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Mon brigand bien aime PDF

153 Pages·2010·1.16 MB·French
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Mon brigand bienaimé MADELINE HARPER De retour dans le comté où elle a hérité une ferme de ses grands-parents, Olivia passe saluer Hap, le vieux libraire, dont les livres d’aventures ont bercé son enfance. En fouillant, elle fait tomber d’une étagère un livre très lourd, sans âge, qui s’ouvre sur une gravure légendée : Gabriel, baron de Northcliffe, 1768-1796, bandit de grands chemins. Amusée, Olivia décide d’emporter le livre pour le feuilleter dans son lit, le soir même, et reprend le chemin de la ferme. Mais un grave accident de voiture, provoqué par l’inexplicable tombée d’un brouillard aussi épais que subit, compromet ses projets en la plongeant dans l’inconscience. Plus tard — mais combien de temps après ? — quand elle ouvre les yeux, la haute silhouette noire d’un homme splendide monté sur un cheval fringant se dresse devant elle. Une atmosphère étrange, comme d’une autre époque, baigne la campagne absolument silencieuse. Pas de voiture sur la route. Et quelle est cette antique lanterne à l’entrée de l’auberge des Dix-Cors ? Olivia ne reconnaît plus rien… BRIGANDS À TRAVERS LES ÂGES Le bandit de grand chemin Pendant les XVe et XVIIe siècles, d’audacieux voleurs écumaient la campagne anglaise. On les appelait les bandits de grand chemin. Armés de leur seule témérité et d’une paire de pistolets, ils attaquaient les voyageurs, les soulageaient de leur or et de leurs bijoux… et parfois dérobaient le cœur d’une belle. Certains de ces malandrins devinrent des figures de légende qui inspirèrent nombre de poèmes épiques et de chansons. Gabriel Stratton, baron de Northcliffe, avait la réputation de sillonner les champs et les bois au milieu de la nuit, monté sur un fier étalon noir appelé Eclipse. Les bourgeois le craignaient, la noblesse l’évitait. Car, selon la rumeur publique, le « bandit de Haroldsgate » n’était nul autre que lui. Finalement emprisonné, et bien qu’il niât jusqu’à son dernier souffle les accusations portées contre lui par ses ennemis, il fut pendu pour ses crimes en 1796. 1. — Tu serais folle de ne pas la vendre, Olivia. Confie-la à mon agence et je me fais fort de trouver preneur en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Olivia Johnson hocha pensivement la tête. — Pas si vite, Peggy. Je n’ai encore pris aucune décision ? — Que veux-tu faire d’une vieille ferme, sinon la vendre. — Je n’en sais rien. Mais se débarrasser d’une maison que notre famille possède depuis des générations… ! Non, ce n’est pas le genre de décision qui se prend à la légère Peggy se donna un air faussement étonné. — Tu n’as quand même pas l’intention de venir vivre ici ? Et, comme Olivia ne répondait rien, elle insista. — Non, n’est-ce pas ? Olivia haussa les épaules en esquissant un sourire. — A t’entendre, Peggy, on croirait que de vivre à la campagne, c’est le bagne ! — Oui, persista Peggy. Pour une fille comme toi, ce serait le bagne, ni plus ni moins. Je te connais depuis des années, je sais que tu as travaillé dur pour conquérir ta place au soleil de Manhattan. Ta classe, ton élégance, ton raffinement naturel, tout cela serait gâché ici. — Peut-être, murmura Olivia. Mais New York n’est qu’à trois heures de route. Et puis… je me vois bien aménager le premier étage de la ferme pour en faire mon studio. Ce serait l’endroit idéal pour créer. — Mon Dieu ! Se récria Peggy. Le pis, c’est que tu m’as l’air sérieuse ! Allons, réfléchis un peu ! Tu te retrouverais toute seule, loin de tout… Non, ça ne marchera jamais. Olivia regarda son amie droit dans les yeux. — Je réfléchis, figure-toi. Rien n’est encore décidé. Elle jeta un coup d’œil à sa montre et ajouta : — La seule chose qui soit sûre, c’est que je dois être rentrée à mon hôtel avant la nuit. Elle prit son amie par le bras et l’entraîna vers leurs voitures, garées côte à côte à l’ombre d’un grand chêne. — Tu es au Dix-Cors, c’est ça ? dit Peggy. Charmant petit endroit. Mais un peu désuet, quand même, non ? De l’extérieur, cela ressemble à une vieille auberge anglaise. Tout le contraire d’un palace sur la Cinquième Avenue. — C’est confortable, répondit sobrement Olivia. — Plus confortable que cette vieille bicoque dans laquelle tu ne pourras jamais te trouver bien, ajouta Peggy. Et je suis prête à parier que ton petit ami n’acceptera pas de te suivre ici. — Quel petit ami ? demanda Olivia. — Eh bien, je supposais… Olivia poussa un soupir désolé. Les gens faisaient beaucoup de suppositions sur son compte. C’était d’ailleurs difficile de le leur reprocher. N’était-elle pas la première à essayer de donner d’elle-même l’image d’une jeune femme « moderne » ? Dans l’esprit des gens, moderne voulait dire, entre autres choses, « qui prend des amants ». En fait, elle avait eu une liaison de plusieurs années avec un jeune chirurgien. Mais lorsqu’il avait accepté le poste de chef de clinique qu’on lui offrait à Phœnix et qu’Olivia avait préféré rester à New York, tous deux avaient vite découvert qu’il y a beaucoup de sagesse dans le dicton « Loin des yeux, loin du cœur », et la rupture s’était faite toute seule, sans heurt. Tandis qu’elle marchait, le sol crissait sous ses bottines. Des bottines très chic, songea-t-elle en souriant. Ah, elle appartenait vraiment au passé, la timide petite Olivia mal fagotée qui venait passer ses vacances ici, autrefois, dans la ferme de ses grands- parents. Aujourd’hui, Olivia avait réussi. A New York, elle avait des amis choisis, un carnet d’adresses bien rempli, elle dînait dans les meilleurs restaurants, assistait à des vernissages, des avant-premières, des générales, des concerts sur invitation… Oh, elle s’était donné un mal fou pour conquérir sa réputation de jeune femme à la mode… Seulement, elle commençait à se lasser. Ce n’était pas un rôle pour elle, tout compte fait. Un vrai changement de décor, voilà ce qu’il lui fallait. — Cela fait longtemps que j’habite New York, Peggy, dit-elle en arrivant près des voitures. Et je ne m’y sens toujours pas chez moi. Ma vraie maison, c’est cette ferme. — Où tu n’as jamais vécu plus de deux mois d’affilée, rappela Peggy avec ironie. — N’empêche. Je ne vais pas la vendre à des étrangers. Et, d’un autre côté, je ne suis pas assez riche pour l’entretenir tout en gardant mon appartement à New York. Olivia monta dans sa voiture. Peggy revint à la charge avec un nouvel argument. — L’immobilier ! Voilà la solution idéale. Tu divises le terrain en lots de quinze cents mètres carrés, tu fais venir l’eau et l’électricité sur chaque parcelle et je te garantis que les lots se vendront comme des petits pains. Sans compter que cela te permettrait de te constituer une dot, en quelque sorte… Sans attendre la suite, Olivia, sur un petit signe de la main, prit le large. Au bout du sentier, elle tourna à droite, direction le Dix-Cors. — Des parcelles de quinze cents mètres carrés ? Jamais de la vie ! Murmura-t-elle. Ses grands-parents se retournerait dans leur tombe à l’idée d’un pareil sacrilège ! — Et puis, regarde-moi ce paysage ! dit-elle pour elle- même en balayant du regard les verdoyantes collines qui commençaient à se couvrir de fleurs sauvages à l’orée de l’été. Comment se résoudre à vendre un tel chef-d’œuvre à des étrangers ? Oui, mais, d’un autre côté, pouvait-elle envisager de s’accrocher à la ferme de ses aïeux sans abandonner son appartement en ville ? Elle n’avait jamais envisagé de s’installer à la campagne, jusque-là… Pourtant, le moment semblait bien choisi : elle n’avait pas d’homme dans sa vie, pas d’amis irremplaçables, personne qui serait inconsolable de ne plus la voir. Quant à son métier, elle pouvait l’exercer aussi bien ici que dans son loft new-yorkais. Et puis, un aller et retour à New York de temps en temps pour son travail, ce ne serait pas une expédition. Oui, c’était ici sa patrie, le berceau de la famille, l’endroit où elle avait passé les meilleures heures de son enfance. Un mouvement brusque sur le côté attira son attention. Elle ralentit et aperçut un daim et une biche qui sortaient de derrière un bosquet pour venir brouter un peu d’herbe fraîche. Alors, elle s’arrêta pour les admirer à loisir. Elle avait l’habitude des daims. Pendant son enfance, elle avait passé l’essentiel de ses vacances chez ses grands-parents. Elle se souvenait d’être souvent allée porter du foin aux daims, l’hiver, lorsqu’il y avait beaucoup de neige. La plupart des éleveurs des environs installaient des clôtures en fil de fer barbelé ou épandaient des produits chimiques pour éloigner les daims, mais pas son grand- père. Non, lui, il les nourrissait aussi bien que ses chevaux. « Les daims étaient ici avant nous », disait-il avec philosophie. Après quelques minutes de rêverie, Olivia redémarra et tourna dans High back Road. Pour se rendre à Chester, c’était plus long par ce chemin mais le panorama était plus joli. Seul inconvénient, le brouillard menaçait. En sortant d’un virage, Olivia aperçut une vieille bâtisse qu’elle connaissait bien. La librairie du Tapis volant ! Elle était toujours là, inchangée, éternelle ! Sans hésiter, Olivia s’arrêta. A l’intérieur non plus rien n’avait changé. Toujours la même odeur de cuir et la même lumière douce filtrant à travers les vitrines poussiéreuses. A son bureau, un lorgnon perché sur le bout de son nez, il y avait M. Hapgood, plongé dans un livre. Enfant, Olivia s’était souvent demandé combien d’heures par jour le propriétaire du Tapis volant passait le nez dans ses livres. — Bonsoir, Hap ! s’écria-t-elle gaiement. Il leva la tête et cligna des yeux. — C’est moi, Olivia Johnson. Alors, il la reconnut et son visage s’illumina. — Ma petite Olivia ! Et c’est une vraie grande fille maintenant ! Il déplia sa longue carcasse et s’avança de quelques pas vers la jeune femme. — Si je m’attendais ! Il lui prit les mains. — J’ai appris la mauvaise nouvelle à propos de tes grands-parents. Mais, après la mort de ta grand-mère, tout le monde se doutait que ton grand-père ne durerait pas longtemps. Ils s’aimaient tant tous les deux… — Oui, je sais…, dit Olivia. Les larmes lui montèrent aux yeux. — J’ai hérité de la ferme, s’empressa-t-elle d’ajouter. — C’est ce que j’ai entendu dire, répondit Hap en remontant ses besicles sur son front. A propos, comment va ta mère ? — Elle habite la Floride maintenant. Elle est remariée. Un long veuvage n’aurait rien valu à son délicieux caractère. — Elle n’a plus son restaurant ? — Non, et ce n’est pas trop tôt. Olivia se força à sourire. Dans la petite ville du New Jersey où elle avait grandi, tout lui avait fait horreur : les maisons, les gens, le restaurant de ses parents, y comprit l’appartement situé juste au-dessus, si exigu qu’on ne pouvait pas y faire un pas sans se cogner. Elle y avait souvent assuré le service après l’école… En réalité, les seuls moments heureux de sa vie à cette époque, c’étaient les visites à ses grands-parents. — Eh bien, dit Hap, je suis ravi d’apprendre que ta maman va bien. Et toi ? Es-tu mariée ? — Non. — Fiancée ? — Non plus, cent pour cent célibataire. Et je travaille à New York. Je crée des bijoux. — Beaux, j’espère ? — Ma modestie dût-elle en souffrir, il me faut reconnaître que oui. — Je veux bien te croire, tu as toujours eu un tempérament artistique… Tes grands-parents étaient très fiers de toi… Et la lecture ! Ah, ce que tu as pu aimer la lecture dans ton jeune temps ! Je te revois, assise là, lisant des après-midi entiers. J’ai l’impression que c’était hier. Et pourtant, cela fait des lustres, non ? — Sans doute. J’ai vingt-six ans. On ne voit pas le temps passer. — A qui le dis-tu ! Mais toi, pour le moment, tu n’as pas à te plaindre du temps qui passe. Il te fait du bien. Tu es une très belle femme, à présent. Ne le prends pas en mauvaise part, mais laisse-moi te dire que jadis, même si tu étais une gosse adorable, tu n’étais pas exactement…

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