ebook img

L'être et le travail PDF

188 Pages·1949·7.625 MB·French
Save to my drive
Quick download
Download
Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.

Preview L'être et le travail

L'ÊTRE ET LE TRAVAIL BIBLIOTHÈQUE DE PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE PSYCHOLOGIE ET SOCIOLOGIE, SECTÎON diRÏGÉE PAR MAURÎCE PRADINES L'fTRE ET LE TRAVAIL LES CONDITIONS DIALECTIQUES DE LA PSYCHOLOGtE ET DE LA SOCIOLOGIE PAR JulEs VUILLEMIN PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE 108, BoulevARd SAiNT-GERMAiN, PARis 1949 DÉPOT LÉGAL l'• édition. 28 trimestre 1949 TOUS DROITS de lraduction,de reproduction et d'adaptation rèstirvés pour tous pays. COPYHIGHT by Preases Universitaire, de France, 1949 CHAPITRE PREMIER LE PROBLÈME DU PSYCHOLOGISME L'histoire du psychologisme, c'est celle du Cogito. Au moment où Descartes découvre dans la pensée la source de toute évi dence et de toute certitude, au moment où il assigne à la vérité son origine dans cette adéquation cfo soi avt!c soi qui s'exprime dans l'expérience du doute, une d•mblc tradition philosophique s'instaure. D'une part le .Tc pense constitue la validité uni verselle de toute connaissance; en lui commence cette longue chaîne de raisons qui de proche en proche nous conduit à Dieu et à la nature. De l'autre il indique au moi son intimité; il rend l'âme plus aisée à connaître que le corps; il privilégie l'expé rience psychologique en découvrant la spécificité du sens interne. Pour indiquer cette dualité du Cogito, Descartes en fait le type de toute évidence et lui confie ainsi le critère dernier de la vérité; mais il le réalise en même temps dans une substance qui est le lieu des faits de conscience. Ce sont ces deux traditions qui cheminent tantôt unies, tan tùt distinctes dans l'histoire de la philosophie. Si Kant par la célèbre distinction des phénomènes et des noumènes, qui sert de principe à sa réfutation de l'idéalisme et à sa théorie du sens interne, refuse d'avantager l'expérience psychologique, et la prive même de l'objectivité phénoménale qui appartient aux objets des sciences naturelles, en la rejetant hors de l'espace dans la simple forme du temps, Maine de Biran cherche au con traire à rendre au sens intime sa signification métaphysique et pense trouver dans l'effort non seulement l'expérience du moi, mais la source jamais tarie de toute certitude et de cet absolu qui naît de la coïncidence parfaite entre la conscience de l'objet et la conscience de soi. Le dilemme est clairement défini : Kant ne nie pas l'existence d'une analyse psychologique, mais il pré tend qu'elle ne nous apprend rien sur l'être en soi, sur la nature de notre âme et sur la signification de la vérité. Au contraire, Maine de Biran ne consent pas à dissocier l'analyse psycholo- 3, VUILIE'.\rlN 1 2 L'fiTRE ET LE TRAVAIL gique de la recherche de la vérité. Dans un cas, on. admet bien, un Je pense au principe de tous les jugements synthétiques a priori; mais ce Je pense trânscendantal n'a rien de commun avec le sens intérne à travers lcqnd les phénomènes temporels du moi ·nous àpparaissent. Dans l'autre, on consent à dépouiller certaines apparences de la vie psychologique de toute certitude apodictique, mais 011 rfsf'T,•c c<·1wn<lnnt par exemple dans la sensation d'effort un domuirw 011 l'analyse psychologique dépasse naturellement Res prémis11t's apparmlles, où elle se prolonge en analyse rèllcxive, oit· c11tl11 ('lit: 11ous montre de façon concrète non seulcmcnl. la naissan(·e ph{•nomérrnlc du moi, mais l'origine m{·taphysique dn monde. Il faut donc soigneusement dislingut•r trois types d'analyse : la psychologique, que les deux traditions nhandonncnt à l'univers de l'apparence, la transcendantale qui n'examine que les con ditions de possibilité de l'expérience et de son ohjct sans avoir égard à la genèse empirique de nos représentations, la réflexive enfin qui pense qu'à côté de cette genèse empirique il existe une analyse constituante encore que concrète, où la psychologie se rencontre nécessairement avec la métaphysique qui la prolonge et qui la fonde. La tradition kantienne réduit le sens intime à l'apparition successive des rC'présentations psychologiques. En ce sens, avoue l'analyse réflex.ive, elle a raison de dénoncer les paralogismes de la psy()hologie rationnelle et en général les illusions de la dialectique; mais c'est pour ajouter aussitôt qu'elle n'entend pas la réflexion au sens de Victor Cousin et du spiritualisme éclectique, que même ce qu'il y a de plus intime en nous résiste absolument à l'analyse et nous fait passer dia lectiquement à la synthèse, à la production spontanée de la pensée par elle-même. En retrouvant en nous le fondement du monde comme mécanisme, comme volonté de vivre et comme raison, en saisissant par la réflexion la genèse de l'espace, de la finalité et de la liberté, on ne croit « ni franchir les limites, ni répudier la méthode de la psychologie » : on aflirme seulement « que la pensée n'est pas une simple donnée de la conscience et qu'elle implique une sorte de déduction et de production d'elle-même (î) ». Philosophie transcendantale et philosophie réflexive s'opposent l'une à l'autre en invoquant les néces sités de cette analyse psychologique dont personne ne veut, mais dont chacun veut expliquer les apparences. A f analyse réflexive, l'analyse transcendantale reproche de ne pouvoir se distinguer de l'analyse psychologique, de confondre par con- (1) LAcHELIER, Psychologie et métaphysique, p. 172. LE PROBLÈME DU PSYCHOLOGISME 3 séquent le phénomène avec ses conditions de possibilité et de cacher avec le mot de dialectique le passage impossible ef con tradictoire de l'analyse à la synthèse, de la psychologie à la métaphysique. De son côté la tradition réflexive accuse la tra dition transeendantale de céder aux préjugés d'objectivité de l'analyse psychologique, en réalisant à part des sensations un sujet qui n'est autre qu'un objet renversé : « Qu'est-ce donc, dit-elle, que cette pensée qui se lie en nous à la perception sans se confondre avec elle, et dont la lumière se réfléchit en quelque sorte de· la perception sur le sentiment et la volonté? Ecartons d'abord toute idée de sujet spécial et mystérieux, de moi trans cendant et extérieur à la conscience sensible. Un tel sujet ne serait, en effet, qu'un objet de plus, qui ne pourrait exister qu'aux yeux d'une autre pensée, et ainsi de suite à l'infini. D'ailleurs, comment la pensée, ainsi réalisée au dehors de nos états de conscience, ferait-elle pour les connaître? La connais sance n'est pas une action extérieure et mécanique qu'un être puisse exercer sur un autre : pour connaître une chose, il faut être, en quelque façon, cette chose même, et pour cela, il faut d'abord ne pas être en soi-même une autre. La pensée est donc numériquement identique à la conscience sensible : elle en diffère en ce qu'elle convertit de simples états subjectifs en faits et en êtres q1.1i existent en eux-mêmes et pour .t ous les esprits : elle est la conscience non des choses, mais de la vérité ou de l'existence des choses (1). ii Mais cette dernière distinction empêche aussi d'apercevoir dans la tradition réflexive une synthèse véritable de la tradition·. psychologique et de la tradition transcendantale. Car comment donc la conscience des choses pourra-t~elle éviter de se C{1n~ fondre avec la conscience psychologique, sinon par le redouble- ment infini, l'objectivité et le formalisme que la réflexion vient précisément de reprocher à l'analyse transcendantale? En effet la synthèse réflexive nous conduit non pas à un moi concret, mais à l'idée d'être; loin que cette idée s'identifie numériquement à la conscience sensible, comme on le prétendait, elle peut être considérée abstraction faite de ses rapports avec la conscience << sensible>>, et elle n'est alors pour nous « que la forme vide d'une existence qui n'est l'existence de rien (2) »; enfin la régression à l'infini que la conscience réflexive alléguait contre la cons cience transcendantale pour se distinguer de tout objet reparaît à son principe : L'idée de l'être se déduit donc d'elle-même, << (1) LACIIELIER, Psychologie el métaphysique, p. 154-155, (2) ID., ibid., p. 160-161. non pas une fois, mais autant de fois quel' on veut ou à l'infini (1 ). » Les deux traditions du Cogito qui semblaient un moment pou~ voir être départagées par la réflexion se retrouvent donc enfer mées chacune dans ses prétentions abusives. L'expérience interne ne parvient pas à la dignité constituante; le Je transcendantal manque l'expérience concn\tc. Quant à la réflexion elle juxtapose simplement deux méthodes contradidoires. Du moins perçoit-dfo forlcnwn 1. la nécessité d'une synthèse réelle et ses intcnl.ions v:1k11t mit~ux que ses œuvres. Ce qui lui manque, c'est en rfalil{\, ro111111e ù son adversaire, de com,. prendre ncLl.tmmnt h~ sens ontologique du Cogito cartésien. La méthode transccn<lanlalc reclwrclm Pn effet par une régression analytique les conditions de possibililt\ de l'expérience; aussi renonce-t-elle a priori à rencontrer l'unité du métaphysique et du psychologique, de l'essence et de l'existence, puisqu'elle refuse avant tout examen la notion d'évidence, et que pour elle la nature synthétique de la connaissance et la nécessité d"une critique vont de soi. Or, malgré ses obscurités et ses ambiguïtés, la méthode réflexive part du même postulat; si elle admet au principe de la connaissance métaphysique une évidence, cette évidence est de « droit », non de fait; mais que peut signifier l'évidenœ dans 1111 l.d contexte'? Qu'est-cc que ce sujet-objet qui s'offre ù nous comrnc 1111c pure forme et dans une régression infinie'! Pour que la philosophie réllexive trouvât ce qu'elle cherchait, il fallait donc quitter l'atmosphère critique et la notion d'une connaissance synthétique, qu'elle avait reçues de son -voisinagi\ avec la tradition transcendantale; il failait retourner ;à l'évidence immédiate du Cogito cartésien. La psychologie descriptive de Brentano semble à cet égard donner corps aux espoirs et aux prétentions que nourrissait la tradition réflexive. Elle refuse en effet de réduire la dimension psychologique concrète aux « faits » qu'y croit découvrir l'ana lyse psychologique d'un Sigwart (2). Elle veut sauver la vérité sans sortir du moi. Tàndis que la prétendue « observation interne » objective les réalités psychologiques et les rend transcendantes et seulement prohahles au regard, la cc perception interne » saisit adéquatement dans l'évidence absolue de la coïncidence de soi avec soi l'immanence des phénomènes vécus. Elle seule est absolument vraie; la perception externe demeure toujours ,partielle; seule la perception interne est vraie, seule elle est au (1) LACHELIER, Psychologie et mélaph11siqr1e, p. 159. (2) BRENTANO, Wahrheit und Euidenz, S. 63; Ursprung der sittlichen .Erlrenn!nis, S. 19; Psychologie vom empirischen Standpunkl, li, S. 181. LE PROBLÈME DU PSYCHOLOGISME se~s plein une « Wahr-nehmung (1) ». Loin que l'évidence se· constitue dans la régression infinie de la réflexion, elle apparaît nécessairement chaque fois que l'objet que vise intentionnelle ment la conscience est interne, puisqu'en ce cas la conscience de soi ne fait qu'un avec la conscience de l'objet. L'adéquation parfaite de la perception interne avec son objet rend inutile et fausse l'interprétation de l'analyse psychologique, d'après laquelle l'évidence naîtrait du sentiment de contrainte que contiennent en eux certains faits psychologiques à titre de qualité carac téristique. Mais du même coup, si la présence psychique est le critère premier de la certitude, il conviendra d'éliminer a priori tous les éléments intentionnels que ne hante pas cette présence, et l'évidence ne peut porter dès lors ni sur les «objets irréels>> en général, ni en particulier sur la conscience du temps hors du présent actuel (2). Qu'il s'agisse de la représentation, qu'on retrouve sous tous les modes de conscience, des jugements ou des volontés, l'évidence n'habite donc que l'actualité de ces phénomènes et elle ne s'attache à eux qu'autant qu'ils sont vécus; par exemple l'amour et la haine tirent leur justesse ou leur fausseté, non pas de leur relation à un monde irréel de va leurs éternelles, mais de l'être même qui est immanent à la per ception interne (3). Or, cette dernière conclusion condamne justement au psycho logisme la psychologie descriptive. Quel sera en effet le critère de la fausseté ou de la justesse du vécu interne? Au moment où le psychologisme cherche à fonder l'évidence sur une conscience interne qu'il conçoit comme un redoublement à l'intérieur du moi d'une perception intentionnelle, il manque précisément ce qu'il dèmande. Sans doute affirme-t-il l'identité de lu conscience de soi et de la conscience de l'objet; mais, comme il entend psy chologiquement cette identité, elle se scinde immédiatement en une dualité et une régression infinies, la conscience psycholo gique de soi comme objet ne pouvant jamais rejoindre adéqua tement la conscience psychologique de soi comme sujet (4). L'intentionnalité qui définit la conscience n'est point une seule et même chose avec l'objectivité; mais le psychologisme vit de leur confusion (5). Et c'est parce qu'il confond le vécu (Erlebnis), seul objet possible d'une perception adéquate et d'une évidence, avec l'objet de ce vécu ( Gegensland) qui est susceptible de tous les degrés de l'approximation, c'est parce qu'il imagine des con- (!) BRE:'-ITANO, Wahrheit und Evidenz, I, S. 35-36; III, S. 6, 14, 20. (2) ID., Jl,id., S. 24, 93. (3) In., Ursprung der sitllichen Erkenntnis, S. 17. (4) HussERL, Logische Untersuchungen, II, 1, S. 356. (5) In., ibid., Il, I, S. 348-349, 371, 378.

See more

The list of books you might like

Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.