Nietzsche et Cheikh Anta Diop Ouverture philosophique Collection dirigée par Dominique Chateau, Agnès Lontrade et Bruno Péquignot Une collection d'ouvrages qui se propose d'accueillir des travaux originaux sans exclusive d'écoles oudethématiques. Il s'agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu'elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n'y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique; elle est réputée être le fait de tous ceux qu'habite la passion de penser, qu'ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou... polisseurs de verres de lunettes astronomiques. Déjà parus Arno MÜNSTER, Sartre et la morale, 2007. Aubin DECKEYSER, Michel Foucault.L 'actualité de la vérité, 2007. Miklos VETO (sous la dir.), Historia philosophiae, 2007. Georg W. BERTRAM, Robin CELIKA TES, Christophe LAUDOU, David LAUER (coord.), Socialité et reconnaissance, 2007. Michèle AUMONT, Ignace de Loyola. Seul et contre tous, 2007. Xavier ZUBIRl, Intelligence et logos (Inteligencia y logos) trad. Philibert SECRETAN, 2007. Pierre V. ZIMA, La déconstruction. Une critique, 2007. Jacques CROIZER, De la mesure, 2007. Paul DUBOUCHET, Pour une sémiotique du droit international, 2007. Marly BULCAO, Bachelard: Un regard brésilien, 2007. Christian SAVES, Eloge de la dérision: une dimension de la conscience historique, 2007 Bernadette GADOMSKI, La Boétie, penseur masqué, 2007. Gabriel Marcel-Max Picard. Correspondance 1947-1965, introduit par Xavier TILLIETTE et texte établi de Anne MARCEL et Michaël PICARD, 2006. Jean C. BAUDET, Unephilosophie de lapoésie, 2006. Gaëll GUIBERT, Félix Ravaisson, 2006. Ramsès L. BOA THIÉMÉLÉ Nietzsche et Cheikh Anta Diop Préface de Essane Séraphin L'Harmattan L.AUTEUR Ramsès L. BOA THIÉMÉLÉ est maître de conférences à l'Université de Cocody, à Abidjan, Côte d'Ivoire. Il est..titulaire d'un doctorat troisième cycle obtenu àl'Université dePoitiers (France) en 1985, etd'un doctorat d'Etat de philosophie présenté et soutenu devant l'Université de Cocody Abidjan, (Côte d'Ivoire), en 2003. Il est membre du Cercle Samory (CESAM), groupe de réflexion sur la culture négro-afficaine. Œuvres déjà publiées: L'ivoirité entre culture et politique, Paris, L'Harmattan, 2003. Recherches philosophiques. Tome 1.Quellephilosophie pour l'Afrique? Abidjan, Educi, 2006 @ L'HARMATTAN,2007 5-7, rue de l'École-Polytechnique; 75005 Paris http://www.1ibrairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN: 978-2-296-02949-1 EAN: 9782296029491 A Bwemba-Bong PREFACE Comme sociologue, j'interprète l'invitation de Ramsès L. BOA THIÉMÉLÉ à préfacer son ouvrage comme une position intellectuelle exemplaire dans notre milieu universitaire africain. Du reste, le thème de son essai ne saurait éviter la réflexion interdisciplinaire. L'excellent ouvrage de Ramsès L. BOA THIÉMÉLÉ se développe comme un dépassement de certains lieux théoriques qui tentent aujourd'hui une déconstruction intellectuelle de l'œuvre de Cheikh Anta Diop. L'ouvrage nous initie d'abord à une histoire de la symbolique des origines, à la connaissance du riche corpus de ses langages. Ensuite vient la systématisation avec la présentation de lectures philosophiques du « pouvoir des origines ». La conclusion théorique, anthropologique, pourrait-on dire, est que l'histoire des sociétés et la pensée philosophique occidentale attestent, au-delà de la variation culturelle de ses langages, d'un invariant structurel symbolique de la quête des origines. J'en systématiserai ici quelques axes majeurs, entre autres: Conflit des Herméneutiques, Science et Idéologie, Histoire et Mythe. A. Conflit des Herméneutiques L'ouvrage contribue sérieusement à fonder la complexité symbolique d'un conflit des herméneutiques. Ladécouverte de cette complexité convoque à une humilité de l'intelligence rationnelle, à une relativisation épistémologique des paradigmes de rationalité qui organisent l'intelligence du phénomène socioculturel. Ainsi, certaines analyses actuelles comme par exemples celles de François-Xavier Fauvelle, ne sauraient nous masquer les prétentions d'une herméneutique réductrice de déconstruction psychanalytique ou démythologisation psychosociologique de l'œuvre de Cheikh Anta Diop (Ch. A. Diop). Contre cette tendance, Ramsès L. BOA THIÉMÉLÉ argumente avec justesse et construit une problématique théorique et culturelle de la symbolique de la quête des origines chez Ch. A. Diop. Cette problématique éclaire les limites scientifiques d'une rationalité close servant d'instrument de dévalorisation des productions intellectuelles ou culturelles des Noirs. Sa démarche est un bel écho à la protestation de l'historien Mircea Eliade contre les herméneutiques réductrices de la sociologie et de la psychanalyse positivistes et évolutionnistes qui ont pour effet théorique de dévaloriser les nouvelles créations culturelles des peuples africains - les messianismes, les millénarismes, les syncrétismes, les idéologies - comme des «cultures du pauvre ». Voilà donc fondée avec la sociologie et l'anthropologie sociale, une «herméneutique du soupçon» à l'égard de la symbolique africaine de la quête des origines, une réaction culturelle à l'impact de la situation coloniale. Cette problématique théorique socio- anthropologique de l'aliénation sociohistorique pourrait servir de grille de lecture à l'œuvre de Ch. A. Diop. B. Science et Idéologie Le couple Science / Idéologie structure, au vrai, au-delà de la géographie et de l'histoire, un lieu de rencontre de Nietzsche et de Ch. A. Diop. La comparaison que fait Ramsès L. BOA THIÉMÉLÉ est donc fort pertinente et mérite d'être pensée, avec ce repère que je propose, comme un autre axe de lecture de la symbolique de leur quête des origines. Les deux auteurs cultivent un lien entre Science et Idéologie. Ce lien éclaire une autre dimension de la complexité symbolique de leur quête des origines, l'ambivalence de la problématique culturelle qui s'y exprime. D'une pmi, Nietzsche veut affirmer la pertinence de son idéal du « Surhomme» avec une Méthodologie 8 Génétique; d'autre part Ch. A. Diop veut affirmer la pertinence de son idéal d'une «Conscience historique» libératrice par une Méthodologie Historique pour l'écriture des origines nègres de la civilisation égyptienne ou des origines égyptiennes des civilisations nègres. La réaction des deux penseurs des origines est analogue face à la critique de la communauté scientifique de leur temps qui jugea leur projet théorique plus idéologique que scientifique. La leçon épistémologique symbolisée par les deux auteurs est qu'au fond, au plan des paradigmes ou schèmes méthodologiques de la Science, nous sommes reliés pour le choix d'une stratégie de recherche, entre autres, à l'impératif ultime de l'Idéologie. Pour nous lecteurs actuels de Nietzsche et de Ch. A. Diop, ce qui poserait problème, dans la position de ces deux chercheurs, c'est le statut du concept de progrès. Le concept de progrès dans la science ne serait pas à prendre au seul sens bachelardien ou de l'histoire des sciences de «coupure épistémologique» et de « rupture épistémologique ». Ce progrès est donné dans la « rupture épistémologique» par la création des paradigmes alternatifs, illustrant ainsi un sens de « récurrence créatrice », de restructuration dialectique du progrès dans l'histoire des sciences. Que faut-il penser, aujourd'hui, des modèles d'alternative scientifique proposés par l'Egyptologie de Ch. A. Diop ou de sa mouvance, l'école théorique des origines nègres de la civilisation égyptienne ou des origines égyptiennes des civilisations africaines? Il y a un double problème pour l'Idéologie dans son rapport à la Science: le décalage entre l'Impératif et l'Ethique de l'Objectivité de la Science, puis la patience de la Science qui se soumet aux laborieux protocoles de construction et de contrôle des modèles théoriques du réel. Ch. A. Diop n'est pas ignorant de ce double problème et choisit d'arrimer la méthode scientifique à l'impératif et à l'urgence sociohistorique d'émergence d'une «Conscience historique» libératrice. Il le fait, surtout, pour construire la légitimation théorique de l'écriture d'un contenu culturel ou d'un paradigme sociohistorique pour le changement. En somme, il en appelle à la Science, pour formuler des réponses à la question, «pourquoi le changement historique» ? L'idéal, la fascination du paradigme de l'Egypte nègre, devrait suffire à opérer la rupture culturelle. 9 Ch. A. Diop symbolise tout le tragique des aspirations révolutionnaires de l'élite intellectuelle négro-africaine: alors même qu'elle bénéficie de la conjoncture idéologique de la coupure sociohistorique avec la situation coloniale, elle marque ou signe une incapacité, un échec à opérer la vraie rupture sociohistorique, en termes d'émergence d'une société et culture africaines, qu'importe le paradigme. Il faut ajouter à cet échec, le paradoxe de vouloir faire servir l'idéologie de la révolution sociohistorique, la définition du paradigme socioculturel du changement par une science non accomplie, une science en devenir, l'égyptologie africaine. Mais, au fond, pourquoi arrimer l'écriture du paradigme socioculturel à la seule méthode scientifique? Le tragique des méprises intellectuelles des théoriciens de la révolution socioculturelle, comme Ch. A. Diop, est d'avoir ignoré le couple Histoire et Mythe. C. Histoire et Mythe Il faut lire Ch. A. Diop aujourd'hui en regard d'une problématique théorique des sciences sociales africanistes, comme réaction à la situation coloniale. La théorie sociologique de l'aliénation de la conscience historique des Négro-africains connaît l'échec des idéologies de la négritude et de l'africanisation à opérer une véritable rupture culturelle avec les paradigmes socioculturels de la situation coloniale et de ses avatars historiques. Nous avons un premier exemple. C'est l'enjeu institutionnel du système socioculturel de formation et de recherche de l'université en Afrique. Des mouvements des indépendances à nos jours, les idéologies d'africanisation de l'université ont été incapables d'affirmer une vraie «rupture culturelle» avec les modèles institutionnels de l'université occidentale, par la création d'une alternative institutionnelle africaine. Les procès de reformes successives ne sont que des récurrences répétitives du modèle institutionnel occidental. Le deuxième exemple, au plan du système religieux, ce sont les idéologies d'africanisation du christianisme, à travers les prophétismes et syncrétismes. Elles se sont refroidies institutionnellement en pâles copies des églises missionnaires 10
Description: