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L'inversion « locative » en français, italien et anglais PDF

23 Pages·2005·0.16 MB·French
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L’inversion « locative » en français, italien et anglais : propriétés syntaxiques, sémantiques et discursives * Francis Cornish** This article aims to isolate the internal syntactic, semantic and discourse properties of the so-called « locative inversion » construction in three languages : French, English and Italian. Its goal is to demonstrate that the syntactic and semantic properties of each of these three components are determined by the specific external function of the construction within the wider discourse : namely, to set up a background situation which will serve as context for the foreground action strand. Cet article vise à mettre en évidence les propriétés syntaxiques, sémantiques et discursives de la construction communément appelée « l’inversion locative » dans trois langues : le français, l’anglais et l’italien. Son objectif est de démontrer que les propriétés syntaxiques et sémantiques de chacune de ces trois composantes sont tributaires de la fonctionnalité discursive externe particulière de la construction au sein du contexte discursif plus large : à savoir, celle d’installer une situation d’arrière-plan qui servira de contexte pour la trame actionnelle de premier plan. * Cet article a vu le jour en tant que communication orale à l’occasion des « Journées de Syntaxe » du laboratoire de recherche ERSS à l’Université Montaigne de Bordeaux, les 26 et 27 octobre 2001. Je remercie particulièrement, d’une part, Marie-José Béguelin, Michel Charolles et Christian Molinier, et d’autre part, Anne Le Draoulec et Frédéric Lambert (coordonnateurs de ce numéro de Cahiers de Grammaire) pour leurs remarques et corrections, qui m’ont été fort utiles. Bien entendu, je suis seul responsable pour toute erreur qui pourrait subsister. ** ERSS, UMR 5610 et Université de Toulouse-Le Mirail Cahiers de Grammaire 26 (2001), « Sémantique et Discours », pp. 101-123 Francis Cornish 1. Introduction Dans cet article, j’examine en détail les propriétés syntaxiques, sémantiques et discursives de l’inversion « locative » du sujet et du verbe/V´ dans les propositions principales. La qualification « locative » tient au fait que dans ce genre d’inversions, le verbe est généralement précédé d’un syntagme adverbial (un SP locatif ou temporel). Mon but est de démontrer que ces propriétés découlent de la fonctionnalité discursive externe de cette construction. Pour avoir une vue plus globale de la construction, je vais comparer les faits que l’on peut observer dans plusieurs langues (notamment, le français, l’anglais et l’italien). Le plan de l’article sera le suivant : d’abord, une vue d’ensemble de ce phénomène basée essentiellement sur des données françaises (nous limitant à l’inversion sujet lexical-verbe « plein »), en spécifiant quelques-unes de ses propriétés distinctives. Ici, je dégagerai les propriétés essentielles des quatre caractéristiques majeures de cette construction : la nature du verbe impliqué (§2.1), le type syntaxique de SN sujet, ainsi que sa relation avec le verbe qui le précède (§2.2), puis la nature et le rôle du SP locatif ou temporel antéposé (§2.3), ainsi que l’incidence de la structure informationnelle sur la construction dans son ensemble (§2.4) ; suivra une partie consacrée à des données comparables en italien, selon les hypothèses de Carminati (2001) et de Pinto (1996) (section 3), puis une section consacrée aux propriétés de l’inversion locative en anglais (section 4). La section 5 examinera les caractéristiques proprement discursives de l’inversion sujet-verbe. Dans la conclusion (§6), je tâcherai de rendre compte des propriétés systémiques (syntaxiques et sémantiques) évoquées dans les sections 2 à 4 en fonction des caractéristiques et finalités discursives et pragmatiques de la construction. 2. Quelques propriétés syntaxiques, sémantiques et discursives de l’inversion sujet-verbe en français 102 L’objectif d’ensemble de cet article est de montrer, en m’appuyant sur les faits d’inversion sujet-verbe dans trois langues, que des trois schémas suivants, qui représentent les relations entre pragmatique, sémantique, et (morpho-)syntaxe, c’est le schéma 3 qui est le bon. A ce sujet, Dik (1997) annonce bien au début de son livre qu’il retient le schéma 3 comme modèle, mais en pratique, son système de dérivation des expressions bien formées dans telle ou telle langue adopte tacitement le schéma 2. Schéma 1 : LEXIQUE-SYNTAXE Schéma 2 : LEXIQUE-SÉMANTIQUE ⇓ ⇓ SÉMANTIQUE SYNTAXE ⇓ ⇓ PRAGMATIQUE PRAGMATIQUE (Conception de Chomsky) (Conception de Dik, 1997) Cahiers de Grammaire 26 (2001) L’inversion « locative » en français, italien et anglais Schéma 3 : PRAGMATIQUE (‘Niveau Interpersonnel’) ⇓ SÉMANTIQUE (‘Niveau Représentationnel’) ⇓ (MORPHO-)SYNTAXE (‘Niveau de l’Expression’) (Conception de Hengeveld, 2002) L’inversion du sujet et du verbe se produit (en français) dans plusieurs types de contextes ; cependant, l’inversion que l’on trouve dans ces contextes diffère de l’inversion locative sur plusieurs points (notamment par le fait d’impliquer, selon le cas, une « copie » pronominale clitique du sujet qui s’intervertit avec le verbe (le cas des interrogatives totales directes, et de l’inversion suivant la présence d’un adverbe modal en tête de proposition) ; de plus, dans plusieurs de ces contextes (celui des interrogatives directes totales, celui de l’adverbe modal en tête de proposition, et celui où l’inversion se produit après une citation en discours direct)1, l’inversion peut impliquer soit un verbe « plein », soit un auxiliaire. Dans ce dernier cas, à la différence de l’inversion locative, le sujet postposé est nécessairement un pronom clitique, et le verbe lexical avec ses dépendants n’est pas concerné par le processus. Le type d’inversion qui se rapproche le plus de l’inversion locative est l’inversion sujet-V´, où le sujet s’intervertit non avec le seul verbe de sa prédication, mais avec celui-ci et ses dépendants immédiats (SP compléments et/ou modifieurs, mais non objet(s), cette inversion étant restreinte aux verbes non transitifs au sens strict) ; ex. : Sont admis en seconde année les étudiants non compensés en première. Ici le sujet les étudiants non compensés en première se place, non immédiatement à droite du verbe admis, mais de l’ensemble verbe + le SP en seconde année. Cette inversion est connue dans la littérature sous le nom d’« inversion stylistique », et semble réservée, dans 103 l’usage quotidien, à l’écrit de type administratif ou juridique2. A la différence de l’inversion locative, la présence d’un syntagme antéposé sous-catégorisé par le verbe n’est pas nécessaire pour qu’elle se produise. Il est remarquable que tous ces contextes (en dehors de la structure interrogative) sont caractéristiques de l’écrit relativement formel - l’inversion semble être assez rare dans les discours oraux non-planifiés (toutefois, voir la note 2 à cet égard). 1 Voir Riegel et al. (1994, §4.3.4.3, pp. 133-139) pour plus de détails sur les différents types d’inversion impliquant sujet et verbe en français. 2 Frédéric Lambert me fait remarquer que les récits oraux peuvent fort bien manifester des inversions, du genre arrive le type, passent alors trois ou quatre voitures, mais que celles-ci sont contraintes au niveau du temps verbal (le présent et le futur sont sans doute les seuls permis). Cahiers de Grammaire 26 (2001) Francis Cornish Concernant la relation générale qui existe entre les trois langues étudiées ici, il apparaît que l’italien est la plus « libérale » des trois3, tous les verbes italiens (à l’exception toutefois de la copule, essere ‘être’), quels qu’ils soient (intransitifs, inergatifs, transitifs…), permettent l’inversion, sans qu’il soit nécessaire de la faire précéder d’un élément particulier (adverbe, SP locatif ou temporel, pronom ou adverbe interrogatif ou relatif, subordonnant, etc.). Ensuite, le français se placerait en deuxième position, l’inversion dans cette langue étant possible dans un sous-ensemble assez large des contextes linguistiques que permet l’italien (ceux décrits brièvement ci-dessus, par exemple) ; et l’anglais se situerait en troisième et dernière position, l’inversion stylistique étant bien plus restreinte dans cette langue qu’elle ne l’est en français4 ; et les contextes formés par la présence en tête de proposition (principale ou enchâssée) d’un pronom ou adverbe interrogatif ou relatif (ex. *When leaves the next train for Paris ? ‘Quand part le prochain train pour Paris ?’ – ex. de Riegel et al., 1994 : 134) et par celle d’un subordonnant de but, de condition, etc. (ex. *Bathing is permitted, on condition that are respected the basic rules ‘La baignade est autorisée, à condition que soient respectées les règles élémentaires’) excluent complètement l’inversion. Le Tableau 1 ci-dessous illustre cette relation globale entre les trois langues, concernant l’inversion sujet-verbe : Tableau 1 : Relations entre les contextes linguistiques permettant l’inversion sujet-verbe en italien, en français, et en anglais italien > français > anglais 2.1. Le type de verbe impliqué dans les inversions L’inversion sujet-verbe n’est généralement possible en français et en anglais que lorsque le verbe en jeu est intransitif5. Sont donc concernés à ce titre les 104 verbes intransitifs désignant l’existence ou l’apparition ou la disparition 3 Cependant, voir la section 3 plus loin pour une pondération de cette affirmation. 4 Un exemple pourrait être l’équivalent anglais de l’illustration de l’inversion stylistique en français donnée plus haut : *Are admitted to the second year students not compensated in the first ; cependant, des exemples comme Enter a knight ‘Entre un chevalier’ (comme indication scénique dans une pièce de théâtre) seraient possibles. 5 Mais ceci ne semble pas être le cas dans d’autres langues romanes, qui permettent la non-réalisation du sujet pronominal – l’espagnol, l’italien et le catalan, par exemple ; cependant, dans le cas d’une inversion du sujet d’un verbe transitif, la portée du focus sera nécessairement étroit (Pinto, 1996). Pour les exceptions à la condition du verbe intransitif concernant le français, voir Korzen (1996) et Hobaek Haff (2000). La postposition du sujet avec un verbe transitif était possible en ancien français, selon Fournier (2001 : 96), mais avait disparu dès le premier tiers du XVIIème siècle. Cahiers de Grammaire 26 (2001) L’inversion « locative » en français, italien et anglais d’une entité, les verbes « inaccusatifs » ou « ergatifs »6, les verbes passifs (surtout ceux qui sont interprétables comme statifs-résultatifs), les verbes pronominaux, les verbes attributifs ou copules, et de façon plus générale, des verbes pouvant s’interpréter en contexte comme « légers », du point de vue de leur contribution informative. Pour Levin & Rappaport Hovav (1996, 245), le dénominateur sémantique commun à tous ces verbes est la dénotation d’existence ou d’apparition d’une entité ou d’un état de choses, et le critère discursif sous-jacent, celui de la « légèreté » de l’apport d’information associé à ces verbes. Voici quelques exemples tirés du français : (1) a Dans une clairière se voyait une coquette chaumière7. b Au fond d’une cour se dressaient de vétustes baraquements. c Sur le mur pendait une antique crémaillère. d Dans le lointain coulait lentement un pétrolier rafistolé. e Dans le jardin accoururent soudain trois jeunes garçons aux pieds nus. f Sur la porte était gravée en lettres gothiques une inscription mystérieuse g Tapi dans un tas de feuilles mortes était un oiselet rougeâtre. h Dans ce bureau travaillent quatre personnes. Les verbes de (1a,b) sont des verbes pronominaux, à interprétation stative ; c’est le cas également du verbe intransitif simple pendre en (1c), du passif statif-résultatif être gravé en (1f) et de la copule en (1g). Dans (1d), le verbe de changement d’état couler est un verbe « inaccusatif », entrant dans des constructions intransitives (un pétrolier rafistolé coulait lentement dans le lointain) et transitives-causatives (le sous-marin ennemi a coulé un pétrolier rafistolé), et permettant il explétif en position sujet préverbale. Le verbe de mouvement accourir en (1e), enfin, est un verbe traduisant l’apparition du référent de son sujet (l’ensemble des trois garçons dont il s’agit ici). Les exemples (1a-d et f-h) servent essentiellement à signaler au lecteur l’existence des référents à l’œuvre (leurs verbes pourraient tous être remplacés par une forme de la locution présentatrice il y a, alors que (1e), 105 comme on l’a vu, fonctionne pour en indiquer l’apparition (soudaine)). A noter que le temps-aspect le plus fréquent avec lequel les verbes en jeu sont construits dans ce mini-corpus est l’imparfait (exemples (1a-d) et (1f,g)), dont la valeur « stative » et non dynamique est bien connue. (1h) contient un verbe « inergatif » (travailler) qui peut apparaître dans cette construction au prix d’une certaine « désémantisation ». 6 Pour une étude en profondeur de ce type de verbe en anglais, voir Levin & Rappaport-Hovav (1996). 7 F. Lambert s’interroge sur la grammaticalité de cet exemple, ainsi que sur celle de (1) d et g. Cependant, j’ai décidé de les retenir ici néanmoins, étant donné que la majorité de mes relecteurs linguistes francophones les ont acceptés. C. Molinier me signale que (1g) est une construction archaïque et littéraire, mais « française » tout de même. Cahiers de Grammaire 26 (2001) Francis Cornish Dans trois cas (ceux de (1a), de (1b) et de (1g)), la variante non- inversée aurait été soit peu naturelle, soit franchement agrammaticale (#Dans une clairière une coquette chaumière se voyait ; #Au fond d’une cour, de vétustes baraquements se dressaient ; *Tapi dans un tas de feuilles mortes, un oiselet rougeâtre était) ; dans les cinq autres exemples, elle serait par contre parfaitement recevable. La raison de ce contraste, je l’attribuerais au fait que les verbes pronominaux se voir, se dresser et bien entendu être, dans les trois exemples problématiques ne sont pas suffisamment autonomes, du point de vue sémantique, pour pouvoir se placer en position de focus en fin de proposition (position dans laquelle ils auraient nécessairement une fonction prédicative) ; en revanche, les cinq autres verbes concernés (pendre, couler, accourir, (être) gravé et travailler) ont chacun un sémantisme spécifique qui leur permet de se placer dans cette position focale (prédicative, donc) dans la phrase. Cependant, il faut dire que dans chacun de ces cas, la phrase/énoncé qui en résulte serait bien plus naturel(le) et acceptable si le SP locatif ou temporel se trouvait dans sa position canonique, à droite du verbe8. Nous pouvons donc dire, avec Levin & Rappaport Hovav (1996, 230), que c’est le fait de relever d’une inversion qui donne à ces verbes une interprétation informationnellement « légère ». Ces auteurs font valoir en plus que, pour que l’inversion soit recevable, le sens du verbe interverti doit caractériser le référent du SN sujet postposé : autrement dit, il faut qu’il y ait un effet de redondance dans la relation sujet-verbe, le verbe traduisant une activité ou un état caractéristiques du type d’entité que représente le référent du sujet. Cette propriété est bien entendu étroitement liée au critère de « légèreté informationnelle » que doit assumer en contexte le verbe en question. 2.2. La forme syntaxique du sujet inversé, et sa relation avec le verbe D’abord, le sujet postposé n’est pas obligé de se placer immédiatement 106 à droite du verbe concerné : (1d), (1e) et (1f) montrent clairement qu’un adverbe ((1d, e)) ou un SP modificateur ((1f)) peuvent se coller au verbe. La situation ici se rapproche donc du cas de figure qui prévaut en ce qui concerne l’inversion stylistique, la seule différence étant que cette dernière n’a pas besoin d’un adverbial locatif ou temporel antéposé pour pouvoir se faire. C’est donc le sujet et le groupe verbal (V′) qui s’intervertissent. Du 8 Christian Molinier m’indique la paire d’exemples suivante avec le verbe travailler, où l’ordre sujet-verbe, comme dans (i), se laisse aisément interpréter comme ayant une valeur temporelle actualisée (où les personnes en question sont actuellement au travail au moment de l’énonciation), interprétation qui est exclue dans (ii), qui manifeste l’ordre verbe-sujet. Ici, seule l’interprétation « habituelle » semble possible : (i) Dans ce bureau quatre personnes travaillent. (ii) Dans ce bureau travaillent quatre personnes. Cahiers de Grammaire 26 (2001) L’inversion « locative » en français, italien et anglais point de vue théorique, il est d’ailleurs plus économique de postuler que c’est uniquement le sujet qui se déplace dans cette construction, le verbe ou groupe verbal restant in situ. Mais la tradition générativiste propose une analyse différente, comme on va le voir9. Culicover & Levine (2001) argumentent qu’il y a en fait deux constructions à inversion sujet lexical-verbe plein (en anglais) : d’une part, ce qu’ils appellent l’« inversion légère », qui est censée ne concerner que les seuls verbes inaccusatifs, et où le sujet doit être également « léger » (c’est-à- dire, non complexe syntaxiquement) ; et d’autre part, « l’inversion lourde », qui est en fait une forme de « déplacement des SN complexes ». Syntaxiquement, l’inversion légère placerait le SP locatif sous-catégorisé en position sujet (Spécifieur de I´´) et le SN ‘sujet’ postverbal se trouverait en position sœur de V, à sa droite dans le SV, d’où il ne bouge pas au cours de la dérivation. Voir la Figure 1 plus bas. Cette analyse est problématique, cependant, en ce qu’elle a pour conséquence qu’il y aura deux sujets dans cette construction, ce qui est clairement erroné. L’analyse dans le cadre de la Grammaire Fonctionnelle de Dik serait préférable, qui placerait le SP antéposé dans la position spéciale P1(voir (4) à la page 109 plus loin), laissant au SN postposé sa fonction première de sujet. Fig. 1 : Dérivation de « l’inversion légère » selon Culicover & Levine (2001, (1), p. 284) [ e [ I [ V N´´ P´´…]]] → I´´ I´ V´´ suj [ P´´ [ I [ V N´´ t…]]] I´´ i I´ V´´ suj i Par contre, l’inversion lourde verrait le SP locatif se déplacer à gauche en position ‘topicale’ (Spécifieur d’une I´´ adjointe à gauche de la I´´ préexistante) ; et le N´´ sujet se déplacerait à droite du V´´, créant un nouveau V´´ par adjonction. Voir la Figure 2 : 107 Fig. 2 : Dérivation de « l’inversion lourde », selon Culicover & Levine (2001, (2), p. 284) [ e [ I [ N´´ V P´´…]]] → I´´ I´ V´´ suj [ N´´ [ I [ t V P´´…]]] → I´´ suj iI´ V´´ i [ t [ I [ [ t V P´´…] N´´ ]]] → I´´ i I´ V´´ V´´ i suj i [ P´´ [ t [ I [ t V t…] N´´ ]]] I´´ j I´´ i I´ V´´ i j suj i Comme dans le cas du SP antéposé dans la Fig. 1, on pourra utilement analyser le P´´ locatif de la Fig. 2 comme occupant une des positions 9 De même, Korzen (1996) soutient que dans le cas de l’inversion sujet lexical- verbe plein, c’est en fait « l’unité prédicative minimale » (le verbe et ses dépendants) qui se déplace avant le sujet. Cahiers de Grammaire 26 (2001) Francis Cornish universelles fonctionnelles prévues par la Grammaire Fonctionnelle, et présentées dans (4) (p. 109) : ici, ce serait la position détachée à gauche P2 que ce P´´ occuperait – mais uniquement au cas où ce P´´ n’est pas sous- catégorisé par le verbe inversé (voir le §2.3 plus bas pour une discussion plus développée de ce point). Concernant le sujet postposé, les Figs. 1 et 2 font apparaître qu’il occupe une place structurale distincte dans les deux cas de figure. Toutefois, il ne semble pas y avoir de raison particulière pour fonder cette différence, la position finale P0 prévue dans (4) étant préférable pour les deux situations. Le sujet postposé dans les huit exemples donnés sous (1) est morphologiquement indéfini, une forme de l’article indéfini (ou un déterminant numéral non-défini, dans le cas de (1e,h)) étant employé à chaque fois. Ceci n’est cependant pas obligatoire dans ce contexte, le facteur important étant que le référent de ce SN constitue de l’information discursivement nouvelle et non topicale, une fois mis en relation avec son contexte immédiat. Ce syntagme peut donc être morphologiquement défini (SN défini ou démonstratif), mais ne peut à l’évidence pas être constitué d’un pronom défini de 3ème personne (ordinaire ou démonstratif), qui suppose que son référent potentiel soit déjà hautement activé, psychologiquement, pour l’allocutaire. En cela, l’inversion sujet lexical-verbe « plein » se distingue nettement de l’inversion sujet pronominal-auxiliaire/verbe (dans les structures interrogatives, ou bien après un adverbe modal en tête de phrase). Plus le SN sujet est long et complexe, plus son positionnement à droite et non à gauche de son verbe est motivé (il s’agirait dans ce cas de l’« inversion lourde » de Culicover & Levine, 2001). Du point de vue du flux d’informations que doit assurer le texte dans le cadre d’une communication donnée, ceci est prévisible, car si l’apport d’informations associé à un SN est relativement plus important, il tendra à être interprété comme rhématique (information nouvelle, relativement au contexte) et non thématique ; et la position par défaut où l’on place les constituants ayant ce type de fonction est 108 généralement vers la fin et non au début ou au milieu de la proposition- énoncé. 2.3. La présence vs absence d’un adverbial antéposé d’un certain type Borillo (2000, 88), Ono (2001) ainsi que d’autres linguistes font valoir que les verbes (locatifs dans leurs études) qui sous-catégorisent un SP complément (locatif ou temporel dans le cas présent) s’intervertissent avec leur sujet lorsque ce complément est antéposé10. On peut comparer à cet égard les exemples (2) et (3), comportant respectivement les verbes se trouver et flamber : 10 Voir aussi à cet égard Birner & Ward (1998, 31), qui observent que l’antéposition de constituants « lexicalement gouvernés » est plus contrainte que celle d’autres types de constituants, plus simplement modificateurs. Cahiers de Grammaire 26 (2001) L’inversion « locative » en français, italien et anglais (2) a Dans l’armoire se trouvaient les chaussures. b *Dans l’armoire les chaussures se trouvaient. (Nølke, 1995, ex. (36)). (3) a Dans une large cheminée flambait un grand feu. b Dans une large cheminée, un grand feu flambait. (Borillo, 2000, ex. (10)). Etant donné que, là où (comme dans (2a)) un SP antéposé est sous- catégorisé par un verbe (*Les chaussures se trouvaient), l’inversion est quasiment obligatoire (voir (2b), par opposition à (2a)), on pourra postuler que le SP locatif antéposé est placé dans la position structurale dénommée « P1 » dans la Grammaire Fonctionnelle. Celle-ci est la position initiale dans la proposition, réservée aux expressions qui relèvent d’un traitement spécial (surtout pour des raisons pragma-discursives). C’est dans cette position que, par défaut, les sujets sont placés dans la mesure où ils expriment, comme c’est généralement le cas, le topique au niveau phrastique. (4) présente la grille des positions structurales intra-propositionnelles, grille que j’ai augmentée d’une position P0, proposée pour l’analyse des propositions bulgares par Stanchev (1997), mais qui est à l’évidence également pertinente trans-langagièrement. Les positions marquées par P2 et P3 sont des positions détachées, en dehors de la proposition. Les parenthèses indiquent les positions relatives possibles des verbes à travers les langues : (4) P2, [ P1 (V) S (V) O (V) P0], P3 PROP Or, étant donné que P1 dans (2b) est occupée par le SP locatif en tant que quasi-topique, le SN sujet ne peut pas également s’y trouver. Ceci ne serait pas le cas si le SP (qui ne serait plus dans ce cas sous-catégorisé par le verbe de sa proposition) devait occuper la position extra-propositionnelle P2, à gauche de la P1, comme dans (3a,b). Comme le verbe flamber ne sous- catégorise pas le SP locatif dans une large cheminée, l’inversion n’est nullement obligatoire (voir l’exemple (3b), bien formé). Le SP dans une 109 large cheminée est donc placé dans P2, une position immédiatement à gauche de la proposition proprement dite, prosodiquement détachée par rapport à cette dernière, rendant ainsi libre la position P1 pour contenir le SN sujet : de fait, comme le signale Borillo (2000, 87), il n’y a aucune obligation qu’il y ait inversion sujet-verbe ici, comme il en existe lorsque le locatif antéposé est sous-catégorisé par le verbe en question. Comme l’indiquent Birner & Ward (1998, 32), les syntagmes locatifs et temporels antéposés qui ne sont pas sous-catégorisés par le verbe de leur proposition (qui donc, par hypothèse, se trouvent dans P2) servent souvent à indiquer le contexte spatio-temporel de telle ou telle éventualité. Ceci relève donc de la fonction ‘Thème’ chez Dik (1997, ch. 13) que des constituants occupant la position P2 peuvent remplir. De plus, étant donné que la finalité pragma-discursive de cette construction dans son ensemble est de PRESENTER le référent du SN sujet, dans ce cas, Cahiers de Grammaire 26 (2001) Francis Cornish sa position dans ce que Stanchev (1997) propose comme position P0 en fin de proposition est tout à fait motivée (cette position étant celle de constituants exprimant le FOCUS NOUVEAU ou COMPLETIF, ou bien le TOPIQUE NOUVEAU, voir Dik 1997, I, ch. 13 ; Stanchev 1997, 133). 2.4. Incidences structuro-informationnelles de la construction Un facteur central expliquant le statut non-naturel d’exemples comme (2b) est le positionnement en fin de proposition (position Focus) d’un prédicat informationnellement « léger » (sans trait sémantique spécifique susceptible d’être mis en exergue par le biais de ce traitement syntaxique et prosodique) – c’est également la raison de la difficulté, voire l’impossibilité, de la variante non intervertie de (1a,b et g), où les verbes sont se voir, se dresser, et être. Nølke (1995) fait valoir que l’assignation de la fonction focus en français (qu’il soit simple ou spécialisé) implique toujours la mise en place d’un paradigme d’entités établi en fonction du contexte, entités qui sont susceptibles de faire l’objet d’une focalisation, et l’établissement d’un contraste entre un membre de ce paradigme et tous les autres. Il suggère que, là où le focus est assigné à un seul lexème plutôt qu’à un syntagme, l’élément sur lequel opère le focus est le sème SPECIFIQUE qui permet de distinguer cet élément par rapport aux autres éléments à l’intérieur du même champ lexical ou sémantique ; par contre, le(s) sème(s) GENERIQUE(S), qui établit/-ssent la catégorie sortale de l’entité à laquelle le prédicat pourra s’appliquer, est/sont mis en arrière-plan à travers la mise en exergue du sème spécifique qui caractérise le sens du lexème concerné. (5a-f) en sont une illustration (les syllabes en petites majuscules indiquent l’accentuation tonique) : (5) a Dans l’armoire, les chaussures étaient ranGEES. (Ex. (33a) dans Nølke, 110 1995 ; présenté à l’origine dans Borillo, 1990, ex.(a), p. 80) b Dans l’armoire étaient rangées les chauSSURES. (Ex. (33b) dans Nølke, 1995) c A l’horizon, un orage couVAIT. d A l’horizon couvait un oRAGE. e ? #Dans la vallée, une rivière COULE11. f Dans la vallée coule une riVIERE. Le type d’énoncé illustré par les exemples (5b, d et f) est ‘THETIQUE’ (où la proposition dans son ensemble est en focus) plutôt que ‘CATEGORIQUE’ (une structure ‘topique-commentaire’, tel qu’illustré dans 11 F. Lambert me signale que cet exemple ne lui paraît pas vraiment inacceptable, mais il ajoute (fort significativement pour mon hypothèse ici) que ce jugement ne vaut que pour autant que le SP locatif antéposé dans la vallée se trouve dans la position P2 spécifiée sous (4), et non dans P1. Cahiers de Grammaire 26 (2001)

Description:
est de démontrer que les propriétés syntaxiques et sémantiques de chacune f´ On the door was engraved in gothic letters a mysterious inscription.
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