E POLITIQUE U Q DE L’EMPRUNT I LINGUISTIQUE T S I U G Politique adoptée N par l’Office québécois de la langue française I L à sa séance du 31 janvier 2017 T N U R P M E ’ L E D E U Q I T I L O P POLITIQUE DE L’EMPRUNT LINGUISTIQUE PRÉAMBULE La Charte de la langue française fait du français la langue officielle du Québec. C’est à l’Office québécois de la langue française que le législateur confie la responsabilité de définir et de conduire « la politique québécoise en matière d’officialisation linguistique, de terminologie ainsi que de francisation de l’Administration et des entreprises » (art. 159). Dans le contexte général de l’aménagement linguistique au Québec, le traitement des emprunts linguistiques, tout particulièrement celui des emprunts à l’anglais1, a toujours été une composante essentielle de l’action de l’Office en matière de francisation et de promotion du français. L’Office a jugé nécessaire, dès 19802, de proposer une politique de traitement des emprunts linguistiques. La langue et la dynamique sociolinguistique étant en évolution constante, l’Office se doit de mettre sa politique à jour régulièrement afin que ses objectifs en matière de traitement des emprunts soient le plus possible au diapason de cette évolution. La présente politique constitue une mise à jour de celle qui a été adoptée par l’Office le 14 septembre 20073. Au Québec, l’acceptabilité des emprunts soulève en permanence des questions dont les réponses sont primordiales pour l’avenir du français. Il faut considérer les manifestations du phénomène de l’emprunt dans un contexte qui peut favoriser le recours spontané à l’emprunt, voire à l’emprunt massif, dans certains milieux et secteurs d’activité. 1. D ans la présente politique, l’expression emprunt à l’anglais a été préférée au terme anglicisme, qui peut avoir une valeur péjorative. 2. OFFICE DE LA LANGUE FRANÇAISE. Énoncé d’une politique linguistique relative à l’emprunt de formes linguistiques étrangères, Montréal, L’Office, 1980, 20 p. (texte approuvé le 5 septembre 1980). 3. O FFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE. Politique de l’emprunt linguistique, [Québec], [L’Office], 2007, 22 p. (texte approuvé le 14 septembre 2007). 2 I POLITIQUE DE L’EMPRUNT LINGUISTIQUE Dans cette politique actualisée, l’Office révise les principes et les critères de traitement sur lesquels se fonde son intervention linguistique. Toutefois, la construction du cadre d’analyse reste soumise au même objectif fondamental que celui de la politique précédente : promouvoir l’utilisation du français au Québec. Tout en assumant son rôle d’orientation de l’usage, l’Office opte pour une stratégie d’intervention réaliste qui écarte les prises de position exclusivement négatives à l’égard des emprunts ou, à l’opposé, celles qui leur seraient exagérément favorables et entraveraient la créativité lexicale en français. La stratégie de l’Office invite à réagir d’une manière rationnelle à cet égard. En effet, un emprunt peut être un élément d’enrichissement de la langue dans la mesure où, d’une part, conformément aux principes énoncés dans la Politique de l’officialisation linguistique4 de l’Office, il est reçu dans la norme sociolinguistique (ou norme de référence) du français au Québec et où, d’autre part, il peut s’intégrer au système linguistique du français. SECTION I RAPPEL DU DISPOSITIF LÉGISLATIF Le champ d’intervention linguistique de l’Office québécois de la langue française est défini par la Charte de la langue française, qui précise la mission de l’organisme en matière de francisation et de promotion du français. Ainsi, les principes et critères énoncés dans la Politique de l’emprunt linguistique de l’Office sont établis en fonction des dispositions exprimées dans les articles suivants de la Charte : 1. « L’Office définit et conduit la politique québécoise en matière d’officialisation linguistique, de terminologie ainsi que de francisation de l’Administration et des entreprises. » (Art. 159) 2. « L’Office veille à ce que le français soit la langue normale et habituelle du travail, des communications, du commerce et des affaires dans l’Administration et les entreprises. Il peut notamment prendre toute mesure appropriée pour assurer la promotion du français. » (Art. 161) 4. OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE. Politique de l’officialisation linguistique, [Québec], [L’Office], 2004, 22 p. (texte approuvé le 5 mars 2004). POLITIQUE DE L’EMPRUNT LINGUISTIQUE I 3 3. « L’Office peut assister et informer l’Administration, les organismes parapublics, les entreprises, les associations diverses et les personnes physiques en ce qui concerne la correction et l’enrichissement de la langue française parlée et écrite au Québec. » (Art. 162) SECTION II OBJECTIFS DE LA POLITIQUE En vertu du mandat qui lui est confié par la Charte et de son rôle de guide en matière d’usage, l’Office poursuit les objectifs suivants dans sa politique de l’emprunt : 1. A ctualiser ses principes et ses critères d’analyse et de traitement des emprunts afin d’en assurer l’adaptation à la situation sociolinguistique québécoise actuelle; 2. E ncourager la créativité lexicale en français, qui doit sous-tendre l’évolution du lexique dans toutes les sphères de l’activité humaine, contribuant ainsi à soutenir la vitalité de la langue française; 3. R econnaître le phénomène de l’emprunt comme un procédé d’enrichissement linguistique productif, dans la mesure où il permet d’intégrer efficacement des formes nouvelles. SECTION III CHAMP D’APPLICATION De manière à assurer la cohérence de l’intervention linguistique de l’Office, la présente politique comporte des principes et des critères de traitement des emprunts qui doivent être suivis dans tous les travaux terminolinguistiques réalisés par l’organisme. Elle est également conçue pour servir de document d’orientation dans tout autre contexte où elle est susceptible d’être appliquée. 4 I POLITIQUE DE L’EMPRUNT LINGUISTIQUE La politique porte essentiellement, mais non exclusivement, sur les emprunts lexicaux, notamment de nature terminologique, et permet l’analyse des types d’emprunts suivants : les emprunts intégraux, les emprunts hybrides et les calques. Les faux emprunts sont également considérés. Les emprunts syntaxiques et la question de l’adaptation des emprunts y sont abordés plus sommairement. SECTION IV DÉFINITION DE L’EMPRUNT LINGUISTIQUE Aux fins de la présente politique, on entend par emprunt linguistique tout procédé par lequel les utilisateurs d’une langue adoptent intégralement ou partiellement une unité ou un trait linguistique (phonétique, lexical, morphologique, sémantique, syntaxique) d’une autre langue. Le terme emprunt linguistique désigne également l’élément emprunté5. SECTION V PRINCIPES D’INTERVENTION La Politique de l’emprunt de l’Office s’inscrit dans un cadre d’intervention linguistique qui s’appuie sur le principe normatif et sur les principes directeurs suivants : 1. Principe normatif La position normative de l’Office québécois de la langue française s’insère dans la dynamique sociolinguistique particulière du Québec. Ainsi, la norme sociolinguistique sur laquelle est fondé le traitement des emprunts à l’Office est avant tout le français standard tel qu’il est employé au Québec, qui partage la majeure partie de ses usages avec ceux du reste de la francophonie, notamment de la France. 5. Voir à la page 24 le glossaire définissant certains termes ou expressions utilisés dans la politique. POLITIQUE DE L’EMPRUNT LINGUISTIQUE I 5 2. Principes directeurs Les quatre principes directeurs suivants sont établis en fonction de la mission de francisation et de promotion du français qui incombe à l’Office : 2.1 Amélioration de la compétence linguistique des locutrices et des locuteurs L’Office favorise l’amélioration de la compétence linguistique des locutrices et des locuteurs par la diffusion des mots, termes et expressions français en usage ou disponibles au Québec ou ailleurs en francophonie. Que ces équivalents soient implantés ou non, ici ou ailleurs, ils constituent le plus souvent des solutions de rechange aux emprunts. 2.2 S timulation de la créativité lexicale en français La création lexicale est déterminante dans un projet d’aménagement linguistique au sein de la société québécoise. Le français doit témoigner en permanence de la vitalité de son système linguistique. 2.3 R econnaissance des emprunts comme moyen d’enrichir la langue En reconnaissant que l’usage effectif influence davantage l’acceptabilité sociolinguistique des termes d’une langue que l’usage qui est prescrit, une politique de l’emprunt doit permettre d’accepter des formes implantées et légitimées dans l’usage. En outre, elle doit également permettre d’accepter certains emprunts possédant un fort potentiel d’intégration au système linguistique du français, parfois même avant qu’ils soient implantés dans l’usage. 2.4 Adaptation des emprunts Dans le contexte général de l’aménagement linguistique au Québec, l’adaptation graphique, morphologique, etc., des emprunts s’inscrit parmi les mesures de francisation du lexique. 6 I POLITIQUE DE L’EMPRUNT LINGUISTIQUE SECTION VI TYPOLOGIE DES CRITÈRES D’ANALYSE DES EMPRUNTS L’acceptabilité des emprunts s’évalue non seulement à partir des principes énoncés précédemment, mais également en fonction de critères sociolinguistiques et linguistiques qu’il faut analyser conjointement. En effet, aucune décision ne peut s’appuyer sur un seul critère ou sur un seul type de critère. Les critères sociolinguistiques servent à déterminer le statut des emprunts dans l’usage. Les critères linguistiques permettent, quant à eux, de vérifier l’intégrabilité des emprunts aux composantes du système de la langue française ainsi que la disponibilité des termes dans le corpus lexical du français. 1. C ritères sociolinguistiques 1.1 G énéralisation de l’emprunt dans l’usage, ou le fait qu’il soit employé par une grande partie, voire la majorité des locutrices et des locuteurs d’une collectivité; 1.2 I mplantation de l’emprunt dans l’usage, ou le fait qu’il soit établi de manière stable dans l’usage effectif des locutrices et des locuteurs d’une collectivité; 1.3 L égitimation de l’emprunt dans l’usage, ou le fait qu’il soit reçu dans la norme sociolinguistique du français au Québec, accepté par la majorité des locutrices et des locuteurs d’une collectivité. Ces critères sociolinguistiques tiennent compte, entre autres : nde l’aire de distribution géographique de l’emprunt à évaluer (emprunt en usage au Québec ou ailleurs en francophonie); nde son aire de distribution sociale (collectivité de locutrices et de locuteurs concernée; situations de discours); ndu statut temporel de l’emprunt (emprunt récent ou non); nde la connotation culturelle de l’emprunt. POLITIQUE DE L’EMPRUNT LINGUISTIQUE I 7 2. Critères linguistiques 2.1 T ype d’emprunt analysé (critère de classification qui oriente la suite de l’analyse); 2.2 I ntégrabilité de l’emprunt au système linguistique du français; 2.3 C oexistence de l’emprunt avec des mots, des termes ou des expressions en usage ou disponibles dans le lexique français. SECTION VII ACCEPTABILITÉ DES EMPRUNTS En situation d’aménagement linguistique, l’évaluation des emprunts permet de les classer de la façon suivante : 1. Emprunts acceptés : mots, termes et expressions dont l’Office admet l’emploi. 2. Emprunts non acceptés : mots, termes et expressions dont l’emploi est déconseillé par l’Office ou pour lesquels il émet des réserves, malgré leur réception favorable dans l’usage. Il importe de rappeler que, même si un emprunt est accepté par l’Office conformément aux critères énoncés dans la section qui suit, l’organisme, en vertu de sa mission de francisation, favorise néanmoins l’utilisation de mots, de termes et d’expressions français dans le plus grand nombre de cas (voir les principes directeurs 2.1 et 2.2 à la page 6). 8 I POLITIQUE DE L’EMPRUNT LINGUISTIQUE SECTION VIII CRITÈRES D’ANALYSE DE L’ACCEPTABILITÉ DES EMPRUNTS Au Québec, la dynamique des relations entre le français et l’anglais est d’une autre nature que celle qui met en rapport le français avec d’autres langues. On constate notamment que le nombre d’emprunts aux autres langues que l’anglais et leur fréquence d’emploi sont beaucoup moins élevés. Les emprunts sont néanmoins soumis aux mêmes critères d’analyse, peu importe leur origine. Toutefois, le recours spontané à l’anglais plutôt qu’aux ressources du français ainsi que le phénomène de l’emprunt massif dans certains milieux et secteurs d’activité font en sorte que les emprunts à l’anglais font l’objet d’une analyse plus sévère. Les critères sont présentés en fonction des divers types d’emprunts et des principaux cas de figure qui peuvent se présenter en situation d’aménagement linguistique. Les emprunts sont soumis aux critères d’évaluation sociolinguistiques et linguistiques, afin de déterminer leur acceptabilité. Ainsi chaque emprunt est évalué en fonction : nde son usage en français au Québec; nde son statut temporel (emprunt récent ou non); nde sa généralisation dans l’usage du français au Québec; nde son implantation dans l’usage du français au Québec; nde son adéquation à la norme sociolinguistique du français au Québec (c’est-à-dire de sa légitimité dans l’usage); nde son intégrabilité dans le système linguistique du français; nde sa coexistence avec un ou des termes français disponibles ou en usage. L’évaluation d’un emprunt tient aussi compte, s’il y a lieu : nde son intégrabilité à l’organisation conceptuelle et au système dénominationnel d’une terminologie française; nde son statut particulier, dans un domaine, établi en vertu d’accords, de consensus, de conventions entre plusieurs entités décisionnelles; nde son usage répandu dans de nombreuses langues (internationalisme); ndu fait qu’il désigne une réalité représentative d’une communauté linguistique non francophone. POLITIQUE DE L’EMPRUNT LINGUISTIQUE I 9 1. E mprunts à l’anglais Le traitement des emprunts à l’anglais est présenté en fonction des regroupements suivants : 1.1 Emprunts intégraux, emprunts hybrides et faux emprunts 1.2 Calques sémantiques et calques morphologiques 1.3 Emprunts syntaxiques 1.1 E mprunts intégraux, emprunts hybrides et faux emprunts 1.1.1 Emprunts acceptés Un emprunt en usage en français au Québec6 est accepté : a) S ’il est non récent, généralisé, implanté et qu’il est légitimé7. L’emprunt peut être intégrable ou non au système linguistique du français, et être en coexistence ou non avec un équivalent français. •browning (« arme à feu inventée par J. M. Browning8 ») •humidex (« indice météorologique ») •ISBN (angl. ISBN, international standard book number; numéro inter- national normalisé du livre) •mimivirus (« virus géant ») b) S’il est récent et qu’il est intégrable au système linguistique du français. L’emprunt peut être généralisé ou non et en coexistence ou non avec un équivalent français. 6. Les emprunts en usage en français au Québec le sont aussi souvent ailleurs en francophonie. 7. Il est possible qu’un emprunt en usage à la fois au Québec et ailleurs en francophonie ne soit pas légitimé au Québec, alors qu’il l’est ailleurs; par exemple shopping. L’inverse est aussi possible. 8. Certains exemples utilisés pour illustrer un cas d’emprunt pourraient l’être pour illustrer d’autres cas. Par exemple, browning pourrait également être cité pour illustrer le cas 1.1.1 f), et ISBN, pour le cas 1.1.1 c). 10 I POLITIQUE DE L’EMPRUNT LINGUISTIQUE
Description: