INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE PARIS MASTER DE RECHERCHE POLITIQUE ET SOCIETE EN EUROPE SPECIALITE ANALYSE SOCI OLOGIQUE DU CHANGEMENT Les écarts de performance entre les élèves de 15 ans, en France, en Allemagne et en Finlande … Effets de la stratification sociale et de la structure du système éducatif Noémie Le Donné Mémoire présenté pour le master Directeur de mémoire : Louis‐André Vallet de recherche en sociologie Juin 2010 Remerciements Je souhaiterais en premier lieu remercier Louis‐André Vallet, mon directeur de mémoire, pour son encadrement bienveillant d’une grande constance et pour ses conseils précieux et éclairants qui ont guidé la réalisation de ce mémoire. Je remercie également Alain Chenu, Marie Duru‐Bellat et Louis Chauvel pour leurs remarques et suggestions qui ont nourri ma réflexion. Je remercie chaleureusement Thierry Rocher, mon ancien tuteur de stage à la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, qui m’a recommandé l’exploitation des enquêtes du PISA. Ses conseils se sont révélés très fructueux. Je le remercie en particulier pour son aide technique, les références qu’il m’a fournies, et l’ensemble des discussions très enrichissantes qui ont contribué à la progression de mon travail. Je remercie également Silke Schneider et mes camarades Amélie et Patrick pour leurs explications concernant l’organisation du système éducatif allemand, Sirkku Kupiainen et Bruno Trosseille pour leurs contributions à ma compréhension des spécificités de l’école finlandaise. Je remercie enfin pour leurs commentaires ou simplement pour leur présence et leur soutien, mes parents, mes frère et sœur et mes amis les plus proches. 2 Table des matières Remerciements ………………………………………………………………………………………………………………………………….2 Introduction ......................................................................................................................................... …5 1. Les analyses françaises des enquêtes du PISA ................................................................................ 6 2. Les concepts fondamentaux des enquêtes du PISA ...................................................................... 12 2.1. La performance scolaire ........................................................................................................ 12 2.2. L’origine sociale ..................................................................................................................... 14 2.3. Le programme éducatif ......................................................................................................... 16 2.4. Les écarts de performances .................................................................................................. 17 Chapitre 1 : Objectifs d'une comparaison de la France avec l'Allemagne et la Finlande ……………………19 1. Performance scolaire..................................................................................................................... 20 2. Stratification sociale ...................................................................................................................... 21 3. Organisation du système éducatif ................................................................................................. 23 Chapitre 2 : Questions de recherche et méthodes …………………………………………………………………………….28 1. Formulation des questions de recherche à partir d’une synthèse de résultats sociologiques ..... 28 2. Etat de l’hétérogénéité des profils des élèves et des établissements .......................................... 32 3. Modélisation multivariée de la performance ................................................................................ 33 Chapitre 3 : Les spécificités méthodlogiques du PISA ………………………………………………………………………..37 1. Plan de sondage du PISA et méthode de pondération ................................................................. 37 2. Retour sur la mesure de la performance dans le PISA : valeurs plausibles et modèle de Rasch .. 39 Chapitre 4 : Description raisonnée des profils des élèves et des établissements ……………………………….44 1. Caractérisation des élèves, de leurs familles et de leurs performances ....................................... 44 1.1. Remarques préliminaires sur l’âge des élèves du PISA ......................................................... 44 1.2. Caractéristiques sociodémographiques des élèves et de leur famille .................................. 45 1.3. Caractéristiques socioéconomiques et culturelles des élèves .............................................. 47 1.4. Performances ........................................................................................................................ 51 3 Profils de réussite aux épreuves .................................................................................................... 51 Degré de correspondance entre les stratifications sociale et scolaire ......................................... 53 2. Caractérisation des établissements et de leurs performances ..................................................... 58 2.1. Caractéristiques administratives des établissements .......................................................... 59 2.2. Ressources des établissements et paramètres institutionnels ............................................. 64 Chapitre 5 : Effets des caractéristiques des élèves et des établissements sur la performance …………..67 1. Ecarts de performance liés aux caractéristiques individuelles ..................................................... 69 2. Ecarts de performance et structure du système scolaire ............................................................. 78 3. Discussion et perspectives ............................................................................................................ 85 3.1. Retour sur la fiabilité et la qualité des données .................................................................... 86 3.2. Causalité des phénomènes et problèmes de comparaison .................................................. 87 3.3. Prolongement envisagé ......................................................................................................... 88 Chapitre 6 : Effets différenciés de l'origine sociale sur la distribution des performances …………………..90 1. Principes de la régression quantile ............................................................................................... 90 2. Apports des estimations ................................................................................................................ 92 Conclusion ..……………………………………………………………………………………………………………………………………..98 1. Limites de ce mémoire .................................................................................................................. 98 2. Retour sur les objectifs et les hypothèses ................................................................................... 100 3. Prolongements ............................................................................................................................ 101 Références bibliographiques ………………………………………………………………………………………………………….102 Annexes………………………………………………………………………………………………………………………………………….106 Liste des tableaux ………………………………………………………………………………………………………………………….108 Liste des figures ….………………………………………………………………………………………………………………………….108 4 Introduction Les comparaisons internationales des performances scolaires des élèves ont essentiellement privilégié des réflexions en termes de performances nationales moyennes, dont la manifestation la plus symptomatique réside dans l’établissement d’un classement des pays suivant leur plus ou moins grande efficacité en matière d’enseignement. Ce classement international est une des utilisations les plus popularisées des enquêtes du PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), pilotées par l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques). La plupart des recherches françaises passées ont porté sur les données du PISA agrégées au niveau national et adopté une approche macrosociologique pour la confrontation des performances des pays (entre autres : Mons, 2007 ; Duru‐Bellat, Mons, Suchaut, 2004 ; Meuret et Morlaix, 2006 ; Baudelot et Establet, 2009, etc.). Or, la seule prise en compte des tendances centrales et des indicateurs synthétiques de performances au niveau national ne permet pas de décrire de façon satisfaisante la réalité scolaire d’un pays. Le présent travail vise à analyser et à étudier, à un niveau plus fin, les écarts de performances des élèves de 15 ans en France, en Finlande et en Allemagne. En s’appuyant sur la richesse des données du PISA, il cherche à rendre compte de la diversité des profils scolaires des élèves en fin de scolarité obligatoire, et à positionner l’institution française à l’aune de deux systèmes éducatifs étrangers : les systèmes finlandais et allemand. Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) a pour vocation de déterminer dans quelle mesure les élèves ont acquis, au terme de la scolarité obligatoire, les savoirs et savoir-faire nécessaires à leur pleine participation à la société de la connaissance. Jusqu’à ce jour, trois enquêtes PISA ont eu lieu selon les principes suivants. Les enquêtes sont réalisées tous les trois ans auprès d’élèves de 15 ans. Trois disciplines ont été évaluées tour à tour : en 2000, la compréhension de l’écrit était à l’honneur, en 2003 la culture mathématique et en 2006 la culture scientifique. Le PISA suit des cycles périodiques de neuf ans, composés de trois enquêtes. En 2009, le PISA entame son second cycle en testant de nouveau les compétences des élèves en compréhension de l’écrit. La couverture géographique du PISA est très large puisque plus de soixante pays participent au programme (dont les trente pays de l’OCDE). Pour l’analyse des résultats, la base de données du PISA offre un éventail d’informations sans précédent. Trois séries de facteurs sont pris en considération. Les premiers sont spécifiques aux élèves : leur milieu socio‐économique, leur statut d’autochtone ou d’allochtone ou encore leur patrimoine culturel familial. Les deuxièmes relèvent des établissements : leur secteur, le mode de recrutement de leurs élèves, leurs ressources et leurs équipements. Enfin, les derniers facteurs sont en rapport avec le système d’éducation : le degré d’autonomie dont jouissent les établissements et l’organisation institutionnelle de l’enseignement secondaire. 5 Ce travail s’appuie sur les données de la première enquête du PISA, i.e. PISA 2000, car c’est la seule année pour laquelle on dispose d’informations portant sur les établissements français. En effet, en 2003, 2006 et 2009, la France n’a pas autorisé que le questionnaire école soit rempli par les chefs d’établissement. Par conséquent, le riche système d’informations du PISA 2000 est le plus adapté pour étudier les facteurs qui influent sur la performance des élèves et comparer les résultats français aux autres pays. Mon étude s’intéresse essentiellement à deux des nombreux facteurs jouant sur la performance scolaire d’un élève : son origine sociale et le programme éducatif dans lequel il est scolarisé. Les questions de recherche qui motivent ce travail se sont nourries des études sociologiques passées réalisées sur les données du PISA. Une présentation critique des résultats et des lacunes des travaux existants initiera ensuite une définition plus solide de la problématique et des concepts fondamentaux retenus pour ce mémoire. 1. Les analyses françaises des enquêtes du PISA Cette revue de littérature n’est pas une synthèse exhaustive de l’état des recherches menées sur les enquêtes du PISA. De fait, elle se focalise sur les seules études sociologiques françaises. Elle poursuit deux objectifs : d’une part identifier les résultats acquis pour y appuyer ce travail ; d’autre part, repérer les lacunes des recherches passées pour tenter de les dépasser à l’aide d’une approche originale. Les principales recherches conduites sur le PISA ont le mérite de souligner la grande qualité des données du PISA, de promouvoir l’exploitation des enquêtes et de rendre public le débat sur les résultats français aux épreuves. Cette publicité du PISA est d’autant plus remarquable que l’on a longtemps fait le procès des évaluations internationales, notamment celles de l’IALS (International Adult Literacy Survey) conduites en 1994. Les travaux français effectués sur le PISA valorisent à juste titre son dispositif d’enquêtes. Ces études ont en commun leur démarche : elles consistent toutes en des comparaisons internationales. Baudelot et Establet (2009) affirment que « le détour par l’étranger est intellectuellement très productif ». Selon eux, cet exercice de décentration est un instrument de connaissance qui permet de tester des hypothèses et de vérifier des analyses. Duru‐Bellat, Mons et Suchaut (2004a et 2004b) insistent sur les vertus heuristiques des comparaisons internationales rappelant qu’ « il n’est de sociologie que de la différence ». Mons consacre un chapitre entier de son livre, Les nouvelles politiques éducatives (2007), à définir les enjeux et le cadre d’une recherche comparée. Ces trois premières références livrent des résultats généraux, sur différents thèmes abordés par le PISA en lien avec la performance scolaire. Quant à Meuret et Morlaix (2006), ils 6 s’emploient à analyser et à comparer plus finement la façon dont l’influence de l’origine sociale s’exerce sur les performances scolaires en compréhension de l’écrit, dans treize pays participants. Les publications de Duru‐Bellat, Mons et Suchaut en 2004 sont consacrées à des exploitations de la première et seule enquête du PISA disponible à cette période, le PISA 2000. Ils cherchent à mettre en perspective les caractéristiques d’une quarantaine de pays et de leurs systèmes éducatifs avec les compétences des élèves. Leurs analyses ont l’ambition de dépasser les études habituelles focalisées sur le niveau moyen et la dispersion des performances, en s’intéressant à l’ampleur des inégalités sociales de performance. D’après leurs travaux, certaines caractéristiques des systèmes éducatifs contribueraient à expliquer les variations de l’ampleur des inégalités entre les pays, telles que le caractère plus ou moins différenciateur du système scolaire résultant de la pratique du redoublement, de la coexistence de filières ou de la segmentation du marché scolaire via la ségrégation entre les établissements. L’objectif des auteurs est donc d’établir des relations entre le degré d’inégalités sociales et telle ou telle caractéristique du système. Avant de présenter leurs résultats, les auteurs insistent sur quelques unes des difficultés rencontrées lors d’un travail comparatif et indiquent les précautions à suivre. S’agissant de la mesure des acquis des élèves, les auteurs concluent à la comparabilité entre les pays des scores de réussite aux épreuves du PISA et rejettent l’hypothèse d’importants biais culturels induits par les questionnaires nationaux. Ils définissent ensuite le but de leur travail, à savoir : dégager des « lois » ayant une portée « supranationale ». Or, en présence de corrélations entre une caractéristique du système et l’ampleur des inégalités, les auteurs recommandent de ne pas les interpréter trop hâtivement en termes de causalités. Aussi, proposent‐ils de construire des typologies afin de déterminer les facteurs jouant de concert dans la production ou le maintien des inégalités. Enfin, ils rappellent que les résultats sont contingents aux échantillons retenus et à leur degré de variété. Pour expliquer la variation, selon les pays, de la force de la relation entre le milieu socioculturel de l’élève et sa performance au test, Duru‐Bellat, Mons et Suchaut ont construit un indicateur synthétique d’inégalités sociales de réussite (qu’ils appellent INEGA). Ils examinent alors, à l’aide de cet indice global, la relation entre inégalités sociales de performance en écrit et niveau moyen des pays. Selon leurs analyses, les pays les plus inégalitaires socialement sont aussi un peu plus fréquemment les pays où les élèves sont les moins performants et où les écarts de réussite entre les élèves sont les plus importants (et inversement). Toutefois, nombre de pays ont des niveaux d’inégalités comparables avec des performances variées. Cette variété observée convainc les auteurs de procéder à des analyses autonomes des facteurs susceptibles d’expliquer cette variété. Les auteurs croisent donc successivement chacun des paramètres institutionnels possiblement corrélés avec la dispersion des inégalités sociales de réussite. Ils déterminent ainsi un ensemble de résultats portant sur la richesse du pays, la sélectivité et la différenciation des systèmes éducatifs. Leurs conclusions principales sont les suivantes. Plus un pays est riche et plus la réussite de ses élèves est 7 élevée. Le PIB est également lié (peu significativement) à la dispersion des performances entre les élèves : les résultats des élèves s’avèrent d’autant plus hétérogènes que les pays sont riches. Concernant les caractéristiques structurelles de l’enseignement secondaire, les analyses confirment qu’une sélection précoce des élèves s’accompagne d’une moindre réussite des élèves et d’une faible proportion d’excellents élèves. L’existence de filières et la brièveté du tronc commun seraient associées à de fortes inégalités sociales de performance. Selon Duru‐Bellat, Mons et Suchaut, ces résultats s’expliquent par le fait que des pays présentant un fort degré d’inégalités sociales de performance (comme l’Allemagne) font partie des pays où la sélection des élèves s’effectue avant l’âge de 15 ans. Enfin, la ségrégation entre établissements semble accentuer les écarts de performance entre les élèves. A l’aide de méthodes d’analyse des données approfondies, les auteurs font apparaître deux éléments. Premièrement, ce qui structure avant tout les différences entre les pays sont le taux de scolarisation des enfants de 15 ans, le niveau moyen des performances et le niveau de richesse. Deuxièmement, les caractéristiques structurelles des systèmes éducatifs opposent des ensembles régionaux de pays tels que les pays performants et assez égalitaires de l’Europe du Nord et des régions riches de l’Asie d’un côté, et les pays germaniques dotés de caractéristiques opposés de l’autre. Finalement, les auteurs soulignent deux conclusions principales de leurs études. La première est que les acquis des élèves et leurs inégalités relèvent de l’action politique. La seconde formule que l’organisation globale des systèmes est corrélée avec leur degré d’équité. Cependant, les chercheurs reconnaissent qu’il serait prématuré de formuler des recommandations politiques à partir des simples corrélations qu’ils ont constatées. Les travaux de Duru‐Bellat, Mons et Suchaut brossent un portrait relativement complet des relations existant entre la structure des écoles nationales, le niveau scolaire moyen et les inégalités de performance des élèves. Ils dressent le constat des principales différences observées entre les pays participants à ces égards. Cependant, rappelons que les résultats obtenus ont été établis à partir des données d’une quarantaine de pays dotés de contextes historiques, économiques et socioculturels fort différents. Par conséquent, les « lois supranationales » extraites des analyses statistiques courent le risque de ne pas supporter leur confrontation à la contingence des réalités scolaires nationales. En outre, comme Duru‐Bellat, Mons et Suchaut l’ont souligné, plusieurs facteurs jouent de concert sur les configurations sociales et scolaires des pays sans qu’il ne soit aisé d’isoler un ou des facteurs discriminants. Ce constat invite à conduire des analyses futures sur des nations suffisamment proches pour qu’elles puissent souffrir une comparaison de leur système. Enfin, bien que les objectifs de ne pas se focaliser sur la seule comparaison des performances moyennes et de tenir compte de la dispersion des performances soient présents, les auteurs échouent à décrire précisément la réalité des profils scolaires de chacun des pays car leurs analyses portent sur des données agrégées au niveau national qui ne permettent pas d’appréhender véritablement la 8 variance des performances. Un des buts de ce travail vise à pallier ce manque en décomposant et en expliquant la variance des performances entre les élèves. L’ouvrage de Mons sur Les nouvelles politiques éducatives (2007), sous‐titré « la France fait‐elle les bons choix ? » prend ancrage dans les résultats des articles collectifs présentés ci‐dessus et prolonge les questions de politiques éducatives qu’ils ont amorcées. Les points de départ de la réflexion de Mons sont l’enregistrement d’un élan réformateur dans les pays de l’OCDE, l’ébranlement des fondations traditionnelles de l’ « Etat‐enseignant » et en particulier le tournant « néolibéral » des politiques éducatives des pays anglo‐saxons autour de trois axes : décentralisation et autonomie scolaire, différenciation de l’école unique, et libre choix de l’école. Ce virage néolibéral insisterait davantage sur les objectifs d’efficacité que sur ceux d’égalité. L’ouvrage s’articule ainsi autour de ce triptyque réformateur. S’agissant de la décentralisation, les recherches produisent des résultats divergents. Certaines montrent des liens positifs entre la gouvernance locale et les résultats académiques quand d’autres ne trouvent pas d’association statistique entre les deux. Cependant, les chercheurs s’accordent sur un point : la gouvernance locale est potentiellement porteuse d’inégalités territoriales et sociales. La partie suivante, sans doute la plus intéressante pour ce mémoire, concerne les politiques de différenciation dans l’école unique. Mons entreprend d’analyser les effets de l’école unique en soulignant que les recherches dans ce domaine se font encore trop rares. A partir des données agrégées d’une quarantaine de pays recueillies dans le PISA 2000, Mons dresse une « typologie de l’école obligatoire ». Elle met au jour quatre modèles. Le modèle de « séparation », typique des pays germaniques et en particulier de l’Allemagne, se caractérise par une sélection précoce, un tronc commun court (qui s’achève avec l’enseignement primaire), des écoles de niveau, des classes de niveau au primaire, un taux de redoublement élevé, un enseignement spécialisé pour les élèves les plus avancés et des taux de sortie du système sans qualification faibles. Elle distingue trois modèles d’intégration marqués par un tronc commun unifié long mais qui adoptent des solutions différentes pour gérer l’hétérogénéité des élèves. Le modèle « d’intégration individualisée », caractéristique des pays scandinaves, fonctionne suivant un système de promotion automatique dans les niveaux scolaires supérieurs, des classes de niveau quasi inexistantes, un enseignement individualisé généralisé, un taux d’abandon faible. Le modèle « d’intégration à la carte », qui organise spécifiquement ces classes pour les matières fondamentales et constitue des classes de niveau, correspond aux systèmes anglo‐saxons. Enfin, le modèle « d’intégration uniformisée » concerne les pays latins (France, Espagne, Portugal, Argentine, Chili…). Dans ces systèmes scolaires, on trouve de manière dominante un enseignement de tronc commun. Le redoublement apparaît comme le paramètre d’ajustement qui permet de réguler le flux d’élèves et de séparer ceux d’entre eux qui ne parviendraient pas à suivre le niveau imposé. Le taux de sortie sans qualification n’est pas négligeable. 9 Mons conclut qu’il existe une relation statistique entre organisation scolaire et performance académique. Par exemple, le modèle de séparation enregistre, typiquement, des résultats médiocres. Pour instruire la question du libre choix de l’école, Mons construit à nouveau une typologie qui comprend quatre organisations possibles dans l’affectation des élèves aux établissements : l’absence de choix du fait de l’appartenance à une zone scolaire stricte, le modèle de la carte scolaire avec possibilités de dérogation (en vigueur en France à l’époque du PISA 2000 et en Allemagne), le modèle du libre choix régulé (ce sont les administrations qui prennent la décision finale) et le libre choix total (où les familles choisissent et les écoles disposent). Quelques associations sont mises en évidence entre les politiques de choix et les performances mais ces réformes semblent relativement neutres sur l’efficacité des systèmes éducatifs. D’après Mons, ce seraient davantage les caractéristiques spécifiques de la mise en œuvre de dispositifs de choix que le concept lui‐même qui pourraient avoir des effets spécifiques sur la performance des systèmes éducatifs. Finalement, Mons craint que l’école moderne évolue vers une différenciation désarticulée mais suggère qu’il est possible de progresser vers un schéma de différenciation intégrée à la manière des pays scandinaves. Les typologies construites par la sociologue sont pour le moins remarquables en ceci qu’elles permettent d’entrer dans une compréhension globale des systèmes. Elles mettent au jour les paramètres structurels les plus discriminants et exhibent les principales oppositions entre les systèmes nationaux. Ces typologies ont servi de terreau pour le choix des pays de ce travail comparatif. Néanmoins, elles ne permettent pas de rendre compte des singularités des systèmes scolaires nationaux ni de l’hétérogénéité des profils scolaires des élèves d’un pays. Ce mémoire cherche par conséquent à restituer et à analyser dans toute sa complexité la variété des situations scolaires des trois pays étudiés. Parmi les ouvrages délivrant des résultats d’ordre général à partir des données du PISA, L’élitisme républicain (2009) de Baudelot et Establet, se distingue par son ton assez militant. Les auteurs cherchent à évaluer les systèmes scolaires et à positionner l’école française à l’aune de deux valeurs : l’efficacité et la justice sociale. Baudelot et Establet partent du constat, qu’en termes de réussite aux épreuves du PISA, la France fait figure de mauvaise élève parmi les pays riches et développés. A ce titre, ils dénoncent le taux très élevé de jeunes en échec scolaire et la maigre proportion d’excellents élèves. D’après eux, le système éducatif à la française n’est ni juste, ni efficace, car avant tout élitiste. Dans leur livre, ils défendent l’idée que les performances de l’élite scolaire et de la masse sont étroitement liées. Le combat de l’échec scolaire s’accompagnerait systématiquement d’un grossissement de l’élite. Toutefois, ils concluent abusivement que les systèmes scolaires les moins inégalitaires socialement sont également les plus efficaces et tendent à interpréter les corrélations observées comme des causalités. Ils reprennent les quelques grands résultats et thèmes abordés via l’analyse des enquêtes du PISA. Ils critiquent, notamment, la pratique du redoublement, quasi‐ 10
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