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Le mariage en droit coutumier congolais PDF

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LE MARIAGE EN DROIT COUTUM1ER CONGOLAIS l’AR A. SOHIER Conseiller à la Cour d’Appel de Liège, Procureur général honoraire près la Cour d’Appel d’filisabethville, Membre titulaire de l’Institut Eoyal Colonial Belge. MÉM. INST. ROYAL COLONIAL BELGE. Mémoire présenté à la séance du 23 mars i942. LE MARIAGE EN DROIT COUTUMIER CONGOLAIS CHAPITRE I. GÉNÉRALITÉS. 1. Objet de cette étude. — A la suite de la création en 1926 de tribunaux chargés de rendre la justice aux noirs congolais en appliquant leurs coutumes f), de nom­ breux travaux ont commencé à dégager de celles-ci les règles juridiques qu’elles contiennent; dus le plus sou­ vent à des missionnaires et à des administrateurs territo­ riaux sans grande formation juridique, ils ont néanmoins fait progresser de façon remarquable notre connaissance des lois adoptées par les noirs pour leur propre vie. Mais il s’agit presque exclusivement de monographies, décrivant le droit d’un seul groupement; peu de recher­ ches de législation comparée, indiquant pour une matière donnée les règles en usage dans différentes populations, les juxtaposant pour tenter d’en faire la synthèse ou d’en découvrir l’explication. Le fait n’a rien d’étonnant, vu l’état encore rudimen­ taire de nos connaissances. Cependant, en 1934, voulant (*) Régis actuellement par les décrets coordonnés du 13 mai 1938. Sur leur fonctionnement, voir Sohier, Les Tribunaux indigènes et Pratique des Juridictions indigènes. Pour les ouvrages cités, voir l’index bibliographique à la fin du volume. montrer aux dirigeants des juridictions indigènes que la coutume contenait réellement un corps de règles capa­ bles d’inspirer une bonne justice, j’ai tenté, en deux minces articles (x), d’établir quelques rapprochements et de fournir une justification du régime du mariage dans différentes tribus de la colonie. Depuis lors, la lecture de divers ouvrages récents, et tout particulièrement du beau mémoire du P. Hulstaert sur le Mariage des Nkundo, ainsi que l’étude plus appro­ fondie de la situation de la femme dans la société congo­ laise (2), m’ont amené, non seulement à rectifier et com­ pléter beaucoup de mes conceptions précédentes, mais à édifier une théorie nouvelle, qui me paraît rendre compte de toutes les particularités des coutumes matrimoniales des nègres centre-africains. Le nombre croissant de monographies permettant de baser son exposé sur une documentation assez étendue, il m’a semblé intéressant de faire connaître le résultat de mes recherches et d’en pro­ fiter pour étudier de façon détaillée les règles juri­ diques des noirs de nos colonies relatives à cette institu­ tion si importante qu’est le mariage, complétant ainsi mes travaux antérieurs. 2. Mon but n’a cependant pas varié : il s’agit de mon­ trer, par un exemple, que les règles juridiques des noirs ne sont pas sans valeur, de dissiper certains préjugés qui en cachent la véritable portée et de déconseiller les réformes prématurées qui, sous prétexte de civilisation, visent à détruire des pratiques ancestrales, soit indiffé­ rentes, soit môme utilement adaptées aux conditions de vie de la société indigène. Expliquer le véritable esprit des usages, dans la mesure où nos connaissances actuelles f1) Le Mariage en droit coutumier congolais, 1934 et La Dot en droit coutumier, de la même année. (2) Voir Evolution de la condition juridique de la femme indigène. le permettent, est à cet égard parmi les tâches les plus importantes à remplir. Mais j’ai aussi un but plus direct : faciliter la tâche des administrateurs qui dirigent les juridictions indigènes, et des magistrats qui les contrôlent. Aussi après avoir décrit une coutume m’arrivera-t-il souvent de circon­ scrire le champ de son applicabilité par nos tribunaux et de donner à ceux-ci des conseils, complétant ainsi indi­ rectement les publications que je leur ai consacrées. 3. Théorie générale du mariage. — Indiquons donc dès à présent à grands traits la thèse qui se développe au cours de cet ouvrage. A nos yeux, le mariage congolais se présente comme une institution complexe, composée de deux contrats étroitement unis, un contrat entre entre familles et un contrat entre personnes : nous appel­ lerons le premier l'alliance, le second l’union conjugale. Les deux conventions sont en général si enchevêtrées, si confondues, qu’on ne les distingue pas; tout spécialement les noirs, dont l’analyse juridique manque évidemment de finesse, ne les séparent pas l’une de l’autre, et il leur arrive de raisonner comme si l’alliance était le contrat principal et même unique. 4. 11 n’est cependant pas impossible, en observant les faits, de découvrir que chacune des conventions a son existence propre. Ainsi après la mort d’un des époux, à un moment où de toute évidence l’union conjugale s’est éteinte par la disparition d’un de ses sociétaires, l’alliance subsiste assez fortement pour que, soit par le remplace­ ment de la femme défunte, soit par ce qu’on appelle le pseudo-lévirat, c’est-à-dire le remplacement du mari décédé, elle puisse servir de support à une union conju­ gale nouvelle. Dans le mariage par enlèvement, nous voyons le lien entre époux se nouer le premier, isolé, jusqu’à ce que le paiement de la dot fasse plus tard naître l’alliance et régularise la situation en complétant le mariage par la réunion de ses deux éléments. 5. Dans cette conception, la dot n’est plus une forme essentielle du mariage lui-même, mais simplement de l’alliance. Par contre les cérémonies des noces, étrangères à l’alliance, n’engendrent que l’union conjugale. La ques­ tion si difficile de savoir si le mariage des chrétiens peut s’intégrer dans la coutume se résout aisément quand on s’aperçoit que le problème reste étranger à la partie la plus originale du mariage coutumier, l’alliance, et n’af­ fecte que l’union conjugale, pour laquelle les principes juridiques nègres laissent la plus grande liberté aux parties. 6. Sources. — .l’appuierai surtout ma documentation sur les travaux récents, dus à des administrateurs, à des missionnaires et à des magistrats, publiés par le Bulletin des Juridictions indigènes et du Droit coutumier con­ golais, que j’ai eu la bonne fortune de fonder en 1933 à Ëlisabethville, et dont la publication s’v poursuit sous l’avisée direction de M. Van Arenbergh; dans les Mémoires de l'Institut Royal Colonial, aux importants volumes; par la revue Congo, si activement dirigée par M. le Prof de Jonghe; par le Trait d'Union, le vaillant bulletin des anciens élèves de l’Université coloniale d’Anvers; par Aequatoria, revue publiée à Coquilhatville par le P. Hulstaert, qui a su lui imprimer une excellente allure scientifique. 7. Cette documentation est d’une remarquable richesse; nos auteurs ont pu profiter des travaux de leurs devan­ ciers, mais aussi de l’ambiance favorable créée par la mise en train des juridictions indigènes, par les publica­ tions mises à leur disposition pour insérer leurs travaux, par les prix institués par l’Institut Royal Colonial, par l’enseignement de l’Université coloniale d’Anvers. Tous ces jeunes administrateurs et missionnaires ont vraiment rendu par leurs études de grands services à la colonie, à nos populations noires et à la science. En général ils ont vu les questions posées avec beau­ coup plus de précision que leurs devanciers, d’où la valeur de leurs informations. Ce n’est pas que tout y soit par­ fait : parfois le point de vue du juriste n’est pas assez approfondi, un vague subsiste qui rend difficiles des tra­ vaux tels que le nôtre : rares sont, par exemple, ceux qui se sont attachés à préciser le moment du mariage. 8. Bien entendu, il ne rentre pas dans notre pro­ gramme de reprendre tous les détails donnés par les dif­ férents auteurs à propos d’une coutume déterminée : notre but est uniquement de dégager l’esprit de la géné­ ralité des usages; le praticien devra toujours recourir aux monographies ou à des études de base comme celles de Hulstaert. Notre programme est simplement de lui four­ nir des grandes lignes, une synthèse qui lui en facilite la compréhension. 9. Parmi nos autres sources, nous citerons les nom­ breux jugements publiés par le Bulletin des Juridictions indigènes ou par les auteurs de monographies. Ces juge­ ments constituent souvent une excellente illustration des observations des auteurs et permettent de dégager des principes qui vont au delà même de leur contenu. 10. A l’appui de nos remarques, nous indiquerons en note des groupes où l’usage que nous décrivons a été con­ staté, en indiquant l’auteur qui l’a observé. Bien entendu, il ne s’agit pas pour nous d’en donner la liste complète, ni de faire l’inventaire des coutumes. Nous voulons sim­ plement permettre au lecteur de trouver des exemples caractéristiques des faits dont nous tirons argument. Nous citerons les groupes par la désignation qu’ont adop­ tée les auteurs, quoique certains travaux se rapportent à des peuplades, d’autres à des tribus, d’autres encore à de simples clans ou même à des chefferies peut-être artifi­ cielles et faisant partie de groupements plus étendus étudiés sous d’autres noms dans des ouvrages différents. Il serait évidemment fort tentant d’entreprendre une classification générale des populations d’après les cou­ tumes qu’elles pratiquent, mais un tel travail, prématuré sans doute même pour l’ethnologue le plus averti, dépasse en tous cas nos modestes capacités de juriste : nous vou­ lons nous tenir sur le terrain de l’analyse juridique des phénomènes. 11. Nécessité de préliminaires. — Il est impossible de comprendre les institutions juridiques d’un peuple sans certaines notions générales sur son organisation sociale et politique. De même le droit d’un groupement forme un tout : on ne peut, en isoler complètement une branche sans risque de contresens. Aussi consacrerons- nous des chapitres préliminaires à la société indigène et à son droit coutumier. Mais le droit est universel : il y a un fond juridique commun à l’humanité; la nature de l’homme et les condi­ tions de la vie sociale font que les institutions particulières d’un peuple ne sont que des variétés d’institutions plus générales : sous toutes les latitudes, le mariage a des caractéristiques sans lesquelles il ne serait plus un mariage. On admettra donc que, avant de commencer à indiquer les coutumes des noirs en la matière, nous approfondissions, dans un autre chapitre préliminaire, la notion générale du mariage. CHAPITRE II. LA SOCIÉTÉ NOIRE CONGOLAISE. 1. Une société attardée. 12. Une vieille civilisation. — On qualifie souvent les noirs de « primitifs »; certains savants ont édifié sur cette donnée un système d’après lequel la faculté de rai­ sonnement des indigènes, dite par eux « prélogique », ne serait pas semblable à la nôtre. Les théoriciens de cer­ tains pays ont même proclamé l’inégalité des races humaines, la leur étant, bien entendu, supérieure, et en ont déduit une politique coloniale comportant l’asservis­ sement définitif du colonisé au colonisateur. En réalité, rien dans l’état actuel de la science ne per­ met d’affirmer la supériorité foncière d’une race sur une autre; toutes les races actuelles, et par exemple les Pyg­ mées congolais, ont le même mécanisme mental (1), des sujets d’élite et des possibilités de développement dès qu’elles sont mises dans des conditions favorables. Un jeune nègre placé et resté dans un milieu civilisé devient un civilisé. Les facultés personnelles des Congolais sont prouvées notamment par la formation de prêtres catho­ liques parfaits par l’intelligence, l’instruction, la mora­ lité. Rien ne permet d’affirmer que l’humanité primitive ait été inférieure à l’humanité actuelle. Mais si l’on entend par primitifs des sujets restés au premier stade de la société humaine, il est évident que nos noirs ne sont pas des primitifs : la complexité de leurs langues, de leurs (■) Voir Bertrand, Réflexions sur le mode de raisonnement des sauvages; DE Cleene, Vers une meilleure compréhension de la mentalité des piimitifs; Pinard de la Boullaye, préface au livre du P. Trilles sur les Pygmées. institutions, fie leurs croyances; la richesse de leur voca­ bulaire et de leurs traditions orales; leur développement artistique; leurs connaissances en matière de culture, d’élevage, de médecine, de métallurgie attestent des siècles d’évolution lente, de découvertes, de progrès. Ce ne sont pas des primitifs, mais des attardés, dont la transformation s’est arrêtée : comme la croissance des hommes, celle des peuples semble avoir lieu par à-coups : ainsi la stagnation de la Chine après des millénaires de brillants progrès. Les civilisations vivent et meurent : des ruines comme celles de Zimbabwe permettent de se demander si les noirs n’ont pas rétrogradé. Pourquoi ? Le milieu, le climat, les endémies peuvent retarder l’essor d’une race, connue celui d’un individu; les déserts, pas plus que la grande forêt, ne semblent des milieux parti­ culièrement favorables; enfin l’éelosion des personnalités géniales qui font faire aux collectivités leurs bonds en avant est sans doute en partie due au hasard ou à des lois providentielles dont la signification nous reste inconnue. 13. Lr.s institutions indigènes. — Les institutions des Congolais ne figurent donc nullement les premiers bal­ butiements d’une humanité en gestation; elles ne sont pas nécessairement autochtones; elles se révèlent com­ plexes, faites d’apports divers qui peuvent avoir des origines très différentes, lointaines dans l’espace comme dans le temps. Elles sont le produit d’expériences, de réflexions, de tentatives de résoudre les difficultés qui se sont produites dans sa vie sociale au cours des âges. 14. Un peuple en marche. — La conquête de l’Afrique centrale par les Européens a précipité l’évolution des col­ lectivités noires; avides de connaissances, désireuses de confort matériel, mais aussi de développement spiri­ tuel, prenant en même temps conscience de leur valeur

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