Bulletin de la Société entomologique de France, 117 (4), 2012 : 411-424. Les Chironomidae du Maroc (Diptera, Nematocera) par Kawtar KETTANI* & Peter LANGTON** * Université Abdelmalek Essaadi, Faculté des Sciences, Laboratoire Diversité et Conservation des Systèmes Biologiques, Tétouan, Maroc <[email protected]> ** University Museum of Zoology Cambridge, Downing Street, Cambridge, Royaume-Uni <[email protected]> Résumé. – Une récapitulation de la bibliographie à l'échelle de l'ensemble du territoire marocain des données faunistiques relatives aux espèces de Chironomidés (Diptera) depuis 1977 est présentée dans ce travail. Un total de 388 taxa est répertorié actuellement à l'échelle du Maroc. Ce total regroupe sept sous-familles, à distribution très hétérogène entre les différentes régions. Une répartition des différents taxa recensés grâce à un découpage géographique du Maroc est fournie également. Abstract. – Chironomidae of Morocco (Diptera, Nematocera). A compilation of the bibliography for the whole of the Moroccan territory on the faunistic data relating to the Chironomidae (Diptera) since 1977 is presented. A total of 388 taxa is currently listed for Morocco. The species belong to seven subfamilies, with a very heterogeneous distribution between the different regions. The distribution of the different listed taxa within the various geographical divisions of Morocco is also provided. Keywords. – Faunistics, biogeography, Rif, Atlas, Morocco. _________________ Le Maroc occupe une position privilégiée entre l'Afrique et l'Europe, au nord-ouest du continent africain, ce qui lui a permis au cours de son histoire naturelle d'avoir des échanges de matériels génétiques et de subir différentes influences climatiques. Cette position géographique particulière procure au Maroc une remarquable variété de bioclimats, allant de l'humide dans le Rif, le Moyen et le Haut Atlas, au saharien aride au sud du pays, en passant par le subhumide et le semi-aride dans les zones de plaines et de piémonts. A cette diversité du relief et du climat correspond une grande diversité biologique et écologique. La grande variabilité spatiale des conditions climatiques et géologiques accentue cette richesse en créant des types d'écosystèmes aquatiques très variés, depuis les lacs, les rivières et les sources de montagnes calcaires jusqu'aux merjas et sebkhas sahariennes. Dans le contexte de cet ensemble biogéographique complexe, nous tentons dans le présent travail de présenter la diversité ainsi que la répartition des Diptères Chironomidae sur l'ensemble du territoire marocain, avec la finalité de rassembler dans cette étude les diverses données bibliographiques concernant ce groupe d'insectes et d'actualiser la base de données des espèces de Chironomidae connues du Maroc. MATÉRIEL ET MÉTHODE Cette étude s'est basée sur un recensement de l'ensemble des données bibliographiques relatives à la famille des Chironomidae depuis 1977 jusqu'à présent, à partir de notes faunistiques et de descriptions d'espèces nouvelles. Ce recensement nous a permis de procéder à une récapitulation des données faunistiques propres à l'ensemble du territoire marocain. Un essai de zonage de l'ensemble du territoire a permis de découper le Maroc en sept régions à physiographie distincte : le Rif, le Maroc Oriental, le Moyen Atlas, le Haut Atlas, l'Anti-Atlas, la Plaine Atlantique et le Maroc Saharien (fig. 1). Ce découpage n'est pas arbitraire mais suit les grandes divergences bioclimatiques et morphologiques que tracent naturellement les milieux naturels marocains. Une brève description des différentes régions délimitées est présentée ci-dessous. 412 KETTANI & LANGTON. – Diptères Chironomidés du Maroc Le Rif. – Le Rif est une chaîne de montagnes qui s'étend sur tout le nord du Maroc de la péninsule tingitane jusqu'à la Moulouya en contournant la mer Méditerranée sur sa rive sud. Il constitue un segment de l'ensemble bien plus vaste des chaînes alpines méditerranéennes. Plus particulièrement, il appartient au sous-ensemble bético-rifo-tellien qui frange la Méditerranée sud-occidentale. Ce domaine correspond au Maroc méditerranéen. Vers la Méditerranée, s'écoulent de courts fleuves côtiers. Les principaux sont, du nord à l'est, l'oued Martil, l'oued Laou, l'oued Mter au milieu de l'arc montagneux, l'oued Rhiss et l'oued Nekkor tout à fait à l'est. Vers l'Atlantique, les eaux sont drainées par l'oued Loukkos et par l'oued Ouergha et ses affluents, tributaires de l'oued Sebou. Ces cours d'eau présentent un régime torrentiel et entretiennent une vive érosion. Les massifs calcaires, ossature de la chaine rifaine, renferment des réserves souterraines relativement importantes et contribuent à la pérennité des cours d'eau du domaine rifain. Le Maroc oriental. – Le Maroc oriental, qui couvre les Hauts Plateaux au nord-est, est la seule région du Maroc à jouir d'une identité aussi bien méditerranéenne, que saharienne. Il constitue une unité Fig. 1. – Zones bioclimatiques et réseaux hydrographiques du Maroc. Bulletin de la Société entomologique de France, 117 (4), 2012 : 411-424 413 géographique dominée par l'aridité, à l'exception de la frange côtière qui subit l'influence méditerranéenne. L'essentiel des ressources en eau de l'Oriental est fourni par le fleuve Moulouya qui prend naissance à la jonction du massif du Moyen et du Haut Atlas dans la région d'Almssid et se jette dans la Méditerranée. Ce fleuve draine les eaux du Rif oriental et du Moyen Atlas à l'ouest ainsi que le Haut Atlas au sud. La Plaine Atlantique. – A l'ouest du Maroc, une vaste étendue de plaines littorales et de plaines intérieures s'étend le long de toute la côte atlantique et est ouverte aux influences océaniques. C'est le domaine le plus riche en eau souterraine puisqu'il renferme près des deux tiers du potentiel des eaux souterraines du Maroc et bénéficie des ressources produites dans les massifs atlasiques bien arrosés sur leur versant atlantique. La plupart des rivières et vallées du pays traversent ces plaines. Le Moyen Atlas. – Le Moyen Atlas est un massif montagneux qui appartient au massif de l'Atlas marocain. Sa situation au cœur du Maroc, dans une zone de pluviométrie très élevée, confère au Moyen Atlas le caractère de "château d'eau", tant du point de vue hydrogéologique qu'au point de vue hydro- graphique. Il joue le rôle de réservoir régulateur où les sources sont nombreuses et abondantes et participent au débit de base des cours d'eau. La combinaison de la température et de la pluviométrie est de nature à créer des conditions favorables à des ceintures de végétation où se succèdent en fonction de l'altitude et des expositions, des forêts de caroubiers, de chênes verts, de cèdres, de genévriers et de conifères. Du point de vue hydrologique, le Moyen Atlas appartient à quatre grands bassins versants : le bassin de Sebou, le bassin de l'Oum Errabiaa et le bassin de Bouregreg, qui prennent naissance dans le Moyen Atlas et qui se jettent dans l'océan l'Atlantique ; le bassin de la Moulouya (amont uniquement) qui se jette dans la Méditerranée. Le Haut Atlas. – Le Haut ou le Grand Atlas est une chaîne montagneuse marocaine majestueuse orientée sud-ouest/nord-est. C'est le massif le plus élevé d'Afrique du Nord. Il forme une immense barrière d'environ 750 km qui culmine au niveau du Jbel Toubkal à 4167 m. Le Haut Atlas appartient aux bassins versants de Tensift, Sous, Ziz-Rhéris, Dadès et M'Goum. L'Anti-Atlas. – L'Anti-Atlas est une chaîne de montagnes au sud-ouest du Maroc, orienté sud- ouest/nord-est sur près de 600 km. Cette chaîne, située entre le Haut Atlas central et le Sahara atlantique, est séparée en deux par l'oued Draâ. Le premier sommet culmine à Imgout (2530 m) et le second à l'Amalou-n-Mansour (2712 m). C'est la montagne la plus aride du Maroc où l'eau ne coule qu'en de rares endroits. Le principal bassin est l'oued Draâ qui naît dans la région de Ouarzazate à la limite de l'Anti-Atlas et du Haut Atlas et plonge vers le sud-est pour disparaître dans la zone saharienne. Le Maroc saharien. – Le Maroc comprend une vaste zone saharienne et pré-saharienne, qui fait suite à l'Anti-Atlas au-delà des chaînes montagneuses atlasiques. Cette zone relie le Maroc à l'Afrique noire, au-delà de la Mauritanie. Cette zone, qui remonte au nord-est jusqu'aux basses plaines de la Moulouya, est aride. La sécheresse de l'été est encore aggravée par les hautes températures dues à la continentalité. La végétation très maigre est réduite à l'armoise ou à la steppe d'alfa ou de jujubier. Les ressources en eau concernent essentiellement des gueltas qui désignent des plans d'eau temporaires ou pérennes, sans écoulement apparent, des dayas qui sont des dépressions fermées d'extension limitée au fond en général argileux ou argilo-sableux dans lesquelles l'eau de ruissellement peut s'accumuler, des oasis sahariennes situées sur le lit des oueds venant se perdre dans le désert ou au pied de massifs produisant des sources et des oueds qui sont des cours d'eau à écoulement apparent. RÉSULTATS ET DISCUSSION Le présent travail s'inscrit dans le cadre d'une actualisation des données faunistiques dont la finalité est de présenter un bilan de nos connaissances concernant les Diptères Chironomidae du Maroc. Un total de 388 taxa est actuellement répertorié pour l'ensemble du territoire marocain. Ce résultat est loin d'être exhaustif et il est susceptible d'être modifié à la moindre prospection, d'autant plus que les différentes régions du Maroc n'ont pas été prospectées intensivement de la même manière. Le tableau présenté en annexe récapitule la liste des espèces de Chiro- nomidae présentes au Maroc ainsi que leurs distributions géographiques relatives au découpage de l'ensemble du territoire. Ce bilan préliminaire témoigne, en dépit de grandes lacunes de données pour diverses localités jamais prospectées jusqu'à présent, d'une certaine richesse 414 KETTANI & LANGTON. – Diptères Chironomidés du Maroc des Chironomidés. Cette diversité est en relation avec une remarquable hétérogénéité des habitats que possèdent les milieux naturels du Maroc. Le total des taxa répertoriés se répartit en sept sous-familles : une espèce de Bucho- nomyinae, une espèce de Podonominae, deux espèces de Prodiamesinae, 21 espèces de Diamesinae, 52 espèces de Tanypodinae, 136 espèces d'Orthocladiinae et 175 espèces de Chironominae. Les Orthocladiinae ainsi que les Chironominae restent les sous-familles majoritaires au sein de ce peuplement (fig. 2). Cette communauté chironomidienne se regroupe en 95 genres, dont les plus diversifiés qualitativement sont Polypedilum, Eukiefferiella, Chironomus, Tanytarsus, Cricotopus et Orthocladius. La diversité générique chez les Ortho- cladiinae (32 genres) est remarquable en dépit de leur richesse spécifique qui est en deçà de celle des Chironominae. La répartition des espèces de Chironomidae répertoriées montre une importante distinction entre les différentes régions du Maroc (fig. 3). Par rapport à l'ensemble du territoire marocain, le Rif renferme le maximum d'espèces répertoriées (253 taxa). Cette constatation n'est que le reflet des prospections relativement intensives qu'a connu cette région au nord du Maroc. Le Rif. – Le Rif héberge une faune chironomidienne très diversifiée qui atteint 66 % de la totalité des Chironomidae connus du Maroc. Cette diversité tient à la grande variété des habitats et aux particularités géomorphologiques, orographiques et paysagères de grande originalité propres à ce domaine du Maroc méditerranéen. Cette région du nord a de plus connu de nombreuses prospections grâce à nos travaux dans de multiples écosystèmes aquatiques rifains méditerranéens et atlantiques dont principalement le bassin de Laou, le bassin de Martil, l'amont du bassin de Sebou, quelques cours d'eau d'aires protégées telles des parcs nationaux et de quelques cours d'eau côtiers méditerranéens (KETTANI et al., 1994, 1995, 1996, 1997, 2001, 2010 ; HIMMI et al., 2009 ; EL FATEHI & KETTANI, 2008 ; EL IMRANI & KETTANI, 2010 ; BAHID & KETTANI, 2011 ; KETTANI & LANGTON, 2011). Ces travaux ont contribué à une meilleure connaissance des Chironomidae du Rif et estimation de leur diversité dans cette région du nord. Ainsi sur 95 genres présents au Maroc, 73 (dont 28 appartiennent aux Orthocladiinae), soit 77 %, sont représentés dans la région rifaine, ce qui témoigne d'une remarquable diversité générique de ce groupe de Diptères dans ce domaine méditerranéen dont la superficie est assez restreinte par rapport au reste du Maroc. Une nette dominance des Orthocladiinae s'observe dans cette région, avec 104 espèces, soit 77 % des Orthocladiinae connus du Maroc. Fig. 2. – Répartition des espèces par sous-familles de Chironomidae au Maroc. Bulletin de la Société entomologique de France, 117 (4), 2012 : 411-424 415 Fig. 3. – Répartition connue des Diptères Chironomidae entre les différentes régions du Maroc. MO, Maroc oriental ; PA, Plaines atlantiques ; MA, Moyen Atlas ; HA, Haut Atlas ; AA, Anti-Atlas ; MS, Maroc saharien. La tendance chorologique du Rif est surtout paléarctique et méditerranéenne en compa- raison avec d'autres régions du Maroc plus au sud. Partie intégrante du Bassin méditerranéen, le Rif recèle de nombreux taxa méditerranéens [Paramerina mauretanica Fittkau, Paramerina sp. Grèce, Procladius Pe1 3 (LANGTON, 1991), Cricotopus beckeri Hirvenoja, C. levantinus Moubayed & Hirnenoja, Eukiefferiella bedmari Vilchez & Laville Eukiefferiella Pe 2 (LANGTON, 1991), Limnophyes ninae Saether, Parakiefferiella wuelkeri Moubayed, Paratrichocladius micans (Kieffer), Orthocladius ruffoi Rossaro & Prato, Cryptochironomus Pe 5 (LANGTON, 1991), Lithotanytarsus dadesi Reiss, Polypedilum acifer Townes, Paratanytarsus mediterra- neus Reiss & Säwedal, Stictochironomus Pe 2 (LANGTON, 1991), Virgatanytarsus albisutus (Santos-Abreu)] et communes avec d'autres pays du pourtour méditerranéen (ASHE & CRANSTON, 1990 ; BOUMAIZA & LAVILLE, 1988 ; GENDRON & LAVILLE, 1997 ; CALLE et al., 1995 ; GARCIA & LAVILLE, 2001 ; LAVILLE & LANGTON, 2002 ; MOUBAYED, 1986 ; MOUBAYED-BREIL et al., 2007 ; LAVILLE & REISS, 1993 ; MORA & CSABAI, 2008). La distribution observée de Corynoneu- rella paludosa Brundin (N-Maroc, France) et de Parametriocnemus valescurensis Moubayed & Langton (N-Maroc, France) semble leur conférer probablement une distribution méditerranéenne. Une analyse du peuplement rifain montre des affinités significatives avec celui du Liban (MOUBAYED-BREIL & DIA, 2007) et permet d'élargir la distribution géographique de certaines espèces supposées jusqu'à présent avoir une aire de distribution assez limitée au nord de l'Europe, telles que Zavrelimyia melanura (Meigen), Diamesa tonsa Haliday, Eukiefferiella brehmi Gouin, E. gracei (Edwards), Heleniella serratosioi Ringe, Parorthocladius nudipennis (Kieffer) et Micropsectra notescens (Walker). Les espèces suivantes se sont avérées rares dans nos récoltes et manifestent par ailleurs une répartition géographique limitée à quelques pays : Procladius Pe 3 (LANGTON, 1991) (N-Maroc, sud péninsule Ibérique), Corynoneurella paludosa (N-Maroc, France), Eukiefferiella ancyla Svensson (N-Maroc, Belgique, France, Irlande), Heleniella dorieri Serra-Tosio (N-Maroc, France), H. serratosioi (N-Maroc, France, Liban), Limnophyes minimus (Meigen) (N-Maroc), L. ninae (N-Maroc, Algérie, France), Limnophyes Pe 1a (LANGTON, 1991) (N-Maroc), Crypto- chironomus Pe 5 (LANGTON, 1991) (N-Maroc), Demicryptochironomus (Irmarkia) Pe 1 (LANGTON, 1991) (N-Maroc, Tunisie, Belgique), Polypedilum Pe1 (LANGTON, 1991) (N-Maroc, France), Stictochironomus Pe 2 (LANGTON, 1991) (N-Maroc, Sud Péninsule ibérique), Micro- 1 Le terme "Pe" signifie que le taxon a été identifié à partir de l'exuvie nymphale et non à partir d'un imago (LANGTON, 1991 ; LANGTON & VISSER, 2003). 416 KETTANI & LANGTON. – Diptères Chironomidés du Maroc psectra aristata Pinder (N-Maroc, Grande Bretagne, Portugal), Micropsectra lacustris Säwedal (N-Maroc, France, Suède), Paratanytarsus grimmii (Schneider) (N-Maroc, Açores, France, Irlande), Tanytarsus Pe 14 (LANGTON, 1991) (N-Maroc, Grèce), Tanytarsus Pe 23 (LANGTON, 1991) (N-Maroc, Portugal), Virgatanytarsus Pe 1 (LANGTON, 1991) (N-Maroc, France), Zavrelia Pe 1 (LANGTON, 1991) (N-Maroc). La présence de la sous-famille des Buchonomyinae avec l'espèce Buchonomyia thiene- manni Fittkau (KETTANI et al., 2010) au Rif (récoltée à 400 m d'altitude dans un hyporithron) représente la seule citation à l'échelle du Maroc. Elle a été récoltée parmi une communauté chironomidienne assez diversifiée au niveau de l'oued Kelaa (bassin versant Laou) avec Stempellinella brevis (Edwards), Symposiocladius lignicola Kieffer, Cricotopus levantinus, Polypedilum laetum (Meigen) et d'autres espèces de Corynoneura, Eukiefferiella, Heleniella, Orthocladius, Parametriocnemus, Paratrichocladius, Thienemaniella, Tvetenia, Micropsectra, Rheotanytarsus et Tanytarsus. Sur le plan générique, les genres suivants sont signalés uniquement dans ce domaine rifain : Buchonomyia, Corynoneurella, Smittia, Symposiocladius, Zalutschia, Phaenopsectra, Saetheria et Zavrelia. Zalutschia humphriesiae Dowling & Murray a été récoltée dans un marais de haute altitude (980 m) dans le parc naturel régional de Bouhachem (Bassin versant Martil), Zavrelia Pe 1 (LANGTON, 1991) a été récoltée à 1259 m d'altitude dans un ruisseau montagnard dans le crénon du bassin versant de Sebou. Zavrelia pentatoma Kieffer & Bause a été récoltée quant à elle dans un cours d'eau montagnard épirithral à pente raide à 960 m d'altitude. Saetheria sp. a été récoltée dans une rivière de plaine à 180 m d'altitude. Coryno- neurella paludosa, Smittia sp., Bryophaenocladius sp. Majjo avec l'espèce Larsia curticalcar (Goetghebuer) ont toutes été récoltées en aval d'une chute d'eau à 906 m d'altitude à Majjo (bassin versant Laou) Du point de vue faunistique, 11 espèces [Thienemannimyia carnea (Fabricius) ; Thiene- mannimyia geijskesi Goetghebuer ; Zavrelimyia hirtimana Kieffer ; Corynoneura edwardsi Brundin ; Heleniella dorieri ; Limnophyes punctipennis Goetghebuer ; Psectrocladius fennicus Storå ; Micropsectra lacustris ; Stempellina bausei Kieffer ; Micropsectra aristata et Zavrelia pentatoma Kieffer & Bause] sont des citations nouvelles pour la faune du Maroc et ont été récemment récoltées dans des cours d'eau rifains (Bassin Laou et Bassin Martil). Le Haut Atlas. – Cette région vient en seconde position quant à sa richesse spécifique en Chironomidae avec 130 espèces ou taxa (soit 33 % de la totalité des Chironomidae connus du Maroc) regroupés en 57 genres (soit 60 % des genres connus du Maroc). Ces données faunistiques proviennent essentiellement du bassin de Tensift, de celui de Ziz-Rhéris et de ceux de Dadès et M'Goum grâce aux travaux de AZZOUZI & LAVILLE (1987), AZZOUZI et al. (1992), DOWLING (1983, 1987), EL MEZDI & GIUDICELLI (1985), LAVILLE & REISS (1988, 1993) et REISS (1977, 1987, 1991). L'ensemble de ces recherches hydrobiologiques effectuées dans des écosystèmes de grande originalité caractéristique des biotopes naturels du Haut Atlas, ont pu révéler une importante diversité qui recèle des espèces rares, remarquables et endémiques. La majorité des sous-familles y est présente avec une nette dominance des Diamesinae par rapport au reste du Maroc (53 % des Diamesinae connus du Maroc). Ceci s'explique par l'altitude qui dépasse les 1000 m pour la majorité des stations prospectées dans cette région du Maroc. La famille des Podonominae avec l'espèce Paraboreochlus minutissimus (Strobl) est uniquement présente dans le Haut Atlas, récoltée sur l'oued N'fis (Bassin Tensift) à 1600 m d'altitude, dans des conditions thermiques assez élevées dues à une alimentation par des résurgences d'eau chaude (AZZOUZI et al., 1992). Les genres Boreoheptagyia, Pentaneurella, Metriocnemus, Parorthocladius, Trissocladius, Baeotendipes et Kloosia sont signalés uniquement du Haut Atlas et ont été récoltés à des altitudes qui dépassent en majorité les 1480 m, sauf pour les espèces correspondantes aux Bulletin de la Société entomologique de France, 117 (4), 2012 : 411-424 417 genres Trissocladius et Kloosia qui ont été récoltées dans des zones potamales. Pentaneurella sp. a été récoltée exceptionnellement à 2500 m d'altitude dans l'oued Reghaya (bassin Tensift). Par comparaison au Rif, une plus nette tendance chorologique afrotropicale s'observe pour les espèces Chironomidae répertoriées du Haut Atlas. La Plaine Atlantique. – La Plaine Atlantique concerne une vaste étendue de plaines côtières et intérieures s'étendant le long de toute la côte atlantique. Elle est assez riche en eau superficielle comme souterraines, la plupart des rivières du pays traversant ces plaines. La richesse spécifique de cette région du Maroc est de 102 taxa Chironomidae (soit 26 % des Chironomidae connus du Maroc), avec une nette dominance des Chironominae par rapport au reste du Maroc ; cette sous-famille comprend 61 espèces réparties entre les Chironomini et Tanytarsini (soit 34 % des Chironominae connus du Maroc). Les principaux systèmes alluviaux et palustres qui ont fourni ces données faunistiques relèvent de l'estuaire de l'oued Loukkos, de l'estuaire de l'oued Marhar (Environ de Tanger), des environs de Larache, de la retenue El Makhazine (AZZOUZI & LAVILLE, 1987), de la merja de Sidi Boughaba (RAMDANI, 1981; RAMDANI & TOURENQ, 1982), de l'aval de l'oued Sebou (NAYA, 1988) et de l'estuaire du bassin de Tahaddart (HIMMI et al., 2009). La communauté chironomidienne relative à cette région se singularise par la présence des espèces suivantes : Protanypus morio (Zetterstedt), Syndiamesa sp., Heterotrissocladius marcidus (Walker), Endochironomus albipennis (Meigen), Endochironomus tendens (Fabricius), Lauterborniella agrayloides (Kieffer) et Paralauterborniella nigrohalteralis (Malloch). Le Moyen Atlas. – Le Moyen Atlas révèle quant à lui 73 espèces répertoriées principa- lement à partir du bassin de Sebou [oued Sebou, oued Boufekrane, oued Fès, lac Aguelman Axighx (1510 m), lac Ouiouane (1635m)] et du bassin de Oum-er-Rbia à partir des travaux d'AZZOUZI & LAVILLE (1987), FEKHAOUI et al. (1993) et de LAVILLE & REISS (1988, 1993). Ce résultat témoigne cependant d'une certaine richesse spécifique mais qui reste toutefois en deçà des potentialités faunistiques vu la grande diversité jointe à la qualité paysagère des habitats naturels propres à cette vaste région du Maroc, connue pour sa grande richesse en eau. Ce résultat ne comprend que 19 % des Chironomidae connus du Maroc. Cette région est apparemment restée négligée par les systématiciens en Chironomidae. Elle recèle toutefois des genres présents uniquement dans cette région du Maroc, tels que Odontomesa avec l'espèce O. fulva (Kieffer), Chironomus (Camptochironomus) avec l'espèce C. (C.) tentans Fabricius et Xenochironomus avec l'espèce X. xenolabis Kieffer. Paramerina Pe1 Langton 84, Telopelopia fascigera (Verneaux), Eukiefferiella fuldensis Lehmann, Orthocladius luteipes Goetghebuer, Chironomus thummi Kieffer, Polypedilum uncinatum (Goetghebuer), Rheomus yahiae Laville & Reiss, Stictochironomus caffrarius (Kieffer) et Stempellina almi Brundin sont également signalées uniquement de cette région. Les autres régions. – Le reste des zones délimitées n'a fourni qu'un nombre très faible d'espèces, reflétant le manque de données relatives à ces régions. Le Maroc Oriental présente 4 espèces répertoriées à partir des environs de Berkane (DOWLING, 1983 ; 1987). Parmi ces données, deux espèces sont endémiques : Thieneman- nimyia berkanea Dowling et T. choumara Dowling. A l'instar du Moyen Atlas, cette aire présente de même de grandes potentialités faunistiques car elle abrite un des plus grands réseaux hydrographique du Maroc, celui de l'oued Moulouya. Mais faute d'investigations dans cette zone orientale, cette région du Maroc ne présente actuellement qu'une très faible richesse spécifique. Dans l'Anti-Atlas, 21 espèces sont recensées à partir des travaux d'AZZOUZI & LAVILLE (1987), AZZOUZI et al. (1992) et de DOWLING (1983) effectués dans le bassin de Drâa (Tissint, Dra-Tal, N'Hamid, Oasis Meski). En dépit de sa faible richesse spécifique en espèces de Chironomidae, cette zone bioclimatique assez particulière recèle des espèces rares et signalées 418 KETTANI & LANGTON. – Diptères Chironomidés du Maroc uniquement dans cette région du Maroc. Telles sont le cas de Diamesa aberrata Lundbeck, Rheopelopia murrayi Dowling, Tanypus kraatzi (Kieffer), Pseudorthocladius curtistylus (Goetghebuer), Microchironomus lendli (Kieffer), Paracladopelma laminatum (Kieffer), Stictochironomus reissi Cranston et Rheotanytarsus curtistylus (Goetghebuer). Dans le Maroc saharien, une seule espèce (Paramerina mauretanica Fittkau) a été signalée. CONCLUSION Ces résultats ne reflètent qu'un état instantané de bio-répartition, pouvant évoluer en fonction de recherches plus intensives sur l'ensemble du Maroc. Toutefois, ce travail reste utile dans la mesure où il dévoile les grandes lacunes en listes faunistiques pour d'importantes régions du Maroc qui n'ont bénéficié jusqu'à présent d'aucune étude systématique ou alors uniquement de quelques études fragmentaires relatives à des descriptions d'espèces nouvelles. Ce bilan préliminaire, récapitulant pour l'ensemble du territoire marocain un total de 388 taxa de Chironomidae, reste en deçà des potentialités faunistiques des diverses régions du Maroc, étant donné leur grande hétérogénéité et originalité bioclimatique, hydrologique et orographique. Ce travail permet donc de faire le point et espère stimuler de nouvelles études sur les peuplements de Chironomidae à l'échelle du Maroc. AUTEURS CITÉS ASHE P. & CRANSTON P. S., 1990. – Family Chironomidae (p. 113-355). 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