports POLITIQUE DE TRANSPORTS ET ACCES A LA VILLE POUR TOUS ? UNE METHODE D’EVALUATION APPLIQUEE A L’AGGLOMERATION LYONNAISE Thèse de doctorat en sciences économiques, économie des transports Présentée par David Caubel 31 Mars 2006 Jury : Dominique Mignot, Directeur de thèse, E.N.T.P.E. Yves Crozet, Professeur, Université Lumière Lyon 2 Marie-Hélène Massot, Directrice de Recherche, I.N.R.E.T.S. Guy Joignaux, Directeur de Recherche, I.N.R.E.T.S. Claude Lacour, Professeur, Université Montesquieu Bordeaux IV Remerciements Ce serait un manquement de ne pas porter mon attention particulière et ma reconnaissance à toutes les personnes, qui, de près ou de loin, m’ont accompagné, m’ont soutenu et m’ont apporté une aide précieuse dans ce laborieux travail de thèse. A ma petite famille ouvrière, éloignée et pourtant si proche, qui a su me faire confiance. Agnès, Julie, Maman, Papa, je sais d’où je viens socialement. Ce travail s’inscrit, avec toutes les difficultés que nous avons pu rencontrer ensemble, dans mon cœur comme une revanche sociale, un respect et une reconnaissance profonde à votre égard, A mes amis, qui ont suivi mes périlleuses aventures, m’ont soutenu, apporté leurs aides ou ont été des relecteurs dévoués, Mélanie, Aurélie, Laurent, Emmanuel, Stève, Manuel, Fabien et Thierry, A Dominique Mignot qui m’a encadré pendant ces quatre années de travail et à qui j’exprime ma reconnaissance pour la confiance qu’il m’a accordé, A mes collègues chercheurs et jeunes chercheurs en herbe du LET, pour leur accueil, leur sympathie, leur disponibilité, leurs conseils et leurs échanges d’idées. Plus particulièrement, j’exprime ma gratitude à ceux qui m’ont aidé à avancer dans mes travaux, Nathalie Ortar, Olivier Klein, Pascal Pochet, Jean-Pierre Nicolas, Gérard Claisse, Didier Plat et Patrick Bonnel, A Anne Aguilera-Bélanger, pour ses conseils et les relectures, Au CERTU, et plus particulièrement à Jean-Charles Castel et Monique Gadais, qui m’ont apporté un soutien indéniable et ont mis à ma disposition les données du Recensement Général de la Population. J’exprime ma reconnaissance pour leur disponibilité, et, avec la D.A.E.I., pour la valorisation de mes travaux dans le cadre du programme national d’observation de la mobilité locale et des territoires urbains – I.U.D. 8, A Patrick Brun de l’Agence d’Urbanisme de Lyon, qui m’a permis d’accéder aux bases de données SIRENE à l’Ilot (convention CERTU – Agence d’Urbanisme – LET), A l’IERSO et à l’INRETS-LVMT pour la valorisation de ce travail au sein du contrat de recherche sur la métropolisation et la ségrégation (IERSO – INRETS-LVMT – LET) financé par la Région Aquitaine. 3 4 SOMMAIRE Introduction Générale................................................................................................................................................................7 Chapitre 1. Quelle prise en compte de l’égalité des chances dans la prise de décision ?............................................21 I. Les pratiques d’évaluation des projets de transports urbains à l’aune du développement durable...............25 II. L’appréciation de la dimension sociale dans la théorie utilitariste et l’analyse coûts-avantages..................46 III. Vers une prise en compte des enjeux sociaux en matière de transport dans un outil d’aide à la décision...61 Conclusion et Problématique..............................................................................................................................................75 Chapitre 2. Interprétation de l’égalité des chances… … Accessibilité de qui, à quoi et comment ?........................79 I. Évolution des modes de vie et inégalités des chances..........................................................................................82 II. Modes de vie et besoins des individus qui déterminent l’usage des activités, biens et services de la ville.92 III. Qualité de vie urbaine, proximité et accessibilité versus inégalité de chances..............................................111 Conclusions.........................................................................................................................................................................121 Chapitre 3. Accessibilité de qui ? Disparités territoriales infra-communales selon les niveaux de vie et les positions sociales des individus..........................................................................................................................................127 I. Méthodologie de mesure des disparités sociales inter-quartiers des aires urbaines......................................130 II. Analyses des disparités territoriales infra-communales sur l’aire urbaine de Lyon.....................................141 III. Caractéristiques socio-économiques des quartiers définis comme très défavorisés.....................................158 IV. Les quartiers très défavorisés et très aisés de l’agglomération lyonnaise en vue d’une analyse de l’égalité des chances..........................................................................................................................................................................161 Conclusion. Vers une analyse de l’accessibilité….......................................................................................................171 Chapitre 4. Accessibilité à quoi ? Le panier de biens et les indicateurs d’accès..................................................175 I. Quels activités et services pour une égalité des chances ?................................................................................178 II. Le panier de biens de l’agglomération lyonnaise et son évolution entre 1990 et 1999................................191 III. Accessibilité et indicateurs d’accès à un panier de biens..................................................................................202 IV. Comment mesurer et décliner sur le territoire de l’agglomération lyonnaise l’accessibilité au panier de biens ?...................................................................................................................................................................................219 Conclusion. Mesure des inégalités de chances entre les territoires riches et pauvres de l’agglomération lyonnaise..............................................................................................................................................................................235 Chapitre 5. Croissance des inégalités de chances : l’évolution de la localisation des activités favorable aux quartiers aisés au détriment des plus pauvres...................................................................................................................239 I. Quel accès au panier de biens en 1999 ?..............................................................................................................241 II. Evaluation des effets de l’évolution de la localisation des activités entre 1990 et 1999..............................260 Conclusion. Inégalités de chances d’accès à la ville en transports collectifs...........................................................292 Chapitre 6. Quels impacts d’une amélioration des transports urbains en termes d’accès aux activités d’un panier de biens ?................................................................................................................................................................................297 I. Quels impacts d’une amélioration de l’offre en transports collectifs sur les conditions d’accessibilité ? 299 II. Croissance ou réduction des inégalités de chances entre les quartiers pauvres et les quartiers riches ?...327 III. Réaliser le Plan de Mandat 2002-2008 de l’agglomération lyonnaise ou donner une voiture aux plus démunis ?.............................................................................................................................................................................342 Conclusion. Une amélioration de l’accessibilité sans une réduction systématique des inégalités de capabilités..... .....................................................................................................................................................................................350 Conclusion Générale.............................................................................................................................................................355 Bibliographie..........................................................................................................................................................................375 1. Annexes du chapitre 3......................................................................................................................................................393 2. Annexes du chapitre 4......................................................................................................................................................399 3. Annexes des chapitres 5 et 6...........................................................................................................................................419 Liste des figures et des tableaux.........................................................................................................................................433 Table des matières.................................................................................................................................................................439 5 6 Introduction Générale La ville est un lieu de rassemblement des hommes et des activités. Elle est un système complexe de relations qui permet de réduire ou de minimiser la distance physique entre les hommes, entre les activités. A l’image d’un livre en constante évolution [Lefebvre, 1970], la ville est l’œuvre d’un groupe, en relation avec la société globale dans laquelle elle s’insère. Elle est « une manière d’être, de vivre ensemble et de penser » [Blanquart, 1997, p.7]. Expression de figures spatiales, d’agencements sociaux, étroitement liés les uns aux autres, la ville pourrait être interprétée comme un lieu d’unité culturelle, sociale, de l’expression de l’être humain dans la société. Cependant, même si elle est un lieu de rassemblement, de proximité physique, la ville n’est pas garante de proximité sociale entre les individus [Grafmeyer, 2000]. « L’espace n’est pas le seul obstacle à la communication et la distance sociale n’est pas toujours mesurable de façon adéquate en termes purement physiques » [Park, 1926, p.209]. La ville est également un lieu qui divise, qui sépare les individus et les activités. La ville crée paradoxalement de la distance sociale et fonctionnelle. C’est pourquoi nous portons notre attention sur les outils d’évaluation à même d’éclairer les décideurs sur les politiques de transports à mettre en œuvre au nom de la lutte contre les inégalités de chances entre les individus. Distance sociale, distance fonctionnelle, la ville divise, sépare Selon M. Roncayolo [1997], la ville est un lieu de différences qui s’expriment dans l’aménagement interne et qui séparent plus ou moins visiblement les groupes sociaux, les fonctions et les usages du sol. Ainsi, « la ville est le spectroscope de la société : elle analyse et filtre la population, elle en sépare et classe les différentes composantes » [Weber, 1899, p.442]. Elle n’est pas une « entité amorphe », mais un système différencié et structuré [Grafmeyer, 2000]. A ce titre, E. Maurin [2004, p.6] affirme que l’analyse des inégalités territoriales « révèle une société extraordinairement compartimentée, où les frontières de voisinage se sont durcies et où la défiance et la tentation séparatiste s’imposent comme les principes structurants de la coexistence sociale ». Cette division sociale des espaces urbains est souvent appréciée à partir du choix du lieu de résidence des individus (où des contraintes le déterminant). Ne dépend-elle pas d’aspects 7 individuels tels que l’évolution des modes de vie, des pratiques sociales, des rythmes et des temporalités de l’espace urbain ? Ne dépend-elle pas également de fonctionnements collectifs tels que les formes des marchés de l’emploi, des marchés fonciers ? La division sociale des territoires s’apprécie dans les interactions entre les différents systèmes de l’espace urbain, le système de transports, le système des localisations des dynamiques urbaines et celui des pratiques et relations sociales [Bonnafous et Puel, 1983]. Elle n’est pas une « loi universelle, mais le résultat de processus spécifiques » [Grafmeyer, 2000, p.40], et « relève de strates historiques, successives, inégalement puissantes, inégalement effacées » [Roncayolo, 1997, p.107]. Elle n’est pas une manifestation brutale et visible procédant de l’aggravation des problèmes sociaux urbains des années 1980 à nos jours (croissance des inégalités, aggravation des processus de ségrégation). Dès lors qu’il y a regroupement physique par types d’individus, il y a, dans l’espace urbain, création de distanciation sociale entre les individus. L’analyse historique de M. Roncayolo [1997] rend compte de cette division et l’explique, en partie, par l’« urbanisme nouveau » de l’époque pré-industrielle des sociétés modernes. Cet urbanisme, « qui inspire aussi bien les pouvoirs publics que les classes privilégiées », conduit, dès les XVIIème et XVIIIème siècles, à la constitution d’une société homogène dans les nouveaux territoires conquis par la ville. Cependant, cette société, caractérisée par les catégories sociales dirigeantes, met en évidence une distanciation sociale entre les groupes d’individus. Cet urbanisme nouveau met en opposition les « quartiers anciens [de la ville] laissés à la confusion et au surpeuplement » avec les nouveaux quartiers, expression de la modernité et des modes de vie des catégories sociales privilégiées [Roncayolo, 1997, pp.109- 110]. Par la suite, la période d’industrialisation aggrave directement les effets entrevus de la division sociale de l’espace urbain. Alors que le quartier résidentiel est assimilé à celui des classes sociales aisées - la bourgeoisie -, il apparaît, en opposition, un nouveau type de territoire urbain, le quartier industriel et ouvrier, déterminé par le développement de la production industrielle et l’implantation d’usines concentrées sur un même secteur géographique. Ce sont ces quartiers qui souffrent alors, en premier lieu, de l’expansion urbaine et de la transition de l’économie industrielle vers l’économie de services. Pendant les années 1960 et jusqu’aux années 1970, la France connaît une croissance élevée (de l’ordre de 5% par an). Cette période est caractérisée par une expansion urbaine et une construction de masse de l’habitat provoquées par une arrivée constante de nouvelles populations pour répondre aux besoins croissants de main d’œuvre des industries urbaines. La conséquence est une volonté 8 de rationalité affichée par l’Etat envers la construction, en périphérie des villes, de grands ensembles immobiliers. Jusque là, l’aspect quantitatif est prioritaire. Ce n’est qu’à partir de la fin des années 1970 et jusqu’aux années 1990, qu’« on commence à prendre conscience que le quantitatif seul ne suffit pas, que les gens ne doivent pas simplement être logés mais qu'ils doivent aussi habiter l'endroit où ils vivent, autrement dit se l'approprier. […] Le commissaire au Plan de l'époque, Pierre Macé, souligne la nécessité d'une vision moins partielle de l'homme » [Cavallier, 2000, p.1]. La période post-industrielle des sociétés modernes a également vu l’aménagement urbain s’adapter à la généralisation de l’usage de la voiture particulière, cette dernière s’imposant comme l’outil de déplacement par excellence et devenant un produit de consommation de masse. Les plans de circulation des années 1960 et 1970 privilégient ce mode de déplacements par rapport aux autres, puisqu’il est le plus rapide dans toutes les directions. L’ensemble de ces évolutions « stimule une transformation morphologique de l’organisation urbaine » [Wiel, 1999, p.58]. L’habitat évolue avec une tendance centrifuge. Le phénomène de périurbanisation s’accélère. Les bassins d’emploi s’élargissent et s’imbriquent les uns avec les autres. L’activité économique se regroupe sur différents pôles de services ou de productions en périphérie des agglomérations et se dissocie de l’Habitat. Il émerge une « nouvelle stratification sociale » avec « l’accroissement des employés et l’identification des cadres » [Roncayolo, 1997, p.114]. Ces évolutions provoquent à leur tour des modifications de la mobilité urbaine : allongement des déplacements, usage prédominant de la voiture sur les autres modes de déplacements… Nous voilà dans « la spirale de la transformation de la ville » [Wiel, 1999, p.58]. Cet éclatement de la ville et la division sociale et fonctionnelle différenciée et structurée des espaces urbains « accentuent la ségrégation entre les activités [entre les groupes sociaux], la division entre lieux d’emplois et lieux de résidence » [Roncayolo, 1997, p.114]. Ces processus sont encore plus évidents avec la fin de la période de forte croissance économique (dès 1975) qui met en exergue les dysfonctionnements urbains. Mêlés à d’autres handicaps, notamment les phénomènes de congestion urbaine et les effets de l’usage prédominant de la voiture, la ville et les déplacements urbains révèlent de nombreuses plaies sociales et environnementales. Lieu d’inégalités sociales et de ségrégation socio-spatiale, la ville apparaît être un milieu complexe qui divise et sépare toujours plus les groupes d’individus [Thisse et al, 2003]. Des schémas de la division sociale des espaces urbains ont été établis aussi bien en sociologie, en écologie urbaine ou plus tard avec la nouvelle économie urbaine. Y. Grafmeyer [2000] en rappelle les trois principaux schémas descriptifs. Le premier est le « schéma concentrique » 9
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