Thich Nhat Hanh LE MIRACLE DE LA PLEINE CONSCIENCE Traduction inspirée par le travail de Mobi Ho, Neige Marchand et Francis Chauvet Collection dirigée par Ahmed Djouder Titre original : THE MIRACLE OF BEING AWAKE Éditeur original : Éditions La Boi, 1974 © Beacon Press, 1974 sous le titre The Miracle of Mindfulness Pour la traduction française : © L’espace bleu, 1994 Table des matières À propos de l’auteur PREMIÈRE PARTIE I La discipline essentielle Laver la vaisselle pour laver la vaisselle La tasse entre vos mains Manger une mandarine La discipline essentielle II Le miracle c’est de marcher sur la terre S’asseoir Contrôler sa respiration Mesurer et suivre sa respiration Une respiration calme Compter la respiration Chaque acte est un rite III Une journée de Pleine Conscience Une journée de pratique Le silence IV La méditation L’assise Le caillou Observer et reconnaître Le garde, ou l’ombre du singe Ne rien attendre V Un est tout, tout est un, les cinq agrégats L'interdépendance Se libérer de la souffrance Chevaucher les vagues de la naissance et de la mort VI La nature de l’ultime perfection L’amandier devant la maison La voix de la marée montante La rencontre sereine avec la réalité L’eau plus claire, l’herbe plus verte VII Trois réponses merveilleuses Servir DEUXIÈME PARTIE Exercices de Pleine Conscience Le demi-sourire Détente et relaxation La respiration La position et les mouvements du corps L’interdépendance Méditation sur la compassion Thich Nhat Hanh, les yeux de la compassion Quatrième de couverture À propos de l’auteur Thich Nhat Hanh entre au monastère en 1942 à l’âge de seize ans pour devenir moine zen. En 1964 il crée à Saigon l’Université bouddhique Van Hanh et l’année suivante, l’École de la jeunesse au service social, fondée sur le principe de la non-violence et de la réconciliation. À cette époque une guerre effroyable déchire le peuple vietnamien et l’École se donne pour but de soulager les souffrances des victimes et de travailler à la réconciliation et à la paix. Les jeunes qui y sont instruits s’occupent de reconstruire les villages détruits, d’ouvrir des dispensaires et des écoles et d’organiser des coopératives agricoles. Leur non- discrimination et leur absence de parti pris pour l’un ou l’autre des belligérants provoquent l’hostilité, et nombre de ces jeunes Vietnamiens y perdent la vie. Invité aux États-Unis en 1966 pour y présenter un rapport sur les atrocités de la guerre, Thich Nhat Hanh est amené à rencontrer le ministre de la Défense Mac Namara (qui démissionnera de ses fonctions quelque temps après), le moine chrétien Thomas Merton ainsi que le pasteur Martin Luther King. Peu de temps avant d’être assassiné, ce dernier proposera Thich Nhat Hanh pour le prix Nobel de la paix. Pendant cette visite en Occident Thich Nhat Hanh apprend que le gouvernement sud-vietnamien s’oppose à son retour au Vietnam. Dès lors, il enseigne à l’École pratique des hautes études à Paris et voyage fréquemment aux États-Unis et dans différents pays d’Europe pour y animer des conférences et des stages de méditation. À présent, il habite dans le sud-ouest de la France au Village des Pruniers, une communauté fondée en 1982, où il enseigne la pratique de la Pleine Conscience. À l’origine, cet ouvrage fut rédigé sous la forme d’une lettre que Thich Nhat Hanh adressait à Quang, un des responsables de l’École de la jeunesse au service social, qui comptait dix mille jeunes travailleurs. Il y rappelait les principes de base de toute action en faveur de la paix : la non-violence, l’interdépendance, l’impermanence, l’attention à la respiration, etc. Le livre fut publié en 1974, en pleine guerre du Vietnam. La maison d’édition vietnamienne qui le publia sous le titre : La Pleine Conscience, un soleil qui brille ayant été fermée, il circula sous le manteau et fut souvent recopié à la main. Depuis, il a été traduit dans une quinzaine de langues. Les principes simples et directs énoncés dans Le Miracle de la Pleine Conscience sont universels et chacun peut y découvrir des trésors sans pour autant connaître la tradition zen vietnamienne ou la pensée orientale. (Les étudiants bouddhistes confirmés qui découvrent la tradition du bouddhisme zen vietnamien s’apercevront que les écoles Theravada et Mahayana étaient représentées au Vietnam et qu’elles s’y sont influencées mutuellement.) Par cet enseignement, où méditation et action ne sont pas séparées, nous sommes invités à redécouvrir la véritable beauté de la Vie au fil de notre vie quotidienne, à apprécier chaque minute, chaque seconde du miracle de la réalité. Nous apprenons à retrouver l'émerveillement de l’enfant devant le monde et à nous reposer dans le calme et la paix de notre nature profonde. L’attention à la respiration et au demi-sourire, qui est la base de la méditation bouddhiste, est une pratique au-delà des cultures et des religions : en suivant tout simplement les exercices de relaxation, de concentration et de méditation qui nous sont proposés, nous sommes amenés à la Pleine Conscience. PREMIÈRE PARTIE I La discipline essentielle En Occident, l’éducation des enfants est vraiment différente de celle que l’on donne traditionnellement au Vietnam. Ici, les parents pensent que « la liberté est nécessaire au développement de l’enfant ». Hier, Allen est venu me rendre visite avec son fils Joey. Cet enfant grandit si vite ! Il a déjà sept ans et parle couramment français et anglais. Il connaît même quelques mots d’argot qu’il a appris dans la rue. Pendant les deux heures qu’a duré notre conversation, Allen a dû surveiller en permanence son fils du coin de l'œil. L’enfant a joué, discuté sans arrêt, nous interrompant sans cesse et nous empêchant d’avoir une conversation suivie. Je lui ai donné plusieurs livres d’images mais, demandant une attention constante de la part des adultes, il les a à peine regardés, les a jetés par terre et nous a de nouveau coupé la parole. Finalement, il a mis son blouson et est sorti jouer avec le fils du voisin. Quand j’ai demandé à Allen s’il trouvait la vie de famille facile, il ne m'a pas répondu directement. Il m’a dit que, depuis la naissance d’Ana il y a quelques semaines, il n’avait pas dormi suffisamment de temps d’affilée. Sa femme Sue, elle aussi, est très fatiguée, et le réveille au milieu de la nuit pour lui demander de vérifier si Ana respire bien. — Je me lève, je vais jusqu’au berceau, puis je reviens me coucher et me rendors. Quelquefois, cela se reproduit deux ou trois fois dans la nuit. Je lui demandai : — La vie de famille est-elle plus facile que la vie de célibataire ? De nouveau, Allen ne m’a pas répondu directement, mais j’ai compris. Je lui ai alors posé la question différemment. — Beaucoup de gens disent que lorsque l'on vit en famille on est moins seul et plus en sécurité. Est-ce vrai ? Allen a hoché la tête et marmonné quelque chose entre ses dents, puis il a dit : — J'avais l’habitude de considérer mon temps comme s’il était divisé en plusieurs parties. J’en réservais une partie pour Joey, une autre pour Sue, une pour Ana et une pour le travail domestique. Le reste, je le considérais comme mon temps personnel où je pouvais lire, écrire, étudier ou aller me promener. « Mais maintenant, je n’essaie plus de diviser mon temps en différentes parties. Je vois le temps que je passe avec Joey ou Sue comme mon propre temps. Lorsque j’aide Joey à faire ses devoirs, je m’efforce de le faire de façon que son temps soit aussi le mien. J'étudie la leçon avec lui, goûtant sa présence et m’intéressant à ce que nous faisons ensemble. Les moments que je lui accorde deviennent miens. Et c’est la même chose avec Sue. Ce qui est étonnant, c’est que je dispose désormais d’un temps illimité pour moi-même ! » Tout en parlant, Allen souriait ; j’étais assez surpris car je voyais que ce n’était pas dans les livres qu’il avait appris cela mais au travers de sa propre expérience. Laver la vaisselle pour laver la vaisselle Il y a trente ans, alors que j’étais encore novice à la pagode Tu Hieu, laver la vaisselle était une tâche difficilement plaisante. Lors de la saison de retraite, quand tous les moines revenaient au monastère, deux novices devaient cuisiner et faire la vaisselle parfois pour plus de cent moines. Il n’y avait pas de savon, seulement des cendres, de la balle de riz et de noix de coco, c’était tout. Nettoyer une telle pile de bols était une vraie corvée, surtout l’hiver lorsque l’eau était glacée. Il fallait alors faire chauffer une grosse marmite d’eau avant de pouvoir commencer à récurer. De nos jours, faire la vaisselle est infiniment plus plaisant. Les cuisines sont équipées de savon liquide, de brosses à récurer et même d’eau chaude courante qui rendent les choses tellement plus agréables. N’importe qui peut la faire en un rien de temps, puis s’asseoir pour boire
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