Libre accès et recherche scientifique Vers de nouvelles valeurs Actes du colloque international Tunis, 27-28 novembre 2014 Sous la direction de Mohamed Ben Romdhane Editions de l’Institut Supérieur de Documentation Comité scientifique Mohamed Ben Romdhane, ISD, Sridhar Gutam, Institut Centrale de Université de la Manouba, Tunisie. l’Horticulture Subtropicale, Inde. Mokhtar Ben Henda, Université Stevan Harnad, Université du Québec, Bordeaux Montaigne, France. Montréal, Canada. Mohamed Montassar Ben Slama, FST, Nozha Ibnlkhayat, American University Université Tunis El Manar, Tunisie. of Leadership (AUL), Rabat, Maroc. Chaibdraatani Bentenbi, Université Naeema Jabr, Université du Sultan d’Oran, Algérie. Quabous, Oman. Christine Berthaud, CCSD, HAL, Iryna Kuchma, EIFL, Ukraine. France. Saloua Mahmoud, ISD, Université de la Abdelmajid Bouazza, Université du Manouba, Tunisie. Sultan Quabous, Oman. Stephan Maud, Faculté d’information et Azzeddine Bouderbane, Université de de documentation, Liban. Constantine 2, Algérie. Abderrazak Mkadmi, ISD, Université de Chérifa Boukacem, Lyon 1 – ELICO, la Manouba, Tunisie. URFIST Lyon, France. Heather Morrison, ESI, Université Hassen Chaabani, Université de D’ottawa, Canada. Manastir, Tunisie. Tarek Ouerfelli, ISD, Université de la Ghislaine Chartron, CNAM-INTD, Manouba, Tunisie. France. Olivier Sagna, EBAD, Sénégal. Madjid Dahmane, Bibliothèque Jean-Michel Salaün, Ecole centrale de Nationale d’Algérie, Algérie. Lyon, France. Mamadou Diara, EBAD, Sénégal. Yemna Sayeb, ISAMM, Université de la Raja Fenniche, ISD, Université de la Manouba, Tunisie. Manouba, Tunisie. Sherif Kamel Schaheen, Université du Yassine Gargouri, Université du Québec, Caire, Egypte. Montréal, Canada. René Schneider, Haute Ecole de Gestion Wahid Gdoura, ISD, Université de la de Genève, Suisse. Manouba, Tunisie. Joachim Schopfel, Université Lille 3, Jean Claude Guédon, Université de France. Montréal, Canada. Benjamin Zapliko, Institut des Sciences Sociales de Leibniz : GESIS, Germany Organisation Unité de recherche « Bibliothèque numérique et patrimoine » Institut Supérieur de Documentation Campus Universitaire de la Manouba 2010 Manouba - Tunisie Tél : 216. 71 601 050 Fax : 216 71 600 200 Web : www.isd.rnu.tn Centre National Universitaire de Documentation Scientifique et Technique Rue Menzel Bourguiba, 1030 - Tunis - Tunisie B.P. 85 -1002, Tunis Belvedere – Tunisie Tél : 216. 71 843 504 Fax : 216. 71 843 489 Web : www.cnudst.rnrt.tn © Institut Supérieur de Documentation, 2014 ISBN : 978-9973-904-11-9 ii Sommaire Le libre accès et les territoires de la science : mondialisation ou internationalisation des sciences ? Jean-Claude Guédon, Université de Montréal ___________ 1 Politique du libre accès Accompagner les établissements universitaires français dans la mise en place de leur politique Open Access : le rôle du GTAO (Couperin) Adeline Rege, Service Commun de la Documentation, Université de Strasbourg, France _____________________ 13 Politique(s) du libre accès en Algérie : État des lieux et perspectives Samir Hachani, Université Alger 2, Algérie ____________ 29 Spécificités de la communication scientifique numérique Cartographie des connaissances pour une visibilité scientifique numérique des universités africaines : le cas de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) Djibril DIAKHATÉ, EBAD, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal ________________________________________ 45 De l'usage et la production de l'IST à la publication en libre accès: implication des chercheurs de l'UMA. Souheil Houissa, Ibrahim Bounhas, Sami Oueslati, ISD, Université de la Manouba, Tunisie ________________________ 61 Perception du libre accès et facteurs d'appropriation des archives ouvertes en contexte français: étude comparée de deux communautés disciplinaires contrastées Emma Bester, Laboratoire Dispositifs d'information et de communication à l'ère numérique – Conservatoire national des Arts et Métiers (Dicen-CNAM), France _______________________ 75 iii Dispositifs du libre accès dans les universités Archive institutionnelle : Cas d’OceanDocs-INSTM, le dépôt digital des publications de l’Institut National des Sciences & Technologies de la Mer Saida Messaoudi, INSTM, Tunisie _____________________ 95 Le libre accès et la recherche scientifique dans les universités marocaines Nadia BENAISSA. Saida BELOUALI. Laboratoire Langage, Culture et Communication, Maroc ________________________ 107 Attitudes de l’enseignant-chercheur envers le libre accès à l’IST : Cas de l’université de la Manouba Olfa Chater, Mohamed Ben Romdhane, ISD, Université de la Manouba, Tunisie ____________________________________ 125 Réalités sur l’accès à l’information scientifique numérique dans les bibliothèques des universités du Sénégal : l’exemple de l’université de Dakar Khardiatou Kane, DICEN-CNAM (Paris), France _______ 141 Accès ouvert, droits d'auteur et nouvelles formes de production scientifique Le rôle du droit d’auteur dans le développement de l’open access via les archives ouvertes Carine Bernault, Institut de recherche en droit privé (IRDP) - Université de Nantes, France ___________________________ 157 Episciences IAM: un projet éditorial entre rupture et continuité Gaëlle Rivérieux 1, Alain Monteil 1, Laurent Romary 1, 2, Jacques Millet 1, Hélène Lowinger 1, Inria, France 1, Institut für Deutsche Sprache und Linguistik, Humboldt-Universität zu Berlin, Allemagne 2 ___________________________________ 173 Libre accès et communication scientifique directe : retours croisés sur une expérience de blog en contexte tunisien Kmar Bendana, ISHTC, Université de La Manouba, Tunisie; Delphine Cavallo, CLEO, Université d’Aix-Marseille, France189 iv Libre accès et valorisation de le recherche scientifique Open Access: pour une meilleure visibilité de la production scientifique médicale au Maroc Hanae Lrhoul, ESI, Maroc ; Othman Benammar, Université Hassan II Casablanca, Maroc ; Ghislaine Chartron, DICEN- CNAM), France ; Ahmed Bachr, ESI, Maroc ; Bouchra Bayadi, Université Hassan II Casablanca, Maroc __________ 205 Le futur du livre et l’open access : présentation de la collection « Parcours numériques » Marcello Vitali-Rosati, Université de Montréal, Canada ; Michael Sinatra,Université de Montréal, Canada ; Hélène Beauchef, Centre de Recherche Interuniversitaire sur les Humanités Numériques, Canada ; Giuseppe Cavallari, Université de Montréal, Canada _________________________ 225 Index des auteurs _________________________________ 230 Partie Arabe Bibliothèques et libre accès à l’IST تﺎﻤوﻠﻌﻤﻝا ﻰﻝإ حوﺘﻔﻤﻝا ذﺎﻔﻨﻝا ﺔﻜرﺤﻝ سﻴﺴﺄﺘﻝا ﻲﻓ نﻴﻴﺒﺘﻜﻤﻝا رود تﺎﺒﺘﻜﻤﺒ ﺔﻴﺼﻴﺨﺸﺘ ﺔﻴﻋﻼطﺘﺴا ﺔﺴراد :ﺎﻬﻨﻤ ةدﺎﻓﻹاو ﺔﻴﻨﻘﺘﻝاو ﺔﻴﻤﻠﻌﻝا رﺌزاﺠﻝﺎﺒ 1ﺔﻨﻴطﻨﺴﻗ ﺔﻌﻤﺎﺠ 1 (cid:18) ا!"(cid:25)ا ،2 (cid:2)(cid:3)(cid:4)(cid:5)(cid:3)(cid:4)(cid:6) (cid:2)(cid:7)(cid:8)(cid:9)(cid:10) ،ير(cid:14)(cid:15)(cid:9)(cid:16) ة(cid:18)(cid:19)(cid:20)(cid:21) ،(cid:22)(cid:23)(cid:24)(cid:9)(cid:3)(cid:25)ا (cid:27)(cid:25)(cid:9)(cid:28)(cid:25)ا (cid:29)(cid:30)(cid:31)(cid:8) ﻲﻓ ﺎﻬﻝوادﺘو تﺎﻤوﻠﻌﻤﻝا ﻰﻝإ رﺤﻝا ذﺎﻔﻨﻝا ترادﺎﺒﻤو ﺔﻴﻌﻤﺎﺠﻝا تﺎﺒﺘﻜﻤﻝا ﻪﺘﺎﻗوﻌﻤو قﻴﻘﺤﺘﻝا ﻲﻋﺎﺴﻤ نﻴﺒ : ﺔﻴﻨورﺘﻜﻝﻹا ﺔﺌﻴﺒﻝا ،(cid:2)((cid:19)(cid:4)(cid:8) (cid:2)(cid:7)(cid:8)(cid:9)(cid:10) ،)(cid:19)(cid:5)(cid:25)ا &(cid:24) )(cid:3)’ز ؛2 (cid:2)(cid:3)(cid:4)(cid:5)(cid:3)(cid:4)(cid:6) (cid:2)(cid:7)(cid:8)(cid:9)(cid:10) ،ح(cid:14)(cid:30)(cid:6) (cid:2)(cid:19)(cid:10)(cid:9)(cid:21) ،ن(cid:9)(cid:24)رد(cid:14)(cid:24) &’(cid:29)(cid:25)ا!(cid:16) 23 (cid:18) ا!"(cid:25)ا 47 نﻴﻔﻝؤﻤﻝا سرﻬﻓ v vi Le libre accès et les territoires de la science : mondialisation ou internationalisation des sciences ? Open Access and scientific « territories » : globalized vs. Internationalized Science Jean-Claude Guédon Université de Montréal 1 Quelques rappels sur la communication scientifique 1.1 L'universalité de la science L'universalité de la connaissance scientifique est un concept qu'il faut manier avec précision et précaution. Réelle dans une perspective humaine qui était celle du sociologue Robert Merton, – tout être humain peut contribuer à la production de connaissances scientifiques quelles que soient ses origines et cultures -, elle l'est également au niveau de la validité de ses résultats : les connaissances scientifiques ne sont pas éternelles, mais dans la mesure où elles ont passé les tests habituels de la validation, celles- ci valentt universellement. Pour autant, être validé universellement signifie simplement que d'autres chercheurs peuvent critiquer, corriger ou utiliser des résultats obéissant à ces critères. Il faut peut-être rappeler ici que les résultats de la recherche scientifique, sauf peut-être en logique et en mathématique, n'entretiennent qu'un lien lointain et indirect avec la vérité dans la mesure où, justement, les résultats de la recherche sont présentés (en principe) de manière à être vérifiables, et donc sujet à critiques, corrections et même réfutations. Une « vérité » scientifique ne peut être que temporaire. Conséquence de ce qui vient d'être dit, la recherche scientifique peut être assimilée à une Grande Conversation engagée à l'échelle de l'humanité tout entière. Il s'agit en fait d'un système distribué de production des connaissances qui fonctionnera d'autant mieux que la communication entre chercheurs sera libre et facilement accessible. Ceci veut dire que les instruments au service de la communication scientifique doivent se placer au service de l'activité scientifique dans son ensemble, et non l'inverse. Que cette communication scientifique requière des savoir-faire particulier, 1 Jean-Claude Guédon qu'elle ait un coût, tout le monde en convient, mais il faut hiérarchiser les priorités et affirmer clairement que la Grande Conversation prime sur les instruments censés la servir. C'est précisément en cet argument que s'ancre l'importance et la nécessité du libre accès : le libre accès ne dit rien d'autre et vise à libérer au maximum les canaux de communication entre chercheurs. Cela dit, le libre accès intervient aussi dans le fait que cette Grande Conversation n'est ni équilibrée, ni équitablement répartie au niveau du choix des questions à prioriser. Le libre accès, c'est une manière de réaffirmer l'universalité des connaissances scientifiques là où elle s'applique ; mais c'est aussi une façon de déclarer que l'activité scientifique peut s'organiser autour de territoires de recherche structurés par des ensembles de questions répondant aux besoins de tel ou tel sous-ensemble de l'humanité. Poursuivre dans un pays pauvre des questions scientifiques de peu de pertinence pour ce pays ou sa région peut conduire au paradoxe suivant : des laboratoires coûteux, et donc rares, et des chercheurs, tout aussi rares, peuvent être amenés à contribuer à des questions importantes pour la science émanant des pays riches, mais de peu d'importance pour le pays en question. Et ne parlons pas ici d'une opposition, aussi trompeuse que fausse, entre une science internationale et une science locale, cette dernière généralement frappé au coin d'une médiocrité prise pour évidente. Il faut se rappeler qu'un problème, si local soit-il, peut exiger pour sa solution des avancées conceptuelles et théoriques majeures. Il faut aussi se rappeler que l'ensemble des problèmes scientifiques émanant des pays riches constituent aussi une variété de science locale. Son statut actuellement dominant peut faire illusion à cet égard, et lui donner l'apparence d'une fausse universalité, mais elle est réellement locale, même si local ici est d'échelle continentale, voire intercontinentale. 1.2 La question du choix des problèmes Pourquoi rappeler ces questions élémentaires de philosophie des sciences ? En grande partie parce que la connaissance scientifique validée (c'est-à-dire évaluée par les pairs et publiée) se dote aussi d'une certaine autorité, d'un certain prestige. Or, comme une proportion très importante de la production scientifique émane des pays riches, disons en gros de l'OCDE, le type de science que favorisent ces pays prend du même coup une tonalité aux apparences universelles. Par type de science, il faut entendre des programmes de recherches, des lignes de questionnement. Or, les questions posées dérivent d'impératifs beaucoup plus locaux, souvent liés en dernier ressort à des problèmes économiques, et transformés en politiques de recherche par des organismes subventionnaires, qu'ils soient nationaux, privés ou internationaux. Les laboratoires de recherche visent alors à se présenter comme des candidats acceptables face à ces requêtes. En parallèle des politiques, largement gouvernementales, de la science, les revues savantes jouent un rôle important dans l'orientation des recherches par le truchement des mécanismes de 2 Le libre accès et les territoires de la science : mondialisation ou internationalisation des sciences ? concurrence en vigueur entre elles. Ceux-ci sont souvent gérés, eux aussi, par des motifs économiques, mais ils se présentent sous la forme apparente de la qualité ou de l'« excellence »), forme présenté sous forme quantitative par le facteur d'impact. De la combinaison de ces diverses « forces » - politiques de recherche, application de ces politiques par des programmes de financement, orientations éditoriales des revues dites « internationales » - se dégage une orientation générale, un front de la recherche en somme, qui correspond de manière floue, mais non aléatoire, aux besoins intellectuels, économiques et théoriques des grands pays majoritairement producteurs de connaissances scientifiques. La notion mal utilisée d'universalité prend ici toute son importance : les questions scientifiques qui émanent des pays riches semblent être les seules possibles et, par conséquent, tout individu situé hors de cet ensemble de pays riches aura tendance à prendre modèle non seulement sur les meilleures pratiques scientifiques observables en ces pays, mais aussi sur les types de problèmes analysés dans leurs laboratoires. Cette perception faussée de l'universalité s'accentue dans le cas de jeunes aspirants chercheurs, doctorants ou post-doctorants, qui trouvent le moyen de passer quelques années dans des laboratoires européens ou nord-américains et qui s'inscrivent par ce fait même dans des lignes de recherche particulières. De retour dans leur pays (s'ils reviennent, mais ceci est un autre problème), ils auront tout naturellement tendance, au moins en début de carrière, à poursuivre la ligne de recherche inaugurée au cours de leurs études. Il est même possible qu'ils demeurent dans cette ligne de recherche toute leur vie, ce qui veut dire qu'ils formeront à leur tour des chercheurs localement sur la base d'axes de recherche importés de l'extérieur. Ce processus ne résulte pas d'une expérience abstraite de pensée ; au contraire, cette question du choix des problèmes scientifiques et de ses déterminants est la question essentielle à poser pour commencer à aborder des situations a priori étonnantes, comme celle des maladies négligées, même si celles-ci tuent de dizaines, voire des centaines de milliers d'individus chaque année. Pensons évidemment à la malaria. Plus spectaculairement, la crise actuelle déclenchée par le virus Ébola démontre le bien fondé de ce questionnement : les chercheurs ont rencontré le virus Ébola il y a déjà quarante ans, et, dès le début, la létalité intense de ce virus a été reconnue et crainte. Pourquoi si peu de travaux ont-ils accompagné cette prise de conscience ? En bout de ligne, pour des raisons économiques, odieuses en l'occurrence : les Africains ne constituaient pas un marché intéressant pour consacrer des fonds de recherche à l'étude de cette pathologie dans le but de préparer un vaccin et/ou une cure efficaces. Ce n'est que lorsque l'on voit apparaître des cas isolé en Espagne ou aux États-Unis que ce genre de recherche devient une priorité. Cet exemple illustre bien la thèse de cette présentation : le choix des problèmes scientifiques constitue une question fondamentale, pourtant relativement peu étudiée. 3 Jean-Claude Guédon 2 Comment les revues interviennent-elles dans le choix des problèmes à résoudre ? Au sein de la question générale de la façon dont les directeurs de recherche choisissent les questions scientifiques à poursuivre, le rôle des revues savantes est à la fois spécifique et important ; spécifique parce que, nous l'avons vu plus haut, les orientations éditoriales tout en variant d'une revue à une autre, produisent un effet global spécifique constitué à partir des règles particulières de la concurrence entre revues ; important parce que les revues savantes forment l'ultime goulot d'étranglement de la production scientifique. Au moment de la publication, diverses contraintes et limites entrent en action : l'évaluation par les pairs, le nombre d'articles acceptés, les critères d'inclusion ou d'élimination de travaux, surtout lorsqu'ils sont de qualité comparable, etc. La résultante générale de ces orientations éditoriales ressemble un peu à l'enveloppe des désirs individuels de consommateurs dans un marché : les revues cherchent les auteurs les plus prestigieux et visibles parce que ceux- ci vont dorer le blason de la revue. Ils vont, en quelque sorte, agir un peu à la manière d'un logo dans le monde commercial parce que leur autorité impose en quelque sorte de les lire. Ils privilégient aussi les travaux qui portent sur des sujets « chauds » car ceux-ci attireront plus de lecteurs, et donc plus de citations. En bout de ligne, les revues savantes cherchent à multiplier les citations de leurs articles dans d'autres revues, mais pas n'importe lesquelles : celles-ci doivent également être recensées dans le Web of Science. À l'instar d'un club, des critères d'adhésion limitent le nombre des membres. Cette limitation est alors retraduite sous la forme d'un statut prestigieux et/ou élitiste. Ensuite, une fois admis, la revue doit se faire bien considérer, se faire voir et respecter dans ce cercle choisi dans le but d'accroître son statut à l'intérieur de ce groupe tandis que celui-ci s'auto-assimile à l'élite de la société. Ainsi agissent donc les revues savantes, mais au lieu de travailler un mélange subtil de capital et de capital symbolique dans le but de le transmuter en prestige, visibilité et autorité, à la manière des êtres humains, les revues, plus simplistes dans leur comportement, comptent simplement le nombre des citations qu'elles reçoivent parmi les autres membres du club. Elles obtiennent ainsi un indice quantitatif connu sous le nom de « facteur d'impact » qui constitue en fait la moyenne des citations reçues par chaque article de la revue sur une durée de deux années. C'est cette moyenne qui permet de dresser un classement « rigoureux » des revues scientifiques. C'est d'ailleurs la raison justifiant les trois décimales des facteurs d'impact, décimales régulièrement répétées, mais jamais justifiées autrement que pour exprimer le besoin d'éviter des revues de rang égal. En effet, un système de concurrence efficace se doit de limiter les ambiguïtés au maximum pour mieux stimuler la concurrence ! Un raisonnement analogue est intervenu dans le domaine du sport quant on a introduit des mesures au centième de seconde dans 4
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