"TOUS SONT UN" L'IMAGE DU MORISQUE DANS LA MONARCHIE ESPAGNOLE AUX XVIe ET XVIIe SIECLES José María Perceval Thèse doctorale dirigée par Monsieur Bernard Vincent. Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 22 Mars 1993. "On a beaucoup écrit sur les morisques. Il pouvait sembler que l'on avait tout écrit" PIERRE CHAUNU, 19611. HISTOIRE DE L'HISTOIRE DES MORISQUES: LA PROSTITUEE DE BABYLONEHISTOIRE DE L'HISTOIRE DES MORISQUES: LA PROSTITUEE DE BABYLONEHISTOIRE DE L'HISTOIRE DES MORISQUES: LA PROSTITUEE DE BABYLONEHISTOIRE DE L'HISTOIRE DES MORISQUES: LA PROSTITUEE DE BABYLONE "Y vi a una mujer, sentada sobre una Bestia escarlata que tenía siete cabezas y diez cuernos. La mujer, vestida de púrpura, resplandecía de oro, piedras preciosas y perlas; llevaba en su mano una copa de oro llena de abominaciones, y en su frente un nombre escrito -un misterio - : LA GRAN BABILONIA, la madre de las rameras y de las abominaciones de la tierra" APOCALIPSIS, 17, 3-5. " Et je vis une femme, assise sur une bête écarlate qui avait sept têtes et dix cornes. La femme, vêtue de pourpre, resplendissait d'or, de pierres précieuses et de perles; elle tenait à la main une coupe d'or pleine d'abominations, et sur son front était écrit un nom - un mystère- : LA GRANDE BABYLONE, mère des putains et des abominations de la terre". APOCALYPSE, 17, 3-5. "España ganó materialmente con la unidad religiosa y la seguridad política resultantes de la expulsión de los moriscos"2 ya que "si los moriscos no hubieran sido deportados, España podría haber sufrido varios siglos de violencia, incluso mayor que la padecida hoy por Irlanda y el Líbano, porque las diferencias en estos 1"Pocos acontecimientos en la historia del mundo han originado una masa tan grande de libros, artículos y ensayos como la expulsión de los moriscos españoles, literatura que comenzó durante la expulsión misma y ha continuado sin descanso hasta el presente. Sumamente diversos han sido los antecedentes, nacionalidades, simpatías, afiliaciones, objetivos y puntos de vista de los autores. Los españoles, en general, han defendido la expulsión fundándose en argumentos políticos y religiosos; los autores extranjeros la han condenado casi sin excusas, y protestantes y liberales han sido muy duros en su condena" (HAMILTON, 1978, p.69) 2HAMILTON, 1978, p.80. « Tous sont un », Thèse de José María Perceval 1 pueblos son sólo religiosas, mientras que en España hubieran sido a la vez religiosas y étnicas" HAMILTON, 19783 "Matériellement, l'Espagne gagna avec l'unité religieuse et la sécurité politique qui résultèrent de l'expulsion des morisques" car "si les morisques n'avaient pas été déportés, l'Espagne aurait pu connaître plusieurs siècles de violence, plus forte même que celle que vivent aujourd'hui l'Irlande et le Liban, car dans ces pays les divisions sont seulement religieuses alors qu'en Espagne elles auraient été à la fois religieuses et ethniques" HAMILTON, 1978. La relation entre le morisque et le chrétien est semblable à celle de la prostituée avec son client. Bien que la communauté des putains soit quelque chose de vivant, non imaginaire, la prostituée "réelle" est seulement le paravent qui cache les fantaisies et les obsessions du demandeur, les songes auxquels elle doit s'accoupler. De cette façon, par le biais de l'onirisme, cette chimère devient un organisme autonome, doté d'une personnalité archétypique qui la définit comme "la prostituée", indépendamment de ses traits personnels. La femme vivant de la prostitution sera ou plus éloignée ou plus proche de l'image de 'la prostituée', de cet archétype de 'la pute', mais vivra inévitablement identifiée à elle. En dehors des rationalisations, du point de vue sémantique, 'fils de pute' est une insulte et 'pute', la femme qui cherche son propre plaisir de façon incontrôlable. Les qualificatifs sont appliqués en raison inverse de leur réalité. Le fruit du désir de l'homme, soit le fruit obtenu (le fils), soit la concupiscence payée, se transfère sur l'objet (la prostituée), libérant le demandeur de la faute commise. En réalité, si le client n'existait pas, la prostituée n'existerait pas. De la même façon, on ne peut comprendre le morisque sans la communauté chrétienne qui le soumet, l'exploite, le baptise, l'étudie, l'unifie, planifie son intégration et, finalement, l'expulse4. Dans un autre sens, plus historiographique, les morisques se sont convertis en une sorte de revalidation. Il n'y a guère d'historien de l'Espagne moderne qui ne soit passé sur eux, y laissant parfois fortement la marque de ses pas5. 3HAMILTON, 1978, p.81. 4De nombreux groupes 'nationaux', 'professionnels' ou 'sportifs' sont assimilés à un archétype, mais seuls ceux qui sont exploités ou persécutés doivent se défendre de cette image oppressive et obsédante. 5"Una historiografía desarrollada a partir de la campaña de prensa de los apologistas más o menos cercanamente a sueldo, ha venido mitificando hasta fechas recientes tanto la conciencia como la sensibilidad acerca de este último y luctuoso capítulo del islam español. Los moriscos han sido falseados en su reducción a simples enemigos inasimilables y conspiradores, con remate en el dogma de un clamor y júbilo popular por su destierro. Su estudio en escuelas y universidades es siempre el mismo resumen de fechas y vaivenes políticos, sin dejar en el tintero aquello de la amenaza turca y despachado, en el mejorde los casos, con alguna discusión acerca de las consecuencias económicas para el reino de Valencia. Se sigue enfocando el gran tema dentro de una perspectiva cristiano vieja, en ignorancia del encuadre mudéjar (tema exótico si los hay) que es su más inmediato marco de referencia histórica", MARQUEZ VILLANUEVA, 1991, p.288-289. « Tous sont un », Thèse de José María Perceval 2 "Difícil será encontrar en toda la Historia de España asuntos que hayan interesado tanto (no sólo a los investigadores, sino también a poetas, dramaturgos, novelistas y escritores políticos) como los de la conversión forzada, el alzamiento y la expulsión de los moriscos, sus incidentes y sus vicisitudes". CARO BAROJA6 "Il sera difficile de trouver dans toute l'histoire de l'Espagne des événements ayant tant intéressé (non seulement les chercheurs, mais aussi des poètes, des dramaturges, des romanciers et des chroniqueurs politiques) que ceux de la conversion forcée, la révolte et l'expulsion des morisques, leurs incidents et leurs vicissitudes". CARO BAROJA Cette citation mémorable se retrouve en gros dans la moitié des études consacrées au "problème morisque"7, cet objet historique sur lequel il semble que tout ait été écrit, et sans lequel devient incompréhensible la fin de ce qu'on appelle la "Reconquête", à la fois effacement de la tache ou péché originel que fut la domination musulmane, et "restauration de la nation espagnole"8. Márquez Villanueva voyait dans la révision continuelle de cet objet historiographique "la vengeance des morisques, un complexe de culpabilité séculaire9, entre l'apologie agressive et la permanence de l'événement qui nous a faits prisonniers du labyrinthe de la dénonciation ou de la justification10. En 1964, le professeur Reglà insistait, en partant de Braudel, "avec un optimisme non dissimulé, sur la fin de la phase polémique sur le thème morisque et le passage à la phase scientifique"11. Heureusement jamais n'arrive le moment, attendu de tant d'historiens, de la disparition du sentiment de la discussion et de la passion12. Dans le cas contraire, ce serait faire table rase du passé de la formation sociale chrétienne que, en 1609, sur décision de l'appareil d'Etat expulsa una 6CARO BAROJA, 1953, p.VII. "On a beaucoup écrit sur l'expulsion des Morisques, cet événement qui dans l'histoire d'Espagne équivaut à la Révocation de l'Edit de Nantes dans l'histoire de France", LAPEYRE, 1959, p.3. 7LAPEYRE, 1959, p.203. 8"No todos califican de igual manera, ni aprueban las medidas que fue preciso adoptar para sacar de la reconquista las debidas ventajas; para reparar cumplidamente los estragos causados por la conquista y dominación sarracénica, y para restaurar la gran obra de los Leandros y los Recaredos, realizando la unidad civil, religiosa y legal de la nación española", SIMONET, Francisco J., Cuadros históricos y descriptivos de Granada coleccionados con motivo del cuarto centenario de su memorable Reconquista, Madrid, 1896, p.265. 9"La venganza de los moriscos, (aún más que la de los judíos) (que) ha sido la de instalarse en un secular complejo de culpabilidad, cuya manifestación típica es la apología agresiva y un falseado sentimiento de permanencia en acto. Es decir, dos reacciones por esencia antihistóricas, efectos de una percepción aberrante del tiempo sicológico y de pactar con el problema no superado en términos vitales", MARQUEZ VILLANUEVA, 1984, p.63. 10"L'expulsion générale des Morisques (1609-1610) constitue une de ces mesures radicales que presque personne n'a envisagée sans être plus ou moins pris dans le labyrinthe de la dénonciation ou de la justification. C'est à dire que la 'question morisque' bénéficie à ce jour d'une bibliographie abondante, due néanmoins trop souvent à un esprit polémique", LOUPIAS, 1965-1966, p.115. 11GARCIA CARCEL, "Historiografía sobre los moriscos", p.71. 12"Le temps est passé de ces joutes valeureuses et l'on peut aujourd'hui examiner sans passion ce grand problème historique, "LAPEYRE, 1959, p.3. « Tous sont un », Thèse de José María Perceval 3 communauté concrète, se donnant une unité en tant que porteuse d'un mal déterminé. Ce n'est pas la polémique qui est anti-historique, mais son élimination. En 1990, les questions posées à l'origine demeurent tout à fait valables: - La communauté chrétienne pouvait-elle en admettre une autre qui ne le fut pas, c'est-à-dire l'intégrer à l'intérieur de sa formation sociale, ou cela lui était-il consubstantiellement impossible? - L'assimilation de la communauté morisque (ethnocide) était-elle possible ou son extirpation (génocide) était-elle nécessaire? - Qui créa ce tout unifié que nous connaissons comme "morisque" ou "le morisque" (image), la communauté morisque ou la communauté chrétienne? Tous ces problèmes sont propres à la communauté chrétienne triomphante de l'Islam d'al-Andalus, propriétaire, à partir de 1250, de masses de vaincus chaque fois plus nombreuses et "minorisées" dès 1492, pour être définitivement expulsées en 1609. Etudions donc, en premier lieu, la longue "histoire de l'histoire des morisques", commencée avec les livres apologétiques sur l'expulsion, qui la fondent. On polémique d'abord à propos des solutions exposées (assimilation- extirpation - impossibilité de la tolérance13) et, ensuite, on médite sur l'inévitabilité de la mesure adoptée. Ce sont précisément les partisans de l'extirpation, légitimant plus ou moins l'expulsion, les plus intéressés à la construction d'une histoire finaliste qui s'achève en 1609 (fin du 'problème morisque' qu'ils édifient). On ne peut pas utiliser les documents d'une communauté pour en étudier une autre sans filtre critique, encore moins si leur assemblage tend à démontrer la nécessité de l'extermination du contraire (physiquement ou spirituellement). Cela signifie qu'il est pratiquement impossible de faire une histoire des morisques. Peut-être. Cela signifie que toutes les histoires des morisques sont entravées dès le départ. Peut-être. Les morisques vécurent leur histoire, même si individuellement ils furent probablement moins concients que ne l'ont été les membres de l'élite chrétienne de ce qu'ils vivaient une 'histoire', un tout historique défini. Ceci est une hypothèse à discuter. Leurs successeurs sont ceux qui désirent en finir avec l'histoire en montrant que les choses se passèrent ainsi parce que... comme quoi on réduit l'histoire à la météorologie. "Drástica y efectiva medida" ("Mesure drastique et effective") TORRES MORERA, 1971, p.121. Pour notre part, nous essaierons précisément d'inverser la situation: l'histoire des morisques commence en 1609 et ne se terminera jamais. C'est l'histoire de multiples constructions, reconstructions et visions qui unifient une communauté pour ensuite tenter de l'expulser du champ 13Los baños de Argel, en Miguel de Cervantes, Teatro completo, ed. de Florencio Sevilla Arroyo y Antonio Rey Hazas, Planeta, Barcelona, 1987, p.254. « Tous sont un », Thèse de José María Perceval 4 de l'histoire. C'est l'histoire des multiples appropriations du "morisque" au niveau d'autres polémiques qui ébranlent la communauté, où les morisques sont les noirs de Hamilton14, les fellahs15, les nationalistes algériens de Lapeyre16, Braudel17 y Jaume Fuster, les catalanistes de Dolors Bramon18, les turbulents anarchistes et les révoltés cubains de Boronat19, les Palestiniens actuels20, les travailleurs immigrés de García Arenal21... Leur histoire est l'histoire, en somme de tous les apports réalisés par les divers historiens qui ont touché à cet ambigu objet du désir, tentation à laquelle peu n'ont pas succombé. LES MORISQUES OCCULTES:LES MORISQUES OCCULTES:LES MORISQUES OCCULTES:LES MORISQUES OCCULTES: DE L'EXPULSION A L'HISTORIOGRAPHIE LIBERALE "Tous les auteurs qui écrivent sur ce thème aux XVIe et XVIIe siècles publient leurs ouvrages après 1609 et leur objectif est la justification de la mesure prise par le pouvoir central". D'après Mercedes García Arenal il y aurait deux thèses contradictoires à propos de l'expulsion qu'elle expose de façon très réduite : - Le panégyrique, de la part des auteurs espagnols, catholiques et traditionalistes, admirateurs de Philippe II, et, en général, de la 'droite' (?). Les morisques sont présentés comme un danger constant, un corps inadmissible et rebelle à l'origine de toute une série de bouleversements et qui attente à la sécurité et à l'unité du pays. Ces auteurs s'efforcent de prouver que la mesure, de grande utilité publique, bénéficia d'un appui populaire unanime. Et quand bien même, elle fut inévitable. - La dénonciation, principalement de la part d'auteurs étrangers hostiles à la Maison d'Autriche (les Français des XVIIe et XVIIIe siècles et les protestants en général), les libéraux et les économistes de 14"De conflicto colonial califican Lapeyre, Hamilton y Vilar el problema morisco, que comparan, respectivamente, con la situación de los indígenas en la Argelia francesa, de los negros en el sur de los Estados Unidos y de los indios en la América hispana" (GARCIA ARENAL, Cuenca, p.115). 15BRAUDEL, Mediterráneo, I, p.96 y II, p.179. Il pense aussi aux Noirs américains s'affrontant aux pauvres Blancs du Sud. 16LAPEYRE, p.27. 17BRAUDEL, Mediterráneo, II, p.178. "El español se encontraba allí, como el francés en Argel, el holandés en Batavia o el inglés en Calcuta", BRAUDEL, Mediterráneo, II, p.182. 18BRAMON, Dolors, Contra Moros i jueus, Formació i Estrategia d'unes discriminacions al País Valencià, Premi octubre 1981, Valencia, 1981. BRAMON, Dolors, "Una llengua, dues llengües, tres llengües", Raons d'identitat del Pais Valencià, p.17-47. 19"En nuestros días ¿No se ha perseguido con encarnizamiento la propaganda anarquista? ¿No se han fiscalizado las acciones todas de los prosélitos de tan infernal doctrina? Y, ¿quién se ha rebelado contra las disposiciones gubernativas encaminadas a extinguir la doctrina que justifica la idea de clavar el plomo o el puñal en el pecho de los soberanos? No es nuestro intento comparar a los moriscos de antaño con los anarquistas de hogaño, pero ¿Y los filibusteros cubanos y filipinos? ¿Acaso no predicaron estos el programa incompleto de los moriscos al conspirar contra la metrópoli? ¿No acogían los españoles honrados las denuncias contra los sectarios que la masonería contaba en nuestras antiguas colonias? Y cuando estos empuñaron las armas para sacudir el yugo suave o duro de las castillas ¿no enviaron nuestros gobiernos millares de hombres y ríos de oro para sofocar aquella insurrección? Por eso preguntamos al crítico imparcial, ¿fueron justificadas las denuncias de los cristianos viejos contra los moriscos que avivaban su fervor alcoránico y su odio a lo español mediante prácticas de ceremonias mahometanas?", BORONAT, p.270. 20Los 'fedayines' de SANCHEZ DRAGO, III, p.107. 21GARCIA ARENAL, p.116. « Tous sont un », Thèse de José María Perceval 5 l'époque des Lumières, la 'gauche'. Ces détracteurs critiquent totalement et absolument l'expulsion, non seulement mesure cruelle, inhumaine et inutile, mais de plus cause principale de la décadence de l'Espagne, le pays ayant été privé de l'un des secteurs les plus laborieux de sa population22. Le Guadiana morisque (silence à propos des morisques) occupe un long espace (1609-1808) : à partir des ouvrages justifiant l'expulsion jusqu'au XIXe siècle23. Il n'en va pas de même hors d'Espagne. Les récits de voyages d'étrangers reprennent les schémas de la synthèse déjà annoncée par Richelieu lorsqu'il écrivit la fameuse phrase si souvent reprise et selon laquelle l'expulsion des morisques fut "la proposition la plus audacieuse et la plus barbare dont fasse mention l'histoire de tous les siècles passés"24 et certains auteurs protestants, comme Agrippa d'Aubigné, s'émurent devant une tragédie à laquelle ils s'identifiaient25. L'Espagne, pour sa part, élimina son passé musulman grâce à un mécanisme de démémorisation officielle qui demanderait une étude particulière26. Ainsi, "l'étude de la langue arabe se fossilisera dans un oubli aussi absolu que volontaire"27. L'Illustration réintroduisit en Espagne les études arabes qui constituèrent au XVIIIe siècle une arme dans la lutte laïque contre l'Eglise28 bien que "ce fut l'un des Jésuites expulsés en 1782, Juan Andrés qui revendiqua pour la première fois la présence d'éléments musulmans dans la culture espagnole"29. Mais l'exil des "francisés" devait constituer un traumatisme national qui allait ouvrir de nouveau et définitivement le pays aux influences de l'étranger et le mener à "se reconnaître" dans les livres des voyageurs qui nous rendaient visite30. Ces voyages, comme ceux d'Henry Swinburne (1775), Richard Twist (1776) ou Alexandre de Laborde31, répandaient en Europe l'image de l'Espagne pré-romantique, image que trouvèrent les émigrés libéraux en arrivant à Paris ou à Londres. Les morisques revinrent en Espagne par le chemin inverse de celui suivi par le roman morisque. "On peut dire que ces princesses à turbans, ces sultans magnifiques et jaloux qui peuplent les nouvelles 22GARCIA ARENAL, Los moriscos y la Inquisición, p.287; BUNES, p.16. 23Ce serait intéressant d'approfondir cette période de silence. Si l'absence d'études directes est significative, on n'a pas non plus recherché les allusions à l'intérieur d'autres oeuvres générales ou la présence de musulmans dans les bals masqués, les défilés de chars, les jeux, ou le maintien aux XVIIe et XVIIIe siècles des Fiestas de Moros y Cristianos. 24Mémoires du Cardinal Richelieu, t.X, p.231. 25 "Ces lignes empreintes de commisération voire de sympathie à l'égard de la communauté morisque sont dues à la plume d'Agrippa d'Aubigné. Elles traduisent l'intérêt que manifestaient les protestants français au XVIe siècle ou au début du XVIIe siècle pour la minorité musulmane installée sur le territoire espagnol", VINCENT, 1988, p.24. 26Par-dessus tout, la disparition programmée de termes d'origine arabe remplacés par des néologismes, EGUILAZ Y YANGUAS, Leopoldo, Glosario etimológico de las palabras españolas de origen oriental, Grenade, 1886. 27GARCIA CARCEL, 1977, p.72. 28"La clasificación y análisis que hizo Miguel Casiri, protegido de Carlos III, de los manuscritos árabes de la biblioteca de El Escorial, sirvió cuando menos, para desenterrar un pasado y desempolvar una historia olvidada", GARCIA CARCEL, 1977, p.72. 29GARCIA CARCEL, 1985, p.4. 30ABATE DE VAYRAC, Etat présent de l'Espagne, Amsterdam, 1719, I, p.165, soutient que les habitants des Alpujarras, bien que chrétiens, sont des morisques qui ont conservé leur style de vie antique, leurs coutumes et leur langue particulière, qui est "un monstrueux mélange d'arabe et d'espagnol". 31LABORDE, Alexandre de, Voyage pittoresque et historique en Espagne, Paris, 1807-1820. Images qu'il reliait à une Espagne fermée sur elle-même et résistante au progrès. Cette représentation, pleine de sang, de mort et de taureaux dans le genre de Carmen, se dessine tout au long du XIXe siècle. LA RIGAUDIERE, E, Histoire des persécutions religieuses d'Espagne: juifs, mores et protestants, Paris, 1860. MICHEL, Francisque, Histoire des races maudites de la France et de l'Espagne, 2 vol. Paris, A.Franck, 1847. « Tous sont un », Thèse de José María Perceval 6 du XVIIe et du XVIIIe siècle viennent d'Andalousie, par le chemin de la Castille"32. Cette connexion entre cet orientalisme français et l'espagnol revient à l'Abencerraje et à Pérez de Hita, dont l’œuvre traduite depuis le XVIIe siècle et souvent rééditée conserve le souvenir oriental de la cour nazarí. "Las circunstancias en que el autor sitúa al personaje recalcan el haz y envés de capacidad y desamparo que desde la historia de Abindarraez y la hermosa Jarifa hasta El último Abencerraje de Chateaubriand será atributo de la figura idealizada del moro granadino"33. Pour Chateaubriand, ce personnage se rapproche plus du 'bon sauvage' que du chevalier médiéval. "Al introducir en la novela morisca granadina el motivo del amor de un caballero hacia una mujer de distinta religión, Mateo Alemán preludia el amplio desarrollo que alcanzaran tales conflictos en la novela hispano morisca francesa y, más tarde, cuando se produzca el rebrote de interés (español) por la materia de Granada que suscitará en diversas literaturas del romanticismo"34. Ceci, et l'attraction exercée par Daraja sur les nobles castillans, prélude aussi á la féminisation du contraire largement développée dans l'odalisque romantique. L'identification aux morisques35 de ces rebelles expulsés en 1814 et 1820 était logique. Martínez de la Rosa, l'un de ces exilés, s'unit aux tendances romantiques du pré-orientalisme et fonde les bases de ce qui deviendra l'ambigu orientalisme espagnol, très ému par un objet qu'à cause de sa proximité il doit accepter ou rejeter avec une violence inhabituelle. "En el último tercio del siglo XVII - escribe Luis Seco de Lucena Escalada - el ruido de los telares se fue apagando y paulatinamente desapareció la industria y con ella el bienestar económico del albayzin. Se hundieron muchos de sus abandonados palacios y el tiempo borró los esplendores de su riqueza. Pero si la fortuna y el poder le volvieron la espalda, el albayzin sigue protegido pro la naturaleza, esplendida y constante en sus favores, por el recuerdo histórico y la poesía legendaria y evocadora de la ilusión, dulce sueño de la vida, por el sol que inunda sus carmenes de flores y alegría y por el perfume de madreselvas que como verdes colgaduras, visten sus tapiales. El Albayzin con sus cármenes floridos, sus litúrgicos aljibes, sus laderas cubiertas de pitas y nopales, sus calles estrechas y solitarias, sus mezquitas convertidas en templos cristianos, sus conventos que guardan primorosas reliquias del arte medieval, sus parduscos murallones en que ahondan raices de centenarios laureles, su templado ambiente y su cálida luz andaluza, es un gigantesco monumento a la vida íntima de los musulmanes granadinos, que subyuga ya atrae, despertando intensa y melancólica ilusión"36. 32ARNOUX, 1921, Prologue. 33CARRASCO URGOITI, 1970. 34CARRASCO URGOITI, 1970. 35LLORENTE, Juan Antonio, Historia crítica de la Inquisición de España, Barcelonne, 1835. 36SECO DE LUCENA PAREDES, Luis, El Albayzin, Everest, 1974, cit.p.14-21. « Tous sont un », Thèse de José María Perceval 7 L'orientalisme espagnol37 doit se défendre contre une série d'attaques menées par les spécialistes étrangers, regroupées par Louis Bertrand dans son chapitre "Bilan de la conquête arabe"38: "la influencia de los árabes y los berberiscos de Africa sobre el carácter español ha sido más radical. Se puede hasta sostener que a su contacto, los españoles se han arabizado o africanizado a medias". Bertrand caractérise ainsi l'héritage arabe: - L'individualisme excessif. - Les habitudes d'indiscipline et d'anarchie. - La versatilité des Africains et des Asiatiques. - La duplicité des accords et les machinations ténébreuses de la diplomatie. - La soif de l'or, la rapacité sanguinaire et la quête du trésor caché. - "A los árabes deben los españoles la pretensión de ser si no el pueblo elegido de Dios, al menos la nación más católica de la cristiandad". A la fin, Bertrand boucle la boucle en affirmant "cuando se camina por las tristes soledades de la Mancha, o de Extremadura, se comprende que el berberisco de Africa pasó por allí"39. Dès le début, l'orientalisme espagnol revendique un al-Andalus vivant qui parvient à transformer l'Europe plongée dans la misère de l'obscurité médiévale au point d'avoir une influence sur l'eschatologie de la Divine Comédie elle-même. Peu importe alors que les espagnols considèrent ce monde islamo-espagnol comme un monde non musulman (García Gómez).Ils démontrent par une pirouette que les califes buvaient du vin, étaient hérétiques ou blonds40, mais huit siècles pèsent sur un passé!41. En ce sens, la période franquiste n'a pas signifié une rupture mais la continuité d'une école qui accentua ses traits en manquant de compétence. De Julián Ribera (1912) à González Palencia42 (1939) o García Gómez43 avec l'épigone humoristique de Olagüe: "c'est aujourd'hui un axiome que les Maures espagnols, dans leur totalité, n'étaient ni arabes ni berbères de souche". 37GONZALEZ PALENCIA, 1939, p.185. 38BERTRAND, chap.IV, Barcelone, 1937. 39BERTRAND, p.188. 40"la novedad de los tipos rubios que existiesen en España, y que, en parte, se deberían a la aportación goda, debió constituir un fuerte acicate sexual para la raza predominantemente morena de los invasores", LAS CAGIGAS, 1950, p.530. 41FERNANDEZ Y GONZALEZ, Francisco, "De los moriscos que permanecieron en España después de la expulsión decretada por Felipe III", Revista de España, XIX, 1871, p.103-104 y XX, 1871, p.363-376. 42GONZALEZ PALENCIA, Angel, "Huellas islámicas en el carácter español", Hispanic Review, VII, July 1939, p.185-204. 43GARCIA GOMEZ, Emilio, y MENENDEZ PIDAL, Ramón, "Sobre la etimología del nombre del bastardo 'Mudarra'", Al-Andalus, nº 16, 1951, p.87-98. « Tous sont un », Thèse de José María Perceval 8 Moins de vingt mille personnes auraient pénétré en Espagne44, seulement des hommes par-dessus le marché, thèse que réfuta Pierre Guichard en 197445. L'Islam est un héritage accepté culturellement comme "hispanique" ou rejeté comme la partie "obscure" de l'identité espagnole dans ce passé qui l'écarte de l'Europe et du christianisme. Parfois, nous nous mouvons dans la schizophrénie des deux attitudes jointes: "Somos, aquí en España, una minoría de europeos que tenemos el deber y el derecho de imponernos a una mayoría de berberiscos" ("Nous sommes, ici en Espagne, une minorité d'européens qui avons le devoir et le droit de nous imposer à une majorité de Berbères"). MIGUEL DE UNAMUNO, 190146 "Medina al-Zahra y el Escorial son exponentes de dos etapas cumbres de la vida de España" ("Medina al-Zahra et l'Escorial sont les témoins des deux étapes sommets de la vie espagnole"). SÁNCHEZ ALBORNOZ Españoles ante la Historia47 LES ESPAGNOLS LIBRES PENSEURS ET EMIGRES:LES ESPAGNOLS LIBRES PENSEURS ET EMIGRES:LES ESPAGNOLS LIBRES PENSEURS ET EMIGRES: LES ESPAGNOLS LIBRES PENSEURS ET EMIGRES: RETOUR A "L'AME HISPANIQUE" 44Ignacio Olagüe, La Decadencia española. Ensayo para la rectificación de la historia de España, San Sebastián, tomo primero, dedicatoria a Ramiro Ledesma Ramos. "España los hubiera podido asimilar si hubiera durado un siglo más la Edad Media", p.230, mais "la asimilación de todas maneras fue más completa ya que los árabes eran una infima minoría", p.232, "Los judíos aun eran menos", p.234. "En realidad no se expulsaron ni cincuenta mil judíos", p.238. "En cuanto a los moriscos la orden no llegó a todos los interesados como se puede comprobar en las serranías españolas", p.239, "ni se obedeció", p.240. "Se cambiaron de trajes", p.241, et "los medios técnicos la hicieron imposible", p.242. Olagüe admet au début environ trois cent mille expulsés p.244. puis réduit ce chiffre à moins de cent mille, p.248. 45GUICHARD, Pierre, "Les arabes ont bien envahi l'Espagne", Annales, 1974, nº6, p.1483-1493. 46UNAMUNO, Miguel, lettre de décembre 1901, à Jose Enrique Rodó. Cité dans El País du 24 novembre 1988, par Juan Marichal dans un article sur démocratie et culture. 47SANCHEZ ALBORNOZ, 1958, p.39. Luis Seco de Lucena, Orígenes del orientalismo literario, Publicaciones de la Universidad Internacional Menendez y Pelayo, Santander, 1963. "Llamamos escuela del orientalismo literario a la que tiene por temática de sus obras la descripción de la vida y costumbres árabes. Esta escuela aparece en España con el romance fronterizo que, en el siglo XV, incorporó el tema moro a la poesía castellana". p.7 "Durante el romanticismo, la escuela de orientalismo literario fluye en dos direcciones distintas. Una de ellas es la que trazan los románticos alemanes, quiénes intentaron construir su artificio literario sobre una base científica y prefirieron lo puramente oriental a lo islámico andaluz". p.27. "Frente a esta tendencia alemana, románticos ingleses, franceses y españoles mostraron su predilección por el Islam occidental y, en particular, por el Islam andaluz del siglo XV, que ya había tenido una vivificación poética en nuestro romancero. Buscaron en sus páginas motivos de inspiración y se sintieron dominados por el encanto con que el tema se manifiesta en el romance morisco" p.27 "Un mundo islámico andaluz emocional y falso. Casi todos los moros de nuestros romances han tenido una existencia real y no fueron una invención poética, sino nobles caballeros granadinos, adalides de la política o caudillos de los ejércitos nasries. En algunos casos, los poetas castellanos relatan sus proezas, si causaron viva impresión en la España cristiana; pero lo frecuente es que solo quede el recuerdo de un nombre que alcanzó gloria y gozó de celebridad entre los castellanos, nombre que, luego, esos poetas idealizaron, atribuyendole una personalidad con características muy diferentes de las que le atribuyó la historia", p.51. « Tous sont un », Thèse de José María Perceval 9 Dans l'ambiance parisienne où se réunissent les cercles d'espagnols émigrés, Chateaubriand publie en 1826 son roman, Le dernier Abencerrage, marquant les limites d'un monde exotique qui pour les Espagnols reflétait la réalité. Le romantisme48 pénètre en Espagne avec Francisco Martínez de la Rosa, président du Conseil des Ministres en 183449. Il avait déjà fait ses premiers pas historico-morisques en 1818, avec Moraima, passant du neo-classicisme, style Moratin, au romantisme. Il donne à Paris la première de son drame Aben Humeya en 1830, un an avant de rentrer en Espagne et d'y retrouver la tradition des émigrés francisés, avec la politique libérale modérée et historiciste des romantiques50. Aben Humeya n'est pas seulement une transposition, il peut se convertir en ancêtre ou, au moins, en quelqu'un qui partagea les rêves de libération du territoire qu'on avait dû abandonner51. Le père Dario Cabanelas voulut envoyer aux enfers du barreau ce qui est la base documentaire et polémique de l'intérêt renouvelé en Espagne pour la communauté morisque au cours du XIXe siècle52. La division entre les deux écoles fut alors radicale, bien que celles-ci ne se soient pas exprimées au même moment. 48Voyez les prolégomènes du style de ceux de ECHEVARRIA, Juan Velázquez de, Paseos por Granada y sus contornos, première édition en 1764 sous le pseudonyme de José Romero de Iranzo, la deuxième en 1824. 49Francisco Martínez de la Rosa, catedrático grenadin, anglophile et député aux Cortès de Cadix, fut emprisonné au Peñón de Velez de la Gomera au retour de l'absolutisme (1814-1820). Ministre d'Etat en 1822, modéré, dut s'exiler à Paris après l'intervention des cent mille fils de Saint Louis. Sa politique de pacte avec l'oligarchie, lors de sa présidence du Conseil des Ministres en 1834, lui valurent le surnom de 'Rosita la pastelera'. Il tenta d'éviter la guerre civile et finit par émigrer avec la régente María Cristina après le coup d'Etat de Espartero en 1840. Il revint à la politique comme ambassadeur à Paris (1844-47), au Vatican (1848-51, fondamental pour le Concordat) et présida le Congrès des Députés en 1851, 1857 y 186O avec de brèves périodes ministérielles. 50"En la primera mitad del siglo XIX la generación romántico liberal simpatiza con los moriscos en cuanto víctimas de un austracismo absolutista opresor. Historiadores como Boix, Perales, Muñoz Gaviria y, sobre todo, Janer y ensayistas como Blanco White participan de esta común beligerancia reivindicativa, bien apoyada y promocionada por una escuela de arabistas españoles (Conde, Gayangos) o europeos (Dozy), que opuso a las versiones oficiales de la historia medieval española, la realidad de unas fuentes árabes dictaminadoras de "otra historia", GARCIA CARCEL, 1977, p.72-73. BOIX, V, Historia de la ciudad y reino de Valencia, Valence, 1845; PERALES, J.F, Notas ampliatorias a las Decadas de Escolano, Valence, 1878; MUÑOZ Y GAVIRIA, Historia del alzamiento de los moros, su expulsión de España y sus consecuencias en todas las provincias del reino, Madrid, 1861; JANER, Condición social de los moriscos, causas de su expulsión y consecuencias que ésta produjo en el orden político y económico, Madrid, 1857, réédition en 1988. 51PALANCO ROMERO, José, Aben-Humeya en la historia y la leyenda, Discurso leido en la recepción del primero en la Real Academia de Bellas Artes de Granada, el domingo 21 de febrero de 1915, Grenade, 1915. FERNANDEZ Y GONZALEZ, Manuel, Los monfíes, p.9. MARTÍNEZ DE LA ROSA, dans son drame Aben Humeya, p.11, créé à Paris. VILLAESPESA, Francisco, tragédie Aben Humeya, p.11 52"La segunda etapa, que nace de esta evolución progresiva (idea de que la expulsión había sido dañosa económicamente aunque no expresada en obras de interés) y se extiende a todo el siglo XIX y primera parte del XX, es de matiz claramente polémico y - según advierte Caro Baroja - en los diversos estudios eruditos que ven la luz en esta época "se hace por lo general más labor de abogacía que otra cosa, y suelen ser más originales por la documentación que aportan que por los puntos de vista que mantienen": de un lado, los campeones de la tolerancia, que critican con dureza a los autores de semejante decisión, por considerarla especialmente inhumana y, sobre todo, altamente perjudicial para la economía española, al provocar la ruina de fértiles campañas y la desaparición de florecientes industrias, principalmente de tipo manual y artesano; de otro, los escritores católicos, quiénes, sin negar las consecuencias de la expulsión, procuran atenuarlas en lo posible, y se muestran más propensos a justificar la medida, debido a que los moriscos, no obstante haber recibido el bautismo, permanecían fieles a las creencias del Islam - lo cual suponía un constante peligro para la unidad religiosa de España -, y además representaban una fuerza actuando desde el interior del país en connivencia con los Estados musulmanes del Norte de Africa. Entre los paladines del primer grupo podemos citar - siguiendo el parecer de Lapeyre - a Juan Antonio Llorente, Modesto Lafuente y Henry Charles Lea; entre los del segundo a don Marcelino Menendez Pelayo, manuel Danvila y Collado y Pascual Boronat y Barrachina. Aunque cronológicamente pertenecen también a esta segunda etapa otros autores, como el conde Albert de Circourt, Florencio Janer, Manuel Serrano y Sanz, don Pedro Longas, etc, sus trabajos ofrecen ya una orientación primordialmente documental, apenas influida por la tendencia polémica" (CABANELAS, 1965, p.XI-XII) « Tous sont un », Thèse de José María Perceval 10
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