LEXIQUE THEMATIQUE EN SCIENCES ET TECHNIQUES DES ACTIVITES PHYSIQUES ET SPORTIVES. Didier Delignières & Pascal Duret COMMENT ECRIRE UN LEXIQUE INFAISABLE EN SCIENCES ET TECHNIQUES DES ACTIVITES PHYSIQUES ET SPORTIVES. Je ne discute jamais du nom pourvu qu'on m'avertisse du sens qu'on lui donne. Pascal, Provinciales, I Il fut un temps, pas si lointain où la profession des enseignants d'éducation physique et sportive, les membres des S.T.A.P.S. utilisaient indistinctement les notions les unes pour les autres sans le moindre souci de définition. Cette préoccupation n'apparaissait que lorsqu'il s'agissait de marquer son appartenance à une chapelle théorique. Refuser l'absence de définition tout aussi bien que l'orthodoxie conceptuelle d'un glossaire "officiel", nous amena au début des années 90 à proposer un numéro spécial de la revue Echanges et Controverses consacré à un "Lexique thématique pour dire ce dont on parle en S.T.A.P.S.". L'ouvrage présent constitue une version profondément remaniée de ce travail initial. Nous nous sommes attachés dans ce texte à prendre en compte les diverses remarques et critiques adressées à la première version. Celles-ci étaient principalement de quatre ordres : - Premièrement, il a été reproché au lexique d'Echanges et Controverses d'être un sorte de "reader digest" présentant une culture appauvrie, et de n'offrir aux enseignants ou aux étudiants que des simplifications outrancières. On retrouve cet argument en particulier sous la plume toujours incisive de Brohm dans "A nos amis les rats". Face à cette accusation de réductionnisme (et pour éviter tout risque de sclérose à un si brillant esprit) ce nouveau lexique propose un approfondissement de la réflexion sur chaque concept. Mais rappelons que notre but premier n'est pas de faire un ouvrage à l'usage de ceux qui déjà baignent dans le milieu théorique des STAPS. Ceux-ci pourront d'ailleurs critiquer à coeur joie certains choix, déplorer certains oublis, s'alanguir parfois même de la faiblesse de certaines définitions et bien sûr s'irriter de l'absence de tel ou tel auteur. Nous sommes tout à fait conscient des limites de cet outil de travail, qui tentant de balayer largement le champ des STAPS, tout en conservant des proportions raisonnables, s'expose nécessairement au travers de la réduction. Ce lexique s'adresse avant tout à ceux qui découvrent ou redécouvrent le discours théorique. Nous pensons en tout premier plan aux candidats des concours de recrutement, mais plus largement à tous ceux qui tentent de parfaire leur formation, de demeurer en phase avec la production théorique de leur domaine. - Deuxièmement, il a été dit que le lexique d'Echanges et Controverses était une sorte de grimoire intra-S.T.A.P.S., faisant référence très majoritairement aux auteurs du champs sans retourner aux sources de première main. Ce deuxième bloc de remarques qui toutes touchent à l'ethnocentrisme culturel, soulève un paradoxe: la nécessité d'établir des frontières pour délimiter un champ entraîne un effet de clôture. Ce qu'on veut tenir à -2- l'extérieur nous retient à l'intérieur et en quelque sorte nous emprisonne. Toute entreprise de définition de concepts d'un champ scientifique se heurte à ce problème incontournable. Ce paradoxe trouve un exutoire dans la multiplication éclectique des références, effort nécessaire à toute revendication d’indépendance - Troisièmement, le lexique devrait être une oeuvre collective plutôt que la "lettre de messieurs Delignères et Duret" nous faisait remarquer un psychologue aujourd'hui associé à l'entreprise. Pour éviter toute tendance démurgique, nous avons eu recours à un large réseau de personnes ressources. Toutes nous ont stimulés par des discussions, des remarques, des controverses aussi parfois. Mais nous sommes particulièrement redevable à Ph. Fleurance, J.J Temprado, A. Marcellini, Y. Brisswalter, P. Garnier et bien sûr M. Augustini dont nous avons adopté les définitions spécialisées et sans qui ce travail n'aurait simplement pas été possible. - Quatrièmement enfin, on a regretté que le lexique ne donne pas assez de définitions contradictoires pour un même mot Cette critique était formulée essentiellement par des candidats aux concours convaincus de la nécessité de se repérer dans les courants. Tout discours théorique génère ses concepts spécifiques. Le champ de l'EPS et des STAPS n'échappe pas à la règle, loin s'en faut. L'inflation notionnelle ne va donc pas sans dérouter l'homme de terrain, qui a souvent quelque difficulté à louvoyer dans les jargons scientifiques et didactiques, d'importation ou indigènes. Quel candidat aux concours de recrutement n'a pas jugé indispensable de constituer une "banque de définitions", afin d'assurer son cheminement dans la littérature spécialisée? Là encore nous avons tenu compte de cette inquiétude, en nous rappelant que pour décrire des énoncés concurrents, il faut d'abord renoncer à entrer dans la dispute pour les départager. Il faut ensuite voir dans ces affrontements théoriques des moments d'explicitations des règles et des enjeux qui façonnent le champ des S.T.A.P.S. Ce lexique tente de repérer les concepts-clés du discours actuel des S.T.A.P.S., d'en cerner la ou les définitions courantes, et d'alerter le cas échéant le lecteur sur les polysémies, contre-sens possibles et usages abusifs. La définition est un art difficile: concentrer en un énoncé rapide l'ensemble des tenants et aboutissants d'un concept, focaliser sur l'essentiel sans exclure l'accessoire,... D'ailleurs peu d'auteurs s'essayent réellement à cet exercice. Souvent nous avons dû, faute de trouver la définition explicite d'une notion, recourir à l'isolation d'une partie de texte pouvant en faire office. Dans ces cas, la définition ou l'extrait sont mis entre guillemets et référencés. Parfois, malgré une lecture attentive du texte original, il nous a été impossible d'isoler une formulation suffisamment concentrée. Dans ce cas, nous nous sommes permis de reconstituer une définition, en respectant au maximum la lettre et l'esprit de l'auteur. Nous aurions pu opter pour une présentation alphabétique, mais il nous a semblé que l'optique thématique serait moins artificielle. Les concepts s'appellent, s'opposent ou se complètent, certains ne font que reformuler d'anciennes expressions, certains changent de sens en changeant de champ. Il nous a paru dans ce sens préférable de regrouper les termes autour de thématiques bien identifiées. Le lecteur pourra sans problème se reporter à l'index compilé en fin de lexique, s'il cherche un mot particulier. Les termes apparaissant dans le texte et faisant par ailleurs l'objet d'une définition spécifique sont marqués d'un astérisque. Par ailleurs, certains concepts compilés dans l'index ne sont appréhendés que comme synonymes d'un concept plus usité, et indiqués comme tels au terme de la définition correspondante. Nous proposons parfois, entre parenthèses, la traduction anglaise de certains termes. Nous ne l'avons pas fait systématiquement, réservant cette précision pour les cas où certaines ambiguïtés pouvaient apparaître (par exemple, skill signifie habileté, alors qu'ability renvoie à aptitude). La bibliographie loin d'être simplement "décorative" est -3- une invitation à lire ou à relire les textes de première main dont cet ouvrage ne saurait à l'évidence dispenser le lecteur. Enfin, il faut souligner que face à la force magique des mots et à leur valeur marchande, ce lexique essaie de faire obstacle à l’usage culturel de la terminologie. L’enseignement de l’éducation physique a basculé en une décennie de la vocation à la profession: c’est dans le cadre de cette évolution qu’il faut comprendre ce texte. Il s’offre alors comme un outil professionnel. -4- SOMMAIRE 1. EPISTEMOLOGIE GENERALE. 1.1. Théories, discours et méthode. 1.2. Les champs scientifiques en présence. 1.3. La méthode expérimentale. 2.APS ET SOCIETE. 2.1 Les écoles en Sociologie. 2.2. Les courants philosophiques connexes. 2.3. Les représentations. 2.4. Individuel et collectif, déterminisme et indéterminisme. 2.5. Corps et identité. 2.6. Spectacle sportif et violence 2.7. Culture économique. 2.8. Socialisation et jeunesse 3. APPRENTISSAGE ET CONTROLE MOTEUR. 3.1. L'analyse de la tâche. 3.2. Habileté, aptitude, capacité. 3.3. Habileté et traitement de l'information. 3.3.1. La théorie de l'information. 3.3.2. Les processus de traitement de l'information. 3.3.3. Niveaux de contrôle et efficience. 3.4. Habileté et connaissance. 3.5. L'approche écologique. 3.6. L'apprentissage. 3.7. Le développement. 4. LES VARIABLES INDIVIDUELLES. 4.1. La personnalité et son évaluation. 4.2. La motivation et l'émotion. 5. LA DIMENSION ENERGETIQUE 5.1. Les qualités physiques. 5.2. L'aptitude physique. 5.2.1. Aptitude biomécanique: 5.2.2. Aptitude énergétique 6. LA DIDACTIQUE 6.1. Didactique et pédagogie. 6.2. Les concepts de la didactique. 6.3. Objectifs et contenus. 6.4. L'évaluation. -5- Chapitre 1. EPISTEMOLOGIE GENERALE. Epistémologie: L'épistémologie est définie par Vigarello (1978) comme "l'étude de la constitution et du fonctionnement des savoirs, et par là, celle de leurs démarches, dans une perspective visant tant à leur compréhension qu'à leur critique éventuelle". Il s'agit là d'une définition relative à l'épistémologie des théories. Tout champ soumis à théorisation (science, technologie, etc..) peut supporter une réflexion épistémologique. Cette dernière se développe selon deux axes principaux: il s'agit d'une part de l'étude des conditions de validation des savoirs et concepts véhiculés par la théorie, et d'autre part de l'analyse historique critique de l'évolution des savoirs spécifiques du champ (épistémologie historique). Sans l'épistémologie la science serait traitée comme une instance vérité échappant à l'analyse sociale ou historique; soustraite à la critique la science deviendrait le refuge privilégié de l'idéologie* ou du dogmatisme car elle n'aurait plus de prise sur elle même. On doit distinguer cette théorisation sur la théorie, généralement menée par des spécialistes du champ concerné, du concept d'épistémologie génétique, développé notamment par Piaget. Il s'agit là de l'étude de la construction de l'intelligence, au cours du développement de l'enfant. 1.1. Théories, discours et méthode. Théorie: "Discours explicatif d'un fait dans un but de généralisation" (Lamour, 1991). La théorie suppose une certaine distanciation par rapport au réel, et la reconnaissance de lois, de principes généralisables à un ensemble de phénomènes. Le concept de théorie ne s'applique pas uniquement à l'approche scientifique. Ainsi selon Lamour (1984), quatre discours théoriques sont en action dans le champ de l'éducation physique: la * * * * science , la philosophie , l'idéologie , et la technique . Ces théorisations se démarquent par le type d'objet* pris en compte, l'importance de la distanciation par rapport au réel, et les critères de validation du savoir. En fonction de ces spécifications épistémologiques, une théorie sera plus ou moins rationnelle, ou intuitive. Objet: Concept central, dont l'étude définit l'originalité d'une démarche théorique. Par exemple la psychologie behavioriste a choisi pour objet les relations entre stimulus et réponse comportementale, la psychologie cognitive les processus qui s'intercallent entre ce stimulus et cette réponse, et les neurosciences les structures neuronales sous-tendant ces processus. Un objet peut être décliné en sous-catégories, définissant chacune une démarche théorique originale (par exemple, psychologie de la motivation, psychologie de l'apprentissage,...). L'objet peut également être spécifié en fonction de certains domaines de référence (psychologie du sport, psychologie du travail,...). En tant que concept, l'objet est construit et ne représente qu'une lecture du réel. La pertinence, "propriété d'une position théorique caractérisée par l'adoption d'un point de vue distinctif qui la différencie des autres" (Parlebas, 1991), est liée à cette construction. Il n'est pas superflu de rappeler qu'aucune des méthodes déployées pour quadriller le réel à travers des objets, ne peut prétendre l'épuiser. La validation scientifique renonce aujourd'hui à ce mythe d'épuisement et s'ouvre sur les questions de l'incertitude et de l'inachèvement constitutif de toute connaissance (Popper, 1982). Problématique et champ: On peut définir une problématique comme la relecture d'un * questionnement empirique , dans le cadre d'une pertinence donnée. Une problématique -6- doit permettre d'établir une liaison rationnelle entre le "terrain" et la théorie (notons à ce niveau que le "terrain" peut renvoyer tant à une pratique sociale réelle qu'aux faits empiriques de laboratoire). C'est exactement dans cet esprit que l'on peut comprendre la notion de problématique, dans une dissertation. Le champ représente l'ensemble des problématiques relevant d'une pertinence particulière. On parlera du champ de la psychologie, de la sociologie, des neurosciences, etc... L'étendue d'un champ dépend donc de la pertinence de la discipline scientifique concernée. Modèles: D'une manière générale, on appelle modèles des "figurations ou reproductions qui servent les buts de la connaissance" (Mouloud, 1989). Lamour (1986) définit le modèle comme une "structure logico-mathématique qui permet à un niveau et à un moment déterminé de l'observation de rendre compte abstraitement d'un ensemble de phénomènes". Un modèle doit permettre non seulement de représenter le réel, mais également d'en simuler le fonctionnement. Ces simulations sont à la base des hypothèses scientifiques. On peut donner comme exemples les modèles de traitement de l'information, les modèles des jeux sportifs proposés par Parlebas (1981), les topiques de Freud, etc... La puissance d'un modèle est liée à la précision des hypothèses qu'il permet d'élaborer. Il faut enfin souligner que les modèles employés pour formaliser la réalité ne peuvent en aucun cas l'épuiser. Il convient donc de rester vigilant face aux idéologies du recouvrement, où le modèle est pris pour le réel. Raisonnement: Le raisonnement est une "opération discursive (..) par laquelle on passe de certaines propositions posées comme prémisses à une proposition nouvelle en vertu du lien logique qui l'attache aux premières" (Blanché, 1989). Il s'agit à ce niveau d'un terme générique, s'appliquant à un ensemble de démarches rationnelles. Le raisonnement peut opérer selon diverses logiques, dont les plus courantes sont la déduction et l'induction. La déduction est un "raisonnement par lequel on passe du ou des principes à la conséquence" (Cuvillier, 1974). Il peut s'agir par exemple de déduire une mise en oeuvre didactique à partir d'une théorie psychologique. L'induction "consiste à s'élever de l'observation des faits à l'hypothèse d'une loi explicative" (Blanché, 1989). Ces deux logiques sont souvent présentées comme inverses. L'opposition n'est néanmoins pas parfaite. Si l'induction dessine clairement un * * cheminement du fait empirique à la théorie , la déduction ne vise pas nécessairement l'application pratique: la conclusion d'un raisonnement déductif est souvent une nouvelle proposition théorique, qui pourra servir de prémisse pour une étape ultérieure. Meirieu (1990) propose des définitions de ces deux termes, non plus en tant que logique argumentaire, mais en tant qu'opération mentale. Selon l'auteur, la déduction est une "opération mentale par laquelle le sujet se place du point de vue des compétences d'un acte ou d'un principe, met ceux-ci à l'épreuve de leurs effets et stabilise ou modifie sa proposition initiale", et l'induction est une "opération mentale par laquelle un sujet confronte des éléments pour en faire émerger le point commun". Induction et déduction peuvent être présentées comme des mises en oeuvre inverses du processus d'inférence. Ce dernier peut être défini comme une "opération logique par laquelle on tire une conclusion d'une ou plusieurs propositions admises comme vraies" (Cuvillier, 1974). Le concept d'inférence est souvent employé pour désigner l'opération * consistant à induire une donnée latente d'un indicateur manifeste: par exemple, on * * infère l'habileté à partir de la performance . Induction et déduction n'épuisent pas l'ensemble des logiques argumentaires. On peut noter également l'analogie et le raisonnement dialectique, dont certains auteurs ont fait grand usage. "Le raisonnement par analogie repose sur l'aperception d'un rapport: C est à D ce que A est à B" (Blanché, 1989). L'analogie "consiste à conclure d'une ressemblance constatée à une ressemblance non constatée" (Cuvillier, 1974). Un cas -7- particulier du raisonnement analogique, notamment utilisé par Brohm (1976), consiste à déduire un parallélisme fonctionnel d'une homologie structurelle. De manière générale, le raisonnement dialectique est caractérisé par l'opposition d'arguments contradictoires (thèse et antithèse), que l'on peut dépasser par une proposition d'ordre supérieur (synthèse). Meirieu (1990) décrit la dialectique en tant qu'"opération mentale par laquelle un sujet met en interaction des lois, notions, concepts, fait évoluer des variables dans des sens différents, pour accéder à la compréhension d'un système". Ces différentes formes de raisonnement font souvent appel à des oppositions dont il importe de cerner précisément la signification: Structural/Fonctionnel: Un point de vue structural vise surtout à situer les unités d'un système et à décrire les relations les liant. A l'inverse un point de vue fonctionnel s'intéresse avant tout au rôle joué par tel ou tel processus. L'approche structurale est donc essentiellement descriptive, alors que l'approche fonctionnelle se situe dans une perspective dynamique. Par exemple les approches structurales de l'anatomie (ostéologie, arthrologie) étudient les connexions ou rapports des structures anatomiques. A l'inverse l'anatomie fonctionnelle analyse la constitution des organes en fonction du rôle qu'ils jouent dans la dynamique de l'organisme. Les définitions contenues dans ce lexique pourront également être qualifiées de fonctionnelles ou de structurales, en fonction du type d'éclairage qu'elles apportent sur le concept visé. Formel/Empirique: La pensée formelle se caractérise par l'abstraction, et l'évacuation du contexte matériel. Par exemple la logique formelle étudie la forme des opérations de raisonnement sans considérer la matière sur laquelle elles s'effectuent. La logique empirique est à l'inverse fondée sur l'expérience. Dans son sens le plus courant, empirique renvoie à une connaissance intuitive, à un savoir de terrain, non validé scientifiquement. Plus largement, est empirique tout ce qui relève de l'observation de faits, ceci n'excluant pas que cette observation soit étayée et reliée à une théorisation scientifique: ainsi on qualifie de recherche empirique toute tentative de validation expérimentale d'une hypothèse, y compris si cette expérimentation se déroule dans le * cadre standardisé et artificiel du laboratoire (voir sciences empirico-formelles , * expérimentation ). Dichotomie/Continuum: Une dichotomie est une "division du concept d'un genre en deux espèces qui en épuisent l'extension" (Cuvillier, 1974). La description qui en résulte * est essentiellement discontinue. Par exemple, la distinction des ressources bio- énergétiques et bio-informationnelles relève d'une dichotomie. Un continuum est une échelle descriptive continue d'une classe de phénomènes, définie par deux extrémités contrastées. La situation d'un phénomène donné sur le continuum dépend sa "distance" relative aux deux extrémités. La distinction habiletés fermées*-habiletés ouvertes*, ou encore un trait de personnalité comme l'introversion/extraversion apparaissent ainsi comme des continua. Un classement dichotomique obéit donc à une logique binaire: un phénomène est classé dans une catégorie, ou dans l'autre. A l'inverse les continua permettent une description continue. Dans une logique descriptive, la nature empirique du phénomène est déterminante pour le choix d'une description dichotomique ou continue: le sexe biologique est une variable discontinue, la taille une variable continue. Mais l'utilisation ultérieure, et notamment statistique, de l'outil de description impose ses propres contraintes. Ainsi l'analyse de variance* nécessite l'usage de descripteurs dichotomiques: par exemple dans une étude cherchant à mettre en évidence l'influence de la personnalité sur la performance, on travaillera sur une dichotomie extravertis- introvertis, quitte à éliminer du plan expérimental les sujets "moyens" situés au centre du continuum extraversion-introversion, au lieu de prendre en compte les scores réels des sujets sur le continuum. -8- Autotélique/Téléonomique: Un processus ou une activité autotélique possède en soi sa propre finalité. L'autotélie apparaît par exemple comme une caractéristique fondamentale du jeu chez l'enfant (Durand, 1987): ce dernier joue pour jouer, sans qu'une finalité extérieure ne vienne sur-justifier son activité. Un processus ou une activité téléonomique est au contraire finalisé par un but externe. Par exemple selon Paillard (1977), le développement phylogénétique des organismes (c'est-à-dire leur évolution, au sens darwinien du terme), repose sur une sélection guidée par l'efficacité des fonctions téléonomiques, finalisées par la survie de l'espèce (nourriture, défense, reproduction,...). On peut classer les discours théoriques selon quatre grandes catégories: la science, la technique, la philosophie, et l'idéologie (Lamour, 1984). Les sections qui suivent visent à approfondir ces différents concepts, ainsi qu'à envisager leurs relations réciproques. Science: Classiquement on définit la science comme "l'ensemble de la connaissance des lois des processus naturels" (Ladrière, 1989), ou encore comme un "ensemble de connaissances et de recherches méthodiques ayant pour but la découverte des lois des phénomènes" (Cuvillier, 1974). Dans cette acception classique, le but de la science est de produire des théories et des modèles rendant compte des phénomènes naturels. Il faut comprendre par là que le but de la science est l'analyse et la modélisation de ce qui est, et non l'élaboration de ce qui n'est pas encore: dans cette optique, le but de la science apparaît comme l'élaboration d'une connaissance fondamentale, détachée de toute préoccupation d'application pratique. C'est dans ce sens qu'elle se distingue de la technique*, tournée au contraire vers l'action empirique. Actuellement on admet que la science dépasse la seule investigation du naturel, et une distinction apparaît entre sciences du naturel et sciences de l'artificiel. La science du naturel "(celle que l'on désigne tout bonnement "la science") est résolument cartésienne et positiviste [..] et repose sur une logique descriptive qui permet de rapporter et d'expliquer, en évitant toute contradiction, les relations qu'entretiennent une substance et son environnement, ou deux substances entre elles" (Demailly et Fernandez, 1986). Cette acception renvoie pleinement aux définitions précédentes. La science de l'artificiel "fixe d'abord ses objectifs ou finalités à atteindre; ce n'est qu'ensuite qu'elle examine les moyens à mettre en oeuvre pour le faire, sans se préoccuper de savoir si ces moyens existent déjà dans la nature" (Demailly et Fernandez, 1986). On parle également de sciences de la conception, ou de sciences de l'ingénieur. Cette définition est proche de * celle du concept de technologie . Dans le cadre des S.T.A.P.S. on distingue classiquement les sciences de l'homme (Sociologie, Psychologie, Anthropologie, Ethnologie.) et les sciences de la vie (partie des sciences de la nature s'intéressant au vivant: Biologie, Physiologie...). Quand ces deux paradigmes scientifiques s'affrontent, généralement ils se dénoncent mutuellement revendiquant chacun l'exclusivité de la vraie "science". Mais il s'agit le plus souvent d'un dialogue de sourd où chacun campe sur ses propres arguments épistémologiques et refuse de faire jouer ceux de son adversaire. Le caractère scientifique d'une démarche repose dans un cadre poppérien moins sur l'objet qui la fonde, que sur la réfutabilité des savoirs qu'elle élabore: c'est-à-dire que les procédures de validation du savoir doivent toujours permettre, dans l'absolu, de réfuter une hypothèse, ou de démontrer une hypothèse inverse. L'épistémologie émet ici un paradoxe pour le sens commun: une connaissance irréfutable (c'est-à-dire que l'on n'a pas les moyens de réfuter) n'est par définition pas scientifique: c'est par exemple le cas de la croyance religieuse, ou des superstitions diverses. Une connaissance scientifique est une proposition qui jusqu'à présent a résisté à toutes les tentatives de réfutation. S'appuyant sur la forme logique de la "réfutation et de la falsification, Popper (1956) -9- fustige sans retenue l'histoire dont il se sert d'épouvantail. Mais ce type de raisonnement est largement critiqué au sein des sciences sociales (Berthelot, 1991) où se développe un espace "non-poppérien" de l'administration de la preuve. Ainsi Passeron se gausse-t-il: "Imagine-t-on une théorie comme celle "du siècle de Philippe Auguste" ou du "charisme et de la peur" qui réussirait à les rendre falsifiables par un énoncé singulier?" (Passeron, 1991). Pour échapper au dilemme entre "falsification poppérienne" ou "simple discours spéculatif" où sont placés les sciences sociales, bon nombres d'auteurs (Le Breton, 1990; Boltanski, 1993; Vigarello, 1993) proposent de vérifier les propositions par une herméneutique qui apporte une plus grande richesse sémantique. Une proposition peut être déclarée vraie si son énoncé apporte un supplément de sens au précédent, sans que jusqu'à présent elle n'ait été contrée par une nouvelle proposition rajoutant elle-même du sens. Par exemple on peut lancer comme hypothèse que "le SIDA fait peur parce qu'il est le plus grand des fléaux". On peut dans une logique poppérienne réfuter cet énoncé en montrant chiffre à l'appui qu'on meurt beaucoup plus du cancer que du SIDA. On peut aisément dans la même logique montrer que la vérole au siècle passé entraînait les mêmes peurs du sexe et du sang. Mais on peut aussi la contester dans une logique non-poppérienne en montrant que la peur du SIDA est lié à trois points qui pris séparément ne sont pas originaux mais dont la conjonction est tout à fait nouvelle (Vigarello, 1993). Premièrement, celui qui est atteint est en bonne santé quand on détecte la maladie pourtant il va mourir irrémédiablement (dans le cancer la douleur est source principale d'alerte). Cet argument à lui seul n'est pas nouveau puisque Laennec prédisait avec précision grâce à son stéthoscope les phtisies malignes. Deuxième point, le malade est obligé de savoir (plus de pieux mensonge possible, ce qui place le malade en face de ses responsabilités). En phase de SIDA avéré le malade ne sait pas d'où va surgir l'infection (d'où une attention obsessionnelle tendue vers les signes de dérèglements). Les épistémologues distinguent classiquement différents types de sciences (Ladrière, * * * 1989), notamment les sciences formelles , empirico-formelles et herméneutiques . Ces démarches scientifiques divergent par le type d'objet qui les fondent, et le mode de validation du savoir qui les caractérise. Sciences formelles: Les sciences formelles reposent sur un dispositif abstrait qui permet d'engendrer une classe de propositions. Une science de ce type construit entièrement son * objet (qui n'a en ce sens pas d'équivalent empirique ). C'est le cas par exemple des * mathématiques ou de la logique. La validation du savoir passe par la démonstration , * * mais suppose l'axiome et la règle . Cette validation repose donc sur la cohérence de la généalogie des connaissances: "le critère ultime de validité est la non-contradiction. Il s'agit là d'une propriété purement formelle" (Ladrière, 1989). Ces démarches * scientifiques reposent sur une logique de déduction . Axiome: Un axiome est une proposition indémontrable, évidente par elle-même (Syn.: Postulat). Un axiome constitue donc une exception de poids au principe de réfutabilité * des savoirs. L'édifice purement formel des théorèmes repose entièrement sur le choix des axiomes de départ. Par exemple, la géométrie classique est fondée sur le postulat suivant lequel deux droites parallèles ne se coupent jamais. Il s'agit là d'un axiome fondé sur l'intuition, mais qui ne peut être démontré. Certains auteurs ont élaboré d'autres théories, postulant par exemple quel deux droites parallèles se coupent par une infinité de points. Démonstration: "Démontrer une proposition, c'est la rattacher par une série d'étapes, * dont chacune consiste en l'application d'une règle préalablement connue, à une ou plusieurs propositions premières, dont la validité est supposée préalablement acceptée" -10-
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