Physiologie de la perception et de l'action M. Alain BERTHOZ, professeur L'enseignement a porté sur quelques aspects des mécanismes de la Percep tion du Mouvement. A. PERCEPTION DU MOUVEMENT VISUEL 1. Aspects comportementaux Le déplacement du monde visuel par rapport à un sujet induit soit une perception du mouvement de l'environnement par rapport au corps jugé immobile, soit une perception de mouvement propre du corps dans l'espace appelée « vection ». L'intensité de la vection est fonction de la vitesse du défilement de la scène visuelle ; elle se manifeste au-delà d'un seuil et augmente jusqu'à une saturation. Elle est aussi liée à la surface et à la fréquence spatiale du stimulus (nombre d'éléments figuraux par unité de surface). La périphérie du champ visuel joue un rôle privilégié dans l'établis sement de la vection ; toutefois des illusions de déplacement propre du corps peuvent être produites par un simple déplacement d'un point lumineux dans le noir. Le contexte spatial dans lequel se produit le mouvement visuel est donc important pour induire le percept de vection. En présence de deux scènes visuelles superposées et de mouvements différents, c'est la scène la plus éloignée qui dicte la direction du mouvement propre perçu. Le mouvement visuel induit aussi des réajustements posturaux, qui sont dus à des modifications de la verticale subjective. Dans le cas des mouvements visuels linéaires, le corps d'un sujet debout s'incline dans la direction du mouvement de la scène visuelle. Ici aussi l'inclinaison du corps est liée à la fois à la vitesse de défilement de la scène et à sa fréquence spatiale. Des mécanismes communs sous-tendent sans doute la vection et ses effets moteurs. La bande de fréquence dans laquelle s'observent ces mouvements est comprise entre 0 et 2-3 Hz ; toutefois on a pu montrer que, lors de mouvements actifs de maintien de l'équilibre contre une perturbation subite (déplacement du sol), une manipulation du mouvement de l'environnement visuel peut induire des suppressions ou des accentuations des réflexes posturaux dans des délais extrêmement brefs (50 à 80 msec), indiquant un rôle important de la vision dans le contrôle des mouvements rapides au cours de l'équilibre. Enfin le mouvement de l'environnement visuel induit deux grand types de mouvements oculaires : le nystagmus optocinétique qui est présent chez toutes les espèces animales, et la poursuite oculaire qui est apparue tardivement chez les primates. 2. Bases neurales La perception du mouvement visuel est assurée par au moins trois systèmes qui empruntent des voies différentes et constituent des « systèmes neuronaux » en interaction mais identifiables. a) Le « système optique accessoire », dont la fonction a été découverte récemment, est, sur le plan phylogénétique, sans doute le plus ancien. On le trouve chez les Batraciens et les Poissons. Il contribue aux mouvements des yeux induits par le déplacement de scènes visuelles (nystagmus optocinétique). Les cellules ganglionnaires de la rétine sont déjà sensibles au mouvement. Certaines répondent à l'allumage de la lumière et préfèrent des vitesses faibles (0-27°/sec). D'autres répondent à l'extinction et préfèrent des vitesses plus rapides (6-10°/sec). Ces cellules codent un signal d'erreur rétinien. Bien que, sur la rétine, le mouvement visuel s'exprime en degrés par seconde, il semble que les cellules ganglionnaires soient sensibles à la translation du monde visuel. Ces neurones ont la remarquable propriété d'être sensibles à des directions privilégiées du mouvement visuel qui correspondent aux plans des canaux semi-circulaires des organes vestibulaires. L'espace sensoriel du mouve ment visuel est le même que l'espace des canaux du système vestibulaire. Ces informations de mouvement détectées par la rétine sont transmises, par l'intermédiaire du corps genouillé latéral, vers des structures du prétectum appelées « noyaux optiques accessoires ». Les relais principaux du système optique accessoire sont des noyaux prétec- taux. Chaque rétine se projette sur les noyaux contralatéraux. Dans ces noyaux (noyau du tractus optique, noyaux terminaux médian, latéral et dorsal) se trouvent plusieurs catégories de neurones sensibles au mouvement visuel dans des limites de vitesse de 0 à environ 20 degrés par seconde. Les champs récepteurs sont très larges. Les neurones du noyau du tractus optique sont sensibles à des mouvements dans le plan des canaux semi-circulaires horizontaux ; les neurones du noyau latéral ont des sensibilités au mouvement visuel dans le plan des canaux verticaux, etc. Il se produit donc une sélection géométrique qui permet sans doute de simplifier la mise en correspondance des espaces sensoriels visuels et vestibulaires pour la fusion multimodale. La direction du mouvement qui inhibe n'est pas la même que celle qui excite : une composante de torsion révèle que la sensibilité de ces neurones est peut-être accordée sur les propriétés du flux optique naturel, ainsi que cela à été montré pour les cellules corticales de l'aire médiale temporale supérieure (MSTd) chez le primate. Les noyaux prétectaux se projettent dans plusieurs structures du tronc cérébral, dont la capsule dorsale de l'olive inférieure et le noyau prépositus hypoglossi. — dans la capsule dorsale de l'olive inférieure, on trouve trois groupes de neurones. Ils répondent, eux aussi, à des rotations dans les plans des canaux. Ils se projettent à leur tour sur les cellules de Purkinje du flocculus du cervelet qui ont des réponses proches des neurones de la capsule dorsale de l'olive. Du flocculus du cervelet, les informations optocinétiques sont projetées directement vers les noyaux vestibulaires où est réalisée une convergence entre les informations visuelles et vestibulaires permettant la reconstruction de la vitesse de la tête dans le trièdre euclidien fondamental que représentent les trois plans des canaux. — le noyau prépositus hypoglossi est aussi une cible importante pour les informations d'origine optocinétique. Ce noyau est impliqué dans l'organisa tion des mouvements oculaires et a de nombreuses connexions avec les noyaux vestibulaires. Il se projette également vers le cervelet. Sa contribution dans les transformations sensori-motrices concernant la perception visuelle du mouvement n'est pas encore bien connue mais il représente certainement une voie parallèle, importante dans ces processus. Etant donné que les plans d'action des muscles extra-oculaires ainsi que les vecteurs propres d'action des muscles du cou sont aussi dans le plan des canaux, il semble que la perception du mouvement visuel et la coordination visuo-motrice soient organisées dans les trois plans fondamentaux du système vestibulaire. Cette caractéristique des voies afférentes de la perception visuelle permet peut-être de simplifier la « neuro-computation » qui, étant donné le caractère tridimensionnel des informations sur le monde sensible et la multipli cité des espaces des capteurs sensoriels, aurait rendu très complexes les traitements centraux. b) Un deuxième système, apparu plus tardivement au cours de la phyloge- nèse, est celui qui transmet, par l'intermédiaire du corps genouillé latéral, les informations visuelles de mouvement vers les structures du cortex cérébral situées dans le lobe pariétal : l'aire médiale temporale (MT) et l'aire médiale temporale supérieure (MST). Ce système, connu sous le nom de « système dorsal » extrait des propriétés complexes du flux optique. Il peut aussi séparer les objets en mouvement de leur contexte spatial. Les neurones de l'aire MT se projettent vers le tronc cérébral, notamment vers les noyaux dorso-latéraux du pont (NDLP) qui, à leur tour, après des interactions avec d'autres modalités sensorielles, se projettent vers le cervelet où les informations visuelles de mouvement sont sans doute combinées avec des informations d'autres modalités afin d'assurer la coordination des mouvements et influencer les structures du tronc cérébral. L'activité neuronale dans cette voie permet de guider la poursuite oculomotrice. c) Un troisième système, qui transite par le colliculus supérieur, est respon sable des mouvements d'orientation. Il n'a pas été étudié dans le Cours de cette année mais le sera dans celui de 1994. Chacun des trois systèmes ci-dessus est le siège d'activités en boucles réentrantes, c'est-à-dire que chaque station reçoit des informations des stations qui la précèdent mais aussi des étapes ultérieures. De plus ces systèmes sont à la fois autonomes et en interaction. B. PERCEPTION VESTIBULAIRE DU MOUVEMENT PROPRE DU CORPS a) Capteurs et voies vestibulaires ascendantes Les canaux semi-circulaires du système vestibulaire constituent un référentiel euclidien : ils mesurent les accélérations angulaires de la tête dans leur plan. Les capteurs otolithiques peuvent contribuer à la mesure des mouvements linéaires de la tête et à l'inclinaison de celle-ci par rapport à la gravité. Les informations de ces capteurs induisent des ambiguïtés perceptives qui ne peuvent être levées que par une coopération avec la vision. La perception vestibulaire du mouvement propre chez l'Homme est étudiée grâce à des stimulateurs (utilisés en laboratoire, en clinique ou dans des vaisseaux spa tiaux) qui permettent de soumettre des sujets humains à des accélérations linéaires ou circulaires. Les bases neurales de cette perception sont étudiées, chez l'animal, par l'enregistrement de l'activité neuronale dans les voies afférentes et les pre miers relais centraux comme les noyaux vestibulaires. Les résultats d'enregis trements de l'activité de neurones afférents identifiés révèlent que les pro priétés dynamiques des capteurs vestibulaires ne permettent pas de mesurer la vitesse de la tête lorsque celle-ci est constante. C'est par une convergence visuo-vestibulaire, due aux projections du système optique accessoire sur les noyaux vestibulaires, que la vitesse de la tête est reconstruite à ce niveau. Cette information est ensuite adressée par l'intermédiaire du thalamus au cortex cérébral où elle peut donner lieu à des perceptions conscientes. Une découverte récente permet de penser que cette représentation est principale ment constituée dans le cortex pariéto-insulaire du lobe temporal selon une géométrie et grâce à des interactions multimodales qui ne sont pas encore bien comprises. Cette structure ferait partie, avec les aires 7a, et 3v, d'un système cortical qui est, de toute évidence, fondamental pour la représenta tion du mouvement du corps dans l'espace. Il est bien connu que des lésions de ces structures induisent des déficits de la perception des relations entre le corps et l'espace environnant (comme le syndrome neurologique de « négli gence »). b) Modèles formels des interactions multimodales pour la perception du mouvement. Des modèles formels ont été élaborés pour rendre compte des interactions visuo-vestibulaires dans la perception du mouvement. Une première catégorie de modèles fait appel aux concepts des systèmes asservis. L'accélération de la tête, ou l'erreur rétinienne, mesurée par le glissement du flux optique sur la rétine, serait filtrée par des filtres passe bas suivis d'opérateurs divers (intégrateurs, seuils, sommateurs...) qui combine raient les grandeurs dynamiques mesurées par chaque capteur. Certains de ces modèles contiennent des mémoires, ou des mécanismes de « stockage de vitesse », qui rendent compte de l'augmentation, mesurée par l'expérience, des constantes de temps de l'activité neuronale évoquée par un stimulus transitoire. Une autre série de modèles sont basés sur l'idée que les processus centraux ne se réduisent pas à une simple combinaison de signaux et que les signaux afférents sont combinés ou comparés avec des « estimations centrales », vérita bles prédictions fondées sur des « modèles internes » de l'état des capteurs. Le concept du filtre de Kalman, un estimateur optimal très utilisé en roboti que pour la fusion de capteurs, est retrouvé dans plusieurs modèles. Une troisième série de modèles prend en compte non seulement les aspects dynamiques des interactions visuelles et vestibulaires mais tentent de proposer des processus qui effectueraient les transformations géométriques le long de l'ensemble de la chaîne qui relie la détection des mouvements aux commandes motrices. Par exemple, des modèles issus de la théorie des tenseurs essaient d'expliquer comment le codage du mouvement, qui est exprimé en coordon nées covariantes par les capteurs sensoriels, peut être transformé en com mandes motrices exprimées en coordonnées contravariantes (dans l'espace des muscles), dans les structures qui contrôlent la contraction des muscles. Des modèles plus conceptuels tentent enfin de proposer que le mouvement n'est pas contrôlé par des processus continus du type de ceux qu'inspire la théorie des asservissements mais qu'il faut construire des modèles nouveaux dans lesquels la perception est discontinue, prédictive, fondée sur des cartes dans lesquelles des relations de voisinage lient les neurones et où le mouve ment est simulé. Ce serait alors cette perception interne des mouvements simulés qui serait comparée avec l'état des capteurs. C. RÔLE DES INFORMATIONS PROPRIOCEPTIVES DANS LA PERCEPTION CONSCIENTE DU MOUVEMENT DU CORPS a) Rôle de la proprioception dans le contrôle du mouvement Le rôle des informations proprioceptives dans la perception du mouvement ne peut être compris que s'il est replacé dans le contexte des grandes théories sur le contrôle du mouvement. Il est en effet impossible de dissocier Percep tion et Action dans ce domaine. Une première série de théories ont considéré que la proprioception devait contribuer aux propriétés dynamiques de la régulation du mouvement. Une partie des modèles qui résument ces théories sont inspirés par la cybernétique. Ils supposent que les informations musculaires, articulaires ou tendineuses se trouvent dans des boucles sensori-motrices et participent au réglage du gain des réflexes par des mécanismes d'asservissement continus. D'autres théories, plus récentes, insistent sur le fait que la proprioception est elle-même sous l'influence de facteurs d'anticipation et de sélection qui permettent de ne faire intervenir les capteurs qu'à certains moments privilégiés (phases du cycle locomoteur, phases d'un saut ou d'un mouvement de capture d'une balle, etc.). En effet, ici encore le concept de modèle interne se trouve dans les théories modernes de la régulation du mouvement au détriment d'une concep tion trop cybernétique de boucles sensori-motrices dans lesquelles la proprio ception musculaire jouerait simplement le rôle d'un capteur signalant, de façon rétroactive, la position ou la vitesse des membres. Le concept de transformations entre l'espace des capteurs et l'espace des muscles doit être pris en compte afin de faire ressortir la nécessité de processus qui simplifient ou traitent les problèmes de coordonnées. b) Mise en évidence de la contribution des fuseaux neuro-musculaires à la perception consciente de mouvements : illusions induites par les vibrations. S'il est bien connu que les fuseaux neuro-musculaires participent à des réflexes, c'est leur contribution à la perception consciente du mouvement qui a principalement été considérée dans le cadre de ce cours. Pour mettre en évidence ce rôle perceptif, les expérimentateurs utilisent des vibrations méca niques de fréquence variant de 40 à 100 Hz, appliquées à la surface des muscles ou aux tendons, afin de simuler un étirement et activer ces récepteurs musculaires. Des illusions de déplacement du corps ou des membres sont induites par la vibration et accompagnent les effets réflexes de contraction du muscle agoniste. Une mention particulière doit être faite de la proprioception de la nuque qui joue un rôle essentiel dans la perception du mouvement de la tête dans l'espace. La proprioception nucale converge avec les informations visuelles et vestibulaires du mouvement au niveau à la fois des noyaux vestibulaires et du cortex pariéto-insulaire mentionnés ci-dessus. c) Déficits dans la perception et le contrôle du mouvement chez des patients atteints de maladies dégénératives. La contribution des informations proprioceptives à la perception du mouve ment peut être étudiée chez des patients ayant perdu l'usage de leur proprio- ception par suite de maladies dégénératives. Deux études particulièrement intéressantes ont été faites récemment sur des patients ayant une perte des fibres sensorielles myélinisées au-dessous du cou. L'un avait une absence complète de sens du toucher, de kinesthésie et de réflexes tendineux. Les patients pouvaient réaliser des tâches simples isométriques de contrôle de la force. La composante morphocinétique des mouvements sans vision était intacte. Dans les tâches de synchronisation de la cheville et du doigt, chez les sujets normaux, il y a une précession, comme si la cible temporelle utilisée pour synchroniser les deux mouvements était le retour au cortex de l'information proprioceptive induite à chaque initiation. Chez ces patients il n'a pas été observé de changement dans la précession lorsque le mouvement était fait en réponse à un signal externe. Par contre, ils montraient un déficit dans la composante topocinétique des mouvements (localiser le mouvement dans son espace) ainsi que dans des tâches exigeant des calibrations spatiales (écrire, dessiner, pointer). Par ailleurs il n'y avait plus, chez eux, de précession de la cheville sur le doigt dans une tâche de synchronisation de l'extension de la cheville et du doigt lorsque le mouvement était déclenché par le sujet. Ces résultats suggèrent que les mouvements réactifs et auto-générés sont contrôlés par deux modes différents. On a aussi étudié récemment des patients présentant des neuropathies des fibres larges myélinisées. Des déficits importants ont été observés dans la capacité de réaliser des mouvements qui impliquent plusieurs articulations (travaux confirmés par des expériences de perturbation de mouvements pluri- articulaires avec vibrations) ainsi que dans le contrôle de l'inertie du membre. La déafférentation produit des erreurs dans la position finale ainsi que dans la courbure des trajectoires de la main. On a introduit le concept de scotomes moteurs : le sujet ne peut pas atteindre certaines positions dans l'espace. Enfin, le résultat le plus important est que le contrôle visuel n'améliore le mouvement que durant très peu de temps (moins d'une minute). Cette contribution anticipatrice de la proprioception est désignée par Ghez de la façon suivante : « L'information proprioceptive semble agir en réactualisant en continu un modèle interne du membre qui est nécessaire pour le guider vers la cible ». Le concept de modèle interne est un des aspects les plus importants des théories actuelles des relations entre Perception et Action. Le problème à résoudre maintenant est celui de la nature biologique de ces modèles. S'agit-il de réseaux de neurones dont les propriétés simulent les propriétés des mem- bres ? S'agit-il, au contraire, d'une reformulation moderne du concept de « Schéma corporel » de Head qui dissimule une absence de progrès réels dans la compréhension des mécanismes neurobiologiques ? Seules des recherches qui combineront l'analyse neuronale et l'étude des comportements pourront répondre à cette question. Un dernier déficit intéressant chez les patients déafférentés concerne les mouvements d'inversion (avant-arrière avec la main dans un plan). Il semble que les patients ne gèrent pas les interactions entre le mouvement du coude et de l'épaule dans le domaine temporel. En effet, dans certains mouvements, l'inversion est produite par l'agoniste alors que, dans d'autres mouvements, cette inversion est uniquement induite par une interaction avec le mouvement de l'épaule. Ce sont ces différentes stratégies, en particulier l'aspect temporel de la coordination des mouvements, que la proprioception aide à organiser. d) Accès des informations proprioceptives à la représentation corticale des relations entre le corps et l'espace. Le fait que ces informations proprioceptives sont combinées aux informa tions d'origine vestibulaire dans les structures corticales qui représentent le « schéma corporel » est attesté par des observations récentes sur des malades atteints de négligence corticale. La vibration des muscles de la nuque gauche induit en effet un mouvement apparent et un décalage d'une cible visuelle vers la droite. Le pointage manuel de la cible se fait avec une erreur qui est dans la direction de l'illusion. La vibration induit donc un changement de la perception de l'orientation de l'axe médian du corps. La vibration des muscles de la nuque gauche induit aussi une modification de la perception de la position de la tête dans le même sens que ci-dessus. Des patients atteints de « négligence » à la suite d'une lésion du cortex pariétal présentent une diminution sensible de leur déficit perceptif (qui est en général controlatéral à la lésion) par une simple rotation du tronc par rapport à la tête. Le tronc joue donc un rôle important dans l'établissement d'une référence égocentrique. La vibration de la nuque induit aussi une rémission de la négligence. Ces résultats doivent être comparés avec ceux qui révèlent une rémission temporaire de la négligence par stimulation vestibulaire ipsi-lésion- nelle. Il est intéressant de noter que la stimulation optocinétique peut avoir les mêmes effets sur la négligence. En conclusion, les informations proprioceptives sont intégrées aux informa tions visuelles et vestibulaires de mouvement pour constituer une représenta tion interne du mouvement ou de la position du corps dans l'espace. L'exis tence, au niveau du cortex pariéto-insulaire, de convergences visuelles, vesti bulaires et proprioceptives donne une base neurale à cette interprétation. Il reste à comprendre quel est le rôle des différents étages (noyaux vestibulaires, thalamus, cortex pariéto-insulaire) où la convergence multimodale s'effectue. Les théories de la robotique fournissent des prédictions : au niveau des noyaux vestibulaires ne pourrait s'établir qu'une simple compensation de la dynamique ; aux niveaux supérieurs pourraient se produire des processus similaires au filtrage de Kalman. e) Rôle des informations tactiles dans l'orientation spatiale au cours d'un mouvement. Une dernière façon de montrer l'intervention de la proprioception dans la perception du mouvement consiste à étudier les perceptions de déplacement du corps entier, induites en manipulant les informations proprioceptives asso ciées. Par exemple, lors d'une rotation de l'ensemble du corps autour d'un axe perpendiculaire à la gravité, (le sujet est couché et tourne autour de l'axe « vertical » de son propre corps comme une « brochette » d'où l'expression de « Barbecue rotation » pour désigner cette expérience en anglais), le sujet perçoit un mouvement de son corps très différent du mouvement réel. Dans cette situation, en effet, les otolithes sont stimulés par la rotation de la composante de la gravité dans leur plan. Le fait remarquable est qu'il suffit d'exercer une simple pression sur la partie basse du corps ou sur les pieds du sujet pour induire un basculement dans la position perçue du corps et son mouvement dans l'espace. Ces expériences mettent en évidence le fait que la proprioception, ainsi que le montrent les expériences de vibration, contribue à l'établissement des référentiels par rapport auxquels le mouvement est évalué par le cerveau. A. B. SÉMINAIRES : Le problème de l'intégration sensori-motrice 1er avril : W. SINGER, Max-Planck Inst., Frankfurt Coherence as a principle of cortical function 8 avril : C. BLAKEMORE, Univ. of Oxford Integration and desintegration in visual perception 26 avril : R. LLINAS, New York Univ. 1. The intrinsic organisation of motor control. 2. Cognition as sensory-guided oneiric state 6 mai : A. GEORGOPOULOS, Univ. of Minnesota Neural mechanisms of motor cognitive processes 13 mai : F. CLARAC, LNF-CNRS Mécanismes sensori-moteurs au cours de la locomotion ALAIN BERTHOZ 27 mai : J. DECÉTY, Vision et Motricité, INSERM Préparation, représentation et exécution du mouvement ont-elles les mêmes bases neurales ? 3 juin : P. VIVIANI, Univ. de Genève Théories motrices de la perception 10 juin : V. DIETZ, Univ. of Zurich Selection and interaction of afferent inputs during posture and locomotion ACTIVITÉ DU LABORATOIRE I. PSYCHOPHYSIQUE DE LA VISION ET DU MOUVEMENT (J. DROULEZ, V. CORNILLEAU-PERES, J. MCINTYRE, S. HANNETON, G. LEONE, E. MARIN) a) Développement d'une méthode de mesure du glissement rétinien Les jugements perceptifs précis, notamment ceux relatifs à la courbure 3D de surfaces en mouvement, sont très sensibles au glissement résiduel des images qui résulte d'une insuffisance du gain de la poursuite oculaire. Lorsque les réponses perceptives sont analysées en situation tête libre, ce glissement résiduel ne peut plus être mesuré par des méthodes classiques de mesure des mouvements oculaires seuls. Nous avons donc mis au point une méthode de mesure directe du glissement rétinien utilisable au cours de tests psychophysi ques tête libre. Cette méthode utilise la formation d'images consécutives produites par une succession de flashs espacés dans le temps et dans l'espace. L'indication par le sujet de l'orientation de l'image consécutive résultante permet d'évaluer le glissement rétinien résiduel avec une précision de l'ordre d'un demi-degré par seconde. Cette méthode a été calibrée au cours de tâches de fixation et de poursuite lente, puis utilisée lors de tests psychophysiques en situation tête fixe et tête libre (publications sous presse). b) Perception des courbures 3D en vision active Nous avons comparé la capacité d'un sujet humain à percevoir la courbure d'une surface 3D en mouvement relatif dans 2 situations expérimentales : tête fixe (surface mobile) et tête libre (surface fixe). A mouvement relatif équiva lent, la situation tête libre (vision active) donne des performances meilleures. Ceci pourrait suggérer une contribution des informations motrices et vestibu laires dans les processus de perception des formes 3D. Cependant, le glisse-
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