La société de l’information Rapport Nicolas Curien et Pierre-Alain Muet Commentaires Élie Cohen Michel Didier Compléments Gilles Bordes, Gilles Brégant, Mireille Campana, Alain Crawford, Emmanuel Éveno, Isabelle Falque-Pierrotin, Dominique Foray, Raymond Heitzmann, Daniel Latouche, Fabrice Lenseigne, Karine Revcolevschi, Patrice Roussel, Jean-Michel Salaün, Michel Villac, Didier Zmiro et la Direction des relations économiques extérieures Réalisé en PAO au Conseil d’Analyse Économique par Christine Carl © La Documentation française. Paris, 2004 - ISBN : 2-11-005534-0 « En application de la loi du 11 mars 1957 (article 41) et du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans l’autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre. » Sommaire Introduction............................................................................................7 Christian de Boissieu RAPPORT La société de l’information ......................................................... 9 Nicolas Curien et Pierre-Alain Muet Introduction..............................................................................................9 1. De l’ère industrielle à l’ère de l’information..................................11 1.1. Une nouvelle révolution industrielle.............................................11 1.2. Changements dans l’organisation du travail.................................13 1.3. Impact sur la productivité et la croissance ?...............................14 1.4. Le rôle des marchés financiers ...................................................17 1.5. De la galaxie Gutenberg à la galaxie Internet .............................17 2. L’Internet : des origines à l’état présent ........................................19 2.1. L’émergence du réseau des réseaux...........................................20 2.2. La mondialisation du réseau ........................................................22 2.3. Connectivité et usages.................................................................23 2.4. La production de TIC..................................................................27 2.5. Le développement du commerce électronique............................29 3. TIC et changements structurels ........................................................31 3.1. La montée en puissance de l’information....................................32 3.2. Effets structurels.........................................................................34 3.3. Le second paradoxe de l’économie numérique...........................37 3.4. De la logique défensive à la logique inventive.............................38 4. TIC et nouvelles relations économiques..........................................39 4.1. L’appariement de l’offre et de la demande : l’infomédiation.......39 4.2. L’organisation du système productif : des monopoles à la coopétition....................................................43 4.3. Innovation, protection intellectuelle et logiciels libres ..................46 4.4. Les relations intra-entreprise et la gestion des connaissances....49 4.5. Une maquette de l’économie de l’information ............................50 4.6. Le réseau comme forme institutionnelle......................................53 LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION 3 5. Les politiques gouvernementales .....................................................55 5.1. Le développement de l’administration en ligne............................55 5.2. Éducation et formation ................................................................59 5.3. Les politiques de lutte contre la fracture numérique ...................62 5.4. La santé.......................................................................................63 5.5. Le rôle des villes et des collectivités locales ...............................65 6. Régulation et enjeux internationaux ...............................................67 6.1. La régulation actuelle de l’Internet..............................................68 6.2. Quelles perspectives pour le sommet mondial sur la société de l’information ?...................................................70 6.3 Vers une corégulation « multi-acteur »........................................72 Conclusion et synthèse..........................................................................73 COMMENTAIRES Élie Cohen..............................................................................................81 Michel Didier..........................................................................................91 COMPLÉMENTS A. Les enjeux juridiques de l’Internet au regard de la préparation du Sommet de Genève...................................97 Isabelle Falque-Pierrotin B. La société de l’information : quels enjeux pour l’industrie des TIC........................................113 Didier Zmiro C. Équipement des ménages en micro-ordinateurs et principales mesures incitatives dans dix-huit pays de l’OCDE.......................................................127 Direction des relations économiques extérieures D. Favoriser la diffusion du micro-ordinateur et de l’Internet dans les ménages français...............................145 Karine Revcolevschi E. La numérisation des biens artistiques : danger ou opportunité ? Le cas de l’industrie du disque...................153 Gilles Bordes et Alain Crawford F. L’économie fondée sur le savoir.............................................183 Dominique Foray G. Documents et numérique..........................................................201 Jean-Michel Salaün 4 CONSEIL D’ANALYSE ÉCONOMIQUE H. Mesure statistique de la société de l’information.............217 Raymond Heitzmann, Fabrice Lenseigne et Patrice Roussel I. Les enjeux de l’administration électronique ........................229 Gilles Brégant J. Sécurité des réseaux et économie numérique...................247 Mireille Campana K. Les collectivités locales, acteurs du modèle français de la société de l’information .......................................................263 Emmanuel Éveno et Daniel Latouche L. La « e-santé » : Internet et les TIC au service de la santé.....................................................................277 Michel Villac RÉSUMÉ .............................................................................................299 SUMMARY..........................................................................................305 LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION 5 Introduction Une révolution industrielle se définit moins par les nouvelles techno- logies apparues, que par les changements multiples, et pas seulement éco- nomiques, que ces dernières apportent. Le rapport qui suit montre que ce principe s’applique à nouveau pour la révolution informationnelle et numé- rique, qui a démarré d’abord aux Etats-Unis et dans quelques pays de l’Europe du Nord avant de gagner le reste du monde, et qui est loin d’être achevée. Il faut d’abord prendre la mesure, quantitative et qualitative, de cette révolution informationnelle dont Internet n’est que l’une des composantes, certes essentielle. Il convient très vite aussi de fournir des clefs d’interpré- tation. Le rapport met en particulier en évidence un second paradoxe, après celui déjà formulé par Solow : alors que les nouvelles technologies de l’in- formation et de la communication devraient en principe déboucher sur un fonctionnement plus efficace de l’économie de marché, elles distillent en fait les ingrédients d’une économie publique parce qu’elles s’accompagnent d’économies d’échelle, d’effets de réseaux (ou de « clubs »), etc. appelant, d’une manière ou d’une autre, des régulations publiques. Ce paradoxe es- sentiel pour comprendre certaines ambiguïtés associées à l’essor de la nou- velle économie va de pair avec d’autres traits qui mettent à mal certaines simplifications habituelles : le marché pertinent pour saisir, dans toutes ses dimensions, l’économie de l’information n’est pas le marché walrasien mais plutôt le marché hayekien dans lequel producteurs et consommateurs tâton- nent en interagissant les uns sur les autres ; la « coopétition », subtil mé- lange et équilibre entre la coopération et la compétition, doit sous-tendre la recomposition du tissu industriel dans le nouveau contexte ; etc. Les do- maines de la santé, de l’éducation ou de l’e-administration permettent d’éclai- rer les interprétations générales qui sont proposées. La révolution informationnelle concerne au premier chef les industriels, les utilisateurs et la puissance publique. Mais cette dimension tripartite s’ins- crit dans l’espace le plus large, puisque l’information revêt certaines des facettes d’un bien public mondial. C’est pourquoi les auteurs du rapport mettent leurs espoirs dans les Sommets mondiaux en charge du dossier, et LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION 7 dans une gouvernance de l’Internet conçue comme une « co-régulation multi- acteurs ». Ce rapport, dont Laurence Bloch a assuré le suivi au sein de l’équipe permanente du CAE, a été discuté à la séance du 21 octobre 2003 du Conseil d’analyse économique. Il est commenté par Élie Cohen et Michel Didier. Christian de Boissieu Président délégué du Conseil d’analyse économique 8 CONSEIL D’ANALYSE ÉCONOMIQUE La société de l’information Nicolas Curien Conservatoire national des arts et métiers et Académie des technologies Pierre-Alain Muet École polytechnique et Inspection générale des finances Introduction Il est des moments où se dessinent des changements qui vont façonner les prochaines décennies. Cela a été le cas du développement du chemin de fer au XIXe siècle, ou de l’électricité au XXe. Les économistes désignent ces périodes par le terme de « révolution industrielle ». Ce qui caractérise une révolution industrielle, ce n’est pas tant l’appari- tion d’une nouvelle technologie, car cela se produit presque à chaque ins- tant et il est dans la nature profonde d’une économie de marché d’engen- drer de nouvelles technologies et de nouveaux produits. Ce qui définit plu- tôt une révolution, ce sont les changements qu’entraîne la diffusion d’une technologie dans la façon de produire et de consommer, ou dans les rela- tions de travail, ou encore dans l’aménagement de l’espace et le développe- ment urbain. De même que l’énergie (la machine à vapeur puis l’électricité) ont rendu possible l’apparition de l’usine, puis de la firme géante, entraî- nant la concentration des emplois dans les villes et les banlieues, l’Internet et la révolution numérique déterminent peu à peu la base organisationnelle d’une « nouvelle économie », fondée sur le réseau. La révolution numérique a permis la convergence de deux domaines technologiques autrefois disjoints, celui de la communication et celui de l’information : les réseaux sont devenus intelligents et les ordinateurs, com- municants. C’est l’extension progressive de cette convergence à l’ensem- ble des secteurs économiques qui, en changeant les modes de production et LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION 9 de consommation, constitue la base d’une nouvelle révolution industrielle. Comme le note Manuel Castells (2001), « Les progrès de l’informatique et des télécommunications ont permis à une obscure technologie, qui n’avait pas d’application pratique en dehors de l’informatique, de devenir le levier d’une société de type nouveau : la société en réseau ». La flexibilité que permet l’organisation en réseau représente un atout essentiel dans une économie mondialisée, où les entreprises sont confron- tées à de rapides changements. À l’opposé des grands systèmes hiérarchi- sés de l’ère de la production de masse, l’ère de l’information s’appuie sur le développement de systèmes décentralisés et coordonnés par le transfert d’in- formations à travers un réseau planétaire. Ce changement affecte certes au premier rang les entreprises, mais il conduit aussi les États et les adminis- trations à refonder leurs relations avec les citoyens et les administrés. Le développement de l’Internet entraîne par ailleurs une mondialisation sans précédent des échanges financiers. Comme tout changement technologique majeur, la révolution numéri- que est à la fois génératrice de croissance à long terme, mais aussi de crises. Les premières grandes crises économiques sont d’ailleurs apparues avec la révolution industrielle et les spéculations engendrées par le développement du chemin de fer. Depuis trois ans, nous connaissons la première crise de l’ère de l’information. Mais cette crise ne doit pas occulter l’essentiel, à savoir la transformation profonde que la numérisation et le développement de l’Internet opèrent dans les domaines économique, social et culturel. Les conséquences de la révolution numérique s’étendent en effet bien au-delà de l’économie. Parce qu’elle transforme l’un des caractères les plus fondamentaux de l’humanité, à savoir la communication, la révolution nu- mérique surgit dans tous les domaines de l’activité humaine : bien sûr l’éco- nomie et le travail, mais aussi l’éducation, les pratiques culturelles, les re- lations sociales, ou la santé. Au milieu du XVe siècle, l’invention de l’im- primerie avait sonné le glas du système médiéval et ouvert l’ère moderne. Cinq siècles plus tard, les TIC pourraient avoir des conséquences compara- bles : en permettant la communication de la multitude à la multitude à tout moment et à l’échelle du monde, en ouvrant l’accès à la plus formidable des bibliothèques dont on ait pu rêver depuis Alexandrie, la galaxie Internet change profondément l’accès à l’information et à la connaissance. Le processus est cependant loin d’être achevé : alors qu’en matière d’ac- cès à la téléphonie, la fracture numérique se réduit grâce à la pénétration du mobile, cette fracture se creuse au contraire s’agissant de l’accès à l’Internet. La diffusion des TIC est en effet plus inégalement répartie que celle des richesses matérielles et l’Internet est le réseau mondial le plus mal distri- bué. En 2002, on comptait 600 millions d’internautes dans le monde, mais si le taux de pénétration atteignait 67 % en Amérique du Nord et 38 % en Europe, il n’était que de 5 % en Amérique latine, 6 % en Asie – avec les exceptions notables de Singapour, Hong Kong et la Corée du Sud (60 %) – et de 1 % seulement en Afrique. 10 CONSEIL D’ANALYSE ÉCONOMIQUE
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