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Les motivations / Alex Mucchiell PDF

71 Pages·2014·0.62 MB·French
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QUE SAIS-JE ? Les motivations ALEX MUCCHIELLI Professeur à l'université Paul-Valéry de Montpellier Neuvième édition mise à jour e 35 mille Introduction Depuis son lancement, vers 1930, le terme de motivation a connu un très grand succès. On le trouve désormais dans tous les domaines touchant de près ou de loin à la conduite humaine : économie, pédagogie, politique, arts… Il supplante définitivement les termes anciens de tendance, besoin, pulsion, désir… Son utilisation généralisée est due à ses connotations ambiguës et attractives renvoyant au secret espoir de percer les ressorts intimes de la conduite des autres et de pouvoir les manipuler. L’intérêt pour ce terme révèle en effet, d’une part, la forte sensibilisation de notre époque à tout ce qui touche l’influence des hommes sur d’autres, et, par ailleurs, l’inquiétude devant certains pouvoirs d’influence et devant l’apparition de comportements sociaux imprévisibles et agressifs. De nombreuses techniques de manipulation ont été mises au point et fonctionnent avec succès. Citons par exemple : la publicité subliminaire, les lavages de cerveau, les thérapies de déconditionnement… Mais alors que l’on maîtrise ces moyens, on ne possède pas encore une théorie unifiée des motivations. Ceci est essentiellement dû au fait que le terme motivation a été créé par des hommes de l’art publicitaire pour désigner un ensemble de facteurs inconscients agissant sur les conduites. Or, à l’examen, ces facteurs renvoient à des réalités extrêmement différentes qu’il est difficile de faire rentrer dans un même concept opératoire. Deux publicistes se disputent la paternité du terme « motivation » : Ernest Dichter et Louis Cheskin. Pour eux la « science de la motivation et ses méthodes tendent à mettre au jour les causes réelles du comportement de l’homme ». Pour Dichter (1961), « le bain culturel permanent dans lequel nous sommes nous impose une vision rationnelle du monde et des actions humaines. Nous cherchons toujours des causes logiques. Nous nous faisons illusion en voulant que la raison préside à nos motivations, alors qu’il vaudrait mieux tenir les sentiments pour une forme supérieure de raison… Le rationalisme est un fétichisme du xxe siècle. Notre culture ne nous permet pas de songer que l’irrationnel pur puisse être la clé de notre conduite. Et pourtant, la plupart des religions et des systèmes politiques, certains aspects du comportement de l’homme, tels l’honneur, l’amour, l’affection ne reposent nullement sur la raison ». Les motivations, pour ces auteurs, sont alors l’ensemble des facteurs irrationnels et inconscients des conduites humaines. Le niveau motivationnel. – Pour Dichter et Cheskin, ce niveau est : 1/ irrationnel, 2/ inaccessible directement. « Bien des motivations n’ont que faire de la raison, ou de la conscience, et elles restent inconnues aux intéressés eux-mêmes. Ce principe implique que la plupart des faits et gestes ont des motivations plus profondes qu’il n’apparaît et que seule une démarche adroite peut nous en donner la clé… Nous avons procédé, il y a quelque temps, à l’expérience suivante : nous avons présenté 25 pains de savon de 25 marques différentes. Nous avons demandé aux gens d’en choisir un après leur avoir demandé au préalable ce qu’ils estimaient le plus dans un savon. Tous ont parlé de la grosseur, de l’odeur, de la personnalité du savon, de ses propriétés dissolvantes. Soixante-dix pour cent de ces personnes (pour la plupart des femmes) ont eu la même réaction quand on leur a présenté un pain de savon. Elles l’ont développé, en ont caressé des doigts la surface, l’ont senti, puis soupesé. Nous avons filmé leur attitude et grande a été leur surprise lors de la projection. Mais toutes se sont rendues à l’évidence, bien qu’elles n’aient nullement, comme elles l’ont affirmé, imaginé ce qu’elles faisaient. Elles ont été très étonnées de voir que le poids avait été le facteur déterminant, soit qu’il y ait là une réminiscence du temps où les femmes faisaient leur savon, soit que le poids représente un des critères de valeur du monde moderne. Le fait qu’elles aient caressé le savon reflétait le désir d’en “prévérifier” la douceur. C’est là une attitude irrationnelle puisque personne n’emploie de savon liquide. C’est la mousse qui est douce » (Dichter, op. cit., p. 44). Ceux qui considèrent les « seuls faits scientifiques comme devant être directement observables, ajoute Dichter, nous ont fourvoyés… Les motivations sont généralement inconscientes. Ce sont des mécanismes enchevêtrés et compliqués… J’estime que l’interrogation directe est en matière de motivations non seulement hors de propos et contraire à la science, mais qu’il y a lieu de la rejeter » (Dichter, op. cit., p. 60). Pour Dichter, si ce « niveau motivationnel » est inaccessible directement c’est « parce que le désir de paraître raisonnable aux autres comme à soi-même est de tous le plus important » (p. 61). Les réponses données par les interviewés seront donc toujours rationalisées. Ce « désir de paraître raisonnable » génère une conduite de mensonge-rationalisation (il est donc une motivation). Ce désir de paraître raisonnable, dans l’interview donnée et dans l’explication que l’on se fournit à soi-même, fait partie d’un ensemble plus général de mécanismes biopsychologiques : les mécanismes de défense sociale. Ces mécanismes ont pour but de préserver aux yeux d’autrui la valeur sociale de l’individu, donc de participer à la transformation des déterminants réels de l’action pour en fournir des mobiles valorisants pour l’« image de soi » (cf. A. Mucchielli, 1995, p. 130-150). Il faut ajouter à ces mécanismes de défense, mis en évidence justement dans l’enquête psychosociale, les mécanismes de défense du Moi freudien qui interdisent aussi la prise de conscience des motivations. En effet, certaines de ces motivations réelles et profondes peuvent être inacceptables pour le Moi. Leur prise de conscience déclencherait l’angoisse du Moi. Or, justement, les mécanismes de défense du Moi sont faits pour empêcher cette angoisse de déséquilibrer le Moi. Ils vont donc repousser, transformer ou travestir ces désirs, pulsions… angoissants (cf. ci-après p. 29). Ainsi, l’individu ne pourra connaître réellement les sources de sa conduite. Nous savons, par ailleurs, que la conduite n’est pas uniquement le produit de déterminants irrationnels. Pour comprendre ou expliquer totalement une conduite, il faut intégrer, entre autres, les résultats des connaissances, de la réflexion et de la volonté. Mais rappelons que notre propos est uniquement ici de décortiquer les « motivations » de la conduite et, donc, par définition, ce qui ne ressort pas de la raison et de la volonté. Chapitre I Motivations et significations Pour que l’on passe à l’action, pour que l’on fasse quelque chose, il faut que notre conduite ait un sens, même si celui-ci ne nous apparaît pas, même s’il demeure caché par tous ces mécanismes psychiques qui nous masquent les significations réelles de nos actions (comme nous le verrons ci- dessous p. 8). Au niveau conscient, sans la possibilité d’attribuer un sens à son action, l’individu est démotivé. La perte du sens est la base essentielle de la démoralisation et de la démotivation. Être motivé, c’est d’abord pouvoir trouver un sens à son action. Nous allons voir que la question de la signification est essentielle pour comprendre le comportement motivé. I. Exemples de sollicitation des motivations Aux États-Unis, nous rapporte V. Packard, entre 1950 et 1955, la consommation de confiserie diminua de plus de 10 % pendant qu’augmentaient la consommation de boissons non alcoolisées ainsi que la consommation de dentifrices. Les publicités des fabricants de ces derniers produits avaient fini par persuader les Américains qu’il était mauvais de se laisser aller à l’obésité et de ne pas faire attention à leurs caries dentaires. Ces croyances, inculquées facilement car elles se greffaient sur une attitude de culpabilité diffuse, avaient façonné des attitudes négatives face aux bonbons et sucreries chargés alors de significations négatives et les conduites d’évitement avaient suivi. Les fabricants de bonbons eurent recours au docteur Dichter. Celui-ci décida de s’attaquer au sentiment de culpabilité qui, selon lui, était responsable de ces faits. Il inventa le paquet composé de « bouchées » accompagné d’une publicité expliquant qu’il est permis de ne manger « rien qu’une bouchée » et de mettre le reste de côté pour attendre un autre moment où l’on pourra encore « se récompenser soi- même ». Les ventes doublèrent en quelque temps. Le publiciste a donc changé complètement – par une nouvelle présentation du produit et par des arguments astucieux – la signification de la consommation de sucrerie. Prendre un bonbon c’est s’octroyer, en adulte responsable, une récompense et c’est de plus un effort de volonté pour ne manger « rien qu’une bouchée ». Avec ce renversement de signification, les attitudes, les croyances et les conduites de consommation changèrent. Le thème de la « solidité », de la « résistance » a bien marché en publicité jusque vers les années 1960. Puis il a disparu, il revient de nos jours et, assurent les publicistes, c’est un argument qui fait vendre. De nos jours, la publicité fait également largement appel au thème de la nature : c’est naturel, sain… Depuis Mai 68, la publicité met l’accent sur l’indépendance, le non-conformisme, la liberté… Les blue-jeans et les cheveux longs des hommes envahissent les annonces. L’érotisme apparaît et prend parfois un caractère provocant… Ainsi donc, avec les époques, changent les thèmes publicitaires attractifs, ceux qui déclenchent l’intérêt pour le produit, puis l’attitude positive, puis l’achat, c’est-à-dire la conduite voulue. Ceci parce que, avec les époques changent les valeurs sociales. Ce sont ces valeurs sociales, assimilées par les membres d’une société, qui fournissent à certains éléments les significations nécessaires pour qu’ils soient dignes d’intérêt. Sans la stimulation de cette orientation positive on ne peut espérer déclencher la conduite associée. II. Agir sur des significations Il y a une manière simplificatrice de rendre compte des interventions sur le comportement décrites dans le paragraphe précédent. En effet, on peut dire que tout revient à changer la signification perçue des choses pour orienter les conduites. Dans le cas des confiseries, le paquet de bonbons, qui était source d’obésité et de faiblesse psychologique, devient récompense autoattribuée par un être responsable de lui ; le même produit, intéressant autrefois pour sa solidité et qui a perdu tout attrait avec le changement des valeurs sociales, redevient intéressant parce qu’il signifie désormais : indépendance et liberté… Ainsi donc, privilégier le niveau des significations permet une interprétation simple des motivations comme déclencheurs cachés de la conduite. Motiver est bien, comme le disent les publicistes, un art de communiquer avec autrui. Il s’agit toujours d’abord de comprendre des prémisses non conscientes (chez les individus ou les groupes), prémisses psychologiques, intellectuelles, sociales ou culturelles, puis, de les stimuler, d’une manière ou d’une autre à travers une forme de communication. La considération des significations nous permet d’avoir à la fois une explication et une compréhension des conduites humaines. Au niveau de l’Homme, nous avons donc une explication de la conduite : la conduite dépend des significations prêtées à l’environnement. Par ailleurs, au niveau de l’individu, nous avons une compréhension de sa conduite, car nous avons la connaissance des significations personnelles qu’il attache aux choses. III. Les niveaux de formation des significations Le sens naît toujours d’un rapport à quelque chose. Le sens est en effet toujours sens de quelque chose dans ou par rapport à quelque chose. Le sens du mot est (au minimum) sens dans le contexte de la phrase ; le sens de l’information est sens par sa mise en relation avec d’autres informations (l’information ne devient « renseignement » que par « recoupement ») ; le sens d’une conduite d’autrui est sens par rapport à nos attentes et à nos intentions ; le sens d’une action personnelle est sens par rapport à nos projets ; le sens d’un « événement » est sens par rapport à nos intérêts et valeurs ; le sens du signe perçu est sens par rapport à notre grille de perception composée de notre biologie, de notre culture et finalement de toute notre personnalité… Ainsi, le sens naît de la confrontation de ce que nous appelons la « réalité » à un certain nombre de référents servant de projet de décodage. Pour comprendre le sens concret (ensemble de significations) de chaque conduite, on peut se référer aux différents niveaux de participation de notre nature humaine, lesquels servent de contexte à cette conduite : le niveau biologique ; le niveau affectif ; le niveau cognitif (par définition exclu de l’étude des motivations) ; le niveau social ; le niveau culturel ; le niveau imaginaire-idéel de l’action inclue dans des projets. Ces différents contextes se retrouvent, bien entendu, en même temps dans toute action. L’individu lui- même, immergé dans tous ces contextes à la fois, « perçoit » une situation en fonction de significations plus ou moins prégnantes que tel ou tel niveau, plus sollicité que les autres à tel moment, projette sur la situation. À chaque instant, tous ces contextes, par rapport auxquels les significations se façonnent, sont présents. Ils peuvent interférer « au point qu’il est difficile de rapporter un comportement à un seul de ces contextes » (C. Andrieu, 1970, p. 147-157). L’individu lui-même, selon son degré de conscience ou de contrôle, se plaçant d’une façon privilégiée à tel ou tel niveau contextuel. Prenons un exemple pour illustrer cette conception. Écoutons parler un sujet qui nous décrit ses hésitations à se lancer dans une action : la descente d’une piste à ski. « Il neige, mes lunettes s’embuent sans arrêt, on ne distingue pas le ciel du sol, tout est blanc. C’est exactement par ce temps-là et avec des lunettes embuées que je me suis cassé la jambe l’année dernière en sortant de la piste et en me plantant dans la poudreuse. Aujourd’hui, ça ne va pas. J’ai les jambes molles, je n’ai vraiment pas envie de skier par un temps pareil. J’ai d’ailleurs des frissons qui me prennent. » À ce point du récit nous pouvons, par un mouvement d’identification immédiat, parfaitement comprendre que le héros du récit ait peur de skier parce que son accident ravive en lui la hantise de la douleur. Nous-mêmes, après des expériences physiquement pénibles, nous avons hésité à recommencer. En faisant appel à nos connaissances, nous voyons qu’il s’agit là d’une réaction biologique à la douleur à venir et que cette réaction est un réflexe conditionné, réveillé par les circonstances extérieures analogues à celles de l’accident primitif. Nous pouvons dire que la signification de l’environnement et de l’action projetée par le héros est : « danger à fuir », et que ce sens est donné et éprouvé immédiatement et inconsciemment au niveau biologique. Reprenons le compte rendu phénoménologique. « Je n’ai vraiment pas envie de skier par un temps pareil. Je vais rentrer au chalet pour me réchauffer. Mais tout d’un coup je comprends que j’ai peur et je saisis pourquoi : c’est l’année dernière, dans les mêmes conditions climatiques, que je me suis cassé la jambe ! Alors, je suis conditionné à ce temps, mon organisme a peur et chaque fois que les mêmes conditions se présenteront j’aurai peur. Il faudrait donc absolument que je me déconditionne, que je réapprenne à skier par tous les temps. » Le héros fait appel à ses connaissances théoriques. Il explique ses réactions physiologiques et sa peur. Par l’intervention de ce niveau cognitif, il investit l’environnement et son action projetée d’autres significations qui vont se superposer aux significations antérieures. L’environnement prend la signification supplémentaire et moins dramatique d’« environnement rappelant l’accident », la descente à skis projetée prend la signification d’« effort de déconditionnement ». « Je me dis que le conditionnement est une chose vraiment incroyable, si rapide, si efficace. Mais, en même temps, il m’apparaît comme évident qu’il faut me débarrasser de ce conditionnement. C’est proprement insupportable d’avoir en soi, dans son corps, quelque chose que l’on ne peut pas contrôler et qui va se reproduire chaque fois que les mêmes conditions vont se représenter et je ne serais plus libre de mes actions. Il faut que je m’en débarrasse ! » La conclusion de notre sujet vient après un raisonnement dont il nous a livré les prémisses. On s’aperçoit que ces prémisses (les principes sur lesquels est fondé son raisonnement) sont particulières, que l’on pourrait ne pas les partager : « Il faut contrôler son corps, l’effort permet ce contrôle. » Nous savons que de telles valeurs individuelles sont façonnées par l’éducation : une éducation volontariste et stoïcienne dans le cas présent. Les significations données à l’action à entreprendre sont maintenant issues d’un autre niveau, niveau qui porterait les imprégnations affectives d’une éducation. En même temps que ces prémisses, le sujet nous livre sa façon de voir ses actions sportives (ou physiques) futures. Ses actions ne peuvent pas être contraintes par des conditionnements, elles doivent être sous sa seule volonté. Les conclusions qu’il nous livre dépendent donc aussi de ce projet existentiel et personnel dont il est porteur qui est de toujours essayer de maîtriser son corps. L’effort de déconditionnement est d’autant plus important à entreprendre que le sujet a donc ce projet personnel de toujours rester maître de ses aptitudes physiques. « Mais voilà que mes amis arrivent à ma hauteur, le petit groupe de garçons et de filles que nous sommes se forme. Il m’apparaît évident que je ne pourrais pas ne pas les suivre, sinon, comme Pierre hier, je serai traité de lâcheur ! Tout le monde est là ? “Allez, on y va !” Tous s’élancent les uns derrière les autres et je suis le mouvement. » Voilà qu’apparaît la signification sociale de l’action. Elle est portée par la norme de participation aux activités du groupe d’amis. Ne pas participer apparaît comme une désaffection qui sera condamnée. Si le sujet ne part pas avec son groupe d’amis, il sera raillé ; s’il participe à l’action, il sera apprécié. Descendre la piste, à ce moment, prend une signification supplémentaire : participer à une action collective et mériter par là l’estime de ses pairs (ou plus exactement éviter la mésestime sociale du groupe de référence). Sur cet exemple, nous avons vu finalement comment une superposition de significations provenant de « niveaux » différents (biologique, affectif, social, culturel et prospectif) finissait par déclencher l’action. IV. Le contexte de l’action, le système de pertinence et la naissance du sens Il est intéressant ici de constater comment l’approche phénoménologique centrée sur les significations retrouve les conclusions de la sociologie de l’action de T. Parsons et de la sociologie compréhensive d’A. Schutz. Pour T. Parsons, en effet, l’action se situe toujours en même temps dans quatre « contextes » : le contexte biologique, celui de l’organisme neurophysiologique, avec ses besoins et ses exigences ; le contexte psychique, qui est celui de la personnalité ; le contexte social, celui des interactions entre les acteurs et entre les groupes ; le contexte culturel, qui est celui des normes, des modèles, des valeurs sociales et des idéologies. Toute action s’inscrit dans les quatre contextes à la fois et résulte toujours d’une interaction de forces ou d’influences provenant de chacun d’eux. Pour Parsons (1964), ces quatre contextes sont des sous- systèmes d’un système plus général qui est le système de l’Action. Ils sont hiérarchisés dans l’ordre de l’information et de l’énergie (hiérarchie cybernétique). En bas de l’échelle se situe le sous- système riche en énergie : le sous-système biologique, en haut de l’échelle le sous-système riche en information : le sous-système culturel. Les sous-systèmes plus élevés dans la hiérarchie exercent un contrôle sur les systèmes inférieurs par l’information qu’ils diffusent et leur procurent. Tous ces systèmes contribuent à guider ou contrôler l’action, c’est-à-dire à lui donner une orientation. Le psychologue J. J. Bruner (1991) a insisté sur les racines culturelles des significations. Les significations trouvent essentiellement leurs sources dans la culture car, dit-il, lorsque nous arrivons au monde « c’est comme si nous pénétrions sur une scène de théâtre où la représentation a déjà commencé : l’intrigue est nouée ; elle détermine le rôle que nous pouvons y jouer et le dénouement vers lequel nous pouvons nous diriger. Ceux qui étaient déjà en scène ont une idée de la pièce qui se joue, une idée suffisante pour rendre possible la négociation avec le nouvel arrivant » (p. 48). La signification du fait même qu’elle participe à la culture est publique et partagée. Les manières dont nous percevons, pensons et agissons dépendent entièrement de significations et de concepts qui nous sont communs, tout comme elles dépendent des discours que nous partageons et qui nous permettent de négocier les différences qui peuvent apparaître dans les significations et les interprétations. Pour parler des « projets » dont est investi tout individu, Schutz (1987) a introduit la notion de « système de pertinence ». Le système de pertinence d’un individu est un état psychologique de prédisposition mettant en cause le biologique, le cognitif, l’affectif et le comportemental. Il est fonction de l’ensemble des problèmes spécifiques qui préoccupent l’individu et des projets qu’il a au moment où on le considère. À cet ensemble de préoccupations (formant donc le système de pertinence d’un individu) et qui sont plus ou moins conscientes, correspondent une vision du monde et donc une perception sélective des éléments des situations et des phénomènes de la vie. J. Barou (1978) démontre, dans son enquête sur des travailleurs immigrés africains, que leur condition de sous-prolétaires et les contraintes épouvantables (pour un observateur) de leur travail ne sont pas du tout perçues ainsi par eux-mêmes. En effet, ils font tous ces sacrifices et efforts pour gagner un argent qu’ils ne pourraient gagner dans leur pays d’origine. Ils économisent d’ailleurs au maximum, rendant encore plus pénibles leurs conditions de vie, et ils envoient leurs gains à leurs familles au pays. Ainsi, lorsqu’ils rentreront, ils seront « riches », auront une maison et pourront s’offrir un voyage à La Mecque, rêve de tout musulman qui peut ainsi devenir « hadj ». Il est donc évident que leur « projet » de vie (au départ très conscient) leur fait percevoir leur situation de travail avec de toutes autres significations que pour un observateur. Il y a donc une relation entre la vision du monde d’un acteur social et son système de pertinence. Les « éléments significatifs de la situation » sont sélectionnés à partir de ce « système de pertinence ». Le système de pertinence est un système de sélection, dont les critères d’analyse sont fondés sur le « projet » dominant de l’acteur en situation. C’est, en effet, le ou les but(s) qu’il se fixe (consciemment ou inconsciemment) qui servent de référent absolu pour caractériser la situation-de-son-point-de-vue. Son système de pertinence définit, parmi tous les éléments contenus dans la situation, ceux qui sont significatifs-pour-lui. V. La complexité des influences motivationnelles Il est bien évident que la conduite humaine est un phénomène complexe. Elle possède différents niveaux de profondeur. Les moteurs de cette conduite ne sont pas uniques. On ne peut que très rarement raisonner en termes de cause directe déterminant une conduite. Les « causes » sont multiples, elles interviennent en système, c’est-à-dire en se bouclant sur elles-mêmes (causalité circulaire du paradigme de la complexité appliquée aux sciences humaines) (E. Morin, 1990). La conduite a une forme concrète extérieure, directement observable, mais cette forme externe se rattache d’une manière complexe, d’une part, à tous les éléments de la situation dans laquelle se déroule l’action et dans laquelle elle prend un sens final et aussi à des éléments intrasubjectifs des niveaux biologique, affectif, social et culturel qui interviennent, ceci en interaction, pour donner différentes significations dont l’intégration donnera le sens final. Car, le sens final, il ne faut pas l’oublier, est un construit, c’est-à-dire quelque chose qui résulte de la rencontre d’éléments divers provenant de l’acteur lui-même comme de la situation. Les psychologues (chaque « école de psychologie » plus exactement) ont trop eu tendance à

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