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L'etat thessalien. Aleuas le Roux, les tetrades et les tagoi PDF

377 Pages·1995·9.846 MB·French
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1 Bruno HELLY L'ETAT THESSALIEN ALEUAS LE ROUX LES TÉTRADES ET LES TAGOI Publié avec le concours du CNRS COLLECTION DE LA MAISON DE L'ORIENT MÉDITERRANÉEN N°25 SÉRIE ÉPIGRAPHIQUE 2 SOMMAIRE Table des figures 5 Abréviations bibliographiques 7 Introduction 9 Chapitre I. Le chef de la confédération 13 Chapitre II. Wanax et basileus, rois et princes thessaliens 69 Chapitre III. Autorité politique et gouvernement territorial 131 Chapitre IV. L'armée des Thessaliens 193 Chapitre V. Démographie, répartition des terres, cadastres 279 Chapitre VI. Les tagoi des Thessaliens 329 Conclusion 355 Index 365 TABLE DES FIGURES Figure 1 . Carte des territoires théoriques moyens pour les cités thessaliennes du Catalogue des vaisseaux 90 Figure 2. Carte des territoires théoriques moyens des cités thessaliennes du 6e au 2e s. av. J.-C 92 Figure 3. Carte des territoires théoriques placés sous l'autorité des ράνακες thessaliens 94 Figure 4. La division de la Thessalie en quatre « tétrades » (premier ordre) et seize (4 χ 4) « monades » (second ordre) 162 Figure 5. Identification des cités comme « monades » dans le système des tétrades thessaliennes (sur la base de la fig. 4) 166 Figure 6. La carte d'Anaximandre (dans P. Lévêque et P. Vidal-Naquet, Clisthène l'Athénien, p. 81) 176 Figure 7. Construction de la carte d'Aleuas (1) 177 Figure 8. Construction de la carte d'Aleuas (2) 177 Figure 9. La carte d'Aleuas par rapport à notre représentation cartographique actuelle 179 Figure 10. La carte d'Aleuas avec représentation des populations extérieures (« Périèques ») 183 Figure 11. Infanterie : tableau des unités et correspondances avec les divisions territoriales de la Thessalie 199 Figure 12. Disposition des contingents par demi-aile, selon leur valeur combattante 203 6 TABLE DES FIGURES Figure 13. Ordonnance des pelotons de cavalerie : a) « carré »; b) losange constitué selon les files ; c) losange « thessalien » avec ses propriétés spécifiques 206 Figure 14. Cavalerie. Tableau des unités et correspondances avec les unités territoriales de laThessalie 209 Figure 15. Infanterie légère. Tableau des unités et correspondances avec les divisions territoriales de laThessalie 213 Figure 16. Organisation du commandement: a) hiérarchie sur arborescence b) hiérarchie par niveaux 214 Figure 17. La formation en losange sur la base d'un peloton de 72 hommes 244 Figure 18. Les trois dispositions théoriques des grands kléroi par rapport à l'ét ablissement urbain central, et les positions possibles des établissements secondaires, kômai de citoyens ou villages de dépendants 292 Figure 19. Répartition des lots sur base 30 (5 fois 6) et 32 (8 fois 4) 299 Figure 20. Reconstruction de lots de 50 plèthres d'après Salviat et Vatin (« Le cadastre de Larissa de Thessalie, état des questions », Cadastres et espace rural, Besançon, 1983, p. 310) 301 LISTE DES ABREVIATIONS UTILISEES POUR LES OUVRAGES LE PLUS SOUVENT CITÉS Bechtel F. Bechtel, Die griechischen Dialekte (1921-1924), vol. I, Berlin, 1963. K.J. Beloch, Griech. Geschichte K.J. Beloch, Griechische Geschichte, 2 vol., Strasbourg, 1912. W. Blümel, Die aio tischen Dialekte W. Blümel, Die aiolischen Dialekte, Phonologie und Morphologie der inschriftlichen Texte aus genetiver Sicht, Ergänzungshefte zur Zeitschrift für vergleichende Sprachforschung, Nr. 30, Göttingen, 1982). J. et L. Robert, Bull, épigr. J. et L. Robert, Bulletin épigraphique de la Revue des Études grecques (jusqu'à 1984). Bull, épigr. Bulletin épigraphique de la Revue des Études grecques (après 1984). Busolt-Swoboda, Griechische Staatskunde G. Busolt-W. Swoboda, Griechische Staatskunde, 2 vol. Munich, 1925. P. Carlier, La royauté... P. Carlier, La royauté en Grèce avant Alexandre, Paris, 1983. M. Caveing, La constitution du type mathématique... M. Caveing, La constitution du type mathématique de l'idéalité dans la pensée grecque, thèse Paris 1977, Atelier de reproduction des thèses, Lille, 1982. P. Chantraine, Diet. étym. P. Chantraine, Dictionnaire étymol ogique de la langue grecque ; histoire des mots, Paris, 1969-1980. CID1 G. Rougemont, Corpus des inscrip tions de Delphes, tome 1, Paris, 1977. LISTE DES ABREVIATIONS CID II J. Bousquet, Corpus des inscriptions de Delphes, tome 2, Paris, 1989. J.-N. Corvisier, Aux origines. J.-N. Corvisier, Aux origines du miracle grec, Paris, 1992. GHW plus numéro Numérotation des inscriptions thessa- liennes établie pour archivage par V. von Graeve, B. Helly, C. Wolters. IG, IX 2 Inscriptiones Graecae, IX, Pars 2 : Inscriptiones Thessaliae, ed. O. Kern, Berlin, 1908. L.H. Jeffery, Local Scripts L.H. Jeffery, The Local Scripts of Archaic Greece, 2e éd. , Oxford, 1990. G. Kip, Thessalische Studien G. Kip, Thessalische Studien. Beiträge zur politischen Geographie, Geschichte und Verfassung der thessalischen Land Schäften, diss., Halle, 1910. E. Meyer, Theopomps Hellenika E. Meyer, Theopomps Hellenika, « mit einer Beilage über die Rede an die Larisäer und die Verfassung Thessaliens», p. 218-249 (1909), repr. Hildesheim, 1966. RE Pau\y-Wissowa,Real-Encyclopädiefür Altertumswissencha.fi. Ε. Schwyzer, Griech. Grammatik E. Schwyzer, Griechische Grammatik, 3 vol., Munich, 1959. M. Sordi, La lega tessala... M. Sordi, La lega tessala sino a la morte di Alessandro Magno, Rome, 1958. F. Stählin, Hell. Thess. F. Stählin, Das hellenische Thessaien, (1924), repr. Amsterdam, 1967. H. D. Westlake, Thessaly. H. D. Westlake, Thessaly in the fourth Century, Londres, 1937. INTRODUCTION Depuis bien des années confronté aux problèmes de l'histoire thessalienne, j'ai accumulé très tôt les principaux matériaux utiles à l'étude des noms désignant les chefs des Thessaliens, ces nomina imperii, comme disait l'historien S. Ferri, qui caractérisaient leurs autorités, les termes άναξ, βασιλεύς et ταγός. L'invitation que m'a faite M. Casevitz d'apporter une contribution particulière sur ce point au séminaire et au colloque dont il partage la responsabilité avec E. Lévy sur les noms du pouvoir personnel en Grèce ancienne m'a engagé à pousser la recherche plus à fond et m'a donné en fin de compte la chance de faire deux découvertes. L'une permet de constater qu'un tagos fédéral des Thessaliens n'a jamais existé. L'autre autorise à reconstruire l'organisation politique des Thessaliens telle qu'elle était établie dans la seconde moitié du 6e siècle av. J.-C. En étudiant l'histoire du mot tagos, j'ai ainsi vu apparaître en pleine lumière le fait que la représentation du chef suprême des Thessaliens que se transmettent les historiens depuis près de cent ans n'était qu'une illusion : il n'a jamais existé de tagos fédéral des Thessaliens avant Jason de Phères, au début du 4e siècle. Parler d'une tageia fédérale thessalienne constituée au temps des origines repose sur une généralisation abusive d'une seule source, quelques phrases de Xénophon, qu'on a voulu privilégier au détriment de toutes les autres. Les textes font clairement apparaître, en lieu et place de ce tagos, un archonte, άρχος ou άρχων, très générale menatp pelé τέτραρχος à partir du moment où fut introduite la division de la Thessalie en quatre tétrades. Ce nom, tétrarque, que les historiens ont faussement interprété comme désignant un chef de tétrade, est en réalité le titre officiel du chef fédéral des Thessaliens, depuis le 6e siècle, jusqu'à la prise de possession de la Thessalie par Philippe II incluse : c'est alors le roi de Macédoine qui prend lui- même ce titre et qui, ne pouvant assurer sur place l'exercice de ce pouvoir, désigne pour le représenter des τετράδαρχοι, chefs de tétrades. J'ai découvert d'autre part que je pouvais reconstituer dans sa quasi-totalité l'organisation territoriale, militaire et administrative de la Thessalie qui fonde cette division en tétrades, attribuée explicitement à Aleuas le Roux par deux fragments de la Constitution des Thessaliens d'Aristote. Tenant compte d'abord du caractère territorial de cette organisation, j'ai trouvé chez les géomètres ioniens et dans les premières tentatives de cartographie dues à Anaximandre les principes géométriques simples sur lesquels a été fondée la division de la Thessalie en tétrades, en poleis et en kléroi. La tétrade reçoit son nom du fait qu'elle est 10 INTRODUCTION constituée de quatre cités, les quatre tétrades regroupant en tout seize cités. Nul n'a contesté que cette organisation territoriale visait principalement à des fins militaires, mais les historiens se sont tenus à des hypothèses générales et vagues sur ce point. Or, pour reconstituer les détails de cette organisation, il suffit de se reporter à un traité spécialisé, la Technè Taktikè d'Asclépiodote, qui décrit la composition d'une armée grecque, avec tableaux d'effectifs et nombres d'unités : loin d'être un écrit théorique, ces Taktika sont un guide descriptif de ce qui a existé, et il est de toute confiance, car, en matière d'organisation militaire, il n'est pas possible d'échapper aux lois des nombres, à une arithmétique qui autorise doublements ou dédoublements des unités en fonction des besoins concrets des formations de défense, d'attaque, de stationnement ou de mouvement. L'ouvrage d'Asclépiodote a en outre l'avantage d'exposer les mécanismes de la mobilisation et de la constitution des unités militaires de base. Il faut en vérité descendre jusqu'à ce niveau pour donner un point d'insertion à la fonction de tagos, pour laquelle je proposerai l'hypothèse qu'elle a été créée lors de cette réforme et comme un élément qui n'existe que par elle. En définitive, je ferai apparaître dans sa rigueur mathématique l'organisation de l'espace politique des Thessaliens tout comme celle de leur force militaire. Le parallèle avec l'organisation de l'Attique par Clisthène s'imposera alors de lui-même. Ainsi s'esquissera en quelques traits, peu nombreux mais vigoureux, la figure d'un réformateur thessalien hardi et systématique, Aleuas de Larisa, bien au fait des progrès de la science grecque de son temps, sachant exploiter les possibilités de la cartographie et de l'arithmétique naissantes pour sceller l'unité d'un seul peuple, les Thessaliens. Restituer cette figure de l'autorité suprême des Thessaliens n'a pas été une tâche tout à fait facile. J'ai dû dégager l'interprétation du mot tagos de toutes les surcharges qui lui ont été imposées tant de la part des historiens que des philologues et qui en altèrent la compréhension depuis cent ans ou presque. L'idée de la prétendue tageia fédérale des Thessaliens a été si séduisante qu'elle a entraîné une déformation univoque de toutes les études consacrées à la Thessalie archaïque ; cette magistrature illusoire est devenue, dans l'imaginaire des historiens, le point d'aboutissement d'une évolution simpliste qui aurait conduit à fédérer en une seule personne les pouvoirs d'autorités localement dispersées, les basileis de l'époque archaïque, eux-mêmes considérés comme les héritiers, peu ou prou, des wanakes préhomériques. Pour réfuter ces représentations depuis longtemps tenues pour acquises, je ne pouvais pas éviter de suivre pas à pas et de reproduire, dans leurs passages essentiels, les discours des historiens et des linguistes pour identifier chaque argument, en jauger le poids et la pertinence, avant de les écarter pour revenir à la plus simple interprétation des mots de la langue grecque, trop souvent oubliée. De même, j'ai été obligé de descendre jusque dans les calculs arithmétiques de détail pour trouver les correspondances terme à terme qui associent, indubitablement, la composition des effectifs de l'infanterie et de la cavalerie thessaliennes à l'organisation territoriale des kléroi, des cités et des tétrades. Le INTRODUCTION 1 1 nombre et la longueur des citations, les retours répétés à certaines sources antiques, essentielles mais mal interprétées, s'expliquent ainsi. La composition de l'ensemble a aussi été déterminée en grande partie par la genèse de ce travail : avant de m'y engager, j'avais l'intention d'inclure cette étude dans l'ouvrage que j'ai en chantier sur les origines des Thessaliens, ou plus exactement sur les circonstances qui ont fait émerger ces Thessaliens parmi tous les peuples qui occupaient les plaines entre le Pinde et l'Egée Κ L'impulsion que la demande amicalement formulée par M. Casevitz et E. Lévy a donnée à mon travail et l'accueil que mes collègues ont fait à l'exposé des résultats m'ont incité à aller de l'avant. Mais ce qui ne devait être qu'une communication ou un chapitre d'un livre est devenu un ouvrage différent, dont la publication ne pouvait plus se faire que de manière indépendante. Dans l'élaboration du texte définitif, j'ai bénéficié de l'appui et de l'aide attentive de collègues et d'amis, dont les conseils et les corrections m'ont été précieux : le groupe thessalien avec lequel je travaille depuis bien des années, Laurence Darmezin, Jean-Claude Decourt, Gérard Lucas, Massimo di Salvatore, Argyroula et Charalambos Indzessiloglou. Et j'aurai mauvaise grâce d'oublier mon maître Jean Pouilloux, ainsi que Max Guy, Pierre Lévêque et Monique Clavel- Lévêque, Olivier Picard. Je suis enfin totalement redevable, pour la publication, à l'équipe éditoriale de la Maison de l'Orient et à Thérèse Monloup qui ont su, par leurs soins attentifs, faire de mes pages de textes ce livre. Que tous trouvent ici le témoignage de mes remerciements très sincères. 1 . J'ai déjà publié deux éléments de cet ouvrage sous forme d'études séparées : le texte que j'ai donné sur « Les premiers agriculteurs de la Thessalie: : mythe des origines à la lumière de la philologie, de l'archéologie et de la linguistique » dans Rites et rythmes agraires, séminaire de recherche sous la direction de Marie-Claire Cauvin, TMO n° 20, 1991, p. 135-147, forme pour ainsi dire son introduction ; l'article sur « Les cités antiques de la Thessalie » paru dans les Dossiers de l'archéologie, n°159, avril 1991 , p. 30-42, en constitue l'un des chapitres. CHAPITRE PREMIER LE CHEF DE LA CONFÉDÉRATION En 375 av. J.-C, sous les yeux de tous les Grecs des cités libres de l'Hellade, les Thessaliens vivent un moment dramatique de leur histoire : ils sont menacés de perdre leur liberté pour passer sous la domination d'un tyran. Jason, le tout puissant dynaste de Phères, l'une des plus importantes villes de Pélasgiotide, déjà maître d'une grande partie de cette province, où se trouve aussi Larisa, la principale cité des Thessaliens, se présente à Pharsale, capitale d'une autre province de la région, la Phthiotide. Il vient négocier avec un noble de cette cité, Polydamas, qui gouverne les Pharsaliens, et qui possède aussi une influence ou un pouvoir d'entraînement sur toutes les autres cités thessaliennes encore indépendantes. Ce que Jason vient chercher à Pharsale, fort des troupes qu'il commande, qui surpassent les forces thessaliennes elles-mêmes et qui menacent Pharsale, c'est un accord qui lui permette de devenir le chef suprême de tous les Thessaliens. Mais c'est aussi un ultimatum. Nous avons connaissance de cet événement crucial par un long chapitre des Helléniques de Xénophon '. L'historien a donné à son récit, comme tous les historiens anciens ont l'habitude de le faire pour les moments importants, la forme d'un discours. Ce sont donc les paroles de Jason lui-même que nous lisons 2 : il revendique en termes à la fois persuasifs et directs, sinon même brutaux, d'être élu ταγός des Thessaliens, c'est-à-dire chef de toutes leurs forces armées et détenteur du pouvoir sur leur nation, έθνος, organisée en confédération. Les arguments de Jason sont sans équivoque : εΰδηλον ήμΐν οτι Φαρσάλου γενομένης και των εξ υμών ήρτημένων πόλεων εύπετώς άν εγώ ταγός Θετταλών απάντων κατασταίην, « c'est, pour nous, l'évidence qu'avec l'appui de Pharsale et des cités qui dépendent de vous, je n'aurai pas de peine à devenir "tagos" de tous les 1. Xénophon, Helléniques, livre VI, chapitre I, qui est isolé en tête du livre et représente une digression (cf. la phrase finale du chapitre, en VI, 1, 19 : εις ταςπερι 'Ιάσονος έξέβην) sans rapport avec la description chronologique des événements qui se déroulent en Grèce centrale et dans le Péloponnèse et auxquels sont consacrés les livres V et VI. 2. En fait Xénophon a tenu à insérer, pour ainsi dire, un discours dans le discours : c'est Polydamas de Pharsale qui rapporte aux Spartiates, dont il vient réclamer le secours, l'exhortation que Jason lui a faite à Pharsale.

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