MG-RCONF (2005) 27f Conférence régionale sur « Les migration des mineurs non accompagnés: agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant» Torremolinos, Málaga - Espagne 27-28 octobre 2005 ACTES MG-RCONF (2005) 27f Conférence régionale sur « Les migration des mineurs non accompagnés: agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant» Torremolinos, Málaga - Espagne 27-28 octobre 2005 ACTES TABLE DES MATIERES Séance d’ouverture 7 Discours de : Maud de Boer-Buquicchio, Secrétaire générale adjointe du Conseil de l'Europe 7 Amparo Marzal Martinez, Directrice Générale de la Famille et de l’Enfance, Ministère du travail et des affaires sociales, Espagne 11 Micaela Navarro Garzon, Conseillère à l’égalité et au bien-être social de la Région autonome d’Andalousie, Espagne 15 Consuelo Rumi, Secrétaire d’Etat à l’Immigration et l’Emigration, Ministère du travail et des affaires sociales, Espagne 19 Séance 1 - Principales caractéristiques de la migration des mineurs non accompagnés 23 Discours introductif George Moschos, Défenseur adjoint des enfants(Grèce) 23 Cinq Etudes de cas Situation des mineurs migrants isolés au Maroc, Najat M’Jid 33 Situation des mineurs migrants non accompagnés en Espagne, Rosa María Bravo Rodriguez 69 Situation des mineurs migrants non accompagnés au Royaume Uni, Eugenia M. Markova 97 Situation des mineurs migrants isolés en France, Elizabeth Johnston 117 Situation des mineurs migrants non accompagnés en Suisse, Sylvain Vité 141 Rapport de synthèsedes cinq rapports, Najat M’Jid 167 Séance 2 - Accueil des mineurs migrants non accompagnés– les expériences de certains pays 175 Accueil des mineurs migrants non accompagnés en Belgique : tendances générales et profils socio-économiques avec une référence particulière aux mineurs de la République démocratique du Congo, Ching Lin Pang 175 Accueil des mineurs migrants non accompagnés en Hongrie, Renata Rakaczki 189 Accueil des mineurs migrants non accompagnés en Italie, Roberta Medda-Windischer 195 6 Mineurs migrants non accompagnés : que pensent-ils? Interviews d’enfants en France, Royaume-Uni, Espagne et Maroc, Imogen Lamb 215 Séance 3- Gérer la migration des mineurs non accompagnés dans l’intérêt supérieur de l’enfant 223 Les migrations des mineurs non accompagnés et l’approche holistique fondée sur les droits de l’enfant, Hatem Kotrane 223 Partage des responsabilités- stimuler à tous les niveaux la coopération entre pays de destination et pays d’origine, Michel Villan 243 Le respect effectif des droits fondamentaux des mineurs migrants isolés – conlusions du Commissaire aux Droits de l’Homme, Manuel Lezertua 249 Politique de l’Union européenne face à la migration des mineurs non accompagnés, Annick Goeminne 255 Les mineurs migrantsisolés et la procédure d’asile: perspectives du HCR, Margarita de la Rasilla 263 Séance 4- Intégration – modèles d’intervention 271 Les “projets de vie” pour les mineurs migrants non accompagnés et la question de la coopération entre les pays d’origine, de transit et de destination, Carmen Belinchón Sánchez 271 Séance de clôture 279 Conclusions du Rapporteur Général, Najat M’Jid 279 Discours de clôture, Alexander Vladychenko,Directeur Général de la Cohésion Sociale (DGIII) du Conseil de l'Europe 285 Conclusions de la Conférence 289 Programme 293 Participants 297 SEANCE D’OUVERTURE Discours d’ouverture de Maud de Boer-Buquicchio Secrétaire générale adjointe du Conseil de l'Europe Nous sommes nombreux à être parents et à avoir, à l’occasion, envoyé nos enfants seuls en voyage. Parfois pour une sortie scolaire d’une journée, parfois pour un séjour plus long en camp de vacances, une visite familiale à l’étranger, ou même, une fois qu’ils avaient grandi, pour explorer d’autres pays avec la carte Inter rail du Conseil de l'Europe. Nous connaissons tous ce mélange de crainte et d’excitation qui accompagne leur départ, ce moment où nous leur faisons au revoir de la main en vérifiant mentalement la très longue liste de toutes les précautions prises pour qu’ils parviennent à destination et en reviennent sans encombre. Titres de voyage, vêtements appropriés, nourriture, argent, vaccins, médicaments, noms d’adultes responsables les accompagnant ou les attendant à leur arrivée, liste des représentants consulaires, etc. Et malgré toute cette organisation et ces mesures de protection, nous n’échapperons pas aux angoisses et aux insomnies jusqu’à ce qu’ils soient rentrés sains et saufs à la maison. Nous devons garder ceci à l’esprit quand nous discutons et décidons des politiques sur la migration des mineurs non accompagnés, une appellation bureaucratique pour des enfants qui ont à faire face seuls à des situations difficiles et souvent dangereuses. Il ont peu de chances d’être munis de titres de voyage, de vêtements appropriés, de suffisamment de nourriture ou même de posséder un toit. Ils sont traumatisés par la séparation d’avec leur famille et par les risques que comporte leur périple hasardeux. Leur vulnérabilité en fait des proies faciles pour toutes sortes de prédateurs humains et ils percevront très souvent un adulte comme une menace plutôt que comme un protecteur. Vu sous cet angle, le terme “mineurs non accompagnés” n’est peut-être pas le plus adapté; pour beaucoup de ces enfants, il est une situation pire que la solitude – être mal accompagnés. Le cadre de Malaga se prête parfaitement au débat sur les migrations; en effet, l’Espagne est l’un des pays qui, de par sa situation géographique, doit faire face à des difficultés particulières et où – comme nous l’avons vu récemment dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila – l’immigration illégale peut prendre des proportions spectaculaires, voire tragiques. Je souhaiterais remercier les autorités espagnoles d’avoir invité le Conseil de l'Europe à organiser cette conférence ici et suis persuadée que c’est là un témoignage de leurs efforts pour régler la délicate question des migrations, dont la migration des enfants non accompagnés, en prenant leurs responsabilités et en respectant les normes internationales dans le domaine humanitaire et des droits de l’Homme. Avant d’aborder le thème précis de cette conférence, j’aimerais formuler quelques brèves observations sur la migration en général. 8 En premier lieu, les enfants non accompagnés sont la catégorie de migrants la plus vulnérable et constituent près de 4% du total des demandeurs d’asile en Europe. En 2003, ces 4% représentaient quelque 12800 enfants non accompagnés dans 28 pays d’Europe parmi les plus développés économiquement. Le nombre total d’enfants migrants est évidemment bien plus élevé et, en dépit de la protection relative de leur entourage familial, leurs droits et besoins ne doivent pas non plus être oubliés. En second lieu, je pense qu’il nous faut examiner d’un œil critique notre approche de la migration, que ce soit concernant les politiques en vigueur ou la manière dont ce sujet est traité dans le débat politique de plusieurs de nos Etats membres. Nous devons faire clairement comprendre à nos citoyens que la migration n’est pas une guerre, que les migrants, qu’ils soient légaux ou illégaux, ne sont pas nos ennemis et que, par conséquent, nous devons nous efforcer de maîtriser et non pas de combattre, la migration. Celle-ci ne doit pas être considérée comme une menace ou un phénomène exclusivement négatif, ce qui est malheureusement très souvent le cas aujourd’hui. Ouvrir plus largement la voie à la migration légale n’est pas seulement dans l’intérêt des migrants potentiels mais également dans celui de nos sociétés rapidement vieillissantes. En troisième lieu, une gestion réussie des courants migratoires requiert simultanément davantage de ressources et d’efforts au niveau national mais, par-dessus tout, une coopération internationale entre les parties concernées – pays d’origine, de transit et de destination. Le maître mot est la solidarité, qui commence par la solidarité envers les migrants, mais aussi envers les pays d’origine. De même, la coopération entre les différents pays de destination doit faire montre de plus de solidarité. Ceux qui, comme l’Espagne, sont plus exposés au problème en raison de leur situation géographique sont en droit d’attendre et de recevoir l’aide de ceux qui ne se trouvent pas sur le chemin des grands flux migratoires. En quatrième lieu, la solution à long terme aux défis posés par la migration ne peut être trouvée qu’en améliorant sensiblement les conditions de vie dans les pays d’origine. Ces derniers seront dans l’incapacité d’y arriver rapidement et par eux- mêmes. Paradoxalement, ce sont précisément les migrants qui, en soutenant leurs parents restés au pays, peuvent grandement contribuer à ce processus. Ceci ne peut toutefois suppléer l’aide au développement. Aider les pays d’origine est dans l’intérêt des pays de destination car il n’est pas de frontière qui puisse arrêter des personnes désespérées fuyant les horreurs de la guerre, les persécutions, la faim et la maladie. Par ailleurs il faut renforcer les actions de promotion de l’intégration sociale et légale des immigrants, si l’on ne veut que cette chance au plan économique, social et démographique, se transforme en bombe à retardement. En arrivant dans nos pays, les migrants – qu’ils y soient entrés légalement ou illégalement – ont eux aussi droit à une protection sans réserve de leurs droits humains. Enfin, nos efforts visant à trouver une solution à long terme doivent se doubler d’une approche plus prompte et humaine des urgences. Des tragédies comme celles récemment observées à Ceuta et Mellila ne devraient simplement plus se reproduire. 9 La conclusion que nous pourrions tirer des précédentes observations est que nous devons adopter une double stratégie si nous voulons atténuer la précarité de la situation des enfants migrants non accompagnés. D’une part, nous devons adopter des mesures favorables aux enfants dans toutes nos politiques migratoires en vigueur et, d’autre part, faire l’examen critique de ces politiques et de leurs objectifs afin de les rendre plus efficaces, plus humaines et plus respectueuses des droits de l’Homme. Au cours des dernières années, le Conseil de l'Europe a produit plusieurs recommandations et instruments juridiques importants sur la manière dont les États membres devraient aborder le problème des migrations en général, et il a accéléré le processus consistant à introduire systématiquement des dispositions en faveur des enfants dans toutes les recommandations politiques pertinentes à la suite de son Troisième sommet, qui a eu lieu à Varsovie en mai dernier. L’élément principal de nos activités relatives aux enfants durant la période comprise entre 2006 et 2008 sera le Programme d’action triennal «Construire une Europe pour et avec les enfants», dont le but est d’inclure la perspective des droits de l’enfant dans toutes les activités du Conseil de l'Europe. L’idée sous-jacente de ce programme est que les enfants ne sont pas des mini- personnes ayant des mini-droits de l'homme. Comme l’indique le titre du Programme d’action, non seulement nos activités seront conduites pour les enfants, mais elles seront discutées, conçues et mises en œuvre avec la participation active des intéressés. Dans le cadre de cette initiative générale, le Troisième Sommet du Conseil de l'Europe a approuvé un Programme d’action pour la promotion des droits de l’enfant et leur protection contre toute forme de violence. Il est donc bien clair que notre Programme d’action «L’Europe pour et avec les enfants» est fondé sur la philosophie des droits de l’enfant, et je me félicite particulièrement que votre conférence ait adopté cette philosophie. À titre d’exemple, je crois savoir que le Comité du Conseil de l'Europe sur les migrations a déjà décidé de s’inspirer des résultats de cette conférence pour examiner les politiques actuelles des États membres en la matière et établir des lignes directrices concernant spécifiquement la manière de traiter la migration des enfants non accompagnés, qui figurera peut-être à l’ordre du jour de la prochaine Conférence ministérielle sur les migrations, prévue pour 2007. Cette tâche, conforme aux objectifs du Programme d’action, constituera aussi un suivi concret des travaux que vous allez accomplir ici, à Malaga. Sans vouloir préjuger de vos débats et de vos conclusions, j’aimerais vous citer l’exemple de mon pays, les Pays-Bas. Au cours des dernières années, plusieurs experts et organisations non gouvernementales ont souligné que la politique de l’État relative aux mineurs non accompagnés avait changé d’accent, celui-ci étant mis non plus sur la protection, mais sur la dissuasion. L’un des symptômes de cette tendance a été l’introduction de nouvelles règles prévoyant le refus du droit d’asile en cas de mensonge ou de silence de l’intéressé pendant le traitement de sa demande. Est-il justifié de décider du sort d’un enfant ou d’un adolescent selon sa volonté, sa capacité ou sa liberté de dire la vérité, voire de se rappeler les faits? Je vous en laisse juges! Il a fallu exercer 10 des pressions considérables sur les pouvoirs publics pour qu’ils acceptent de renoncer aux entrevues avec des enfants de moins de six ans. J’estime que des problèmes analogues se posent dans beaucoup de nos États membres et qu’il faut manifestement agir pour protéger les intérêts et les droits des enfants. À de nombreux égards, point n’est besoin de réinventer la roue. Nos États membres sont tous Parties à la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, qui énonce la totalité des principes essentiels devant guider nos politiques en la matière, à savoir le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, le principe de non-discrimination, y compris en raison de la nationalité, la facilitation des regroupements familiaux et le droit de l’enfant d’être consulté sur toute question pouvant l’affecter. La difficulté est d’appliquer ces principes dans nos politiques, et beaucoup reste à faire dans ce domaine. Je voudrais ajouter à cela la nécessité urgente, pour nos États membres qui ne reconnaissent pas encore les formes de persécution visant particulièrement les enfants – telles que le recrutement forcé dans les forces armées, le travail forcé des enfants, les mutilations génitales opérées sur des petites filles ou encore les mariages ou les grossesses forcés – comme motifs valables pour demander l’asile, de changer d’optique et de mettre fin au mauvais traitement supplémentaire qui consiste, de leur part, à refuser à des enfants fuyant des pratiques aussi terrifiantes le droit de chercher refuge dans nos pays. Notre objectif ne doit pas être de renvoyer tous ces enfants dans leurs pays d’origine, car bien souvent, cela les exposerait à des risques considérables, y compris la mort. Nous devons toujours agir au mieux des intérêts de l’enfant. Pour certains, cela peut certes signifier le retour là d’où ils viennent, mais d’autres doivent avoir la possibilité de reconstruire leur vie, de recevoir un enseignement et de trouver un nouveau foyer dans nos pays, et l’on doit les y aider. Il nous faut également agir ensemble pour lutter contre la traite des êtres humains, en distinguant soigneusement ce phénomène de l’immigration illégale. Le Conseil de l'Europe l’a fait en ouvrant à la signature, lors du Troisième Sommet des chefs d’État et de gouvernement, sa Convention novatrice sur la lutte contre la traite des êtres humains. Cette convention, qui est axée sur la protection des droits fondamentaux des victimes de la traite et sur la poursuite des trafiquants, contient une disposition spécifique pour la protection des enfants victimes de la traite. Il faut attirer l’attention des institutions répressives sur ce problème, qui prend des proportions épidémiques en Europe et dans le reste du monde. J’attends beaucoup de cette conférence, car ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la protection et le bien-être des milliers d’enfants dont l’intégrité physique et mentale est exposée à des risques terribles, c’est aussi la question de savoir qui nous sommes et qui nous voulons être en tant que sociétés humaines, ouvertes et tolérantes, ou bien égoïstement refermées sur nous-mêmes et nos intérêts étroits. Il s’agit de concevoir des politiques offrant à chaque enfant le type d’assistance que nous espérerions voir accorder à nos propres enfants s’ils avaient aussi désespérément besoin d’aide et de protection.
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