Cesar, Margarida; Perret-Clermont, Anne-Nelly; Benavente, Ana Modalités de travail en dyades et conduites à des tâches d’algèbre chez des élèves portugais Schweizerische Zeitschrift für Bildungswissenschaften 22 (2000) 3, S. 443-466 Quellenangabe/ Reference: Cesar, Margarida; Perret-Clermont, Anne-Nelly; Benavente, Ana: Modalités de travail en dyades et conduites à des tâches d’algèbre chez des élèves portugais - In: Schweizerische Zeitschrift für Bildungswissenschaften 22 (2000) 3, S. 443-466 - URN: urn:nbn:de:0111-opus-37482 - DOI: 10.25656/01:3748 https://nbn-resolving.org/urn:nbn:de:0111-opus-37482 https://doi.org/10.25656/01:3748 in Kooperation mit / in cooperation with: http://www.rsse.ch/index.html Nutzungsbedingungen Terms of use Gewährt wird ein nicht exklusives, nicht übertragbares, persönliches und We grant a non-exclusive, non-transferable, individual and limited right to beschränktes Recht auf Nutzung dieses Dokuments. 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Kontakt / Contact: peDOCS DIPF | Leibniz-Institut für Bildungsforschung und Bildungsinformation Informationszentrum (IZ) Bildung E-Mail: [email protected] Internet: www.pedocs.de Thema Modalités de travail en dyades et conduites à des tâches d’algèbre chez des élèves portugais Margarida Cesar,Anne-Nelly Perret-Clermont et Ana Benavente Larechercheprésentéeicisedérouledanslecontextedel’écoleobligatoireportugaise et des difficultés que connaît l’enseignement des mathématiques systématiquement confrontéàuneproportionimportanted’élèvespeumotivéspourcettedisciplineeten échec. Des interventions pédagogiques, construites comme des études de cas inspirées parunplanquasi-expérimentalpermettantdescomparaisons,ontpermisd’observer lesréactionsdifférentesd’élèvestravaillant,seulsouendyades,àdesproblèmesd’al- gèbre. Il en ressort d’une part une meilleure compréhension du rôle de la modalité d’organisationdesrelationsdyadiquesdanslacapacitéàcomprendrelatâcheetàla gérer; et d’autre part une mise en évidence de l’engouement qui naît chez les élèves, embarqués dans des dialogues et des conflits socio-cognitifs, et qui alors modifient leursattitudesàl’égarddecesmathématiques. Introduction Depuisunevingtained’annéesauPortugal,l’échecscolaireetlesattitudesdere- jetdesélèvesàl’égarddesmathématiques,ontpoussélesenseignantsàchercher dessolutions.Eneffet,lesmathématiques,disciplineprésentedanstoutelasco- laritéobligatoire(9années),ontunpoidsconsidérablesurleschoixprofession- nelsultérieurs.Maisils’agitaussidel’unedesdisciplinesdontlesélèvesontlare- présentation la plus négative ce qui les empêche même parfois d’essayer de collaborer, en classe, aux tâches que leurs professeurs leur proposent. Désimpli- cation et démotivation caractérisent alors le paysage scolaire de cet enseigne- ment. Ladernièreréformedescurriculumsaessayédeprendreenchargecetteques- tionenprécisantnonseulementlesobjectifsdupointdevuedescontenusmais aussi en termes de développement des compétences, des attitudes et des valeurs (Abrantes,SerrazinaetOliveira,1999).Enconséquence,lesprofesseurssetrou- ventconfrontésàdenouvellesexigences,cequientraînelanécessitépoureuxde changerleurspratiquespédagogiquesmaissansqu’ilsnesesententtoujourspour autant préparés à répondre aux défis qui leurs sont ainsi posés.Vouloir changer RReevvuuee ssuuiissssee ddeess sscciieenncceess ddee ll’’éédduuccaattiioonn 33//22000000 444433 Thema ne signifie pas toujours savoir le faire. Comme toujours dans le domaine de l’éducation, les transformations sont lentes, les résistances nombreuses, et l’im- plication des professeurs est un facteur essentiel pour qu’une réforme du curri- culum puisse réussir dans les faits. Toute mesure de démocratisation de l’école impliquetoujourslapriseencomptedurôledesenseignants,producteursetin- tervenantsdansleursespacesprofessionneletsocial(Benavente,1990). Le contexte dans lequel le présent travail de recherche a commencé est celui précédant immédiatement cette dernière réforme du curriculum. L’ambiance y est favorable: des recherches existent déjà sur le travail en dyades ou en petits groupes; les professeurs se posent beaucoup de questions, et ils sont prêts à les adresser à d’autres spécialistes dans un contexte de collaboration interdiscipli- naire. Mais la plupart des professeurs n’ont pas vécu eux-mêmes, en tant qu’élèves, le type d’expérience pédagogique qu’ils préconisent et ils ne bénéfi- cient pas d’une formation professionnelle initiale qui les aurait préparés à la conduitedepratiquesdidactiquesinnovatives.Enparticulierilsnesontpasha- bitués à l’idée que les élèves puissent tirer bénéfice d’interactions horizontales entre eux. En effet, au Portugal, jusque dans les années 70, l’enseignement des mathématiques a reposé sur un socle d’idées traditionnelles valorisant surtout l’acquisitiond’automatismesparlarépétitionetlamémorisation,etcecidansun contexteprivilégiantlesinteractionsverticalesentreleprofesseur,maîtredelare- lation didactique, et les élèves dont le rôle est perçu essentiellement comme ré- actif. Envisager une mutation des méthodes pédagogiques afin de faire plus de placeàl’activitémêmedel’élèvefaitsurgiralorstroistypesdequestions:Com- mentimplémenteruntravaildegroupeefficace,etcommentfaut-ils’yprendre pour que les différents élèves qui participent à une activité de groupe en tirent tous parti? Comment susciter des attitudes plus positives ou plus actives de la part des élèves dans les leçons de mathématiques? Comment les contenus ma- thématiques des leçons doivent-ils être articulés au développement des compé- tencesdesélèves? Dansnotreessaid’approfondircesquestions,lalittératuresurlerôledesin- teractionssocialesdansl’apprentissageetsurlesdémarchesdetravaildegroupe enclasseontparticulièrementretenunotreattention.Maiscequimanquepour pouvoirélaborerdesréponsespédagogiquesconcrètesaveccesenseignants,c’est une analyse de la variété des processus en jeu dans le contexte spécifique de leurs classesd’écolesportugaisesavecdesexemplesàleurmettresouslesyeux.Notrein- tentionadoncétéalorsessentiellementdecomparerleseffetsdedifférentstypes dedyades,detâches,deconsignes,surlesmodalitésdetravailetd’apprentissage d’élèves portugais dans leur milieu naturel. Dans cette première phase de re- cherche, l’approche choisie est donc celle d’observations systématiques organi- sées selon un plan quasi-expérimental. Elle sera suivie ultérieurement d’une deuxième phase consistant en une recherche-action avec les enseignants. L’ap- proche s’inscrit donc dans une sorte de va-et-vient (Perret-Clermont 1980, 1982)entrelaréflexionthéoriquequepermetl’approchequasi-expérimentale,et 444 Schweizerische Zeitschrift für Bildungswissenschaften 3/2000 Thema la recherche de solutions pratiques, sur le terrain, en collaborationavec les pro- fessionnelsconcernés. Commel’adéjàconstatéBenavente(1992),«leschangementséducatifssont lents». Changer ce que l’on enseigne et les manières de le faire, requiert des dé- marchesdifficiles,compliquées,avecbeaucoupd’imprévus,impliquantdesins- titutions,desgroupesetdespersonnes,desrelations,despratiques,desnormes, despouvoirs,desintérêts,dessavoirs,deslieuxetdesdurées.Etc’estprécisément parce que les changements en éducation sont lents qu’on ne peut pas perdre de temps».C’estpourcommenceràlesanalyserquelapremièrephasedecetravail, en situation de semi-laboratoire, grâce à l’appui des enseignants, examinera les effetsd’uncertainnombredepratiquesinnovantessurlescapacitésd’élèvespor- tugais.Puis,toujoursaveclesenseignants,ils’agiraensuited’examinerl’effetde l’implémentation de telles pratiques non plus en condition de semi-laboratoire maisdanslaviequotidiennedesclasses. Cadre théorique de référence Lesrecherchesdedifférentsauteurs(voirnotammentàcesujetDoise,Mugnyet Perret-Clermont,1975,1976;Perret-Clermont1979/96;Mugny,1985)avaient déjà mis en évidence le rôle facilitateur d’interactions entre pairs pour le déve- loppementdecompétencescognitives.Maislespremierstravaux,réalisésens’ap- puyant essentiellement sur des épreuves psychologiques, souvent piagétiennes, avaientétéeffectuésensituationdelaboratoire.Orils’estavérérapidementque latranspositiondeleursrésultatsdansdessituationsscolairesnaturelles,etàpro- posdetâchesissuesducurriculum,posaitdesproblèmesnouveaux(Brun,1975; Schubauer-LeonietPerret-Clermont,1980,1985,1997)relatifs,notamment,à l’interprétationdesconsignes,ausensdelatâche,au«contratdidactique»impli- citesous-jacent. D’autrepart,dansl’étudedeSchubauer-LeonietPerret-Clermont(1980)de mêmequedanslesrecherchesdeCésar(1994a,1994b,1995)différentesformes d’interactions et de communication avaient retenu l’attention. Si l’efficacité comparativement plus grande du travail en dyades sur le travail individuel ten- daitsouvent(maispastoujours)àseconfirmer,apparaissaitaussilerôledufaci- litateurquepouvaitavoir,dumoinsdanscertainescirconstances,lerecoursàune troisième personne (adulte ou pair) placée dans un rôle de «décodeur», c’est-à- diredevantprendreconnaissancedutravailréaliséetendirelesens.Toutsemble se passer comme si les interactions entre pairs étaient susceptibles de faciliter le travail de réflexion mais ceci d’autant plus si son fruit doit être communiqué à un troisième partenaire devant le comprendre. Ces recherches montraient aussi l’absenced’unerelationdirecteentreleniveauopératoiredessujetsetleurréus- sitedansdifférentestâches(Brun,1975;CésaretEsgalhado,1986,1987,1988, 1991;César,CamachoetMarcelino,1991).Danslesdernièresétudescitées,un Revue suisse des sciences de l’éducation 3/2000 445 Thema niveau opératoire élevé apparaissait comme une condition nécessaire mais non suffisantepourobtenirunebonneréussitescolaire. Desrecherchesdesannées‘80mettentdoncenévidencelecaractèrefacilita- teurdutravailendyadespourlesprogrèscognitifs,enparticulierdansdestâches mathématiques(AmesetMurray,1982;Balacheff,1982;Botelho,1991;Flieller, 1986, 1990; Carugati et Mugny, 1985; Gilly et Roux, 1984; Gilly, Fraisse et Roux, 1988; Grossen et Perret-Clermont, 1984; Perret-Clermont et Nicolet, 1988; Schubauer-Leoni, 1990; Schubauer-Leoni et Perret-Clermont, 1980, 1985). Pourtant il existe également des données contraires dans lesquelles on n’observepasl’effetbénéfiquedutravailendyades(ainsiparexempledanslecas destravauxdeTudge,1985,1989).Etsurtout,ladiversitédesconsignesdonnées aux dyades, des types de tâches choisies, des méthodologies d’observation utili- sées,etc.,rendentdifficileunbilangénéralquiaffirmeraitpéremptoirementque letravailendyadesesttoujourssupérieurautravailindividuel.Ils’agitdemieux comprendre les processus en jeu. Ainsi, certaines recherches comparent l’effica- citérelativedesdyadessymétriquesetasymétriques(BalacheffetLaborde,1985; Blaye1987,1988),desdyadesinteragissantpleinementetdesdyadesnefaisant que travailler individuellement côte à côte, ou encore des dyades comprenant (comme dans la situation scolaire classique) deux élèves silencieusement assis l’un à côté de l’autre, seulement autorisés à regarder éventuellement le travail d’autrui mais sans en parler (Blaye, 1987). Ont été examinés également diffé- rentesmodalitésdeprisesderôledelapartdudécodeur(Balacheff,1982;Schu- bauer-LeonietPerret-Clermont,1985);oul’effetd’associeràlacoopérationin- tra-dyades une compétition inter-dyades (Johnson et Johnson, 1989; Slavin, 1980,1990;Nicolet1995).Globalementlaprisedeconnaissancedecettelitté- rature étaye l’hypothèse selon laquelle, en général, les résultats sont meilleurs lorsqu’ils’agitdedyadespleinementeninteraction,quibénéficientdepairsdé- codeurs, et de situations dans lesquelles un enjeu compétitif est associé à la né- cessitéinternedecoopérer.Parcontrelesrésultatssontcontradictoiresencequi concernelesbénéficescomparésdesdyadessymétriquesetasymétriques. C’est aussi dans les années ‘80 qu’a grandi la prise de conscience du rôle du contexteetdel’intérêtd’étudierlesconduitescognitivescommesocialementsi- tuées.ParallèlementonredécouvreVygotskyetl’éclairagequ’ilapportequantau rôlestructurantdusocialetdesmédiationssymboliquesdansledéveloppement cognitif. Différents auteurs réalisent alors des études qui, notamment, compa- rent les compétences mathématiques des enfants à l’école et dans la vie quoti- dienne(Carraher,CarraheretSchliemann,1989;SäljöetWydham,1987;Saxe, 1989). Ils mettent en évidence les stratégies de résolution de problèmes aux- quelles les sujets recourent dans ces différents cas et qui permettent de com- prendrepourquoicertainesréussites,dansdessituationsdevie,s’accompagnent néanmoins d’échecs à l’école dans des tâches qui, aux yeux des pédagogues, avaientpuparaîtresemblables.Cestravauxmettentenreliefl’activitéinterpréta- tive du sujet qui ne résout une tâche qu’en lui attribuant un sens, lequel va dé- 446 Schweizerische Zeitschrift für Bildungswissenschaften 3/2000 Thema pendre des circonstances. Deux tâches mathématiques, apparemment sem- blables, peuvent présenter des degrés de difficulté variables en fonction du sens quelesélèvesparviennentounonàleurattribuer.«Touteréponse(...)estindis- sociabledesconditionssocialesdanslesquelleselleestdonnée,c’est-à-diredeses conditionsdeproduction»(Grossen,1988,p.365). Uneautreséried’étudesattirel’importancesurlestatutdeceluiquisollicite la compétence de l’enfant, ainsi que de la mise en scène dans laquelle il se pré- sente(Donaldson,1978;Light,1986;Lightetal.1987;Schubauer-Leoni,1990; Grossen, 1988; Iannaconne, 1990; Säljö etWindhamn, 1987; Säljö, 1991). Le niveau de performance de l’enfant et les stratégies qu’il met en œuvre sont sus- ceptiblesdedifférerselonquesonpartenaireseprésentecommeunenseignant, un expérimentateur, un conteur, etc. L’importance de la situation de question- nementestégalementmiseenévidencedanslecasparticulieroùils’agitdetrai- terdeproblèmesabsurdes(MartinsetNeto,1990;Giosué,1991).Danslepro- longement de ces observations apparaît alors l’importance du «contrat didactique»(Brousseau,1988;Chevalardetal.,1988;Schubauer-Leoni,1986a, 1986b; Schubauer-Leoni et Perret-Clermont 1997). On observe effectivement quelarelationmaître-élèveestgéréeparunesériederèglesimplicites(Forman, 1989) qui légitiment les attentes des uns et des autres, définissent les rôles res- pectifs,permettentdeconstruirel’objetdediscourscommunetdegéreruneat- tentionconjointesurlesmêmesactionsetopérations. Ainsi, au fur et à mesure que les recherches sur les processus de compréhen- sion de l’enseignement des mathématiques, et plus largementsur le rôle des in- teractionssocialesetdescommunicationsdansl’appropriationdeconnaissances, s’affinent,onvoitmuterleparadigmederéférence:unepremièregénérationde recherches pose ces questions en termes de facteurs indépendants externes (na- ture de la tâche, consignes de travail, caractéristiques des dyades, etc.) suscep- tiblesd’affecterleniveaudesperformancescognitivesouscolairesdessujets;tan- dis que la deuxième génération d’études reformule cette problématique en mettant l’accent sur les caractéristiques des processus de communication, et sur l’insertion sociale des interactions qui permettent (ou non) aux partenaires de construire un objet commun de discours et de réflexion, voire d’apprentissage (Perret-Clermont, Perret et Bell 1991; Pléty, 1996; Grossen et Py, 1997; Kum- pulainemetMutanen,1999;PeixotoetMonteiro,1999;César,2000c;vander Linden et al., 2000). Cette dernière perspective rejoint d’ailleurs les propos de Piaget, en 1965 déjà, sur la nécessité qu’ont les sujets, pour se comprendre, de partager des signes ou des significations communs; ou ceux de Rommetveit (1976) ou deWertsch (1991) sur la construction de l’intersubjectivité entre les locuteurs, indispensable pour qu’ils puissent se comprendre et, à partir de là, construireéventuellementdenouvellesconnaissances. Smith(1996,p.118)metenévidenceencoreunautreaspectquinoussemble essentiel: «une communication réussie ne nécessite pas que les deux partenaires qui prennent part à l’échange acceptent le point de vue de l’autre puisqu’il est Revue suisse des sciences de l’éducation 3/2000 447 Thema possible qu’il s’agisse d’un désaccord rationel. Nous dirons plutôt qu’une com- municationestréussiesichacuncomprendlapenséedel’autre».1Ils’agitalorsde conflits socio-cognitifs: être, dans l’ici et le maintenant, confrontés à la pensée d’autrui oblige à réfléchir la perspective propre en relation avec des alternatives et,parlamême,àenapprofondirlacompréhensionvoireàlaremettreencause. EnfinlarelecturedelathéoriedeVygotskyinviteaussiàunepriseencompte delazoneproximalededéveloppement(parex.RogoffetWertsch,1984;Moll, 1990;AllaletDucrey,2000):unélèvebénéficiedel’interactionavecunpairplus compétent seulement lorsque celui-ci le rejoint dans sa zone de développement potentiel. Pourtant, dans d’autres études citées ci-dessous, la simple interaction avecunpair,mêmemoinscompétent,estsusceptibled’êtrebénéfiquesurleplan cognitif.Alorsquelestlerôledecepartenaire? Investigations Démarche et population L’objectif de la démarche de l’étude présentée ici, et qui s’est déroulée sur deux ans, est d’examiner, à travers des études de cas, dans des classes d’école portu- gaises,deuxhypothèsespsycho-pédagogiquesgénérales,àsavoirqueletravailen dyadesestsusceptibledesusciter,engénéral,demeilleuresperformancesquele travailindividuel(Hypothèse1),etdefaireprogresser,surleplanindividuel,les élèves entre le pré-test et le post-test (Hypothèse 2). Il s’agit aussi d’examiner si travailindividuelouendyadessuscitelerecoursàdesstratégiesderésolutiondif- férentes; et si la modalité de relation imposée aux dyades affecte les progrès des sujetssurdestâchesmathématiques;devoirenfinsilesconsignesdetravaildon- néesauxélèvesaffectentleursinteractionsetleursproductions. Tous les sujets sont soumis aux mêmes tâches, inspirées par le programme d’enseignement des mathématiques – en fait plus spécifiquement des équations – en 7e année. Ils appartiennent à des classes portugaises de l’enseignement ré- gulierdiurne.Chaqueétudedecasconsisteenl’observationdeclassesdifférentes soumises à des conditions de travail (dites «conditions expérimentales» diffé- rentes)etdontlescaractéristiquessontrésuméesplusloindansletableau1.Pour consoliderlesrésultats,larécoltededonnéesdelasecondeannéed’étudesaété organisée en répliquant les deux conditions qui se sont avérées les plus fruc- tueuses(lesdyadesavecinteraction;etlesdyadessimultanémentencompétition inter-dyadesetcoopérationintra-dyades). La recherche s’est déroulée dans dix classes (227 élèves) de 7e année scolaire d’une école officielle de la zone de Lisbonne. Cette école a été choisie parce qu’ellerecruteunepopulationhétérogènedupointdevuesocio-économiqueet culturel, et parce qu’elle connaît un taux d’échecs scolaires et de difficultés en mathématiquesconformeàlamoyennedelapopulationscolaireportugaise.Ne sont pas inclues dans l’étude les classes relevant de l’enseignement spécial, ni 448 Schweizerische Zeitschrift für Bildungswissenschaften 3/2000 Thema celles comprenant beaucoup d’élèves dont l’âge s’avère nettement supérieur à l’âgeofficieldela7èmeannée.Lesclassesontenmoyenne28à30élèves.Pour l’analyse des données on a dû laisser cependant tomber les élèves qui n’ont pas passétouteslesépreuves. Instruments Deuxtypesdetâchessontutilisées,toutesenlienaveclechapitreduprogramme relatifauxéquations.Unpremiertypedetâches,dites«habituelles»(H),ontété jugéesparlesprofesseurscommetypiquesdecellesqu’ilsutilisentenclasse.Dans la littérature, ces tâches sont souvent désignées comme «des exercices» puisque lesélèvesdoiventyprocéderàl’applicationdesrèglesderésolutiondeséquations qu’ilsontapprisesantérieurementlorsdesleçonsdemathématiques.Uneétude pilote a permis de tester ces exercices et d’en faire deux versions de difficultés semblables (H1 et H2): la première est soumise aux élèves en pré-test et la deuxièmeenpost-test. Exempledetâchehabituelle(H) Essaiederésoudreetdedonnerlerésultatdes équationssuivantes: 1-x+300=2000+700 2-3000=600+x 3-2000+3x=400+5x 4-500+400+7x/2x=1200+2x/2+3x 5-4(5+x)=48 6-6x+3x-x=12-(-x+7) 7-2/3(y+5)=7/2 8-10-x-6+2x/5=4 2 L’autretypedetâches,«non-habituelles»,(NH)correspondàcequelalittérature désignecommedes«problèmes».Ils’agitdetâchesàrésoudreenseréférantàla métaphoredelabalance,métaphorequi,aumomentdelaprésenteétude(réali- sée avant la mise en application des nouveaux curriculums scolaires), n’est pas encoreutiliséedanslesmanuelsportugaisdisponiblesniparlesenseignants.Ces problèmes sont présentés selon un ordre de difficulté croissant.Tant les tâches «habituelles»que«non-habituelles»ontdoncportésurdeséquationsdupremier degré,typiquesducurriculumde7eannée. Revue suisse des sciences de l’éducation 3/2000 449 Thema Exempledetâchenon-habituelle(NH) Essaie de répondre aux questions suivantes en expliquant toujours commenttuasfait.Mercipourtacollaboration. 1 - Monsieur Costa a une épicerie dans un petit village qui s’appelle S. António de Penacova. Sa fille est en 7e année scolaire et elle est en train d’apprendre a résoudre des problèmes. Monsieur Costa n’est jamais allé à l’écolesecondairemaisiladécidéqu’ilallaitaidersafille.Alors,ilaprisune balance à deux plateaux qu’il avait encore à l’épicerie et une boîte avec des poids. Les poids variaient entre 250 grammes et 10 kilos. Dans chaque cas répondsàlaquestionqu’onteposeetexpliquetoujourscommenttuesar- rivéàcerésultat.Tupeuxutilisern’importequeltypedereprésentation. a)-Surleplateaugauchejemetsunpoidsdeplusd’undemi-kilo;sur le plateau droit je mets trois kilos. La balance est équilibrée. Combien pèse lepoidsquej’aimisàgauche? b) - Sur le plateau gauche je mets 5 poids tous égaux et pour équili- brerlabalancejedoismettresurl’autreplateauunpoidsdetroiskilosavec unautrepoidsde750grammes.Combienpèsechacundespoidsquej’aimis surleplateaugauche? c)-Jechoisis8poidségaux,etjemets6poidssurleplateaugauche et2surleplateaudroit.Pouréquilibrerlabalancejedoisencoremettredeux kilos de plus sur le plateau droit. Combien vallait chacun des poids que j’avaisinitialementchoisis? d)-Surleplateaugauchej’aiunpoidsde6kilosetsurleplateaudroit jevaismettreunesériedepoidsdemêmetaille.Maisquandj’arriveà22de ces poids, je remarque que je n’ai plus assez de ces poids et que la balance n’est pas encore équilibrée. Je sais que si je pouvais retirer aux 6 kilos deux poids égaux à ceux du plateau droit, j’aurais la balance en équilibre. Com- bienvallaitchacundecespoidsduplateaudroit? C’estunprofesseurdemathématiquesinconnudesélèvesquifaitpasserlesses- sions initiale et finale: pré-test et post-test. Les sujets répondent individuelle- mentetleursperformancessontclasséessuruneéchelleentroisniveaux:faible, moyen et élevé. Les 1 à 3 sessions intermédiaires au cours desquelles les élèves sontinvitésàrésoudrelestâches«nonhabituelles»sontdirigéesparuneexpéri- 450 Schweizerische Zeitschrift für Bildungswissenschaften 3/2000 Thema mentatrice(unepsychologueextérieureàl’école),selondesconsignesquivarient enfonctiondesconditionsexpérimentalesdechaqueétude(voirletableau1).La session intermédiaire (NH2) est enregistrée. Lors de chaque session, on récolte les feuilles de réponse des élèves qui ont été priés d’écrire tout ce qu’ils pensent utileàlaréponseetdenepaseffacermaisdesimplementtracerlesélémentsde leursréponsesqu’ilspourraientvouloirmodifier. Conditions de travail («conditions expérimentales») de chaque étude de cas Le tableau 1 décrit les différentes conditions dans lesquelles les enfants ont été invitésàtravaillerdanschaqueétudedecas. Cesdifférentesétudesdecasontétéconçuesdanslebutdeconduireuneen- quête pilote d’observation qualitative de l’influence de la modalité de constitu- tiondesdyades,etdesconsignesquileurétaientdonnées,surleursinteractions, leurs performances ainsi que sur les progrès subséquents de leurs membres. Au départdecetteenquêtedanslesclassesportugaises,leschercheursn’avaientpas d’hypothèses suffisamment précises (ni de budget!) pour envisager à ce stade d’interroger de grands nombres de sujets dans chaque cas. Nous présentons maintenantlesconditionsexpérimentalesdechacunedecesétudes: Premièreannéed’enquête: -EtudedecasN°1: Deuxconditions:dyadessymétriquesversusasymétriquesquantauxniveauxres- pectifsdessujetsaupré-test -EtudeN°2: Troisconditionsdedyadestravaillantselondifférentesmodalitésdecollaboration: 1) Lesenfantssontinvitésàrépondreensemblesurlamêmefeuilleeninteragis- sant, sans que l’expérimentatrice n’impose de contraintes à leur modalité de relationetdecommunication(DI). 2) Les enfants commencent par répondre séparément et ensuite doivent se mettre d’accord sur la meilleure des deux réponses qui sera alors fournie à l’expérimentatrice. 3) Les enfants commencent par répondre séparément, c’est-à-dire individuelle- ment, et ensuite élaborent une réponse collective sur une troisième feuille qu’ilsremettentàl’expérimentatrice. -EtudeN°3: Quatreconditions: 1) Lesdyadestravaillentensemble(DI). 2) Les élèves d’une dyade travaillent côte à côte sans interaction verbale et en pouvantseulementregardercequefaitl’autremaissansenparler(DSI). 3) Chaqueélèvetravailleindividuellement. 4) Ungroupecontrôleestconstituéd’élèvesnefaisantpascestâches. Revue suisse des sciences de l’éducation 3/2000 451
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