LES IDEES PHILOSOPHIQUES DANS LE THEATRE DE VOLTAIRE Abstract Les de Voltaire ne sont plus jouées ni lues pi~ces depuis longtemps; cependant elles ont tenu une place tr~s importante dans la vie de l'auteur: elles représentent le seul genre littéraire auquel il se soit consacré avec une assiduité totale du début à la fin de sa vie. Oeuvres d'un poète-philosophe, elles portent la marque et de sa sensibilité et de sa philosophie. Le but de cette étude est de recenser les idées philosophiques qui l'oeuvre théatrale de Voltaire, pars~ent de voir quelle philosophie générale s'en dégage, et si elle est conforme à celle que l'auteur a fait connaître dans son oeuvre en prose. Elles sont regroupées en quatre chapitres principaux: vision globale du monde, morale, religion et politique. Elles témoignent de la consistance du penseur dans ses différents modes d'expression. LES IDEES PHILOSOPHIQUES DANS LE THEATRE DE VOLTAIRE A Thesis by Simone paradis submitted to the Faculty of Graduate Studies and Research in partial fulfilment of the requirements for the degree of Master of Art~ MCGill university July 1969 1 @ Simone Paradis 1970 TABLE DES MATIERES page . . . . . . . AVANT-PROPOS •••••• iii . . . . INTRODUCTION - Voltaire et le théatre • 1 Le public au l8e siècle La philosophie nouvelle La censure théatrale La tragédie sauvée par les larmes Chapitre l - Dieu, l'homme, et la société •• 18 L'homme et Dieu: un "dialogue solitaire" L'homme et la société L'homme exceptionnel L'homme et les institutions Chapi"t"re II - Morale. • • • • • • • • • • • • • • • •• 39 Idéal moral inscrit dans les coeurs Etre moral, c1est agir pour le bien de la société Les citoyens et leur devoir La part faite aux plaisirs Chapitre III - Religion • • 64 Se nourrit de passé et de superstition Mahomet, ou "Tartuffe, les armes à la mainll Religion et fanatisme Les prêtres dans la société chapitre IV - Politique • . • . • • • • • • • • • • •• 83 Un choix jamë:ds fait Idées républicaines Fascinante monarchie Eléments indispensables à un bon gouvernement: liberté, tolérance, fraternité, bonnes lois CONCLUSION - unité sous la diversité •• 110 . . . . . . . . . . . BIBLIOGRAPHIE • • • • • 115 AVANT-PROPOS Le XVIIIe siècle, qu'on appelle 'le Siècle des lumières', a été dominé par la figure de voltaire, à tel point qU'on s'y réfère souvent comme au 'Siècle de Voltaire'~ Né peu avant 1700, célèbre très jeune, voltaire a vécu une vie longue et active, d'une activité qui ne connut jamais le repos. Il s'est intéressé à tout: à l'art, à la politique, aux sciences, aux mathématiques, au commerce, à la diplomatie, à la philosophie, en y laissant toujours la marque de sa per- sonnalité. De son vivant, et encore deux cents ans après sa mort, il a desaàmrateurs fervents et des ennemis acharnés. on a pu tracer de lui les portraits les plus contradictoires, en faire un héros humanitaire ou un opportuniste méprisable. De nos jours, on voit encore M. Guillemin l'accuser, entre autres choses, d'hypocrisie: "il y a ce que voltaire professe, l et il y a sa 'doctrine secrète.," Il affirme être en mesure de faire le départ entre les deux en prêtant une 1 Guillemin, Henri, "Frangois-Marie Arouet, dit zozo, dit voltaire", Table Ronde, n spécial sur voltaire, Février 1958, p.89. iii oreille attentive aux propos de voltaire, afin de savoir si c'est le voltaire "déclamateur" ou le voltaire "confidentiel" qui parle. Avant lui, F. Brunetiàre avait affirmé que seul un appétit de gloire effréné motivait ses écrits: Partout et toujours, il attend qU'un courant d'opinion se dessine, et que, de la complicité du public, il puisse retirer un surcroît de gloire et de popularité.2 Loin d'atre un guide de l'opinion de son temps, il serait donc ballotté au gré de ses caprices. un peu plus tOt, M. Nourrisson avait nié à voltaire tout droit au titre de philosophe: voltaire s'est montré en tout trop frivole pour qU'on le doive compter au nombre des philosophes, et ce n'est que par un certain abus de langage qU'on a pu et qu'on peut 3 parler de la philosophie de voltaire. Et pourtant/voltaire est passé à la postérité, sinon comme un philosophe, du moins comme un homme qui a professé un vivant amour pour la philosophie, et qui a tenté de le répandre chez ses contemporains. Son théatre porte-t-il la marque de cette préoccu- pation, et si oui, quelle philosophie s'en dégage-t-il, 2F • Brunetière, E"tude"s c"ri"t"iCJu"e"s" sUr l'histoire de la littérature française (paris: Hachette, 1896) ; p.186. 3Nourrisson, voltaire et le voltairianisme (paris: Lethielleux, 1896) ; p.459. iv c'est ce que nous nous proposons de rechercher dans la pré- sente étude. Il s'agit également de vérifier si ceux qui l'ont accusé d'inconsistance, de frivolité, dtopportunisme, avaient raison. Un travail récent a mis en lumiàre la façon dont voltaire s'était servi de certaines tragédies à des fins de 4 propagande. I~ nous reste à découvrir si dans le reste de son oeuvre théatrale, il n'a pas professé des opinions dif- férentes. opposées ou simplement divergentes, afin de flatter des courants d'opinion divers. Il ne s'agit pas ici de con- nattre les réactions de ce public, mais de suivre Voltaire à travers ses cinquante-huit piàces" de théatre, afin de voir si elles ne recàlent pas un aspect mal connu de cet homme si divers. Si voltaire n'est ni philosophe, ni intellectuelle- ment honnête, il lui sera difficile d'exprimer une pep-sée cohérente par la voix des nombreux personnages qui peuplent 5 son théatre. c'est pourtant à travers eux que nous partons à la recherche du philosophe. 4R• Ridgway, L"a" propagande" philo"sophique dan"s" Te"s tragédie"s de" Voltairé (Studies on voltaire and the l8th ," "'II;" century, 1961. vol.XV) • Gen~ve, 5Toutes les citations de voltaire se rapportant au théatre se réfàrent l'édition des OeUvré"s" COII.:pl"à"t"e-s publiée ~ Louis Moland (paris: Garnier, 1877-1882, 50 volumes+ 2 vol. ~par de tables). Le chiffre romain renvoie au tome, le chiffre arabe à la page. v Introduction VOLTAIRE ET LE THEATRE En 1867, l'abbé Maynard écrivait que pour Voltaire, une tragédie n'était "qu'une distraction à quelque ouvrage d'histoire ou de philosophie, qu'un jeu qu'il préparait pour une fête, comme on prépare un feu d'artifice; qu'un'placet pour obtenir un retour à Paris ou quelque faveur de la Cour; qu'une machine de guerre contre ses rivaux et ses ennemis; ou lIl qu'un pilier poétique de l'Encyclopédie. Elle n'était pas "quell celai elle était en réalité tout cela et davantage. Depuis le Falon de sa mère il récitait les poèmes que lui o~ enseignait, son parrain, l'abbé de Chateauneuf, en passant j par le collège Louis-le-Grand la déclamation fut toujours o~ à l'honneur, jusqu'à la fin de sa vie, Voltaire montra toujours véritable passion pour le théatre. Une passion u~e qui s'emparait de toute sa personne, car il était aussi souvent acteur qu'auteur. "Affamé de gloire, il ne se con- tente pas de respirer la fumée légère qui s'élève autour d'un livre: il veut le bruit des applaudissements, le concert d'élo- 2 ges,l'enthousiasme humide encore des larmes qu'il a fait verser.1I lAbbé Maynard, Voltaire, sa vie et ses oeuvres. (paris, Bray, 1867), p.482. 2André Bellessort, Essai sur Voltaire. (Paris, Perrin, 1950), p.83. 2 Sa première oeuvre littéraire fut une pièce de théatre, la dernière également, cinquante-huit ans plus tard. Entre ces deux "bains de foule", une gigantesque, plus de produc~ion cinquante de théatre, qui, avant d'être l'occasion pi~ces d'un contact avec le public, était celle d'un contact avec les innombrables amis de l'auteur. Le manuscrit de chaque pièce était lu, commenté, distribué aux amis, leurs avis sollicités et très souvent écoutés. Les amis jouaient le rôle du "comité de lecture" moderne. Ils étaient un public en miniature dont les réactions devaient permettre de prévoir celles de la salle, et d'apporter d'éventuelles modifications en vue de gagner ses faveurs. Une oeuvre théâtrale est toujours le fruit d'une triple collaboration: auteur, acteurs, public. Voltaire le 3 savait, qui écrivait à M. de Cideville : "Il y a sur les pièces de théâtre une destinée bizarre qui trompe la prévoyance de presque tous les jugements qu'on porte avant la représenta tion". On sait que Voltaire, au cours des répétitions, pendant lesquelles il était spectateur, modifiait constamment son texte. 1 3 6 février 1735, M.xxxiii, 478. Toutes ces précautions ne l'empêchèrent pas de connaître bien des déboires au théâtre, car le vrai public est autre chose qu'un groupe d'amis ou qu'un spectateur isolé. Et ce public, véritable entité qulon ne peut définir par ses composantes, fait ou défait une et une réputation d'auteur. Il n'y pi~ce, a pas de recette infaillible pour le captiver. Voltaire, qui veut le conquérir, déclare dès le début de sa carrière, alors 4 qu'il vient de lui faire sa première importante concession u~ai~' je n'ai voulu combattre en rien le goat du public: c'est pour lui et non pour moi que j'écrisi ce sont ses senti uS ments et non les miens que je dois suivre. Cette position, qu'il, ne désavouera par ailleurs jamais, changera pourtant. Il n'aspirera plus tant à suivre le public qu'à le guider. 6 Ainsi, en 1768, écrit-il dans sa préface des Guèbres: uM.n.M. , en composant cet ouvrage,nleut d'autre vue que dl inspirer la charité universelle, le respect pour les lois, l'obéissance 4 Il avait mis en paroles, et non en action, comme il l'eut souhaité, la mort de Mariamne. Spréface de Mariamne, M.ii,164. 6Nom dl emprunt sous lequel Voltaire se cachait.
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