Les Russes et les Soviétiques en France durant la Seconde guerre mondiale: entre collaboration et résistance Anastasia Pavlova To cite this version: Anastasia Pavlova. Les Russes et les Soviétiques en France durant la Seconde guerre mondiale: entre collaboration et résistance. Histoire. 2015. dumas-01256694 HAL Id: dumas-01256694 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01256694 Submitted on 15 Jan 2016 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Université Paris 1 Panthéon Sorbonne – École Normale Supérieure de Cachan UFR 09 Master Histoire des sociétés occidentales contemporaines XIXème – XXIème siècles Centre d’Histoire Sociale du XXème siècle LES RUSSES ET LES SOVIÉTIQUES EN FRANCE DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE : ENTRE COLLABORATION ET RÉSISTANCE Mémoire de Master 2 recherche Présenté par Mlle Anastasia Pavlova Sous la direction de M. Olivier Wieviorka et Mme Catherine Gousseff 2014/2015 Université Paris 1 Panthéon Sorbonne – École Normale Supérieure de Cachan UFR 09 Master Histoire des sociétés occidentales contemporaines XIXème – XXIème siècles Centre d’Histoire Sociale du XXème siècle LES RUSSES ET LES SOVIÉTIQUES EN FRANCE DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE : ENTRE COLLABORATION ET RÉSISTANCE Mémoire de Master 2 recherche Présenté par Mlle Anastasia Pavlova Sous la direction de M. Olivier Wieviorka et Mme Catherine Gousseff 2014/2015 3 REMERCIEMENTS Je remercie, tout d’abord, Olivier Wieviorka et Catherine Gousseff, mes directeurs de recherche, pour l’aide qu’ils m’ont apportée tout au long de l’année, pour leurs remarques et conseils avisés. J’aimerais exprimer ma gratitude aux collaborateurs des Archives Nationales et du Musée de la Résistance nationale de Champigny. Je remercie en particulier Céline Heytens, collaboratrice du musée, pour m’avoir encouragé dans mes recherches. Je remercie Philippe Wilmouth, président de l’Association pour la Conservation de la Mémoire de la Moselle en 1939/45 (Ascomémo), pour son accueil et pour le temps qu’il m’a consacré tout au long de mon séjour en Moselle. Je souhaite, ensuite, remercier Christophe Charle et Dominique Kalifa, professeurs de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, pour leur soutien et pour les conseils qu’ils m’ont donnés pendant la phase décisive d’écriture. Enfin, un grand merci à tous mes proches, famille et amis, et en particulier à Frank. 4 ABREVIATIONS ET SIGLES AN : Archives Nationales ANACR : Association Nationale d’Anciens Combattants de la Résistance ASCOMÉMO : Association pour la Conservation de la Mémoire de la Moselle en 1939/45 AUS : Association française des Amis de l’Union soviétique CCPGS : Comité Central de Prisonniers de Guerre soviétiques DP : Desplaced person FFI : Forces Françaises de l’Intérieur FTP : Francs-tireurs et partisans FTPF : Francs-tireurs et partisans français MOI : Main-d'œuvre immigrée MRN : Musée de la Résistance nationale MVD : Ministerstvo vnutrennih del/ Ministère des Affaires étrangères NKVD : Narodnyj komissariat vnutrennih del/ Commissariat du peuple aux Affaires intérieures NTS : Narodno-trudovoi souz rossisskih solidaristov/ Union solidariste du travail OCM : Organisation Civile et Militaire OS : Organisation Spéciale PCF : Parti communiste français ROA : Russkaâ osvoboditelʹnaâ armiâ/ Armée de libération Russe REOD : Russkoe èmigrantskoe oborončeskoe dviženie/ Mouvement défensiste russe RMVE : Régiments de Marche des Volontaires Étrangers 5 RNSUV : Russkij nacionalʹnyj soûz učastnikov vojny/ Union nationale russe des participants de la guerre ROVS : Rossijskij Obŝevoinskij Soûz/ Union Générale Militaire Russe SS : Schutzstaffel SS-FHA : SS-Führungshauptamt 6 INTRODUCTION Bien que la Résistance française des années sombres constitue une problématique familière pour les historiens de la Seconde Guerre mondiale en Europe occidentale, la question de la participation des étrangers en général et des étrangers d’origine russo- soviétique en particulier à la Résistance française est loin d’être élaborée. Cependant, si un grand nombre d’ouvrages a été consacré à la résistance polonaise1, italienne2 et espagnole3 en France occupée, aucun ouvrage dans l'historiographie française ou russo-soviétique ne présente l'analyse approfondie des circonstances de l’engagement et de la participation des citoyens russes et soviétiques à la Résistance. Peut-on vraiment parler d’une résistance russo- soviétique en France et si oui, quels registres faut-il choisir pour une telle analyse ? Existe-t-il une résistance spécifique des Russes ou des Soviétiques qui se trouvent en France durant la guerre? Quel est le rôle des Russes et des Soviétiques dans la Résistance et par quels moyens se sont-ils impliqués dans la lutte contre l’occupant nazi ? La résistance russo-soviétique désigne les représentants de deux catégories, notamment des Russes et des Soviétiques, qui se trouvent sur le territoire français pendant la Seconde Guerre mondiale. Le cas de groupes russo-soviétiques en France peut être considéré comme un cas très particulier pour plusieurs raisons. A partir des premières années de l’Occupation, on considère que la plupart des Russes présents en France ont émigré (notamment les émigres venus dans ce pays après la prise du pouvoir par les Bolchéviques dans les années 1917-1920). Rappelons qu’au moment de l’occupation allemande en 1939, on recense environ 64 000 Russes et 13 800 naturalisés d’origine russe en France d’après le dernier recensement avant la guerre en 19364. Bien que ces chiffres soient assez modestes, l’émigration russe a ceci de particulier qu’elle reste marquée par un grand nombre de clivages 1 Voir par exemple : DRWESKI Bruno, « La Pown : un mouvement de résistance polonais en France », Revue des études slaves, Tome 59, fascicule 4, 1987, p. 741-752 ; PONTY Janine, « POWN et réseau F2 : deux mouvements essentiels de la résistance polonaise en France », in JOUTARD Philippe, MARCOT François (dir.), Les Étrangers dans la résistance en France, Besançon, Musée de la Résistance et de la Déportation, 1992, p. 93-97 ; PONTY Janine, « L'apport de témoignages à l'histoire de la Résistance polonaise en France : F2 et POWN », Revue des études slaves, Tome 75, fascicule 2, 2004. p. 297-305 ; WYRWA Tadeusz, La résistance polonaise et la politique en Europe, Paris, Éditions France-Empire, 1984, 590 p. 2 Voir par exemple : MILZA Pierre (dir.) et PESCHANSKI Denis, Exils et migrations : Italiens et Espagnols en France (1938 - 1946), Paris, l'Harmattan, 1994, 695 p. 3 Voir par exemple : CATALA Neus, Ces femmes espagnoles de la Résistance à la déportation, Paris, Tirésias, 1994, 356 p. ; DREYFUS-ARMAND Geneviève, L’exil des républicains espagnols en France, de la guerre civile à la mort de Franco, Paris, Albin Michel, 1999, 475 p. 4 GOUSSEFF Catherine, L’exil russe. La fabrique du réfugié apatride (1920-1939), Paris, CNRS Éditions, 2008, p.106. 7 idéologiques et politiques. A la veille de la guerre les émigrés sont regroupés en plusieurs mouvements politiques et créent de nombreuses organisations paramilitaires. Au début de l’année 1939, la guerre contre l’Allemagne semble inévitable, de même que la participation de l’URSS à celle-ci. Les déclarations antisoviétiques des Nazis ne laissent aucun doute sur le fait que la guerre à l’Est est imminente. Quand l’Allemagne nazie déclare la guerre à l’Union soviétique le 22 juin 194l, l’émigration russe en France se divise en deux camps politiques en matière de patriotisme : un groupe sympathisant au régime hitlérien, l’autre souhaite la victoire de l’armée soviétique. Certains émigrés russes deviennent collaborationnistes et comptent sur Hitler pour anéantir le pouvoir soviétique : pour eux, souhaiter la défaite de l’URSS signifie souhaiter le retour de la Russie qu’ils avaient été obligés de quitter5. D’autres s’engagent dans la Résistance dès la première année de l’Occupation. Cette partie de l’émigration russe milite activement pour ses deux patries : d’un côté, pour la France, puis pour la Russie. Typologie des acteurs Les résistants russes en France entrent dans la clandestinité sous les conditions variées et pendant des périodes différentes. Si les uns créent des réseaux résistants dès la première année de l’Occupation allemande, les autres les rejoindront en 1941, lorsque l’Allemagne nazie attaque l’URSS. A cet égard, il convient de mentionner que l’on peut distinguer deux périodes de prise de conscience par l’émigration russe : la première période marquée par la première vague de patriotisme des émigrés russes en France est le moment de l’offensive allemande contre la Russie soviétique. Cependant, à cette période, on compte un grand nombre d’émigrés russes en France dont l’attitude envers l’URSS reste fortement négative. Le tournant marqué par le changement de leur position envers la Russie soviétique et la guerre est la victoire de l’Armée soviétique à Stalingrad en février 1943. Cette victoire de l’URSS exerce un effet décisif sur les Russes émigrés et plusieurs d’entre eux participent plus activement à la Résistance. L’autre couche de la résistance russo-soviétique est représentée par les citoyens soviétiques, principalement par les prisonniers de guerre qui se trouvent dans les camps allemands en France pendant la guerre. Les premiers prisonniers de guerre soviétiques sont amenés en France pour des travaux forcés à partir de 1942. Entre 1943 et 1944, on dénombre 5 HELLER Michel, « «Un Führer» à Paris : Ju. S. Žerebkov (1941) », Cahiers du monde russe et soviétique, XXIV (1983), Tome 24, p. 179-199. 8 environ trente à quarante mille citoyens soviétiques rassemblés dans les camps6. Dans le cadre de notre étude, nous allons principalement mobiliser les sources concernant les prisonniers de guerre de l’Est dans les camps des départements de la Moselle et du Pas-de- Calais qui comptent le plus grand nombre des prisonniers soviétiques pendant l’Occupation. Nous allons nous concentrer sur la résistance dans les camps et sur celle des prisonniers de guerre évadés. De surcroît, nous allons aborder la participation à la Résistance des Soviétiques enrôlés de force dans la Wehrmacht qui sont amenés en France à partir de 1943 et qui refusent de se battre contre les Français et les Alliés. La présence des émigrés russes et des citoyens soviétiques dans la Résistance constitue une intéressante particularité de cette résistance étrangère. C’est la résistance à partir de deux groupes, marquée par des clivages politiques, idéologiques et sociales. Cependant, ces clivages sont souvent écrasés par la guerre et par la lutte commune qu’ils mènent, et les trajectoires des représentants de ces catégories parfois se croisent. Ce mémoire a pour objectif de démontrer la participation à la Résistance des émigrés russes et des Soviétiques ainsi que la coopération entre ces deux groupes. L’étude des circonstances de l’engagement des Russes et des Soviétiques dans la Résistance permet d’établir les jalons qui sillonnent le parcours des émigrés russes et des citoyens soviétiques, et de définir leur place dans l’histoire de la Résistance. Etat des lieux historiographiques Penchons-nous à présent sur l’historiographie relative à notre sujet consacrée à la présence des émigrés russes et des citoyens soviétiques dans la Résistance française. Bien que l’historiographie soviétique compte quelques ouvrages sur les citoyens soviétiques dans les résistances occidentales7, aucun ouvrage présentant l’analyse approfondie des conditions de leur engagement et du fonctionnement des réseaux prosoviétiques sous l’occupation allemande n’a encore été réalisé. Nous trouvons cependant des ouvrages publiés par les historiens en URSS sur la participation des citoyens soviétiques à la Résistance française. Leur intérêt pour la présence des Soviétiques dans la Résistance se manifeste à partir des années 1960. Parmi les ouvrages publiés à cette époque-là, il convient de mentionner un 6 LAROCHE Gaston, On les nommait des étrangers, Paris, Les Editeurs Français Réunis, 1965, p. 238. 7 Voir par exemple : LUKAŠIN, V.I., Protiv obŝego vraga, Moscou, Voenizdat, 1976, 192 p.; SEMIRÂGA M.I., Sovetskie lûdi v Evropejskom soprotivlenii (Les Soviétiques dans la Résistance européenne), Moscou, Nauka, 1970, 351 p. 9
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