LES BEAUX-ARTS EN FINLANDE Rédacteur en chef: Alf Krohn, licencié ès lettres Comité de rédaction: Aarre Heinonen, artiste peintre, recteur de l’école de l’Académie des Beaux-Arts de Finlande. Gôsta Diehl, artiste peintre, président de la Société des Artistes finlandais. E. J. Vehmas, licencié ès lettres, critique d’art au journal Uusi Suomi. Le texte a été traduit en français par Urban Nystrôm, docteur ès lettres. La couverture a été composée par Aulis Blomstedt, architecte. SOMMAIRE Avant-propos .. . r............................................................................................• • •. 1 Aune Lindstrôm, Quelques pionniers de la peinture finlandaise .......................... 2 Onni Okkonen, Les années 1880—1900 ................................................................ 10 Onni Okkonen, Axel Gallen-Kallela ....... ..................................................... 20 Eila Pajastie, Juho Rissanen, ”peintre des paysans” ............................................ 25 Sakari Saarikivi, Hugo Simberg, symboliste finlandais ........................................ 32 Jaakko Puokka, Magnus Enckell ........................................................................... 37 Sakari Saarikivi, Le groupe Septem et l’impressionnisme finlandais ................... 45 E. J. Vehmas, T. K. Sallinen, expressionniste finlandais .................................... 55 E. J. Vehmas, Le Groupe de Novembre ................................................................. 64 Eino Krohn, Helena Schjerfbeck ........................................................................... 74 Alf Krohn, La peinture finlandaise d’aujourd’hui .............................................. 81 Bertel Hintze, La sculpture finlandaise ................................................................. 96 La couverture reproduit une œuvre de T. K. Sallinen (”Pekan Hilma”). H E L SIN K I 1949 AVANT-PROPOS On a souvent reproché a l'art finlandais de trop s’isoler, de vivre comme une larve dans sa coque. Cette accusation est en partie justifiée, le Finlan dais ayant une tendance à rester en arrêt devant les résultats acquis, sans se soucier d’être dépassé par le développement général; notre art, cependant, a toujours compté des personnalités qui ont tenté d’établir des contacts avec les grands centres artistiques. Les influences étrangères qui, par cette voie, ont pénétré dans notre art ont été modifiées par le tempérament finlandais et, ainsi assimilées, ont été plus fructueuses que si elles avaient été accueillies telles quelles par un snobisme soucieux de suivre de près les courants européens. Il va de soi que dans le domaine de l’art, comme d’une façon générale dans celui de la civilisation, aucun pays ne saurait être autarcique. Pour éviter la formation de mares stagnantes dont l’eau est mortelle, il faut ouvrir des ca naux et établir des courants. Chaque peuple, en art, donne tantôt et tantôt reçoit; aucune frontière ne doit empêcher les hommes de communiquer entre eux dans ce langage spirituel, par le truchement de leurs idéaux et de leurs visions. C’est le besoin d’établir, dans le domaine de l’art, des communications entre divers pays qui est à la base de cette publication, due à la collaboration de quelques personnes adonnées aux recherches artistiques. L’ensemble des ar ticles forme un exposé de notre peinture et de notre sculpture durant une période d’environ un siècle. Cette publication contribuera sans doute à facili ter la compréhension des œuvres qui figurent dans l’exposition ambulante d’art finlandais, en les plaçant dans leur cadre historique. Si elle réussit à éveiller chez le lecteur le désir de se familiariser avec l’art d’un lointain pays septentrional, son but est atteint. Helsinki, le 20 juillet 1949. Le rédacteur en chef. 1 QUELQUES CHAMPIONS DE LA PEINTURE FINLANDAISE AUNE LINDSTRÔM Docteur ès lettres Quand la victoire du protestantisme eut à l’exemple des Hollandais, ses premiers mis fin à la floraison de l’art sacré médié maîtres, apprit l’usage des tons plus clairs, val en Finlande, ce fut pour les beaux-arts lors d’un voyage à Paris et à Rome, et une une longue période de friche. La médio vivacité de facture presque impressionniste, crité de la vie n’était pas propre à faire qu’il applique à des scènes de la vie popu naître des besoins artistiques, auxquels laire. Finnberg se produisit surtout comme manquait la base économique nécessaire. portraitiste, s’inspirant du chromatisme Seuls les peintres de portraits pouvaient des romantiques anglais de l’époque; espérer des commandes de quelque impor comme fonds de ses portraits il dresse tance, et ces ”portraituristes”, étrangers des parcs baignés des lueurs pourprées la plupart du temps, ne brillaient guère du couchant. Il possédait un beau talent par le talent. de peintre et il aurait mérité un sort Les pionniers d’un art vraiment finlan meilleur que de mourir dans la misère, dais surgissent vers 1800; il serait plus après avoir vu une grande partie de ses juste de les appeler des précurseurs, puis œuvres détruites dans le grand incendie que leur activité s’est déroulée en grande de Turku. partie en dehors des frontières de leur La fondation de la Société des Beaux- patrie et ne s’incorpore guère dans l’évo Arts de Finlande marque l’essor de l’art lution postérieure de l’art finlandais. Ce finlandais. Cette société aux vues ambi sont les peintres Alexander Lau- tieuses prit sous sa protection les artistes r é u s (1783—1823) et G. W. F i n n b e r g travaillant en Finlande et chercha à pré (1784—1833), le sculpteur Erik Kaino- parer le terrain pour les talents en herbe. C a i n b e r g (1771—1816) et quelques Elle organisa des loteries et des exposi graveurs qui ont travaillé à Stockholm, tions, elle fonda une école et un musée; surtout comme lithographes. Lauréus, son rôle ne peut guère être surestimé. après avoir marqué une prédilection, dans Les artistes finlandais de cette époque ses petits tableaux sombres, pour l’éclai forment une troupe fort disparate; à côté rage à la bougie et autres effets de lumière, d’artistes qui ont fait des études sérieuses, 2 A. Lauréus, L’Homme à la pipe, 18 i 4. 3 R. W , Elcman. Heure Je recueillement, 1861. on trouve des demi-amateurs et des auto P. A. Kruskopf (1805—1852), actif sur didactes. Le premier en date des profes tout comme graveur. C’est de Suède qu’était seurs de l’école de dessin fondée par la originaire également le portraitiste en Société des Beaux-Arts, B. A. Goden- vogue, J. E. Lindh (1793—1865), dont hjelm (1799—1881), qui avait étudié les tableaux représentant des ’'messieurs” en Russie à l’Académie des Beaux-Arts, et des ”dames” de l’époque, raides et mi était homme de loi de son métier. La nutieux comme des photographies, ornaient froide correction du style empire russe d’innombrables manoirs et demeures bour marque toute sa production. En revanche geoises. La troupe des peintres amateurs on trouve une aimable atmosphère ”Bie- féminins fut nombreuse ; Matilda Rot- dermeyer” et l’instinct du style chez les kir c h (1813—1842), morte jeune, fut trois frères von Wright, peintres leur modèle; plus tard quelques véritables d’oiseaux et de paysages, qui s’étaient for artistes s’en dégagèrent. més tout seuls et à qui leur amour sincère Une place très haute dans l’estime des et naïf de la nature garantit une place contemporains fut accordée à R. W. E k- dans l’estime de la postérité. L’idylle bour man (1813—1873), qui de Suède où il geoise est représentée également par J o- commença sa carrière vint s’établir en han Knutson (1816—1899), venu de Finlande et y acquit bientôt une place do Suède, professeur de dessin à Borgâ, et minante, Le choix de ses motifs y fut pour 4 G. W . Finnberg. Portrait Je Mme M. E. LunJgren. t8t8. beaucoup — il s’inspirait du Kalevala et mand, tandis que le second fut le premier des poèmes de Runeberg — bien plus que chez nous qui se prit d’admiration pour sa composition affectée et théâtrale et son les courants français, cherchant à en pro coloris bariolé. Toute cette première gé fiter dans sa propre peinture. Observateur nération d’artistes se caractérise par éveillé et intelligent, il fit connaître à ses l’esprit patriotique, inspiré de Runeberg, compatriotes par des articles de journaux qui anime sa production. L’éveil national les événements artistiques de Paris et de ces années avait retenti dans les oreil s’exprima en faveur d’un nouvel idéal. Le les des peintres; on croyait pouvoir sup troisième élève de Düsseldorf fut le peintre pléer aux défaillances techniques et artis féminin Fanny Churberg (1845— tiques par un amour, souvent touchant, 1892), nature combative, hardie et origi des paysages familiers et de la patrie. nale, qui manifesta son tempérament fou Les artistes de la génération suivante gueux dans des paysages d’une vigueur avaient déjà reçu une instruction plus sé souvent surprenante. Après une courte rieuse et formaient un ensemble plus homo carrière de peintre, elle passa au service gène. Tandis que la Suède avait été jus des arts décoratifs. Citons parmi les pein qu’alors le foyer d’études de la plupart de tres de genre de cette époque, A d o 1 f von nos peintres, le centre de gravité se dé B e c k e r (1831—1909), qui, tôt déjà, plaça au milieu du siècle vers le centre de s’était rendu à Paris et qui dans quelques- l’Europe, notamment à Düsseldorf, dont le unes de ses œuvres montre un talent no romantisme bourgeois devait jouer un si table dans l’application des doctrines fran grand rôle dans tous les pays du Nord. çaises; un peintre de scènes paysannes, Le premier Finlandais ayant étudié à productif et superficiel, A r v i d L i 1 j e- Düsseldorf est le paysagiste W e r n e r 1 u n d (1844—1899) ,Alexandra Fros- H o 1 m b e r g (1830—1860), dont le talent t e r u s-S a 11 i n (1837—1916), renommée était assez puissant pour s’affranchir de pour ses portraits d’enfants et ses nom l’esprit affecté et sentimental de l’école. breux tableaux d’autel, et S. A. K e i n â- Les plus belles œuvres de sa courte vie nen (1841—1914), peintre plus rude de représentent des paysages de son Hâme la vie paysanne. natal, dans lesquels un sentiment spontané L’influence du romantisme allemand se de la nature et des qualités artistiques manifesta encore longtemps chez quelques très sûres forment un ensemble harmo Finlandais — jusque vers 1890. Dès 1880 nieux ; ils nous charment, ces paysages, par cependant les nouveaux courants français leur lyrisme sincère et leur ton argenté furent accueillis par la plupart de nos qui rappelle Corot. Holmberg fut victime peintres, grâce à l’autorité intelligente de la phtisie de même que K. E. J a n s- d’Albert Edelfelt, champion du style réa son (1846—1874), le meilleur peintre de liste et des motifs de la vie journalière, genre finlandais le l’époque, qui avait courants auxquels Lindholm, par ses écrits également étudié à Düsseldorf. Son talent théoriques, avait ouvert la voie, bien qu’il de peintre ressort de ses charmantes peti ne sût les réaliser d’une manière consé tes esquisses, où il se concentre sur les quente dans sa propre peinture. Alors seu effets de lumière et d’atmosphère, plus que lement l’art finlandais acquiert une portée de ses tableaux achevés, assez rares. européenne. La période précédente n’en a Cet idéal fut celui également de deux pas moins son importance. C’est un temps paysagistes : Hjalmar Munster- d’apprentissage, de formation technique, h j e 1 m (1840—1905) et Berndt Lind- qui crée la base pour l’évolution d’un art holm (1841—1914), dont le premier resta plus libre et plus grand. fidèle toute sa vie au romantisme alle 6
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