L’homme, les fluides et la vie. Physique, médecine et universalisme au coeur des années Mesmer Guillaume Comparato To cite this version: Guillaume Comparato. L’homme, les fluides et la vie. Physique, médecine et universalisme au coeur des années Mesmer. Histoire. 2010. dumas-00539158 HAL Id: dumas-00539158 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00539158 Submitted on 24 Nov 2010 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. L’HOMME, LES FLUIDES ET LA VIE PHYSIQUE, MÉDECINE ET UNIVERSALISME AU CŒUR DES ANNÉES MESMER Mémoire présenté sous la direction du Professeur Gilles BERTRAND Guillaume COMPARATO Université Pierre MENDES FRANCE (Grenoble II) Master 1 « Sciences humaines et sociales » Mention Histoire et Histoire de l’art Spécialité Histoire des échanges culturels internationaux Septembre 2010 Page | 1 Guillaume COMPARATO L’HOMME, LES FLUIDES ET LA VIE PHYSIQUE, MÉDECINE ET UNIVERSALISME AU CŒUR DES ANNÉES MESMER Mémoire présenté sous la direction du Professeur Gilles BERTRAND Master 1 « Sciences humaines et sociales » Mention Histoire et Histoire de l’art Spécialité Histoire des échanges culturels internationaux Septembre 2010 Page | 2 REMERCIEMENTS Je tiens tout d’abord à remercier Monsieur Gilles Bertrand pour m’avoir permis de réaliser ce travail passionnant, de m’avoir épaulé et distribué autant de conseils toujours utiles et précieux ; je le remercie également de m’avoir fait découvrir le savoureux journal de voyage de Faujas de Saint-Fond, qui - je l’espère - sera peut-être mon prochain objet d’étude. Je tiens tout particulièrement à remercier Candice Tuy-Nardin qui chaque jour m’épaule et me pousse à persévérer dans mon travail et dans ma vie, et qui a passé de si longues heures à me relire et à me conseiller sur mon style parfois bien trop lourd. Enfin, je remercie mes parents Charles Comparato et Marie Hélène Négri pour m’avoir procuré ce cadre d’étude si agréable, et de me soutenir dans mes choix et dans mon désir de continuer à étudier l’Histoire, et à me rapprocher des métiers de la recherche. Page | 3 SOMMAIRE Remerciements ........................................................................................................................ p.2 Introduction ............................................................................................................................. p.4 Partie Première - La « République des sciences » férue d’électricité .................................... p.9 Chapitre I - De l'ambre à Franklin, le magnétisme comme base de l'électricité ................... p.10 Chapitre II - Une science autant théorique que pratique ....................................................... p.20 Chapitre III - Témoignage de la pratique de l’électricité au XVIIIe siècle : Le voyage de Barthélémy Faujas de Saint Fond .......................................................................................... p.28 Partie II - L’Être humain en interaction avec les fluides de la nature ................................... p.38 Chapitre IV - Le vivant, l’Homme et la nature ..................................................................... p.39 Chapitre V - L’invisible thérapie ou l’électricité comme nouvelle médecine ..................... p.51 Chapitre VI - Mesmer l’illusionniste et le miracle du fluide, du scientifique au charlatan . p.62 Partie III - Grenoble et le Dauphiné épris de magnétisme .................................................... p.73 Chapitre VII - Un Dauphiné friand des évolutions nationales de l’affaire Mesmer ............. p.74 Chapitre VIII - Le Dauphiné terre de résistance : la pratique du magnétisme plébiscité...... p.83 Chapitre IX - Servan, un disciple de Mesmer ....................................................................... p.93 Conclusion générale ............................................................................................................ p.100 Table des Annexes .............................................................................................................. p.104 Sources ................................................................................................................................ p.131 Bibliographie ....................................................................................................................... p.134 Table des matières ............................................................................................................... p.135 Page | 4 INTRODUCTION ABBÉ PIERRE BERTHOLON DE SAINT LAZARD « De tous les objets qui nous environnent, quelque brillants & quelque nombreux qu’ils soient, aucun certainement n’est plus intéressant pour nous, ni plus digne de notre curiosité, que cette substance matérielle qui forme une portion de notre être. »1 La notion de fluide universel est une des préoccupations les plus en vogue à la fin du siècle des Lumières. Il peut prendre différentes formes, se dote également de divers dénomination, mais a toujours la même finalité : relier les hommes et leur corps à un ensemble. Tout comme l’univers, le corps humain est un domaine de découverte qui ne cesse de croître. Les scientifiques des Lumières - épris des idées des Newton - découvrent, expérimentent, et se passionnent pour toutes les nouveautés de l’univers. Le corps humain est soumis à différentes forces internes plus ou moins connues. Tout d’abord, on sait depuis le XVIIe et les travaux de William Harvey (1578-1657) que le sang est un fluide en mouvement qui a le cœur pour pompe. Dans l’ouvrage intitulé Etude anatomique du mouvement du cœur et du sang chez les animaux (1628), celui-ci reprend le système de Galien et relance, d’après Paolo Rossi, toute la biologie moderne2. Le premier problème était de savoir comment fonctionnait le cœur. Descartes émet l’hypothèse selon laquelle ce serait un surplus de chaleur qui créerait les dilatations et contractions du cœur. Il revient ensuite sur cette dernière en affirmant que c’est par effet de fermentation à l’intérieur du cœur que se produit ce mouvement. Une explication purement physique, dite mécanique. Au XVIIIe siècle, les travaux de Buffon ajoutent en 1749 dans son ouvrage Histoire des animaux (dans l’ensemble Histoire naturelle) une interaction entre le corps et son environnement. Le corps humain est formé selon lui d’organismes invisibles, de « molécules organiques ». Le vivant est en interaction avec la nature grâce à l’absorption d’autres molécules organiques durant la nutrition et la restitution de celle-ci à la mort, et c’est par ailleurs leur mélange qui permet la reproduction. Buffon rompt avec les anciennes théories du XVIIe siècle portant sur la spontanéité de certaines espèces et émet l’hypothèse d’un lien 1 Abbé Pierre Bertholon de Saint Lazard, De l’électricité du corps humain dans l’état de santé et de maladie, Paris, chez Didot le jeune, quai des Augustins, 1780, p.1. 2 Paolo Rossi, La naissance de la science moderne en Europe, Paris, Seuil, Faire l’Europe, 1999, pp 407. Page | 5 organique universel entre l’Homme et la nature. La théorie mécaniste est peu à peu remise en cause par l’animisme dans un premier temps, puis avec les travaux de Bordeu et sa théorie vitaliste dans un second. L’homme produit seul les effets de sa vie sans que l’on en connaisse vraiment les causes. Une force invisible permet au vivant de se mouvoir et de créer seul et de façon instinctive les conditions de sa propre survie organique. Le vivant et l’invisible sont mus par un principe d’interconnexion qui passionne le scientifique et le profane grâce à une part de mystère et de nouveauté qui servira de base à des thèses émises par les contemporains de l’époque farfelues et même funestes. Le point de départ de ce travail de mémoire était centré sur une théorie médicale apparue à Vienne et qui s’installe en France dans les années 1778 – 1785. La théorie du Magnétisme animal du médecin allemand Franz Anton Mesmer défraya la chronique, autant dans le monde des savants que dans celui des profanes. Le magnétisme animal est une théorie certes médicale mais qui fait la charnière entre plusieurs disciplines qui sont l’astrologie, la physique et la médecine. Pourtant, et aussi intéressant fût-t-elle, cette théorie largement étudiée par l’historien américain Robert Darnton3 ne semble pouvoir faire l’objet à elle seule d’une autre étude. En gardant le médecin allemand en ligne de mire, nous pouvons lire et voir combien Mesmer fut à la fois un « Héros »4 pour certains et un vil charlatan pour d’autres. Il apparaît à la lecture de diverses sources que le médecin allemand baigne dans une imagerie scientifique qui tente de créer des ponts entre les disciplines. Cependant, sa théorie a divisé le monde savant et a créé un réel débat sur les limites des connexions entre la médecine et une science physique concentrée sur des théories électriques et magnétiques. Créer une réflexion sur l’Histoire des sciences relève bien entendu de certaines contraintes. Bien que moins étudiée que l’Histoire politique ou religieuse, l’Histoire des sciences - et non pas de « la science » - doit sillonner à travers des chemins déjà balisés par de grands noms comme René Taton, Paolo Rossi qui, bien que se concentrant sur le XVIe et sur le XVIIe siècle, permet toutefois d'élargir l'étude sur des perspectives scientifiques plus proches de notre période. Mais également Vincenzo Ferrone qui, dans l’ouvrage collectif L’homme des Lumières, donne une description autant psychologique que sociale et 3 Robert Darnton, La Fin des Lumières : le Mesmérisme et la Révolution, Paris, Librairie académique Perrin, 1984 (1968), pp 220. 4 Le mercure de France (dans le journal politique de Bruxelles): novembre 1785, 14 décembre 1785. Une feuille publique contient l’extrait d’une lettre de Grenoble, du 16 novembre, Mesmer en visite y est appelé « le Héros » (BMG F18 933). Page | 6 scientifique des savants modernes et de leur milieu. Bien sûr, de nombreux auteurs férus de Lumières seraient à citer mais il faut cependant s’arrêter un instant sur Daniel Roche qui, dans Le siècle des Lumières en provinces, dresse un tableau limpide et mathématique du travail scientifique au siècle des Lumières . Il faut enfin citer la récente construction d’une Histoire de l’électricité par Christine Blondel et Bertrand Wolff (pour la partie histoire moderne) sur un site internet rattaché au CNRS, page qui offre un parcours pédagogique très détaillé avec de bon articles et des listes de sources très précieuses. Christine Blondel est également l’auteur de l’article « électricité » du Dictionnaire des Lumières de Michel Delon. Le site traite notamment de l’Histoire de la recherche électrique sur une période longue partant de 1600 pour se rendre jusqu’à la fin du XIXe siècle. Une Histoire « des sciences » donc, mais au sens où l’entend Simone Mazauric dans l’avant propos de son manuel sur les sciences modernes5. Cette dernière concerne une période durant laquelle les scientifiques ne sont pas catégorisés dans des disciplines strictes et où le « savant » est d’abord un homme de culture qui touche, et s’intéresse aussi bien aux mathématiques, à la minéralogie qu'au théâtre et à la peinture. De plus, il sait parfois savoir s’armer de patience devant certaines notions scientifiques qui parfois déplacent les compétences intellectuelles et culturelles de ceux qui observent de loin des savants si érudits qui ont developpé une culture scientifique parfois difficilement abordable. Pourtant, il faut tout de même s’inscrire dans ce courant de l’Histoire des sciences qui jongle entre les diverses disciplines sans les hiérarchiser et dans en donner la fragmentation qu’elle a aujourd’hui. Il reste cependant difficile de trouver des auteurs traitant exclusivement de cette notion de fluide en tant qu’objet de science, mais comme un objet d’histoire qui centralise un certain nombre de scientifiques, d’ingénieurs et de charlatans en tout genre. Un travail dont la proximité avec l’ouvrage de Robert Darnton est présent mais se détache d’un certain aspect plus politique et ésotérique, et préfère orienter sa réflexion sur l’aspect plus scientifique et théorique de l’étude du fluide. Un éloignement pourtant relatif car la concrétisation de ces thèses sur les fluides trouve tout de même une place de choix dans cette réflexion. L’électricité et les fluides s’y apparentant forment donc un terreau de réflexion pour tous ces savants avides de découvrir et de comprendre comment leur - et notre - mondes pouvaient fonctionner ; et si le corps humain était bel est bien en relation avec un tout. Le corps et le monde, une notion centrale dans la conquête théorique du monde invisible. 5 5 Simone Mazauric, Histoire des sciences à l’époque moderne, Paris, Collection U, Armand Colin, 2009, pp. 3 à 9. Page | 7 Ainsi, nous porterons tout d'abord cette réflexion sur la perception qu’avaient les savants modernes sur le fluide électrique, cette dernière apparaissant comme une notion récurrente et qui formait une des bases des théories de l’invisible. Et ce, autant sur des aspects théoriques que sur les méthodes de recherche, puis sur un témoignage concret sur cette mouvance savante. Ensuite, nous tenterons de comprendre comment se manifestent ces connexions entre l’homme et la nature et le milieu invisible et subtil, tant dans son corps qu’à l’extérieur, avec des thèses allant du fonctionnement du corps jusqu’aux différentes manières d’administrer et de se servir de ce fluide invisible. Enfin, nous reviendrons nous rattacher au magnétisme animal et également aux êtres vivants, en montrant l’impact concret de cette certaine théorie controversée - pourtant en phase avec le bouillonnement intellectuel de son époque - dans les milieux populaires et éclairés du Dauphiné, géographiquement loin des polémiques des académies parisiennes. La périodisation de ce travail correspond au point de départ de la réflexion sur le sujet qui prenait pour objet l’activité intellectuelle autour de la notion de magnétisme animal. Mais Darnton, nous l’avons vu précédemment, a parfaitement cadré ce sujet, et il ne semblait pas intéressant de faire de la redite. Pourtant la tranche de réflexion découle de cet attrait pour la pratique du docteur Mesmer. En effet, cette tranche de vie illustre en même temps une connexion forte et assumée entre plusieurs disciplines scientifiques et une dérive du flot de théories couvrant la relation entre le corps et l’invisible en cette fin de XVIIIe siècle. Ainsi, l'année 1778 correspond à l’arrivée de Mesmer en France après son éviction de la cour viennoise, et c'est également le moment où commence à naître l’amitié avec Charles Deslon, et où toute sa théorie se met en place de façon théorique et écrite puis de façon concrète. Des années qui voient naître de nombreux travaux plus académiques mais qui intègrent également ces notions de fluides et d’invisible, avec les écrits de Bertholon, Bordeu et Barthez, Mauduy et bien d’autres. Enfin, bien que ces recherches sur les connexions entre l’électricité et l’homme sont toujours d’actualité aujourd’hui, nous avons - dans le même esprit - choisi de terminer cette réflexion en 1785, l’année de la fuite de Mesmer pour l’Angleterre où il trouve notamment refuge à Grenoble pour une nuit. Comme dans tous les travaux de recherche historique, ce ne sont pas tout à fait les désirs de l’auteur qui forgent une réflexion, mais les sources qui guident et parfois imposent une ligne de conduite et de recherche. Au départ très axées sur la médecine, les sources dépouillées puis la réflexion toute entière se sont peu à peu tournées vers un aspect du travail Page | 8
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