PEDAGOGIE DU SUIVI-ACCOMPAGNEMENT ET DEVELOPPEMENT DE LA PETITE ET MOYENNE ENTREPRISE INDUSTRIELLE (P.M.I.) L’EXPERIENCE DE LA REGION NORD-PAS DE CALAIS Gérard Kokou DOKOU et Michel ROGE INTRODUCTION Les agents économiques, sociaux et politiques s’intéressent de plus en plus aux PMI (Julien, 1997). Elles soutiennent d’emblée l’économie de certains territoires. En fait, elles constituent l’une des principales sources d’innovation et d’emplois. C’est le cas dans le Nord-Pas de Calais qui est passé de quelques industries lourdes (notamment, charbon, sidérurgie et textile) à une économie plus diversifiée. Mais les PMI régionales souffrent des difficultés liées, entre autres, à une mauvaise approche stratégique et marketing. C’est pourquoi, depuis 1990, un produit spécifique d’intervention en P.M.I. a été créé conjointement par un consultant (le gérant de la SCOREX)1 et l’Agence Régionale de Développement (A.R.D., Conseil Régional Nord-Pas de Calais) avec l’appui de certaines chambres de commerce et d’industrie (notamment les C.C.I. de Valenciennes, d’Avesnes, de Lens et de Dunkerque financées, dans le cadre cette opération, par la D.R.I.R.E. [Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement] c’est-à-dire l’Etat). Sa mise en œuvre est effectuée par des intervenants extérieurs à l’entreprise. Il s’agit de consultants, d’étudiants et d’universitaires. Son expérimentation pendant neuf ans sur plus de 450 P.M.I. avec plus de 600 missions d’intervention met en évidence des enseignements plus que pertinents qui suscitent quelques interrogations. On sait que la P.M.I. intègre avec beaucoup de temps, d’inertie voire de difficultés, les techniques de management stratégique de la grande entreprise. Mais peut-on l’aider à asseoir un développement sérieux et régulier en mettant au point un corps de méthodes adaptées à ses préoccupations ? Doit-on se résoudre à accepter les remarques classiques des chefs de P.M.I. qui disent, « c’est complètement différent chez nous, dans notre entreprise, c’est spécial » ? Il est vrai que l’entreprise construite par un dirigeant au gré des vicissitudes du marché, réalisant, entre autres, des développements de produits, des investissements ou des diversifications de clients, apparaît à l’instant « T » comme un corps singulier et unique. Mais ne peut-on rien lui apporter pour la rendre plus performante ? Une réponse nous est fournie à travers la pédagogie du suivi-accompagnement. Elle s’appuie sur trois propositions de base. Il s’agit d’abord de montrer que la mise en place d’une véritable politique commerciale dans une P.M.I. passe souvent par une démarche marketing complète. Au départ, on croit être confronté à un simple problème commercial. Mais en réalité sa résolution exige une formule marketing propre à la situation de chaque P.M.I.. Il faut en circonscrire le volet stratégique, structurer la partie opérationnelle et mettre en place les procédures de contrôle. Cette démarche doit s’inscrire dans une philosophie de développement global (ou politique générale) et dans une logique organisationnelle sous-tendue par certaines fonctions stratégiques (Brechet, 1987). Il est ensuite question d’insister sur le fait qu’une telle démarche obéit à un véritable changement culturel dans la plupart des P.M.I.. C’est un changement qui passe difficilement par un processus mutationnel. D’où l’importance de l’approche incrémentale centrée sur des outils simples : l’aide à l’auto diagnostic (conduisant à identifier les problèmes commerciaux qui s’inscrivent eux-mêmes dans une problématique de politique générale), le suivi- accompagnement (mettant en mouvement une équipe composée des acteurs de l’entreprise, le consultant, un étudiant et un enseignant universitaire) et la sensibilisation de l’entrepreneur aux nouveaux outils marketing, commerciaux et de gestion2. Il apparaît enfin que pour faire avancer un monde aussi difficile que celui de la P.M.I., il faut un système de guidage complexe mais centré sur des outils simples et ouverts. Ceux-ci doivent être acceptés par le dirigeant et son équipe qui adhèrent au pilotage effectué par des partenaires extérieurs à la fois intellectuels et pragmatiques. Ces partenaires se mettent au diapason des préoccupations du dirigeant en lui proposant une démarche ouverte 1 SCOREX est une société spécialisée dans le conseil en marketing industriel ; elle est créée et dirigée par Michel ROGE, co-auteur de ce papier. 2 Il faut préciser qu’avec la pédagogie du suivi-accompagnement l’on s’intéresse particulièrement à l’acteur principal de la P.M.I.. Il peut s’agir du dirigeant ou du chef de l’entreprise ou du créateur appelé aussi entrepreneur-dirigeant. Nous utilisons ces notions pour parler de cet acteur principal. sur les réalités de son entreprise. Ils vont au-delà du diagnostic classique suivi des prescriptions. Avec l’universitaire, le consultant devient un repère qui permet de faire valoir les apports des étudiants. Ceux-ci finissent par connaître le fonctionnement de la P.M.I. et y investissent leur potentiel avec le regard d’un adhérent ou d’un futur salarié de l’entreprise. C’est l’originalité du dispositif du suivi-accompagnement qui réduit la méfiance du chef de la P.M.I. à l’égard des consultants en général (puisqu’il le met en position de force vis-à-vis des intervenants extérieurs) et qui lui laisse le temps pour assimiler ou s’approprier les procédures et les outils de gestion proposés et pour mieux les inscrire dans son organisation. Ainsi, les développements qui vont suivre consolident ces propositions. Les enjeux, les mécanismes de mise en place et les modalités de fonctionnement de la pédagogie du suivi-accompagnement sont présentés et expliqués. S’ensuit l’analyse des apports de ce dispositif aux P.M.I. dans leur quête de développement. Il apparaît alors qu’il s’agit d’un dispositif de réflexion et de mise en œuvre de stratégies et d’apprentissage collectif de l’acte entrepreneurial. 1. MISE EN PLACE DE LA PEDAGOGIE DU SUIVI-ACCOMPAGNEMENT La pédagogie d’accompagnement s’inscrit dans la perspective chère à Julien. « L’aide au conseil stratégique devrait prioritairement s’orienter sur une première démarche visionnaire, permettant ainsi de faire apparaître de possibles contradictions au sein du système stratégique. Une telle démarche, encore une fois, repose sur une méthodologie fondée à la fois sur l’heuristique de la décision et sur la systémique, s’agissant d’arriver à une solution viable (la vision), suite à des régulations par itérations successives dans le système stratégique » (Julien, 1997, p. 122). Dans les entreprises ayant bénéficié de notre dispositif, l’étude marketing ne constitue en réalité qu’une clé d’entrée. Les dimensions de politique générale avec la prise en compte des forces qui structurent le champ concurrentiel (Porter, 1982) et de fonctions stratégiques (techniques, financières et humaines) sont naturellement impliquées. Ceci permet de circonscrire le champ d’action et l’horizon de temps souhaité compte tenu du système de valeurs en présence. C’est une méthode qui encourage le dirigeant à reproduire progressivement sa propre démarche intellectuelle dans le cadre des impératifs organisationnels et du contexte socio-économique général (Mintzberg et Quinn, 1991). Il est donc important de préciser ce contexte socio- économique avant d’expliquer les enjeux et les modalités de fonctionnement de la pédagogie du suivi- accompagnement. 1.1. La P.M.I. dans les turbulences du système productif régional et l’émergence de la pédagogie du suivi- accompagnement L’observation de la région Nord-Pas de Calais sur une période d’un tiers de siècle, dévoile l’exemple d’un système régional en transition, caractérisé par le passage d’une économie d’industries lourdes à une économie de plus en plus flexible et dynamique. Ceci s’explique, du moins en partie, par l’addition des perspectives nouvelles de développement, qui reposent pour l’essentiel sur le tertiaire, les investissements étrangers, le rôle des P.M.E./P.M.I. et la qualité du positionnement géographique. Les résultats sont assez significatifs3 qui soulignent l’apport de plus en plus prépondérant des P.M.I.. 1.1.1. Construction d’un important réseau de P.M.I. : forte capacité d’adaptation et fragilités stratégiques Dès la fin de la seconde guerre mondiale, les trois piliers de l’industrie du Nord-Pas-de-Calais, le textile, le charbon et la sidérurgie, sont entrés dans une phase de profondes turbulences. Ce qui s’est traduit par d’importantes restructurations économiques régionales. Mais la position géographique du Nord-Pas-de-Calais, 3 Il faut se référer essentiellement à la synthèse réalisée par S. Moscet (« Evolution des structures économiques et images touristiques du Nord-Pas de Calais », ULCO, septembre1997) à partir de: • D. Paris, « la mutation inachevée », L’Harmattan, Geotextes, Paris, octobre 1993. • INSEE Nord-Pas de Calais, « Trois décennies de mutations économiques », les dossiers de Profils n° 44, mai 1997 ; « l’emploi dans le Nord-Pas de Calais de 1989 à 1994 », les dossiers de Profils, n° 45, mai 1997 • P. Percq, « Une région pour gagner : la nouvelle aventure du Nord-Pas de Calais », édition de l’Aube, février 1997. carrefour des échanges européens ainsi que la capacité d’adaptation de ses habitants ont contribué à la reconversion toute entière de la région. Les grands bouleversements de ces trente dernières années qui ont marqué le tissu économique de la région, résultent principalement de l’effondrement de ces trois piliers du système productif régional. Mais parallèlement de nouvelles activités sont apparues et ont aidé à redynamiser l’économie régionale ou contribué à modifier et moderniser l’image d’une vieille région industrielle. L’analyse sectorielle de l’évolution des effectifs de la région montre que les activités traditionnelles, moteurs de la puissance de la région, ont été éliminées ou se sont modernisées. Désormais l’industrie du charbon n’existe plus, l’industrie textile s’est complètement restructurée et les aciéries se sont déplacées sur le Littoral dunkerquois. D’autres secteurs se sont largement déployés, comme la construction automobile, la grande distribution ou les services marchands aux entreprises. Gravitant autours d’eux, d’autres activités se sont développées. Ce qui n’a pas été sans bouleverser entièrement la structure de l’économie régionale. Grâce à la politique de conversion, de nouvelles activités comme l’industrie automobile, a contribué à la création d’emplois nouveaux. L’automobile y a effectivement joué un rôle central. Tandis que le potentiel représenté par d’autres secteurs, comme celui de l’agro-alimentaire, offre de nouvelles perspectives. La tertiairisation de l’économie régionale, le recentrage des politiques de développement vers les P.M.E./P.M.I. renouvellent l’approche du développement régional dans un territoire si longtemps marqué par l’industrie lourde. Cette mutation a ainsi gommé beaucoup de la spécificité territoriale. En effet, le passage d’un système régional mono-industriel à un système où le tertiaire devient prédominant constitue un changement fondamental pour les économies locales. Il s’accompagne d’une mutation sociale et culturelle profonde : la société des ouvriers et des patrons cède la place à celle des employés et des cadres. Progressivement, le Nord-Pas-de-Calais perd sa spécificité industrielle et rejoint le profil national. La dynamique du tertiaire représente un enjeux de développement important pour une région de tradition industrielle. Mais cette tradition se renouvelle et se maintient grâce au réseau des P.M.I.. Ce réseau s’est construit naturellement à partir de quelques grandes filières (textile/habillement, mécanique/électronique/automobile, chimie et agro-alimentaire) traduisant une espèce de division de travail entre les grandes et les petites entreprises industrielles (S. Boutillier et D. Uzunidis, 1995). Il résulte aussi de la restructuration engagée par les grandes entreprises industrielles depuis la fin des années soixante-dix. Pour mieux valoriser leur savoir-faire ou leur métier, les grandes structures industrielles se recentrent sur une activité principale. S’ensuivent le développement de sous-traitants et/ou la création de filiales (Boutillier et Uzunidis, 1995). Ainsi, grande région industrielle, le Nord-Pas de Calais apparaît comme un territoire important de sous- traitance. Les échanges internes à ce territoire industriel sont substantiels avec, en moyenne, 20% des débouchés et 30% des achats des produits industriels intermédiaires. La région est donc deux fois plus sous-traitante que donneur d’ordre (INSEE, Atlas du Nord-Pas de Calais, juin 1995). Quelles soient dépendantes ou indépendantes, la particularité des P.M.I. réside dans leur forte capacité d’adaptation à la demande. Leur flexibilité tient à leur taille et à leur structure tant capitalistique qu’organisationnelle. Capacité d’adaptation et flexibilité constituent des facteurs de compétitivité et de créativité incontestables. Avec de tels atouts, les P.M.I. régionales concourent au développement des macro-entreprises industrielles. Mais les enquêtes de la Chambre Régionale du Commerce et de l’Industrie (C.R.C.I.) et les études de l’INSEE (sur plusieurs années : de 1987 à 1995) montrent que la situation des P.M.I. est plus complexe. Le taux annuel de disparition est compris entre 6% et 7% avec une grande diversité de situations sectorielles et locales. En 1992, le nombre de P.M.E. a connu une croissance de 25% par rapport à 1987 (INSEE, 1994). Au cours de cette période, l’effectif des P.M.E. de service a augmenté, en moyenne, de 9% par an. Dans le même temps, le nombre de P.M.I. progressait moins vite avec un taux annuel moyen de 1,8%. Le tissu des P.M.I. est donc des plus fragiles. Les facteurs de faiblesse sont nombreux. La vivacité de la concurrence nationale et étrangère provoque une dégradation des prix de vente. Pour les sous-traitants, les exigences (qualité, sécurité, formation, etc.) des donneurs d’ordre sont souvent lourdes à supporter. Certains donneurs d’ordre sont souvent amenés à assumer eux-mêmes certains travaux de maintenance ou à les confier à des entreprises satellites. Ainsi, pour ne pas avoir à retenir que des affaires à très bas prix, la recherche de nouveaux débouchés s’impose. Les résultats de deux études confirment l’importance des fragilités stratégiques des P.M.I. régionales comme le résume le tableau qui suit. Tableau de quelques forces et faiblesses de la P.M.I. régionale POINTS FORTS POINTS FAIBLES - Bonne capacité technique du dirigeant et de - Manque de réflexion sur la politique générale de l’entreprise l’entreprise - Forte implication du dirigeant et de ses proches - Faiblesse dans la démarche marketing et commerciale - Fidélité et volonté de changer du personnel - Gestion relativement inefficace du personnel - Capacité à s’adapter aux changements - Manque de ressources financières Certaines de ces faiblesses (notamment les deux premières) résultent généralement de l’isolement du dirigeant de la P.M.I. qui consacre l’essentiel de son temps à la gestion quotidienne4. C’est à cela que répond l’interface suivi-accompagnement qui prend la forme d’un réseau d’un nouveau type. 1.1.2. L’émergence de la pédagogie du suivi-accompagnement : genèse, fondements et enjeux Sur les vingt dernières années, des techniques et des outils sont apparus et/ou mis en place pour le développement des P.M.I.. Parmi ces techniques ou outils, quatre méritent d’être rappelés. Notons d’abord l’informatique de gestion (au sens large du terme : secrétariat, comptabilité, prévision, etc.) qui a d’ailleurs, dans des cas limites, apporté des désagréments à leurs utilisateurs. C’est une véritable innovation dans l’approche managériale qui va favoriser l’arrivée d’un nouveau dispositif plus collectif. Il s’agit ensuite de la mise en place, par des associations d’entreprises et de Chambres de Commerce, des systèmes de groupe ou de réseau. L’effet de capitalisation de ce dispositif est de résoudre les problématiques de gestion et de développement par similarité et/ou par diagnostic interentreprise. Les procédures de diagnostic nécessitent souvent l’intervention de spécialistes ou de consultants. Le coût d’une telle intervention peut être dissuasif pour des dirigeants de P.M.I.. C’est pourquoi en 1988 le Fonds d’Aide au Conseil a été créé. C’est le troisième outil. Il permet aux acteurs de P.M.I. d’utiliser, à des coûts intéressants, le service des consultants pour faire évoluer leur entreprise. L’évolution de l’entreprise (au sens positif du terme) renvoie une quête permanente de meilleures réponses à la demande. C’est le fondement du quatrième dispositif initié conjointement par les pouvoirs publics et les donneurs d’ordre. Ainsi la mise en place des plans d’assurance qualité est devenue progressivement un instrument de revitalisation culturelle et stratégique pour les P.M.I.. Les plans d’assurance qualité ont permis de rendre des P.M.I. plus puissantes et efficaces en renforçant leurs compétences techniques et organisationnelles. Grâce, entre autres, aux dispositifs susnommés plusieurs P.M.I. régionales ont passé l'après les trente glorieuses avec un peu plus de réussite. Certaines, fortement liées aux trois piliers économiques régionaux, ont su s’adapter. D’autres ont pu suivre la trace des nouveaux métiers et savoir-faire qui ont émergé dans la région comme l’automobile, l’agro-alimentaire, la chimie, l’ingénierie ou les matériaux composites. Le phénomène va probablement s’intensifier dans les années à venir même si la capacité d’innovation et de création industrielle de la région reste encore en dessous de la moyenne nationale (Vambre, 1996). En fait, les grands groupes confient de plus en plus une partie de leurs activités industrielles à des petites entités extérieures. Au même moment, les pouvoirs publics et les collectivités locales cherchent à faciliter la vie de ces petites entités aux niveaux administratif, fiscal et bancaire (Epinay, 1997). 4 La première étude réalisée par le cabinet SCOREX porte sur une population de 65 P.M.I. des secteurs d’activité suivants : transformation des métaux, ensemblier industriel, fournitures industrielles, électronique, imprimerie et second œuvre du bâtiment. La seconde étude est centrée sur la capacité et la volonté de développement commercial des PMI prestataires de services à l’industrie et celles du secteur de la mécanique. Elle est réalisée en 1997 (sur un échantillon de 65 entreprises) par notre équipe (ERIME/IMN) dans le cadre d’un contrat d’étude avec la Chambre de commerce et d’Industrie de Dunkerque. De vocation marchande par nature, beaucoup de ces P.M.I. régionales se sont efforcées de conquérir de nouveaux marchés et d’exporter leur production en direction de l’Europe voire du reste du monde. On peut parler de mutations positivement digérées et d’efforts de productivité ou de compétitivité incontestables. Mais il demeure une source de fragilité communément reconnue. Il s’agit de la fonction commerciale sous-tendue par les techniques du marketing. Autant dire que c’est toute la dimension stratégique, managériale et organisationnelle qui est directement ou indirectement, selon les situations, concernée. Tout se passe comme si le dirigeant de la P.M.I. se sent mal à l'aise sur un terrain qu’il ne souhaite pas aborder. Il devient alors impératif de le faire évoluer mais à partir des structures et des systèmes existants. L’objectif est de recomposer un rôle, une valeur ou une partition indispensables pour la mise en mouvement des dispositifs existants. Il faut rappeler que le consultant a une image voire une notoriété qui lui donne un poids trop théorique et une position souvent éloignée des problèmes pratiques ou de la réalité. Cela tient essentiellement au métier de conseil qui est avant tout une prestation d’analyse, d’audit ou de prescriptions. Par déontologie, le consultant exerce son activité dans la cadre juridique très précis de l’obligation de moyens. Ceci entraîne un blocage philosophique quant aux conséquences en matière de résultats pour la vie économique et sociale de l’entreprise. Dans ce cas, la méfiance devient une source de mauvaise écoute. Il apparaît alors indispensable de trouver des outils à laisser dans l’entreprise pour faire vivre la méthode et les prescriptions conseillées par le consultant. Il s’agit d’outils sous-tendus par une méthodologie « d’apprentissage-action » (Belet, 1996). Les stages obligatoires des étudiants commerciaux ou gestionnaire en entreprise constituent un des outils possibles5. Il est donc possible d’orienter les procédures et démarches propres à ces stages en tenant naturellement compte des attentes et des besoins des différents partenaires : les institutions en charge du développement des P.M.I. (notamment, l’Agence Régionale de Développement et les Chambres de Commerce et d’Industrie), les universités ou les écoles de commerce et les entreprises elles-mêmes. A partir de toutes ces composantes, le consultant réoriente ses interventions qui s’inscrivent dans un dispositif impliquant les partenaires indiqués. Il est l’accompagnateur ou l’assistant méthodologique qui a le savoir-faire spécifique, une pratique du terrain et des connaissances psychologiques dans le milieu des responsables de P.M.I. (Belet, 1996). A ce titre, il assure la coordination et la maîtrise d’œuvre de ce dispositif. C’est précisément le système du suivi-accompagnement qui devient un outil de formulation et de mise en œuvre de stratégies en P.M.I.. Son originalité réside surtout dans le fait que les enjeux économiques, financiers et sociaux en P.M.I. sont tels que le dirigeant préfère utiliser des techniques participatives simples, efficaces et peu coûteuses. Ainsi, pendant neuft ans, plus de 450 P.M.I. régionales ont bénéficié de ce dispositif au travers de plus de 600 missions d’intervention. Certaines l’ont utilisé au moins deux fois. Nous avons choisi d’exploiter 217 rapports de stage issus de ce groupe de « récidivistes » de tous les secteurs d’activité. Notre choix est guidé par ce caractère de permanence et par le degré de complétude des informations contenues dans les rapports de stage. Au-delà des facteurs qui caractérisent chaque entreprise, nous avons pris soin de vérifier la présence des paramètres relatifs aux dimensions suivantes : structure organisationnelle et fonctions saillantes, types de clients et facteurs de décision de ceux-ci, marchés pertinents et facteurs de concurrence, stratégies poursuivies et domaines de mise en œuvre impliqués. Les traitements quantitatifs et l’analyse qualitative des variables isolées ont permis d’identifier l’évolution de l’itinéraire stratégique des P.M.I. concernées6. Une telle exploitation a été possible du fait de la rigueur méthodologique qui sous-tend la pédagogie du suivi-accompagnement. 1.2. La méthodologie de la pédagogie du suivi-accompagnement Elle s’attache particulièrement aux aspects de description et d’explication de la problématique de développement validée ainsi qu’aux éléments de prescription et de mise en œuvre appropriées. Tout ceci suppose un fort ancrage dans l’observation minutieuse du terrain interne et externe. 5 Il s’agit d’étudiants de niveau Bac+2 à Bac+4 qui effectuent au moins un stage obligatoire d’une durée comprise entre 2 et 6 mois d’affilé. 6 Au total 110 paramètres structurent notre grille d’analyse. Pour mieux l’exploiter, nous avons procédé par les techniques de tris à plat, de tris filtrés avec le test de dépendance de chi-deux et par l’analyse discriminante mettant clairement en évidence les logiques stratégiques et managériales sous-tendues par l’usage du système suivi-accompagnement. 1.2.1. Validation de la problématique de développement et ancrage dans l’observation de terrain La phase initiale du dispositif suivi-accompagnement est l’identification et la validation de la problématique de développement de l’entreprise. C’est une phase qui est conduite par le consultant et les universitaires à partir d’une grille d’évaluation mis au point avec les chargés de mission de l’A.R.D. et avec d’anciens cadres ou chefs de P.M.I.. Ils partent des faits et des représentations du dirigeant. Ils vérifient les possibilités de transformation interne au regard des potentialités et des objectifs de développement explicites ou implicites dans l’entreprise. Le niveau d’esprit d’ouverture réel ou potentiel du dirigeant est important vu le nombre d’intervenants externes (étudiant, universitaire et consultant). C’est une des conditions de réussite de la pédagogie d’accompagnement. Se pose d’ailleurs la question du coût de l’opération et de la crédibilité des intervenants extérieurs. Le coût de l’opération est pratiquement nul pour l’entreprise. Dans la plupart des cas, tout est pris en charge par les institutions locales ( notamment A.R.D. ou C.C.I.) depuis le diagnostic jusqu'à la mise en œuvre des prescriptions. Les premières difficultés qui ferment généralement la porte de la PME-PMI au consultant sont ainsi levées. S’agissant de la crédibilité des intervenants extérieurs, ils apparaissent comme une structure de compétences plurielles capables d’épouser la problématique de développement de l’entreprise si le repli sur soi, la crainte de l’externe et la résistance au changement sont faibles. La pédagogie d'accompagnement est a priori faite pour rassurer le chef d'entreprise. C'est un peu comme les études marketing dont le but premier est de réduire l'incertitude qu'éprouve le décideur (Faire, 1993). Le dispositif en lui même fournit des arguments rassurants. L’étudiant stagiaire ne peut, du moins a priori, réduire la marge de manoeuvre du chef d’entreprise. Face à ce dernier, le premier est en situation d’apprenant. Les limites de celui-ci sont cependant supposées comblées par l’enseignant universitaire. La présence du consultant reconnu comme expert opérationnel élimine le côté théorique souvent reproché à l’universitaire. On peut alors faire valoir que l’objectif du dispositif est de « coller à la culture de l’entreprise en traitant les informations directement accessibles dans la tête des dirigeants » (Chaillot, 1995, p. 59). Du coup, il faut réussir à attirer l’attention du chef d’entreprise sur ses besoins réels afin de s’assurer de son implication « tant dans la réflexion que dans l’action ». Il s’agit de besoins qui tiennent comptent de la situation actuelle mais orientés vers l’avenir. Le premier service rendu à l’entreprise est d’amener le dirigeant à projeter ses représentations dans le futur. On retrouve l’étape préliminaire de toute étude ou de toute procédure de diagnostic : identification et formulation du problème et des objectifs de développement. Au-delà de l’organisation interne, on fait en sorte que le champ couvert par les représentations du dirigeant puisse concerner les couples produits/marchés actuels et nouveaux ou potentiels, les procédures de satisfaction des clients actuels comme la conquête et la défense des positions concurrentielles de l’entreprise. Souvent, le problème du développement est latent. « Il est occulté par les préoccupations opérationnelles » (Faire, 1993, p. 81). Les intervenants extérieurs l’aident à le percevoir et à en effectuer le premier construit. Les valeurs fondamentales de l’entreprise émergent à travers les ordres de préférence du dirigeant et de ses collaborateurs. On comprend alors pourquoi les techniques de recueil d’information et d’analyse comme les questionnaires, les entretiens et les études documentaires enseignées aux étudiants ne suffisent pas. Il faut également une démarche d’observation in situ dans une approche transformative de la Philosophie stratégique initiale (Voyant, 1997). La prise en compte des faits et des comportements se conjugue avec le recueil et l’analyse des discours du dirigeant ainsi que ceux des autres acteurs clés internes et externes. C’est la méthode du choix raisonné qui conduit à s’intéresser particulièrement aux acteurs dont les représentations par rapport au fonctionnement et au développement de l’entreprise se renforcent ou se complètent (Savall et Zardet, 1995). La construction progressive de nouvelles dimensions stratégiques résulte de ces représentations et de celles des intervenants externes. Cette construction rend les noyaux centraux des représentions plus intelligibles pouvant devenir la base de nouvelles dispositions entrepreneuriales (Dokou, 1989). L’interprétation collective et interactive des faits, des comportements et des représentations permet de passer plus facilement des opérations actuelles aux actions futures (Avenier, 1989). Les résultats d’une enquête réalisée en 1993 par Dufournet auprès d’un panel d’une quarantaine de grands groupes, dans le cadre de l’Association Française de Stratégie et de Développement d’Entreprise, sont significatifs dans ce sens (Dufournet, 1994). En fait pour plus de 90 % des entreprises considérées, la compétitivité future réside dans un bon arbitrage entre le court et le long termes. Cet arbitrage harmonieux résulte d’une veille stratégique. Mais la mise en place et la réalisation de cette veille stratégique doivent être confiées aux experts externes et aux acteurs internes opérant selon la logique interactive. On retrouve d’ailleurs la démarche liée au concept d’Ecoute Prospective de L’Environnement (EPE) développé par Vergnaud-Schaeffer (1993). Cette démarche s’intéresse à trois éléments structurant les représentations des acteurs impliqués dans le processus : la veille du métier (défini comme le savoir-faire de l’entreprise au niveau des produits et des services mais aussi de la compréhension de la dynamique des aspects amont et aval de l’activité), la veille commerciale (c’est-à-dire, «l’activité par laquelle l’entreprise identifie sa clientèle, actuelle et potentielle, en l’individualisant ; dans cette démarche, son objectif est de connaître la stratégie de chacun, de façon à anticiper les décisions susceptibles d’influer son devenir » [Vergnaud-Schaeffer, 1993, p. 57]) et la veille concurrentielle ( comme étant «l’activité par laquelle l’entreprise identifie sa concurrence, actuelle et potentielle, en l’individualisant ; dans cette démarche, son objectif est de connaître la stratégie de chacun, de façon à anticiper les décisions susceptibles d’influer son devenir »). Un processus interactif comme la pédagogie d’accompagnement fonctionne sur la base d’une philosophie articulée autour de l’implication du dirigeant, de la participation des autres acteurs clés et de celle des intervenants extérieurs « qui ne doivent pas être considérés comme des technocrates mais comme des partenaires » (Salaün Y., 1992). Les intervenants extérieurs doivent rassurer les acteurs de l’entreprise, les accompagner dans leur démarche de renouvellement d’esprit d’entreprise et de mise en place d’outils de gestion à partir de propositions concertées et amplement discutées. Il s’agit de propositions faites par eux et pour eux. L’originalité du dispositif complet est que chacun des acteurs pris séparément n’a pas de compétences suffisamment fortes et souples. Mais ensemble, ils font de l’interface suivi-accompagnement une méthode pédagogique et efficace en matière de gestion stratégique de la P.M.I.7. 1.2.2. Approche descriptive, explicative, prescriptive et de mise en oeuvre A l’instar de l’ISEOR8, la méthode de la pédagogie de l’accompagnement est sous-tendue par la description, l’explication et la prescription. Elle conduit à « mettre en place une évolution de l’organisation progressive, structurée, évaluée et adaptée selon trois axes de pilotage : décisions politiques et stratégiques, outils opérationnels et tactiques et processus de mise en œuvre » (Voyant, 1997, p. 181). Les phases de description, d’explication et de prescription occupent la moitié du temps d’intervention. La deuxième moitié de ce temps est absorbée par la phase de mise en œuvre (interventions de motivation des acteurs impliqués, de substitution au chef de P.M.I., de contrôle et de relance). Les chefs de P.M.I. qui sont convaincus de la pertinence du dispositif du suivi-accompagnement acceptent de remettre en cause leur mode opératoire de fonctionnement. La mise en place de la méthode prend corps et s’appuie sur trois principes de réflexion : l’exemple, le standard et le spécifique. Chef de la P.M.I. et son équipe Universitaires et Institutionnels et étudiants consultants Principes de réflexion Principe Principe de Principe de 7 La pédagogie du suivi-accompagnement peut se définir comme une méthode d’intervention qui s’appuie sur des moyens et des compétences : une institution publique, un consultant, un universitaire et un étudiant (de niveau Bac+2 à Bac+4, en sciences de gestion, notamment les sciences commerciales). Les missions traitées concernent principalement la stratégie et le marketing/vente, mais elles touchent souvent l’organisation et le management. L’approche d’intervention s’apparente aux techniques d’apprentissage (aller et retour : réflexion/recherche/motivation/mise en pratique). 8 Institut de Socio-économie des Entreprise et des Organisations : centre de recherche en sciences de gestion de l’Université de Lyon II dirigé par le professeur Henri SAVALL. d’exemplarité spécificité standardisation Le schéma montre bien qu’il est plus intéressant d’aborder la relation du travail de réflexion stratégique par l’explication d’une approche conviviale et adaptée. Le chef de la P.M.I. et son équipe sont au cœur du dispositif. Le fait de mettre en avant l’importance de l’exemple ou des références des collègues dirigeants de P.M.I. ne peut que les rassurer. D’ailleurs ils peuvent vérifier que le cas de leur entreprise n’est pas simplement unique. Une partie non négligeable de la problématique de leur organisation est parfaitement classique (certes avec des spécificités liées, entre autres, à la nature de l’activité et au système de valeurs dominantes) sollicitant des réponses ayant fait leur preuve dans des cas fortement similaires. Tout compte fait, le chef d’entreprise est en situation de minimiser les risques pouvant résulter d’une éventuelle décision. Il sait ou on lui explique que les procédures de recherche engagées comportent les phases de collecte, de traitements et d’interprétations des données internes et externes. La pertinence et la fiabilité de ces données résident dans le fait que la démarche se veut systémique avec « des procédures formalisées , fondées sur le principe de la méthode scientifique » (Faire, 1993, p. 75). Une fois le problème du développement construit avec l’affichage des objectifs stratégiques, quatre phases d’analyse s’imposent (Faire, 1993). Les deux premières, à savoir, les analyses interne (l’identité, le discours, la situation et la stratégie actuelles) et externe (les données générales du marché, la clientèle, la concurrence et l’image externe) sont essentiellement descriptives et explicatives. Par contre les deux dernières étapes que sont la formulation des alternatives envisageables, l’évaluation et le choix d’une alternative, sont plutôt prescriptives. Au cours de ces différentes phases, le dirigeant est accompagné par les intervenants externes qui cherchent à comprendre les adaptations personnelles qu’il opère compte tenu du système de valeurs et d’attitudes dominantes. Grâce au dispositif d’accompagnement, ces valeurs et attitudes se nourrissent de la démarche et des méthodes d’analyse en marketing stratégique. « Les meilleurs outils de diagnostic sont ceux qui permettent un transfert réel de méthodes » (Chaillot, 1995, p.59). Ces méthodes sont considérées comme des compléments indispensables à son intuition managériale. Ainsi, le dirigeant se rend compte que la connaissance des positions concurrentielles de son entreprise constitue le préalable à tout objectif de croissance du chiffre d’affaires ou de part de marché. Il comprend mieux que l’innovation peut être un facteur de compétitivité et de pérennité si certaines conditions sont remplies. Par exemple, le développement ou l’amélioration des produits s’appuie sur au moins un certain niveau de connaissance des besoins du marché (Chaillot, 1995). Une connaissance minimale des besoins du marché est indispensable même si on est dans le cas d’une offre créatrice. Il finit par prendre conscience de l’importance du commercial dans l’identification de ces besoins. Il devient plus ouvert aux outils d’études pour aller plus loin dans cette identification. Situer au mieux le moyen et le long terme devient indispensable pour lui afin de ne plus naviguer à vue ou de ne plus « avoir toujours le nez dans les guidons ». Il se dégage du fonctionnement quotidien grâce au renforcement des effectifs et à une réorganisation des structures existantes. On passe progressivement d’une situation de « stratégie de fait » à une logique de « stratégie plus structurée » (Chaillot, 1995, p. 58). L’acceptation et l’intériorisation des méthodes et outils sont rendues possibles grâce à l’accompagnement. L’étudiant qui reste dans l’entreprise pendant plusieurs mois avec le suivi du consultant et de l’enseignant constitue le point d’ancrage de cet accompagnement. « L’expérience montre que ces opérations de diagnostic ne peuvent réussir que si elles sont suivies d’un accompagnement sur une période suffisamment longue (3 à 4 ans en moyenne). L’accompagnement permet la mise en place du plan d’actions, de compléter le transfert des méthodes du consultant vers l’équipe dirigeante, en particulier en ce qui concerne l’adaptation des plans aux conditions de réalisations rencontrées, de rassurer les dirigeants pendant cette période de changement où le poids des habitudes est un handicap majeur » ( Chaillot, 1995, p. 59). C’est d’ailleurs tout le personnel de l’entreprise qui se sent impliqué. Chacun se rend compte progressivement du chemin parcouru en terme de connaissance de l’environnement souvent multiforme et changeant, d’intégration d’outils de gestion stratégique et opérationnelle. Les mentalités évoluent et font bouger les procédures de fonctionnement ainsi que le cadre du développement de l’entreprise. 2. LA PEDAGOGIE DU SUIVI-ACCOMPAGNEMENT COMME CADRE DE DEVELOPPEMENT DES APTITUDES ENTREPRENEURIALES L’approche du suivi-accompagnement s’apparente au processus d’élaboration de la stratégie proposé par Mintzberg (1994). Dans la plupart des missions réalisées, les phases de formulation et de mise en œuvre des choix stratégiques sont rarement séparées (c’est le cas de l’extension de clientèle ou de réorientation de l’activité). Les différentes étapes du processus s’apparentent à des va et vient récurrents intégrant diagnostic de l’entreprise (forces et faiblesses), identification des opportunités et des menaces environnementales, intention de développement qu’affiche l’équipe de direction, choix et mise en œuvre d’options stratégiques. Celles-ci prennent plusieurs formes singulières ou combinées au sens de (Ansoff, 1968) : • la consolidation ou de l’intensification avec ou sans développement de produits ; • l’extension dans ou hors de la zone de chalandise habituelle avec les produits actuels ou les produits adaptés; • la diversification au sens de l’orientation vers de nouvelles activités obéissant à la logique de synergie avec le métier actuel. La diversification constitue une des formes les plus intéressantes des itinéraires stratégiques à souligner. En fait, les résultats de nos études montrent que 26 % des P.M.I. ont engagé une stratégie de diversification contre moins de 5 % avant la mise en place du dispositif du suivi-accompagnement. Une autre étude, réalisée à partir d’un échantillon témoin de P.M.I. n’ayant pas bénéficié de ce dispositif, confirme ces résultats9. Les chefs d'entreprises concernées se sont très vite orientés vers l’innovation pour se différencier. Ils ont accepté d’être accompagnés pour accroître leurs performances commerciales, renforcer leur organisation et développer leur outil de production. Ils sont ouverts aux stages et impliquent toute leur organisation dans de nombreux domaines : • mise en place d’outil informatique en prise directe avec le client ; • amélioration des produits ; • création d’un service qualité ; • développement des contrats de maintenance et de progrès ; • gestion de l’image et de la notoriété de l’entreprise. Au départ, certaines de ces entreprise ont un portefeuille de clients limité avec de gros risques d’impayés. C'est pourquoi leurs dirigeants ont choisi de jouer la carte de l'innovation et se différencier des autres concurrents. Cette logique de développement a pu conduire à la stratégie de diversification avec la forte implication de différentes politiques fonctionnelles (commerciale, productive, financière). Des avantages concurrentiels s’affichent rapidement. Ils portent notamment sur le prix, la qualité des prestations et sur un type de comportement. C’est l’état d’esprit proactif qui prend le dessus. Les discours portent désormais sur des objectifs opérationnels et les projections à 5 ans lors des réunions commerciales (journalières, hebdomadaires et exceptionnelles ). Des missions diverses et permanentes sont entreprises pour élargir la clientèle. Certaines débouchent sur des projets d’implantations d’agences commerciales en France ou à l’étranger. D’où l’importance de la structure commerciale et des critères de performance tels le bénéfice net, la marge et les comptes analytiques par secteur c’est-à-dire la recherche d’un coût minimum à chaque stade d’élaboration des prestations. Cette recherche du coût minimum conduit l’entreprise à choisir entre l’internalisation et l’externalisation de certaines phases de l’activité productive. Le potentiel du développement commercial mis en évidence dans ces P.M.I. réside surtout dans : • les compétences individuelles et organisationnelles ; • les partenariats multiples, notamment, entre clients, fournisseurs et organisations professionnelles ; • la veille informationnelle et l’innovation diffuse. Plusieurs autres facteurs émergent au cours des interventions. C’est le cas de l’importance accordée à la vision, à l’intuition et à l’imagination ainsi que la forte sensibilité aux changements (secteur, domaines d’activité, métier et besoins des clients). Le futur et l’anticipation reviennent rapidement dans les discours. La veille 9 Cette étude vise à appréhender la capacité et la volonté de développement commercial des PMI prestataires de services à l’industrie et celles du secteur de la mécanique. Elle est réalisée en 1997 (sur un échantillon de 65 entreprises) par notre équipe (ERIME/IMN) dans le cadre d’un contrat d’étude avec la Chambre de commerce et d’Industrie de Dunkerque. informationnelle trouve sa place : abonnement aux revues spécialisées, participation à des salons, adhésion à des organisations professionnelles tel le club de maintenance industrielle. Il apparaît que la pédagogie du suivi-accompagnement permet d’aider les « dirigeants diversificateurs » à mieux identifier les besoins à satisfaire dans le marché et organiser les compétences nécessaires à cette fin. C’est une manière de répondre à certaines difficultés majeures auxquelles est souvent confronté le dirigeant de la P.M.I.. Il s’agit notamment de la définition et de la mise en œuvre permanente d’un plan marketing sous-tendu par une politique générale cohérente. Une réelle volonté de développement et de mobilité stratégique apparaît. Il est alors possible de repenser le métier stratégique, d’élargir le portefeuille de savoir-faire, de cerner de nouveaux principes managériaux et de construire la compétitivité de l’entreprise à partir de la valorisation du travail des jeunes étudiants. 2.1. Le cadrage du champ et du métier stratégiques dans une perspective ouverte La pédagogie du suivi-accompagnement conduit à situer le niveau de maîtrise de l'activité telle qu'elle est pratiquée, vécue de l'intérieur et perçue par les partenaires externes. Au niveau interne, toutes les fonctions sont interpellées, de la production à la commercialisation en passant par l'administration. Du point de vue externe, l'opinion du client est d'une importance capitale. Ses attentes telles qu'elles sont cernées, comprises et satisfaites peuvent témoigner de la maîtrise des savoir-faire de l'entreprise. Au-delà des opinions, le degré de fidélité du client est à prendre en compte. Ainsi, la distinction entre clients permanents, clients ponctuels et clients perdus prend tout son sens. Même si certains dispositifs comme la certification qualité jouent un rôle important, les signaux qui viennent directement du client ont une portée hautement significative. L'attrait des produits des concurrents qui récupèrent certains clients fait partie de ces signaux. Mais il convient de bien isoler les facteurs d'attrait pour mieux les situer dans le temps. Par exemple, les réductions ponctuelles et/ou abusives du prix constituent rarement une source durable d'attrait et de pérennité pour l'entreprise. Par contre la qualité, le service et le respect des délais témoignent d'une réelle domination compétitive du métier. Ils confèrent, sans doute, à l'entreprise une solide capacité concurrentielle. Celle-ci n'est autre chose que le déterminant et le fruit d'un positionnement bien choisi centré sur des invariants et des variants lents stratégiques (Dokou, 1989). A propos des clients, rappelons que leurs attentes entrent naturellement en ligne de compte. Mais il faut savoir que la distinction en terme de gros, moyens et petits clients est importante10. La manière dont le poids respectif de ces trois types de clients bouge peut traduire un certain changement du métier. Cependant le cycle de vie du métier au niveau général peut-être différent de celui propre à l'entreprise. Deux situations extrêmes sont possibles. L'entreprise proactive est en phase avec son activité ou prend de l'avance sur elle. L'entreprise à comportement passif a au moins un train de retard sur la situation réelle de son métier. Pour une P.M.I., il est important de se positionner sur un espace vacant ou un créneau du marché (Filion, 1991). Le problème de l’entrepreneur ou du dirigeant est de pouvoir le déceler et de l’exploiter dans de meilleures conditions. La pérennité de l’entreprise relève de ce processus considéré comme infini. C’est dire qu’il faut une culture dont un des invariants doit être le marketing. « Le dirigeant vraiment concerné par les occasions d’affaires donne au marketing la première place des activités de gestion. Non seulement ce dirigeant s’intéresse- t-il à l’analyse des données de toutes natures sur le marché, à l’évolution de la démographie, des habitudes de consommation et de positionnement de produits mais il se préoccupe aussi de se rapprocher de son client, de l'utilisateur et de l’acheteur du produit. Il définit sa mission à partir des achats de son client. » (Filion, 1991, p. 193). Par ailleurs, la pédagogie du suivi-accompagnement devient le facteur de facilitation d’introspection et de représentations révélées. En fait, il permet d'appréhender la manière dont les acteurs de l'entreprise projettent leur activité dans le futur. Certaines réactions internes apparaissent pour témoigner des préoccupations relatives à 10 Les fichiers clients de la P.M.I. sont souvent classés par secteur d’activité, métier stratégique, produit ou famille d’affaires. Il y a une hiérarchie relationnelle chez les clients qu’il est utile d’affiner. Suivant le même principe que la loi de Paréto des 20/80, il est nécessaire de mettre des poids potentiels par catégorie de clients pour les positionner avec au moins trois strates pour les gérer sur trois à cinq ans : • première strate : les clients stratégiques générant 60 % du CA de l’entreprise (avec un compte stratégique qui rapporte entre 5 % et 20 % du même CA), • deuxième strate : les clients semi-stratégiques générant entre 20 % et 25 % du CA de l’entreprise (avec en stock les futurs comptes stratégiques), • troisième strate : les clients classiques générant entre 15 % et 20 % du CA de l’entreprise (représentant la population la plus dense des comptes de l’entreprise).
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