Description:14 contes et nouvelles.
C'étaient des statues sculptées dans le
sable, d'une étrange et poignante beauté. Les corps se lovaient dans une
faible dépression, ceints d'un lambeau de tissu gris souillé de vase.
On songeait à Adam et Eve avant que Dieu vînt souffler la vie dans leurs
narines de limon. Le rocher de Tombelaine émergeait de la brume.
Suspendu comme un mirage saharien au-dessus des nuées, le
Mont-Saint-Michel brillait de toutes ses tuiles vermeilles, de tous les
vitraux de sa pyramide abbatiale.
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— Oui, mais une table, une chaise, on sait à quoi ça sert. Un écrivain, c’est utile ?
Il
fallait bien que la question fût posée. Je leur dis que la société est
menacée de mort par les forces d’ordre et d’organisation qui pèsent sur
elle. Tout pouvoir – politique, policier ou administratif – est
conservateur. Si rien ne l’équilibre, il engendrera une société bloquée,
semblable à une ruche, à une fourmilière, à une termitière. Il n’y aura
plus rien d’humain, c’est-à-dire d’imprévu, de créatif parmi les
hommes. L’écrivain a pour fonction naturelle d’allumer par ses livres
des foyers de réflexion, de contestation, de remise en cause de l’ordre
établi. Inlassablement il lance des appels à la révolte, des rappels au
désordre, parce qu’il n’y a rien d’humain sans création, mais toute
création dérange. C’est pourquoi il est si souvent poursuivi et
persécuté. Et je citai François Villon, plus souvent en prison qu’en
relaxe, Germaine de Staël, défiant le pouvoir napoléonien et se refusant
à écrire l’unique phrase de soumission qui lui aurait valu la faveur du
tyran, Victor Hugo, exilé vingt ans sur son îlot. Et Jules Vallès, et
Soljenitsyne et bien d’autres.
— Il faut écrire debout, jamais à genoux. La vie est un travail qu’il faut toujours faire debout, dis-je enfin.