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Origène et Plotin - Comparaisons doctrinales PDF

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Universitatsbibliothek Wien uzel, j. S. FB Kath. und Evang. Theologie KG-5510 Patrologue, professeur à Rome à l'Uni versité Grégorienne, à l'Institut A ugus tinianum et à l'Université du Latran, professeur honoraire à l'Institut catho SAVOIR lique de Toulouse, Henri Crouze4 sj, est l'auteur de rwmbreux ouvrages se rappor ltII tant à l'Église primitive et en particulier 1111 III It ~ lit 11111 1111 à l'œuvre d'Origène. ~ Un texte de Porphyre, élève de Plotin, cité par Eusèbe de -4 O RI G E N E J Césarée dans son Histoire Ecclésiastique, affirme qu'Origène suivit à Alexandrie les cours d'Ammonios Saccas que la Vie de Plotin ~ du même Porphyre désigne comme ayant été le maître de Plotin. Selon ce passage - auquel on a fait nombre de difficultés '~ et - les deux plus grands penseurs de langue grecque du Ille siècle +' de notre ère, le théologien chrétien Origène et le philosophe païen Plotin auraient eu le même maître. Si Plotin est le plus ~ PLOTIN grand héritier de la philosophie de Platon, Origène est le pre ~ mier grand théologien de l'Église à avoir utilisé abondamment la philosophie grecque, un Platon mélangé de beaucoup de stoïcis ~ me et d'un peu d'aristotélisme, comme le Moyen Platonisme et j Plotin lui-même, pour l'expression et le développement de la doctrine chrétienne. ~ .~ A notre époque où l'on parle beaucoup de l'''inculturation'' du Q Christianisme, il est important de confronter ces deux condis Comparaisons doctrinale: ciples et de voir ce que le Christianisme, à tràvers un des pre miers et plus importants représentants de sa doctrine, pouvait accepter ou devait refuser de l'apport de la philosophie grecque. Ouvrage publié avec le cancaurs ~ Jl Ct. du Centre National de la Recherche Scientifique ~ Q ~ U ... C) ISSN : 0294-6351 l.tJ ISBN: 2-7403-0097-2 195 F ~ 911~~~~UIIIU~~~11 PIERRE TÉQUI, éditeur Henri CROUZEL, sJ. L OUVRAGES DU MÊME AUTEUR Théologie de l'Image de Dieu chez Origène. Collection Théologie 34, Paris ORIGÈNE ET PLOTIN (Aubier) 1956. Origène et la "connaissance mystique". Museum Lessianum, sect.-théoI. 56, Comparaisons doctrinales Paris/Bruges (Desc1ée de Brouwer) 1961. Origène et la PhilosoPhie. Collection Théologie 52, Paris (Aubier) 1962. Collection "Croire et Savoir" Virginité et Mariage chez Origène, Museum Lessianum, sect. théoI. 58, Paris/Bruges (Desc1ée de Brouwer) 1963. Grégoire le Thaumaturge : Remerciement à Origène. Suivi de la Lettre Ouvrage publié avec le concours d'Origène à Grégoire. Sources Chrétiennes 148, Paris (Éd. du Cerf) du Centre National de la Recherche Scientifique. 1969. L'Église primitive face au divorce: Du premier au cinquième siècle. Théologie Historique 13, Paris (Beauchesne) 1971. BibliograPhie critique d'Origène. Instrumenta Patristica VIII, Steenbrugis in Abbatia Sti Petri, Hagae Comitis (M. Nijhoff) 1971. Une controverse sur Origène à la Renaissance :jean Pic de la Mirandole et Pierre Garcia. De Pétrarque à Descartes XXXVI, Paris (Vrin) 1977. Origène, Traité des Principes, en collaboration avec Manlio Simonetti, Tomes 1 et II, Sources Chrétiennes 252 et 253, Paris (Éd. du Cerf) 1978. Tomes III et IV, Sources Chrétiennes 268 et 269, ibid. 1980. ../";:-;'''7~ Tome V, Sources Chrétiennes 312, ibid. 1984. ....-~'{O:\.~:JJOI/,~' ,r.,.::~ o~ i.1 ""J . Mariage et divorce, célibat et caractère sacerdotaux dans l'Église ancienne: Études !.~ UWVERSliAT, cY,:K \.. \VifN • diverses. Études d'histoire du culte et des institutions chrétiennes II, ~~ ~~ Torino (Bottega d'Erasmo) 1982. .<.~~~ BibliograPhie critique d'Origène: Supplément J. Instrumenta Patristica VIII A. Steenbrugis in Abbatia Sti Petri, Hagae Comitis (M. Nijhoff) 1982. Les fins dernières selon Origène (recueil d'articles) Variorum, Aldershot TÉ QUI (Grande-Bretagne ). 82 rue Bonaparte -75006 Paris r r:: '--1"'" l / V\.~ .. .-l~ V OUVRAGES DE LA COLLECTION "CROIRE ET SAVOIR" 1. La sagessè des anciens dans le mystère du Verbe ; évangile et PhilosoPhie CMt. saintJustin, PhilosoPhe et martyr, Daniel BOURGEOIS. 2. L'Esprit qui dit: "Père!~ jean-Michel GARRIGUES. 3. Pour une PhilosoPhie chrétienne, éléments d'un débat fondamenta~ Yves INMEMORY FLOUCAT. of Richard Patrick Crossland HANSON 4. Et sur ce Roc, Stanley L.jAKL former bishop ofClogher (North lreland) eminent patristic scholar 5. La théologie libératrice en Amérique latine, Cardinal A. LOPEZ TRUJILLO. 6. Les princiPes de la théologie catholique, esquisse et matériaux, Cardinal Joseph RAT ZINGER. 7. Lafemme dans l'Église,janine HOURCADE. 8. Dom Guéranger et le renouveau liturgique, Dom CuthbertjOHNSON. 9. Le Christ et l'art divin, Aidan NICHOLS. 10. De l'être ou rien, Denise BRIHAT. Il. Les fondements de la morale, Pierre GIRE. 12. Métaphysique et religion, Yves FLOUCAT. 13. L'intériorité retrouvée: la PhilosoPhie spirituelle d'Aimé Forest, Pierre MASSET. 14. Le fini et l'absolu, Pierre FONTAN. 15. Catholicité de l'intelligence métaphysique, Géry PROUVOST. 16.Jacques Maritain, Olivier Lacombe. INTRODUCTION Aucun connaisseur d'Origène n'ignore un texte de Porphyre, disciple, biographe et éditeur de Plotin, tiré de son traité Contre les Chrétiens, et cité par Eusèbe de Césarée dans son Histoire Ecclésiastique! : Origène, le théologien chrétien, que Porphyre dit avoir connu dans sa jeunesse, fut selon lui l'auditeur d'Ammonios Saccas qui devait devenir le maître de Plotin selon la Vie de Plotin2 du même Porphyre. Les deux plus grands penseurs de langue grecque du ur siècle, le chré tien et le païen, auraient donc eu le même maître. Certes, ce texte a trouvé dans les temps modernes plusieurs contesta taires. A partir d'Henri de Valois au xVlr siècle, d'après une note de son édition de l'Histoire Ecclésiastique d'Eusèbe', bien des historiens ont considéré que l'Origène qui figure parmi les trois disciples à qui Ammonios, selon la Vie de Plotin, dis Nihil obstat et Imprimi potest Imprimatur pensait son enseignement le plus ésotérique, ne pouvait être le II janvier 1991 Toulouse, le 28 juin 1991 Gilles Pell.and s.j., A ndré Collin~ l'Origène chrétien: l'exposé le plus complet de leurs raisons a Recteur de l'Université Grégorienne A rchevêque de Toulouse été fait par Karl Otto Weber4 D'après eux Ammonios aurait • donc eu deux auditeurs du nom d'Origène, l'un chrétien, l'autre païen. Cette conclusion nous laisse, certes, insatisfait, car il faut convenir que dans chacune des deux perspectives, un ou deux Origène, Porphyre a commis quelque bévue. 1. VI, 19,4-9. © TÉQUI - 2. Reproduite en tête de toutes les éditions de Plotin. 3. Rééditée par J. P. Migne, P.G. 20, 563 D ss. ISBN: 2-7403-0097-2 4. Origenes der Nellplatoniker (Beek, Münehen 1962). \ o D'autres auteurs plus récents ont pris une position radicale: losophique est proche : Platon et ce platonisme éclectique, l'Origène chrétien n'a été nullement l'élève d'Ammonios mêlé de stoïcisme et d'aristotélisme qu'on nomme le Moyen Saccas et Porphyre a fait une erreur considérable en confon Platonisme. Comment un chrétien et un païen vont-ils user dant le Saccas avec un autre Ammonios : ainsi R. Goulet5 et l'un et l'autre de ce même bagage de départ, le chrétien ayant Hans Rudolf Schwyzer6 Les différentes positions ont été en outre ses Écritures et leur tradition. • exposées par Frédéric M. Schroeder7 qui passe en revue les Ce n'est certes pas la première fois que cette comparai diverses opinions sur un ou deux Origène, un ou deux son est tentée. Notre Bibliographie Critique d'Origène et son Ammonios et pense quant à lui qu'il y a eu deux Origène et Supplément 18 signalent dans l'Index alphabétique des matières un seul Ammonios. Quant à la seconde opinion, celle de au mot Plotin un certain nombre de noms. Ce sont toutes des Goulet et de Schwyzer, il ne nous paraît pas vraisemblable études assez restreintes et surtout elles se basent sur une que Porphyre, disciple intime de Plotin, sous-disciple d'Am conception-cliché d'Origène, la caricature qui découle surtout monios, Porphyre qui dit avoir rencontré dans sa jeunesse, de l'origénisme postérieur et qui fut mise en oeuvre par cer probablement à Césarée de Palestine, car il est syrien ou tains historiens du début de ce siècle : leurs auteurs étaient palestinien de naissance, Origène le chrétien, ait pu com des spécialistes de Plotin et connaissaient peu Origène. Seul mettre une telle confusion. échappe dans une certaine mesure à ces reproches l'exposé En entreprenant cette comparaison entre les deux doc très bref - seize pages - écrit en néerlandais, de K. H. E. De trines nous n'avons pas pour but d'apporter une solution à Jon~, parce qu'il se contente de citer des textes sans les com- ce problème difficile. Même si nous constations chez les menter ni les rapporter à un système. Nous n'entendons pas deux des doctrines communes qu'on ne retrouve pas ailleurs ainsi approuver la thèse fondamentale de la brochure : - c'est le cas, semble-t-il, pour celle des astres-signes, et non Ammonios Saccas serait, plus que Plotin, le fondateur du néo agents, du destin des hommes - nous ne pourrions en conclu platonisme et c'est pour le montrer que sont invoqués ces rap re fermement qu'ils aient été élèves du même maître. En effet prochements avec Origène nous ne connaissons que par fragments les philosophes du Notre comparaison d'Origène avec Plotin a encore un Moyen Platonisme, excepté Plutarque, et c'est aussi le cas de autre but: exposer, aussi complètement que possible, les don bien des penseurs grecs d'autres écoles. Comment affirmer nées philosophiques que l'on trouve dans l'oeuvre d'Origène. alors que telle doctrine était auparavant inconnue ? En juin 1959, quand nous soutenions en Sorbonne nos thèses Nous n'avons donc pas l'intention de soutenir dans de doctorat ès lettres -:- la thèse complémentaire portait sur cette étude une thèse quelconque et le problème de la conci Origène et la philosophie1o un des membres du jury nous -, liation des deux textes de Porphyre n'est mentionné que reprocha d'avoir seulement étudié l'idée explicite qu'Origène comme introduction. Ce qui nous intéresse, c'est la comparai se faisait de la philosophie, ainsi que de sort intérêt pour le son de ces deux grandes pensées dont le point de départ phi- chrétien, et non l'utilisation qu'il en avait faite êt les doctrines qu'il avait exploitées. Mais ce dernier sujet aurait été considé 5. "Porphyre, Ammonios, les deux Origènes et les autres", Revu.e d'histoire et de philosophie religieuse, 57, 1977,471-496. rable et dépassait de beaucoup, convenablement traité, i'ifupor~ 6. Ammonios Sakkas, der Lehrer Plotins , Rheinisch-Westfàlische Akademie der Wissenschaften, Vortrâge G 200, Opladen (Westdeutscher Verlag, 1983). 8. Instrumenta Patristica VIII et VIII A, Steenbrugge/La Haye, 1971, 1982; 7. "Ammonius Saccas" dans AllJstieg und Niedergang der romischen Welt, Teil Il : 9. Plotinw of Ammoniw Saccas f, Leiden (Brill, 1941). Principat, Band 36/1, Berlin/New York (de Gruyter) 1987,493-526. 10. Collection Théologie 52, Paris (Aubier, 1962). tance d'une thèse complémentaire; d'autre part la concep nent que de manière implicite à travers telle ou telle doctrine tion de la philosophie grecque et de son usage par les chré proprement chrétienne. Si on peut parler pour Plotin de doc tiens qu'avait Origène constituait un premier pas nécessaire, trines, il s'agit souvent pour Origène d'expressions ou d'inter sans lequel le traitement de ce second sujet aurait pu être prétations philosophiques données à des enseignements qui faussé. Telle fut notre réponse. Ce livre-ci accomplira, peut viennent de l'Ecriture. Certes, l'un et l'autre ont en commun être partiellement, cette tâche et Plotin servira en quelque d'être des chercheurs: la théologie "en exercice", c'est-à~ire sorte à déceler ce qui dans Origène a une source philoso en recherche, à partir de la règle de foi, dont parle la préface phique. C'est pourquoi, alors que dans le titre de l'ouvrage du Traité des PrinciPes12 manifeste la même ardeur que le fon Origène a été cité avant Plotin, par droit d'aînesse puisqu'il dateur du néo-platonisme met à examiner un problème sous est son aîné de vingt ans, dans chaque chapitre du livre, Plotin tous ses angles. sera étudié avant Origène. Le but essentiel d'Origène est donc d'expliquer la paro Il y a, certes, une différence notable de but et de point le de Dieu contenue dans l'Ecriture suivant la "prédication de vue entre le philosophe Plotin et le théologien Origène, apostolique" ou "ecclésiastique", c'est-à~ire l'enseignement ces deux mots étant pris dans leur sens actuel. Ce qui intéres oral de l'Eglise1 La philosophie a pour lui un rôle auxiliaire : !. se Plotin, c'est d'examiner profondément la nature de Dieu, elle fournit en partie le vocabulaire, de concert avec la Bible, du monde et de l'homme, à l'aide de son expérience intérieu et aide à développer ce qui est esquissé par la Révélation de re, de ses intuitions et de son raisonnement : il est situé dans façon compatible avec cette "prédication". Elle donne ainsi une tradition, la platonicienne, qu'il n'hésite pas à compléter aux chrétiens le moyen de raisonner leur foi et de ne pas à l'aide de données stoïciennes ou aristotéliciennes. Il lui arri avoir recours aux hérétiques14 L'expérience spirituelle joue • ve parfois de la contredire sans en avoir l'air: ainsi en ce qui en outre un grand rôle chez l'un et chez l'autre. On ne trou concerne l'éternité ou la non-éternité de la création, il fait ce vera donc pas chez Origène, du moins habituellement, des qu'on appellera au Moyen Age une interpretatio benigna qui analyses aussi poussées que chez Plotin, mais l'influence de la trouve dans le texte autre chose que ce que son auteur y a philosophie joue surtout dans la manière dont il se représente mis, la révérence restant sauve. Au contraire la tradition les réalités théologiques. La philosophie lui sert, consciem judéo-chrétienne contenue dans les Ecritures reste primordia- ment ou non, par suite d'une culture très étendue dans ce le pour le théologien qu'est Origène: elle représente pour lui domaine, à exprimer et à développer des données fournies la vérité et c'est elle que consciemment il explique pour don par la Révélation et à les appliquer aux problèmes qui préoc ner à ses contemporains lettrés des réponses aux problèmes cupent l'élite intellectuelle du temps, formée par la philoso qu'ils se posentll Certes, dans son interprétation de l'Écriture, phie. Comparer Origène à Plotin n'est pas, répétons-le, com- • interviennent aussi l'expérience spirituelle, le raisonnement et la tradition philosophique du Moyen Platonisme avec ses 12. § 3. sources complémentaires stoïciennes ou aristotéliciennes, 13. Les expressions praedicatio ecclesiastica ou praedicatio apostolica se trouvent à plusieurs reprises dans ce manifeste qu'est la préface du Traité des Principes : le mais le poids respectif de ces divers éléments n'est pas le praedicatio de Rutin traduit KtlpUy~ comme nous en assurent les textes grec et même que chez Plotin : il y a des questions que Plotin fouille latin de PArch III, l, 1 (grec) ou 7 (latin). C'est une exégèse de l'Ecriture dans le dernier des détails et qui chez Origène n'intervien- conforme à ce qu'ont prêché les apôtres et que continue de prêcher l'Eglise. 14. ComJn V, 8 ou Philoc V, 7. On peut consulter sur ce sujet notre livre Il. Voir ComJn V, 8 ou Philoc V, 7. Origène et la philosophie, Paris 1962. 1') 13 parer un philosophe à un autre philosophe, mais à une pensée té II, 9 est dirigé contre les Gnostiques et c'est aussi le cas, philosophique les données philosophiques qui sont en partie à d'après les spécialistes contemporains, de plusieurs autres. la base d'une théologie. Que le lecteur ne s'y trompe pas: si les Mais rien ne montre de façon certaine que ce sont des gnos points que nous allons étudier représentent l'ensemble de la tiques chrétiens et la découverte de Nag Hammadi ne semble doctrine de Plotin, ils ne sont qu'une partie de celle d'Origène pas avoir permis de situer plus clairement les Gnostiques visés qui est immense. Par exemple, tout ce qui concerne l'Incarnation par Plotin. Selon A. J. Festugière6 "Plotin dans son traité : sera, bien évidemment, à peu près absent. contre les Gnostiques (II, 9) ne nous donne pas de renseigne ments assez précis pour que nous puissions déterminer avec Il n'est pas question qu'Origène ait pu subir l'influence certitude la secte dont il s'agit. Nous ne sommes pas en mesu directe de Plotin, étant donné leur différence d'âge. Origène re de dire si ces Gnostiques sont des chrétiens ; du moins ne est né en 185 environ, Plotin vingt ans plus tard en 20515 Ils • découvre-t-on, dans les doctrines qu'il condamne, aucun trait n'ont pu fréquenter ensemble l'école d'Ammonios Saccas proprement chrétien". Le silence de Plotin sur les doctrines puisque Plotin y est entré en 233, date à laquelle Origène du Christianisme, à une époque où les chrétiens ne pouvaient avait écrit déjà un certain nombre d'ouvrages, dont le fameux passer inaperçus, est assez surprenant. L'Incarnation du Dieu Traité des Principes, et avait quitté Alexandrie pour Césarée de qui se fait homme est tellement inconcevable pour le fonda Palestine à la suite de sa brouille avec l'évêque Démétrios. teur du néo-platonisme qu'on se demande pourquoi il ne l'a Plotin suivit les leçons d'Ammonios jusqu'à sa trente-neuviè pas combattue à régal des aberrations attribuées aux "gnos me année, soit 244. Après son expédition en Orient il ouvre tiques". Peut-être l'a-t-il dédaignée comme une absurdité. son école romaine à quarante ans, soit en 245 : Origène a alors soixante ans et vit les dernières années de son activité de * * * professeur et d'écrivain : il a derrière lui une production sur abondante. Plotin commence à écrire selon Porphyre la pre Il est une doctrine méso- et néo-platonicienne dont la mière année du règne de Gallien, quand ce prince fut associé parenté avec le Christianisme frappe au premier coup d'oeil, au pouvoir par son père Valérien, en 254, date probable de la celle de la Triade divine : elle trouve dans Plotin sa formula mort d'Origène. Porphyre dit que lui-même fut l'auditeur de tion la plus développée avec ses trois hypostases, l'Un ou Plotin avant la dixième année du règne de Gallien, donc avant Bien, l'Intelligence, l'Ame du Monde. Que pense Origène de 264, et qu'il resta auprès de lui cinq ans; soit jusqu'en 269- cette correspondance, telle qu'il la connaît à travers le Moyen 270. Les 21 premiers traités de Plotin étaient écrits avant Platonisme, ou peut-être l'enseignement d'Ammonios ? Ille l'arrivée de Porphyre, de 255 à 263, donc après la mort dit clairement dans le Traité des Principes17 : d'Origène. Et l'ensemble fut publié par Porphyre plus tard. Tous ceux qui croient de quelque façon qu'il ya une Providence Une influence de Plotin sur Origène est donc insoutenable. confessent un Dieu inengendré qui a créé et qui gouverne l'uni L'influence inverse, d'Origène sur Plotin, n'est guère vers et reconnaissent qu'il est le père de l'univers. Qu'il ait un fils, nous ne sommes pas seuls à l'affinner, bien que cela paraisse plus probable. A la lecture de Plotin, il est impossible de savoir assez étrange à ceux que, chez les Grecs et les barbares, l'on si ce dernier connaît le christianisme orthodoxe, et même considère comme des philosophes ; cependant cette opinion hérétique. Certes, d'.après le titre donné par Porphyre, le trai- 15. Les données biographiques concernant Origène viennent de l'Histoire 16. La lUvélation d'Hermès Trismégiste, III: Les doctrines de l'dme, Paris, 1953 p. 59. Ecclésiastique d'Eusèbe; concernant Plotin de la Vie de Plotin de Porphyre. 17.1,3, 1, 143. 14 15 f' semble tenue par quelqu~ns d'entre eux, lorsqu'ils confessent que tout a été créé par la Parole et la Raison de Dieu18 Quant ••• à l'être substantieP9 qu'est l'Esprit Saint, personne n'a pu en avoir le moindre soupçon, si ce n'est ceux qui connaissent la Loi et les prophètes ou qui professent la foi dans le Christ. Les deux premières parties de ce livre compareront donc l'Un-Bien plotinien au Père origénien, puis l'Intelligence ploti CHAPITRE 1 nienne au Fils origénien, abstraction faite de l'Incarnation. Bien des plotiniens français contemporains, en ce qui concer ne la seconde hypostase, traduisent No\}ç par Esprit et non par LE PÈRE ORIGÉNIEN Intelligence. Nous ne pouvons le faire, car il nous faut rendre ET L'UN PLOTINIEN de la même façon ce terme quand il s'agit de Plotin et quand il s'agit d'Origène. Or la distinction du nwùj.!a, mot à qui revient plus naturellement le sens d'esprit, et du vo\}ç, l'intelligence, Il Y a, certes, bien des traits communs entre le Dieu pla est un point trop fondamental de la théologie et de l'anthropo tonicien, tel qu'il apparaît de Platon au Moyen Platonisme, logie origéniennes, comme de beaucoup de Pères de l'Eglise : puis à Plotin, et le Dieu chrétien, mais il y a aussi des diffé désigner d'un même terme deux réalités différentes ne serait rences importantes et irréductibles que nous allons apercevoir. qu'une source de confusion. La troisième partie essaiera de comparer à l'Ame du 1. Dieu, princiPe premier et suprême Monde, troisième hypostase plotinienne, diverses entités de la théologie d'Origène. Après un intermède sur les démons de PLOTIN Plotin et les anges et démons d'Origène une quatrième partie Pour Plotin la caractéristique première de l'Un, appelé traitera de l'âme humaine et une cinquième du monde, y parfois Dieu, geaç, de façon absolue}, comme celle du Père compris les astres. origénien, est qu'il est le principe suprême d'où découlent d'abord l'Intelligence et l'Ame du Monde, ensuite tous les Voir à la fin du livre les indications concernant les œuvres d'Origène êtres de l'univers. Nous allons parcourir, dans l'ordre chrono et de Plotin et le système de références, ainsi que la bibliographie. logique des traités, les textes qui s'y rapportent. Le sixième traité' (IV, 8, 6) envisage d'abord pour la reje ter l'hypothèse que l'Un serait resté seul et que n'existerait pas la multitude des êtres produits par lui avec ce qu'on appelle les âmes. Pareillement il ne fallait pas qu'il n'y ait que 18. "Verbo et Ratione", doublet de Rutin pour traduire les deux sens du grec des âmes, car ces âmes elles-mêmes doivent produire et se >.6yoc;:. 19. Le mot subsistentia terme rutinien pour désigner une substance individuelle développer comme une semence qui est un principe sans par par opposition à suhstant.ia qui a un sens général : Rutin le précise dans le pre tie mais qui, tout en restant à sa place propre, aboutit, sous mier des deux livres qu'il a ajoutés à sa traduction de l' Histoire Ecclésiastique d'Eusèbe: voir 1,26 (PL 21,499) ou X, 30 (GCS, Eusebius Werke 11/2, p. 992, 1. 22) ; de même SC 253, p. 46. 1. J.H. SLEEMAN - Gilbert POLLET, Lexicon Plotinianum, Leiden-Leuven 1980. 16 1"7 r l'effet d'une puissance ineffable, à une fin qui est de l'ordre qu'il s'agisse de l'Un ou des êtres qui lui sont inférieurs, ne sensible. Cette analogie de la semence, exploitée par les supporte pas de rester seul en lui-même et alors il engendre Stoïciens avec leurs raisons séminales, manifeste analogique ou produit: cela vaut aussi bien pour les êtres qui ont une ment non seulement comment les âmes produisent, mais volonté que pour ceux qui sont sans volonté, comme le feu comment l'univers sort de l'Un. Chaque être participe donc qui chauffe ou la neige qui refroidit. Chaque être imite ainsi par sa production même et dans la mesure de ses possibilités celui qui est le premier en éternité (àlÔlOTl1Ta) et bonté. Ainsi à la nature bonne de l'Un, appelé aussi dans de nombreux agit donc le Premier Bien, le plus parfait, SéUlS. se refuser à ce textes le Bien. Plotin ne se prononce pas ici sur la préexisten qui le suit par jalousie ou par impuissance. Il y a un Second ce ou non de la matière, car il envisage les deux possibilités : qui vient de lui et par lequel les autres viennent à l'existence. ou la matière a toujours existé, mais elle provient dans ce cas Si le Premier est le plus vénérable, il faut que le Second aussi aussi de l'Un; ou elle procède de causes qui lui sont anté soit meilleur que ceux qui tiennent de lui leur existence. rieures, mais de toutes façons, directement ou non, elle vient Dans le neuvième traité, le dernier de la 6e Ennéade de l'Un. Il ne faut pas croire que "celui qui donne l'être selon l'ordre établi par Porphyre (VI, 9, 3i\ l'Un est toujours comme une grâce (XapITl) s'arrêterait par impuissance avant désigné comme le principe de tout, le Bien et le Premier : de parvenir à elle". Comment entendre ce terme de grâce, c'est pourquoi pour parvenir à sa connaissance il faut se rap nous le verrons plus loin. Il y a correspondance entre la beau procher de lui, loin du sensible et de toute malice, s'unifier té sensible et le meilleur dans l'ordre intelligible car tout se soi-même, devenir intelligence. Mais l'Un est plus pur et plus tient entre ces deux ordres, l'être des sensibles vient de leur parfait que l'Intelligence qui est l'un des êtres, tandis que l'Un participation aux intelligibles: en effet ils imitent, dans la n'est pas un des êtres, mais avant les êtres4 Il engendre toutes • mesure de leurs possibilités la nature intelligible. Nous pou choses, mais il n'est rien de ce qu'il engendre5 Quand on le • vons remarquer le manque de distinction entre les mots de la dit cause, on n'énonce pas ainsi un caractère accidentel qui se racine yEV - avec un seul nu et ceux de la racine yEvv - avec rapporterait à lui, mais quelque chose qui se rapporte à nous6 • deux nu, confirmé par l'étude de ces termes dans le Lexicon Nous sommes effets sans qu'on puisse dire avec acribie qu'il Plotinianum : dans quelle mesure peut-on établir chez Plotin soit cause, car cela n'ajoute rien à ce qu'il est. Il est connu par une distinction entre génération et création ? ce qu'il engendre, la substance7 et sa nature est d'être la sour , Mais la production des êtres à partir de l'Un se fait à tra ce des biens les meilleurs, la puissance qui engendre les êtres, vers une hiérarchie. Selon le septième traité (V, 4, 1) il Ya après tout en restant en elle-même et on ne la trouve même pas le Premier un Second auquel participent tous les êtres qui sui diminuée par ce qu'elle produitS. Un peu plus loin l'Un est dit vent: il n'est pas nommé ici l'Intelligence. Puis un Troisième, la source de la vie, la source de l'intelligence, le principe de non encore appelé Ame du Monde, qui se rapporte au l'être, la cause du bien, la racine de l'âme. Mais tout cela ne Second comme celui-ci au Premier. Plusieurs caractéristiques s'écoule pas de lui comme s'il subissait une perte: il n'est de ce Premier sont ici développées : nous y reviendrons dans 3. L. 14-22. la suite. Ce Premier est parfait, le plus parfait de tout, le plus 4. L. 34-38. puissant de tous les êtres2 Toutes les autres puissances l'imi • 5. L. 39-40. tent comme elles peuvent. Tout ce qui parvient à la perfection, 6. L. 49-54. 7. VI, 9 (9) 5, 1. 34. 2. L. 2388. 8. L. 3588. 18 19

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