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L’image du loup et du chien dans la Grèce ancienne, d’Homère à Platon PDF

276 Pages·1984·24.598 MB·French
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ASSOCIATION DES PUBLICATIONS PRÈS LES UNIVERSITÉS DE STRASBOURG Caria MAINOLDI L’IMAGE DU LOUP ET DU CHIEN DANS LA GRÈCE ANCIENNE d’Homère à Platon Editions Ophrys, 10, rue de Nesle, 75006 PARIS 1984 s e n è h t A ’ d e l o p o r c A ’ l e d e é s u M - e s s a h c e d n e i h C 5 INTRODUCTION L’intérêt qui est porté au chien et au loup dans notre tradition culturelle remonte loin dans l’his­ toire de la civilisation. Ces deux animaux, qui sont à la fois très proches l’un de l’autre et radicalement différents, symbolisent dans notre mentalité moderne la dichotomie entre état domestique et vie sau­ vage. Mais le chien et le loup ne constituaient-ils pas déjà ces mêmes modèles aux yeux des anciens Grecs et n’incarnaient-ils pas déjà une opposition qui, à nos yeux, apparaît fixée depuis toujours ? Dans beaucoup de civilisations anciennes, les animaux, ces êtres inquiétants à mi-chemin entre la nature, l’humanité et la divinité, étaient pourvus d’une personnalité propre, représentative des valeurs fonda­ mentales dans la conception du monde. En Grèce, cette constatation s’impose avec une grande évi­ dence, que l’on considère les textes écrits ou les documents figurés. Dans notre enquête, nous avons donc essayé de cerner la conception que l’on avait du chien et du loup dans la Grèce archaïque et classi­ que, et de reconstruire leur image respective. Il s’agissait en particulier de savoir si même en Grèce la dichotomie entre condition domestique et sauvagerie était déjà conçue sur le modèle de l’opposition entre ces deux animaux. Dans le domaine des études grecques, les animaux ont souvent retenu l’attention des spécialistes qui en ont analysé la place et le statut, surtout dans le domaine de la mythologie. La première phase des études modernes sur les animaux dans le monde grec a été marquée par les travaux d’inspiration positi­ viste d’Otto Keller (1), qui a réuni autour de chaque animal les données qui lui venaient de la littérature ancienne ou récente, grecque et romaine, et en partie des documents iconographiques. Le mérite princi­ pal de ses ouvrages est d’ordre documentaire, par la constitution d’amples répertoires. Les critères d’analyse dérivent de l’idéologie scientiste de l’époque, surtout en ce qui concerne l’intérêt porté aux Realien, typique de l’école philologique allemande du siècle dernier. Depuis les travaux de Keller où les animaux formaient l’objet principal de la recherche, on a assisté à un déplacement d’intérêt : dans les études de Wilamowitz, Farnell, Usener (2), les animaux conti­ nuaient d’être étudiés, mais en tant qu’objets secondaires de la recherche, et surtout en raison de leur lien plus ou moins étroit avec les divinités. Ce n’est pas un hasard si c’est à la fin du XIXe et au début du XXe siècle que l’on rencontre les discussions les plus vives sur le statut des divinités grecques, sur leur anthropomorphisme ou zoomorphisme (3). C’est dans une perspective d’études essentiellement mythiques que s’est développé l’intérêt pour les animaux dans la bibliographie sur le monde grec. Ainsi, pour citer quelques exemples qui concernent directement notre sujet, la «dissertation» d’H. Scholz sur le chien dans la magie et la religion grecques et romaines (4) met le chien en rapport avec les différentes divinités du panthéon gréco-romain. L’analyse du loup faite par L. Gernet (5), en revanche, est plus proche d’une réflexion moderne sur le statut spécifique de l’animal dans les mythes et les rites de la Grèce. Plus récemment le monde complexe des animaux est redevenu l’objet de l’attention des savants sur­ tout dans les recherches menées par J.-P. Vernant, Μ. Detienne et leurs collaborateurs (6). Leurs analy­ ses ont permis d’élaborer selon de nouvelles coordonnées un code zoologique grec et d’en interpréter les mécanismes de fonctionnement fondamentaux. A la composition de la personnalité de chaque animal - notamment aussi du loup (7) - contribuent tous les renseignements provenant des textes écrits de toute époque et, plus rarement, des documents figurés. La conséquence de cette démarche méthodologique est le caractère nécessairement unitaire et homogène de l’image de chaque animal, vers laquelle conver­ gent des modèles et des représentations très divers. Tout dernièrement aussi l’image sacrée des animaux a fait l’objet de l’analyse à caractère « encyclo­ pédique » de L. Bodson : cependant, le chien et le loup, assez curieusement, n’ont retenu l’attention de l’auteur que pour de très brèves remarques (8). Le projet de reconstruire l’image mythique des animaux a été sans aucun doute celui qui a suscité les tentatives les plus nombreuses, tandis que la figure 6 des animaux dans l’imagerie poétique ou littéraire - si l’on excepte les études générales sur les comparai­ sons, surtout homériques - n’a été analysée que très rarement. Pour le chien, l’ensemble des données dans la poésie grecque a été rassemblé par S. Lilja dans une étude récente (9), où cependant le matériel n’a pas toujours reçu une organisation cohérente et articulée. Le chien a fait l’objet, en outre, de quel­ ques autres études à caractère principalement historique, s’adressant surtout à un public de « cynophi- les ». Ainsi, la figure du chien de chasse en Grèce a été retracée par un savant américain, D.B. Hull (10), qui, mettant à profit ses connaissances de chasseur, a exposé les modalités et les techniques de la chasse chez les Grecs. Hull, cependant, tire tous les renseignements utiles à son discours de textes de « spécia­ listes » de la chasse, tels que Xénophon, Oppien, Pollux, laissant de côté la plupart des informations provenant des sources poétiques et littéraires : sa reconstruction de l’image du chien de chasse (et de la chasse en général) apparaît donc relativement incomplète. Une autre étude récente d’un professeur de médecine vétérinaire anglais présente, en revanche, une histoire du chien de l’antiquité au Moyen-Age, illustrant les caractères principaux de cet animal chez les différents peuples (11). Par ailleurs, il faut sou­ ligner l’intérêt porté à la figure symbolique du loup dans des études qui ne concernent pas exclusive­ ment le monde grec. La fascination du loup est immémoriale et a fait naître nombre de mythes et de superstitions ayant cet animal comme protagoniste chez les peuples les plus divers. Un ouvrage récent de D. Bernard, par exemple, donne un bon aperçu, grâce aussi à de nombreuses images, de la richesse des traditions liées à la figure du loup, surtout en France (12). Ce qui constitue dans la présente analyse un point d’innovation par rapport aux études précédentes, c’est en premier lieu le choix du sujet : le couple chien-loup, pourtant si commun pour notre mentalité, n’avait jamais fait l’objet d’une analyse détaillée dans le bestiaire du monde grec. Cette association, du reste, n’est pas fortuite, car elle correspond à une réalité précise dans les textes. En effet, le chien et le loup, caractérisés par des fonctions typiques, étaient finalement associés l’un à l’autre par un lien d’opposition directe. Cette constatation permet de démentir l’opinion de ceux qui, plus ou moins inci­ demment, ont considéré le chien et le loup comme un seul et unique modèle animal. Au choix du sujet s’ajoute une démarche méthodologique essentiellement différente de celle des autres études qui se sont intéressées au problème des animaux. Dans le développement de notre étude nous avons essayé de donner une vision aussi complète que possible des différentes composantes de la figure animale dans la mentalité grecque. En particulier, nous avons suivi la représentation de nos deux animaux dans les deux domaines relativement distincts que sont celui de la « religion » et celui de la « littérature ». Le choix méthodologique de séparer les deux champs d’analyse s’imposait pour deux raisons principales : une de type extérieur et l’autre plus pro­ prement interne au sujet. La première raison tient à la différence des sources : l’image mythique et rituelle des animaux s’appuie, en effet, assez souvent sur des textes qui n’appartiennent pas à la grande tradition littéraire : ce sont les récits des mythographes qui nous renseignent sur des traditions légendai­ res et des pratiques cultuelles que les textes littéraires les plus anciens «passent sous silence». On ne saurait voir là un choix délibéré des auteurs anciens, mais plutôt le signe de l’existence de deux modèles de représentation des animaux en concurrence, différents l’un de l’autre, sinon parfois opposés. Cette impression est confirmée par la deuxième raison, celle d’ordre plus proprement interne. En effet, les images qui se dégagent du domaine de la littérature et de celui de la religion, bien qu’elles aient des points de contact significatifs, ne sont pas les mêmes. Le fait que le chien et le loup soient caractérisés d’une manière sensiblement différente dans les deux champs d’observation justifie donc une analyse séparée, en vue d’une comparaison. Par ailleurs les deux images qui ressortent de l’analyse des textes lit­ téraires et de l’étude du domaine religieux ne peuvent pas, en général, être considérées d’une façon absolument synchronique, en raison du décalage chronologique des sources écrites. Et cependant la ren­ contre maintes fois déterminante de documents figurés d’époque ancienne permet de replacer dans un contexte chronologique plus proche des textes littéraires anciens de nombreux mythes et traditions cul­ tuelles, attestés par des textes relativement tardifs. Nous avons donc proposé une analyse séparée des représentations du chien et du loup dans la sphère religieuse, où l’apport des documents iconographiques s’est révélé (surtout pour le chien) de pre­ mière importance, et dans les textes littéraires, d’Homère à Platon et à la fable. La première partie de notre travail a été consacrée à l’examen de l’image du chien et du loup dans les mythes et les rites, à l’aide des textes et des documents figurés, où les lignes fondamentales de la conception de ces deux ani­ maux apparaissent déjà tracées d’une manière nette. Les renseignements donnés par la documentation iconographique ont été souvent très éclairants. Cela n’implique pas un accord complet et absolu entre les deux types de sources, car chaque domaine a ses propres règles de fonctionnement et opère Ί d’une façon autonome. Cela dit, il faut reconnaître que l’on n’a pas rencontré de divergences fondamen­ tales entre les deux groupes de représentations. Dans la deuxième partie, consacrée au domaine litté­ raire, nous avons distingué les textes de la haute époque archaïque - Homère et Hésiode essentiellement - des textes archaïques et classiques qui relèvent de l’expérience sociale, politique et culturelle de la cité. Une place à part a été décernée à l’image du chien et du loup dans le programme politique de Platon, où précisément prend forme pour la première fois d’une manière cohérente et méditée l’opposition chien - loup comme modèle de l’opposition domestique - sauvage. Comme on aura l’occasion de le remarquer, leur représentation est étroitement liée aux valeurs fondamentales proposées dans chaque modèle de société, du monde homérique à la cité idéale de Platon. Au terme de notre enquête sur l’image du chien et du loup dans la littérature, nous avons examiné la personnalité des deux animaux dans la fable ésopi- que qui accompagne dans son propre développement - de la conception à l’écriture - presque toute la période considérée. Les fables ésopiques, en effet, tout en remontant de par leur origine à l’époque archaïque (au moins au VIe siècle), ont été réunies dans un recueil seulement à l’époque hellénistique, et nous les connaissons grâce à des textes relativement récents. Dans la fable le caractère respectif de ces deux animaux apparaît fixé d’une manière désormais définitive et leur opposition autour de la dichoto­ mie état domestique - état sauvage codifiée d’une façon tout aussi précise. Notre analyse s’arrête au seuil d’un nouveau savoir, celui d’Aristote, qui, en se donnant de nouveaux moyens d’interprétation de la réalité, propose une représentation tout à fait nouvelle du monde animal, qui devient l’objet d’une analyse proprement zoologique. Le fait d’avoir organisé le matériel en deux « séries » distinctes, mais complémentaires, permet d’abord d’avoir une vision cohérente de la personnalité du chien et du loup dans les différents domaines de représentation et, ensuite, de considérer la pluralité des modèles proposés pour chaque animal. En particulier, on remarquera que les témoignages provenant du domaine de la religion présentent un ensemble de représentations qui tend à rester stable, alors que les sources littéraires témoignent d’une démarche rapide dans l’évolution de la conception de ces deux animaux. Par rapport notamment aux résultats des études sociologiques récentes faites en France, l’image des animaux apparaîtra plus com­ plexe que dans une vision unitaire où tous les éléments concourent essentiellement à l’élaboration d’un même modèle. Déjà du point de vue linguistique, il est possible de remarquer la richesse de significa­ tions attribuées, par exemple, au mot kyôn : dans un traité de Galien Sur les différences du pouls 1. II (VIII, 573 Kühn) il est dit : τί ποτ* έστι κάων; άποκρινομένου δε τίνος εκ παρόντων, ζώον τε- τράπουν ύλακτικόν, και ο θαλάττιος, εφην, κόων, ζωόν εστι τετρά- πουν ύλακτικόν, και το κατ' ουρανον αστρον, και το κατά πρόσωπον πάθος4 « Qu'est-ce que c'est qu'un chien ? Quelqu'un parmi les présents répond : 'un animal quadrupède qui aboie' - 'IIy a aussi le chien marin - dis-je -; il est un animal quadrupède qui aboie, et aussi un astre dans le ciel et encore la maladie du visage'» (13). Notre souhait est que cette recherche menée « entre chien et loup » ait pu tracer, même dans la lumière incertaine d’un crépuscule, les contours précis de deux figures animales qui ont joué un rôle important dans la conscience poétique et dans la mémoire mythique des Grecs. Ce travail a été conçu comme une thèse de doctorat de IIIe cycle préparée à l’Université des Scien­ ces Humaines de Strasbourg sous la direction conjointe de MM. Jacques Jouanna et Gérard Siebert, Professeurs de littérature grecque et d’archéologie classique. Je suis heureuse de leur exprimer ici toute ma gratitude. Mes remerciements vont aussi à mon maître italien Μ. Diego Lanza qui, le premier, m’avait introduite à cette recherche. Je suis particulièrement reconnaissante à Μ. le Président Lucien Braun qui a bien voulu accueillir cet ouvrage dans une collection de l’Université et à l’Association pour le Développement des Relations entre l’Economie et la Recherche auprès des Universités de Strasbourg et de l’Université de Haute Alsace (A.D.R.E.R.U.S.), qui en a facilité la publication en m’attribuant un de ses prix scientifiques. Strasbourg, novembre 1983. C.M. 8 CONVENTIONS DIVERSES - Les dates s’entendent avant Jésus-Christ, sauf indication contraire. - Pour les éditions utilisées pour la citation des textes grecs (lorsqu’il n’y a pas d’indication spécifique à côté du texte) cf. la liste pp. 255-258. Les traductions sont originales. - Les abréviations bibliographiques sont celles de VAnnée philologique et du Bulletin de Correspondance Hellénique. Et, en outre, ABV : J.D. BEAZLEY, Attic black-figure Vase-Painters, Oxford 1956. ARV2 : J.D. BEAZLEY, Attic red-figure Vase-Painters, Oxford 19632. CVA : Corpus Vasorum Antiquorum. CHANTRAINE : P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, t. I/IV-1, Paris 1968-1977; P. CHANTRAINE et alii, t. IV-2, Paris 1980. L.S.J. : H.G. LIDDELL-R. SCOTT - H.S. JONES, A Greek-English Lexicon (with supplement), Oxford réimpr. 1978. NOTES (1)0. KELLER, Thiere des classischen Alterthums in culturgeschichtlicher Beziehung, Innsbrück 1887 ; Die antike Tierwelt, Leipzig 1909. (2) U. V. WILAMOWITZ-MOELLENDORFF, Der Glaube der Hellenen, (Ierc éd. 1931) réimpr. Darmstadt 1976; L.R. FAR­ NELL, Cults of the Greek States, Oxford 1896-1909; H. USENER, Kleine Schriften, (1912-13) réimpr. Osnabrück 1965. (3) Cf. à titre d’exemple Μ. W. DE VISSER, Die nicht menschengestaltigen Götter der Griechen, Leiden 1903. (4) H. SCHOLZ, Der Hund in der griechisch-römischen Magie und Religion, Diss. Berlin 1937. (5) L. GERNET, «Dolon le loup», (Annuaire de l’institut de Philologie et d’Histoire orientales et slaves 1936 - Mélanges Franz Cumont) repris dans Anthropologie de la Grèce antique, Paris 1968, pp. 154-171. (6) Cf. par exemple, Μ. DETIENNE-J.-P. VERNANT, Les ruses de l’intelligence : la métis des Grecs, Paris 1974. (7) Μ. DETIENNE-J. SVENBRO, « Les loups au festin ou la Cité impossible », dans Μ. DETIENNE - J.-P. VERNANT, La cuisine du sacrifice, Paris 1979, pp. 215-237. (8) L. BODSON, HIERA ZOIA. Contribution à la place de l’animal dans la religion grecque ancienne, Bruxelles 1978. (9) S. LILJA, Dogs in Ancient Greek Poetry, Commentationes Humanarum Litterarum, Helsinki 1976. (10) D.B. HULL, Hounds and Hunting in ancient Greece, Chicago-London 1964. (11) R.H.A. MERLEN, De canibus. Dog and Hound in Antiquity, London 1971, pour la Grèce ancienne cf. chap. 3, pp. 25-45. Un recueil de textes non commentés et abondamment mais librement illustrés d’images a été constitué par J. PERFAHL, Wie­ dersehen mit Argos und andere Nachrichten über Hunde in der Antike, (Kulturgeschichte der antiken Welt, 15), Mainz 1983. (12) D. BERNARD, L’homme et le loup (avec la collaboration de D. DUBOIS), Paris 1981. Cf. aussi, parmi les ouvrages les plus récents, Cl.-C. et G. RAGACHE, Les loups en France, Paris 1981, et Fr. LOUX, L’ogre et la dent, Paris 1981, qui mentionne aussi la place des «dents du loup» dans les histoires fantastiques de la tradition française (pp. 144-148). (13) Cette maladie du visage appelée kyôn est inconnue ailleurs. PREMIÈRE PARTIE 11 CHAPITRE I MYTHES ET RITES AUTOUR DU LOUP Nous allons aborder la conception que les Grecs avaient du loup par sa représentation dans les domaines du mythe et du rite. Parmi les animaux qui interviennent dans la sphère mythique et rituelle, le loup occupe une place de toute première importance, car il est lié à quelques-unes des divinités majeures du panthéon grec, comme Zeus et Apollon, et il participe à des pratiques rituelles assez singu­ lières, qui, pour les modalités de leur déroulement et pour les lieux où elles se situent, s’éloignent des cultes les plus connus et notamment d’Athènes. Dans notre recherche nous serons obligés de recourir souvent aux témoignages relativement récents des mythographes, car les sources littéraires les plus importantes sont souvent assez « discrètes » en ce qui concerne le bestiaire mythique, et en outre, dans le cas du loup, la documentation archéologique se révèle peu abondante (1). En tout cas, comme nous le verrons, c’est bien la conception du loup dans la sphère religieuse qui constitue le terme de référence pour la représentation de cet animal dans la littérature. 1. - Le loup du Mont Lycée C’est surtout dans le monde arcadien que se manifeste la présence active du loup dans le domaine de la religion. En effet, le loup représente l’un des éléments privilégiés dans l’ensemble cohérent des pratiques cultuelles et des traditions mythiques qui ont leur centre en Arcadie et qui se rapportent à la figure de Zeus Lycaios. Les sources écrites sont, à cet égard, très nombreuses et permettent de recons­ truire, avec cependant quelques variantes, une histoire mythique et une pratique rituelle d’une grande complexité. Le plus ancien texte qui mentionne les rites du Mont Lycée est la République de Platon (VIII, 565d - 566a). Pour illustrer la transformation du bon protecteur du peuple en tyran, Platon cite le sacrifice que les Arcadiens faisaient en l’honneur de Zeus Lycaios, sacrifice qui entraînait comme conséquence la métamorphose en loup. ή δηλον οτι έπειδαν ταύτδν αρζηται δράν δ προστάτης τφ εν τφ μύ- θφ Βς περί τδ έν ’Apxabiç τδ του Διδς του Λυκαίου Ιερόν λέγεται; ... *Ος ίρα δ γευσάμενος του ανθρωπίνου σπλάγχνου, έν αλλοις άλ­ λων Ιερείων ένδο έγκατατετμημένου ανάγκη δη τοάτφ λάκφ γενέσθαι,· « N’est-il pas évident que cela se produit quand le protecteur commence à faire ce qui est raconté dans l’histoire du sanctuaire de Zeus Lycaios en Arcadie ? ... Celui qui a goûté des viscères d’homme, coupés en morceaux et mélangés à ceux d’autres victi­ mes, doit nécessairement devenir loup ». Ce texte, que nous étudierons aussi par rapport à la représentation du loup dans le programme politique de Platon (2), nous renseigne d’une façon assez précise sur les modalités du rituel de Zeus Lycaios : d’un côté, il s’agissait d’un sacrifice humain et animal à la fois, par la présence de victimes humaines et animales ; de l’autre, la métamorphose en loup se produisait lorsque les participants au sacrifice mangeaient les viscères humains contenus dans le repas sacrificiel. Un problème à part est posé par la présence du singulier splanchnon au lieu du pluriel habituel splanchna : Platon pour-

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