Sylloge Epigraphica Barcinonensis (SEBarc) vi, 2008, pp. 155-168 issn 2013-4118 data de recepció 14.09.2007 data d’acceptació 02.12.2007 Le cursus honorum de São Miguel d’Odrinhas Ioan Piso* Résumé: Un monument en calcaire a été trouvé avec deux autres en 1505, non loin du Cap da Roca, près de l’embouchure de Colares. Il se trouve à prèsent dans le musée de São Miguel d’Odrinhas. Son texte a été publié successivement par F. Alves Pereira, S. Lambrino et, enfin, par H.-G. Pflaum, qui y a reconnu la carrière de C. Iulius Celsus, sans avoir, pourtant, vu la pièce. Les commentaires portent surtout sur le nom de la divinité de la l. 1 et sur la charge (l. 5) exercée par Celsus en Lusitanie. Pour la divinité, on exprime des doutes sur la lecture Soli aeterno. Quant a Celsus, il se trouvait en Lusitanie au début du règne d’Antonin le Pieux en tant que legatus missus in Lusitaniam ad census. Abstract: A limestone monument has been discovered, with two others, in 1505, not far from the Cap da Roca, near the mouth of the river Colares. It is now located in the museum of São Miguel d’Odrinhas. Its text has been successively published by F. Alves Pereira, S. Lambrino and, at last, by H.-G. Pflaum, who recognized the career of C. Iulius Celsus, without however having seen the inscription. The commentaries refer especially to the divi- nity in l. 1 and to the charge (l. 5) fulfilled by Celsus in Lusitania. As for the divinity, the restitution Soli aeterno doesn’t seem convenient. As for Celsus, his presence in Lusitania at the beginning of the reign of Antoninus Pius is justified by the title of a legatus missus in Lusitaniam ad census. Mots clés: religion, legatus, C. Iulius Celsus, Lusitania, Antonin le Pieux Keywords: religion, legatus, C. Iulius Celsus, Lusitania, Antoninus Pius * Université de Cluj-Napoca. Cet article a paru grâce à l’amabilité et à la générosité de mes collègues portugais. M. José d’Encarnação m’a donné les premières informations sur l’inscription de São Miguel d’Odrinhas et a organisé mon voyage au Portugal en décembre 2006. M. José Cardim Ribeiro m’a envoyé une photo de l’inscription, qu’il m’a permis de publier, et des informations supplémentaires. Enfin, M. Amílcar Manuel Ribeiro Guerra m’a reçu à Lisbonne et m’a conduit au musée d’Odrinhas. Qu’il me soit permis de les remercier chaleureusement. SEBarc vi, 2008, pp. 155-168 155 Ioan Piso, Le cursus honorum… C omme je suis en train de rédiger le second volume des Fasti provinciae Daciae, contenant les procurateurs1, mon intérêt a tout naturellement été éveillé par le cur- sus honorum de São Miguel d’Odrinhas, qui contiendrait, selon Scarlat Lambrino2, la procuratèle de Dacie Supérieure. Ce poste avait jusqu’ici été attesté pour un seul chevalier, T. Desticius Severus3. Avant d’avoir été reconnu dans l’inscription de São Miguel d’Odrinhas, on con- naissait pour C. Iulius Celsus trois textes: un premier sur une double base de statue érigée à Lugdunum à C. Iulius Celsus et à son fils C. Iulius Celsus Maximianus, un second sur une base de statue érigée à Amiternum à C. Iulius Celsus et un troisième sur une plaque indiquant le droit de propriété4: 1 CIL XIII, 1808 = ILS 1454 (Lugdunum): C(aio) Iul(io) C(ai) fil(io) Quir(ina) / Celso Maximiano / adlecto annorum quattuor / in amplissimum ordinem / ab Imp(eratore) T(ito) Aelio Hadriano / Antonino Aug(usto) Pio p(atre) p(atriae). C(aio) Iul(io) C(ai) fil(io) Quir(ina) Celso / a libellis et censibus / proc(uratori) provinciar(um) Lugud(unensis) et Aquitanic[ae] / proc(uratori) patrimoni proc(uratori) XX hereditat(ium) Roma[e] / proc(uratori) Neaspoleos et mausolei Alexandriae proc(uratori) / XX hereditat(ium) per provincias Narbonens[em] / et Aquitanicam dilectatori per Aquitanica[e] / XI populos curatori viae lignarie triumpha[lis] / Appianus Aug(usti) lib(ertus) tabul(arius) ration(is) ferrar(iarum). 2 CIL IX, 4453 (ager Amiterninus) : C(aio) Iulio [C(ai) f(ilio) Quir(ina) Celso] / a libel[lis et cens(ibus) pro]/curat(ori) pr[ovinciar(um) Lugud(unensis)] / et Aquitanic(ae) [proc(uratori) patrimoni proc(uratori) XX] / hereditat(ium) / [Romae] - - - 3 CIL IX, 4225 (Amiternum) : Paries lateric(ius) / communis solum / inter duos parietes / Iuli Celsi. Le quatrième texte se rapportant à C. Iulius Celsus a été trouvé au Portugal, dans la petite église de São Miguel d’Odrinhas, écrit sur un autel ou base de statue. Le monument constituait un des supports d’une table de pierre, placée sous la gale- rie qui longe le mur Sud de l’église. Selon Amílcar Manuel Ribeiro Guerra, la pièce 1. I. Piso, Fasti provinciae Daciae I. Die senatorischen Amtsträger, Bonn 1993. 2. S. Lambrino, «Les inscriptions de São Miguel d’Odrinhas», dans Bulletin des Études portugaises et de l’Institut Français au Portugal 16, 1952, pp. 142-150, no 24. 3. CIL V, 8660 = ILS 1364; H. Pais, Supplementum ad CIL V, 1227; voir A. Stein, Die Reichsbeamten von Dazien, Budapest 1944, pp. 29-30; H.-G. Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres sous le Haut-Empire romain I, Paris 1960, pp. 409-411, no 167. 4. Voir Pflaum, Les carrières procuratoriennes...I, cit., pp. 253-254; H.-G. Pflaum, Les fastes de la province de Narbonnaise, Paris 1978, p. 159. 156 SEBarc vi, 2008, pp. 155-168 Ioan Piso, Le cursus honorum… a été faite d’un conglomérat calcareux habituel dans la zone de Lisbonne, dont on a fabriqué la plupart des monuments épigraphiques se trouvant dans ce musée. Puis- qu’à Odrinhas on ne connaît aucun sanctuaire, S. Lambrino supposa que la pièce aurait été apportée d’un sanctuaire de Colares5, situé à environ 15 km de distance, dans la région rurale du municipium Felicitas Iulia Olisipo. D’ici proviennent deux autres monuments, dédiés par des gouverneurs Soli et Lunae, respectivement Soli aeterno Lunae6. M. José Cardim Ribeiro m’a généreusement transmis toutes les informations sur les conditions de découverte, dont je ne reproduirai que l’essentiel. Le sanctuaire, de forme ronde, a été découvert, avec trois bases écrites, en 1505, non loin du Cap da Roca, tout près de l’embouchure de la rivière de Colares. Les deux premiers monuments ont changé de place, avant de disparaître. Le troisième est justement celui qui est parvenu à l’église de São Miguel d’Odrinhas. Aujourd’hui, le sanctuaire se trouve sous plusieurs mètres de sable. On essaie pour le moment de le localiser, pour faire possible une fouille. Le texte a été vu en 1907 par F. Alves Pereira, qui en donna quelques années plus tard une lecture peu utile7. Le mérite d’avoir mis la carrière de São Miguel d’Odrinhas en circulation appartient à S. Lambrino8. Voici le texte qu’il nous a proposé9, repris dans AE 1954, 253: [- - -]ERN? C. I[u]li[us] C. f(ilius) Qu[i]r(ina) Celsus IVB? I[- - - adlec]- [tu]s in amplissimum [o]r[dinem ab?] I eodem? [. . .] 5 [.]LG missus [- - - in] D[aciam?] su[p(eriorem)? ... a l]ib(ellis) [e]t a censib(us) proc(urator) provinc(iae) Lu[sitaniae - - -] [- - -]R MILIT[- - -]O[- - -]NIAPI[- - -] [..]oN pro[c(urator) - - -]EII[- - - proc(urator) Neaspo]- leo[s et] Mausole[i Ale]xand[r]iae 10 pro[c(urator)] XX [h]er(editatium) pe[r] pro[vin(cias) Nar]bon(ensem) et Aq[uit(aniam)] cur[ator] vi[ar(um)] Aem[il(iae) et t]rium[p]h(alis) d(ono) d(edit). S. Lambrino y vit une inscription votive, contenant l’unique cursus honorum d’un procurateur équestre de Lusitanie trouvé au Portugal et datant des derniers 5. Lambrino, «Les inscriptions de São Miguel...», cit., p. 147. 6. CIL II, 258; 259 et p. 693. 7. F. Alves Pereira, «Por caminhos da Ericeira (Notas arqueologicas e etnogrãficas)», in Aport 19, 1914, pp. 352-353. Sa lecture a été reproduite par Lambrino, «Les inscriptions de São Miguel...», cit., p. 142, et par H.-G. Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres sous le Haut- Empire romain III, Paris 1961, p. 970. 8. Lambrino, «Les inscriptions de São Miguel...», cit., pp. 142-150, no 24. 9. Lambrino, «Les inscriptions de São Miguel...», cit., p. 145, avec un dessin, p. 143. 157 SEBarc vi, 2008, pp. 155-168 Ioan Piso, Le cursus honorum… temps de l’époque des Antonins10. Il conclut que le dédicant se serait adressé tou- jours à Sol et à Luna, mais il ne compléta pas leurs noms dans la ligne 111. Bien que S. Lambrino eût connu la carrière de Celsus de l’inscription de Lugdunum (no 1), les charges parcourues par celui-ci lui semblaient être différentes de celles qu’il croyait distinguer sur le monument d’Odrinhas. Par conséquent, il crut avoir affaire ici à un personnage différent de celui de Lugdunum et qui aurait été envoyé durant sa car- rière en Dacie Supérieure (ligne 5). Pourtant, comme on va voir plus bas, après missus, sous les lettres D et S se cache une toute autre charge. Ensuite, S. Lambrino puisa sa théorie sur les postes procuratoriens dans le livre sur les procurateurs de H.-G. Pflaum12, mais il ne pouvait pas connaître encore la contribution du même auteur sur Celsus13. Il n’est pas moins vrai que dans son premier volume sur les carrières équestres, H.- G. Pflaum ne connaissait non plus l’inscription d’Odrinhas et la contribution de S. Lambrino. Il y est revenu dans les Addenda du troisième volumes de ses carrières. Grâce à la photo procurée par S. Lambrino, H.-G. Pflaum a établi le texte suivant14: [- - - aet]ERN C(aius) Iuli[us] C(ai) f(ilius) Qu[i]r(ina) Celsus IVB[- - - adlec]- [tu]s in amplissimum [o]r[dinem] eodem [tempore] 5 [l]eg(atus) missus [...] S [...] D [...... a libellis)] [e]t a censib(us) proc(urator) provinc(iarum) Lu[ugud(unensis) et Aquit(anicae) di]- [lectato]r milit(um) [in A]q[uita]nia pr[oc(urator) patri]- mon(i) pro[c(urator) XX her]e[ditat(ium) proc(urator) Neaspo]- leo[s e]t mausole[i Ale]xand[r]iae 10 pro[c(urator)] XX [h]er(editatium) per pro[vinc(ias) Nar]bon(ensem) et Aq[uit(anicam)] cur[ator] vi[ae l]ign[ariae tr]ium[p]h[al(is)] d(ono) d(edit). H.-G. Pflaum ne fit aucun commentaire sur les divinités de la ligne 1. En revan- che, il identifia sans aucun doute le dédicant d’Odrinhas au procurateur homonyme de Lugdunum, qui a atteint le comble de sa carrière au début du règne d’Antonin le Pieux. Des détails sur la carrière contenue dans les lignes 6-11 seront discutés plus bas. Pour les lignes essentielles 3-5, H.-G. Pflaum a fait le commentaire suivant: «À la ligne 4, on distingue in amplissimum [o]r[dinem] et l’on peut donc être sûr qu’An- 10. Lambrino, «Les inscriptions de São Miguel...», cit., pp. 145-146. 11. Lambrino, «Les inscriptions de São Miguel...», cit., p. 164. 12. H.-G. Pflaum, Les procurateurs équestres sous le Haut-Empire romain, Paris 1950. 13. Pflaum, Les carrières procuratoriennes... I, cit., pp. 253-257, no 106 bis. 14. Pflaum, Les carrières procuratoriennes... III, cit., pp. 971-972, no 106 bis; avec de petites différences, dans H.-G. Pflaum, Les fastes de la province de Narbonnaise, Paris 1978, p. 159, no 3. 158 SEBarc vi, 2008, pp. 155-168 Ioan Piso, Le cursus honorum… tonin le Pieux, après avoir conféré le latus clavus au fils de Celsus, a également anobli le père. Au début de la ligne 5, on déchiffre missus et ce participe passé doit indiquer que l’intéressé a été envoyé, soit par le même empereur, [ab] eodem [Imp(eratore)], soit plutôt eodem [tempore], à la même époque, en Lusitanie, puis- qu’il est indispensable que sa présence dans cette province s’explique par une fonc- tion officielle qu’il y a revêtu»15. Fig. 1. La base (autel) de São Miguel d’Odrinhas (photo de M. José Cardim Ribeiro) 15. Pflaum, Les carrières procuratoriennes... III, cit., p. 971. 159 SEBarc vi, 2008, pp. 155-168 Ioan Piso, Le cursus honorum… J’ai bénéficié d’une excellente photo (fig. 1) procurée par M. José Cardim Ribeiro, mais le grand avantage que j’ai eu sur H.-G. Pflaum a été d’avoir pu examiner la pierre dans le beau lapidaire d’Odrinhas. La surface du champ de l’inscription est très corrodée, ce qui a fait s’évanouir une partie d’une écriture, qui n’était pas des meilleures. J’ai trouvé le champ de l’inscription complété avec un matériel rougeâ- tre et avec une première ligne reconstituée: Soli aeterno. Le matériel utilisé a partiel- lement couvert quelques traces des lettres de cette ligne, que l’on peut pourtant distin- guer sur la photo. C’est par cette ligne 1 que nous allons commencer notre commen- taire. Aussi bien S. Lambrino que H.-G. Pflaum complétèrent à la fin de la ligne 1 ERN, mais, semble-t-il, sans trop de conviction. Ils ne prêtèrent aucune attention au début de la ligne, où les restes des quatre premières lettres justifient pleinement la lecture Soli. Pourtant, si l’on voulait lire Soli aeterno16, entre les deux mots resterait un espace d’au moins trois lettres que l’on ne peut pas combler. Un espace tout aussi aberrant a été laissé dans la ligne 9, mais la première ligne, qui contient le nom de la divinité, est en général écrite avec plus d’attention. Regardons maintenant de plus près les restes des dernières lettres de la ligne. Le N est sûr et est suivi par un O. Pour le supposé R, il suffit de regarder le reste du texte, pour constater que la queue se trouve trop loin de la haste et que l’inclinaison des deux éléments plaide plutôt pour un A. Avant cette lettre on peut avoir un E ou un L, peut-être même un B. Pour la reconstruction «christianisée», fabriquée au xvième siècle par Francisco d’Ollanda, Soli aeterno / Christo Iesu / et gloriosae vir/gini Mariae / Ulisippo / dedicavit, il est vrai que le seul élément crédible est la première ligne, mais à mon avis elle a été inspirée par l’inscription CIL II, 259 et pas par la nôtre, même s’il l’a vue17. Par conséquent, la lecture [aet]erno est, pour des raisons formelles, peu probable. Elle est à mon avis tout à fait improbable pour des raisons de substance. La notion d’éternité et l’épithète aeternus pour des divinités du panthéon gréco- romain ne se sont répandues qu’à la suite des progrès faits par les cultes orientaux ayant des prétentions d’universalité et par le phénomène de syncrétisme18. Or, pour cela la Lusitanie à l’époque d’Antonin le Pieux n’était pas encore l’endroit convena- ble. On s’imagine mal un haut fonctionnaire impérial faisant sous un empereur aussi conservateur une dédicace de ce genre19. Parmi les deux autres monuments 16. J. Cardim Ribeiro, «Felicitas Iulia Olisippo», dans Almadan IIème série 3, 1994, pp. 75-95. 17. Tout comme CIL II, 30*, un texte tout aussi phantaisiste, fabriqué immédiatement après la découverte du sanctuaire, et dont ne manque pas la dédicace Soli aeterno ac Lunae. 18. Voir, par exemple, F. Cumont, «Les dieux éternels», in RA 11, 1888, p. 184 sqq.; F. Cumont, s.v. «Aeternus», in RE I, 1 Stuttgart 1894, col. 697; F. Cumont, Die orientalischen Religionen im römischen Heidentum, Darmstadt 19594, pp. 119, 275, n. 108; S. Sanie, «Die syrischen und palmyrenischen Kulte im römischen Dakien», in ANRW 18, 2, Berlin, New York 1989, p. 1219; pour l’aeternitas dans le culte mithriaque voir L.A. Campbell, Mithraic Iconography and Ideology (EPRO 11), Leyde 1968, pp. 47, 347 sqq. 19. G.H. Halsberghe, The Cult of Sol Invictus (EPRO 23), Leyde 1972, p. 46: «During the reign of Antoninus Pius the cult of the Syrian sun god made no headway in Rome, because this highly conservative emperor made a strenuous effort to restore the old cults and rites». 160 SEBarc vi, 2008, pp. 155-168 Ioan Piso, Le cursus honorum… provenant du même sanctuaire, le premier en date, CIL II, 258, est dédiée, pas après 185, par le gouverneur Sex. Tigidius(?) Perennis20, Soli et Lunae. L’épithète aeternus n’était donc pas encore en vogue. En revanche, CIL II, 259 est dédiée en 198-209 par le gouverneur D. Iu[nius?] Coelianus21 Soli aeterno, Lunae pro aeternitate imperii et salute Imp. Caes - - -, ce qui cette fois-ci ne doit pas surprendre. Nous nous trouvons sous les Sévères en plein processus d’expansion des divinités et de la men- talité orientales22. Quel mot se cache-t-il alors sous les dernières lettres de la ligne? Il finit en -lano, en -eano ou en -bano. On pourrait penser à une seconde divinité, locale, accompa- gnant Sol. Pourtant, on ne trouve aucune divinité de l’espace lusitain portant un nom avec une terminaison ou un suffixe convenable23. Une seconde hypothèse serait un toponyme servant d’épithète pour Sol. Dans les listes de A.M. Ribeiro Guerra on trouve assez de toponymes avec les suffixes -alo, -elo/ilo, -olo/ulo24, -obo/ubo25 ou - ano26. Même si dans un bon nombre de cas la terminaison latine est -ensis27, la solution proposée paraît être plus proche de la réalité. Si nous ne nous trompons pas, on assiste à trois moments dans l’évolution du culte de ces divinités astrales autochtones à Corales – dans une première phase, encore du temps d’Antonin le Pieux, on utilise l’épithète locale; dans une seconde on y renonce et les astres sont désignés par des noms purement romains; enfin, dans une troisième phase on se trouve, probablement grâce aux croyances et à la person- nalité du dédicant, devant une association syncrétiste. Il faut pourtant convenir que pour le moment la chose est loin d’être claire. Dans la ligne 2 on ne peut pas distinguer le I de Quir(ina); on y a probablement une ligature IR. Dans le dessin, mais pas aussi dans le texte, S. Lambrino a vu le second S de Celsus. Il semble avoir disparu. 20. Voir G. Alföldy, Fasti Hispanienses. Senatorische Reichsbeamten und Offiziere in den spanischen Provinzen des Römischen Reiches von Augustus bis Diokletian, Wiesbaden 1969, p. 143; B.E. Thomasson, Laterculi praesidum I, Göteborg 1984, p. 28, no 14. 21. Voir Alföldy, Fasti Hispanienses..., cit., p. 147; Thomasson, Laterculi..., cit., p. 29, no 17. 22. Voir pour ce culte lusitain du Sol et de la Luna Halsberghe, The Cult of Sol..., cit., p. 35 et, spécialement pour CIL II, 259, R. Étienne, Le culte impérial dans la péninsule ibérique d’Auguste à Dioclétien, Paris 1958, pp. 511-512: «Septime Sévère a donné le modèle de l’empereur du iiie siècle relevant directement d’une divinité: l’Espagne s’y est volontiers soumise». 23. Voir J.C. Búa Carballo, Estudio lingüístico de la teonimia lusitano gallega, Salamanca [2000], pp. 171-175 : la terminaison locale du datif; pp. 177-299: les suffixes. Une exception est le suffixe –ano-, faiblement représenté (pp. 190-191). 24. A.M. Ribeiro Guerra, Nomes pré-romanos de povos e lugares do Occidente peninsular, Lisbonne 1998 (dissertation non publiée), pp. 736 sqq., avec la carte de diffusion 9. J’exprime toute ma gratitude à M.J. Untermann d’avoir mis à ma disposition à Cologne les excellentes dissertations de J.C. Búa Carballo et de A.M. Ribeiro Guerra. 25. Répandus pourtant plutôt dans le sud de la péninsule, Ribeiro Guerra, Nomes pré- romanos..., cit., p. 707 sqq., avec carte 3. 26. Ribeiro Guerra, Nomes pré-romanos..., cit., pp. 740-741. 27. Par exemple Ossonoba/Ossonobensis, Calecula/Caleculensis, Ocelum/Ocelensis; dans Ribeiro Guerra, Nomes pré-romanos..., cit., pp. 571, 736, 703. 161 SEBarc vi, 2008, pp. 155-168 Ioan Piso, Le cursus honorum… Dans la ligne 3 on dispose d’assez d’éléments pour lire adle[ct]us ab [I]mp(eratore) Antonin[o], ce qui justifie dans la ligne 4 ab eodem [Imp(eratore)], suivi dans la l. 4 par [A]ug(usto). Le nom de l’empereur apparaît ici très bref28 par rapport à l’ins- cription no 1. La différence s’explique par le caractère de l’inscription d’Odrinhas, votive et pas honoraire comme celle de Lugdunum. C’est dans les inscriptions ho- noraires que l’on a la tendance à amplifier les formules. Dans la ligne 4 [A]ug(usto) est demandé par l’idée précédente. La formule préfé- rée par H.-G. Pflaum, eodem [tempore], ne convient pas. Elle supposerait une ac- tion de longue durée, pendant laquelle on aurait confié à Celsus une mission plus brève. Or, comme l’anoblissement de Celsus n’aura duré plus d’un instant, la mis- sion est postérieure et pas concomitente. L’idée est que le même empereur, qui a anobli le chevalier, l’a tout de suite envoyé dans une mission ou, peut-être, que le chevalier a été anobli justement pour qu’on puisse l’envoyer dans une certaine mis- sion. La ligne 5 est essentielle pour la compréhension de la carrière. Celsus a été missu[s] en qualité de [l]eg(atus), mais où? On dispose d’assez d’éléments pour lire [i]n Lusi[t(aniam]. Une mission spéciale est signalée par [a]d. L’espace de cinq let- tres, dont la dernière est sans doute un S, nous oblige à lire [a]d [censu]s. La mission de Celsus est donc celle d’un [l]eg(atus) missu[s i]n Lusi[t(aniam) a]d [censu]s. Pour la carrière avant l’adlectio, les différences de lecture sont mineures par rapport au texte de H.-G. Pflaum. Dans la ligne 5 il est pleinement justifié de lire a l[ibel]lis. Dans la ligne 6 les provinces sont appelées provinc(iarum) [Lugud(unensis)] et [Aquit(anicae)], tandis que [dilecta]tor a été écrit entier au début de la ligne 7. Dans les l. 8-9 on doit lire XX [her(editatium) Roma]e pr[oc(urator)] N[easpo]|leo[s] et mausole[i Ale]xand[r]iae. La remarque de S. Lambrino sur le grand espace entre les deux derniers mots de la ligne 8 reste valable. L’explication ne gît pas dans un trou initial dans la pierre. Le lapicide a probablement conçu son travail en divisant le texte par lignes et en commençant à écrire le début de chacune. Lorsqu’il s’est rendu compte de l’erreur, la seule solution qui lui restait était d’agrandir un espace. Dans la ligne 10 le numéral XX est tout aussi visible que dans la ligne 8. Enfin, du second D de la ligne 12 il ne reste plus de traces, mais il faut faire confiance à S. Lambrino. Voici, en fin de compte, le texte que j’ai pu établir (fig. 2): S.o.l.i. [... ...]?l.a.n.o. C(aius) I.u.liu[s] C(ai) f(ilius) Qu[i]r(ina) Celsus ad.l.e.[ct]u.s a.b. [I]mp(eratore) An.to.n.in.[o] [A]u.g(usto) in amplissimum. [o].rd.[i]n.(em) a¢bÜ eode.m [Imp(eratore)] 5 [l]e.g(atus) miss.u[s i]n. L.usi.[t(aniam) a]d [censu]s. a. .l[ibel]l.is 28. H.-G. Pflaum, «Les titulatures abrégées “Imp. Antoninus Aug.” et “Antoninus Imp.”», dans Mélanges d’archéologie, d’épigraphie et d’histoire offerts à Jérôme Carcopino, Paris 1966, pp. 717-736 a constaté que les titulatures abrégées Imp. Antoninus Aug. et Antoninus Imp. s’appliquent en principe à Antonin le Pieux. 162 SEBarc vi, 2008, pp. 155-168 Ioan Piso, Le cursus honorum… Fig. 2. L’inscription de São Miguel d’Odrinhas (dessin) [e]t a censib(us) proc(urator) provinc(iarum) [Lugud(unensis)] e.t. [Aquit(anicae)] [dilecta]t.or milit(um) [in] A.qu[it]a.nia pr.[oc(urator) patri]- [m]on(i) proc.(urator) X.X. [her(editatium) Roma]e pr[oc(urator)] N.[easpo]- leo[s] et. mausole.[i Ale]xand.[r]iae 10 pro[c(urator) X.X [h]e.r(editatium) per. pro[v(incias)] N[ar]bon(ensem) et Aq[u]i[t(anicam)] c.ur[at]o.[r] v[i]ae. l.ign[ariae t]r.ium[phalis] d(ono) d(edit). 163 SEBarc vi, 2008, pp. 155-168 Ioan Piso, Le cursus honorum… Pour la carrière de C. Iulius Celsus d’avant l’adlectio in amplissimum ordinem, je suis en grande mesure tributaire à l’analyse de H.-G. Pflaum29. L’inscription de Lugdunum (no 1), tout comme la tribu Quirina, indiquent comme origine de C. Iulius Celsus la ville d’Amiternum, dans l’ager Sabinus. Iulius Celsus de l’inscription indiquant le droit de propriété, toujours d’Amiternum (no 3), a donc, malgré la fréquence du nom, toutes les chances d’être identique à notre person- nage30. Très soucieux de mettre en évidence chaque détail de sa carrière, Celsus n’aurait pas manqué de mentionner les milices équestres, s’il les avait accomplies. Ainsi, sa carrière est purement civile. Sa première charge, sans doute sexagénaire, l’apporta à la curatèle de la via lignaria triumphalis31. H.-G. Pflaum expliqua, sur une idée de O. Hirschfeld32, la double dénomination de la voie par la circonstance que Celsus aurait été chargé, lors du triomphe célébré en 118 par Hadrien sur les Parthes33, de transformer une simple via lignaria34 dans une voie triomphale. S’il en est ainsi, on peut préciser la date du début de la carrière35. Dans l’inscription de Lugdunum la charge suivante s’appelle dilectator per Aquitanica[e] | XI populos. On la retrouve dans l’inscription d’Odrinhas sous le nom de [dilecta]tor milit(um) [in] Aqu[it]ania dans la ligne 7, entre deux postes ducénaires, celui de procurateur du patrimoine à Rome et celui de procurateur de Lyonnaise et d’Aquitaine. H.-G. Pflaum y voit un ordre aberrant, dû à une erreur de rédaction36. Je n’en suis pas si sûr. Il est à noter que dans chacune des deux inscrip- tions, la levée des recrues en Aquitaine est liée à une charge accomplie dans cette 29. Pflaum, Les carrières procuratoriennes...I, cit., pp. 253-257, no 106, complétée par Pflaum, Les carrières procuratoriennes...III, cit., p. 971 et Pflaum, Les fastes..., cit., pp. 160-161; voir encore H. Dessau, PIR1, J 174; A. Stein, s.v. «Iulius», in RE X, 1, Stuttgart 1918, col. 543-544, no 181; L. Petersen, PIR2, J 258. 30. Stein, RE X, 1, cit., col. 544; pour la tribu Quirina voir W. Kubitschek, Imperium Romanum tributim discriptum, Prague, Vienne, Leipzig 1889, pp. 54-55, 271. 31. Cf. dans la carrière sénatoriale de C. Popilius Carus Pedo (CIL XIV, 3610 = ILS 1071): curator viar(um) Aureliae veteris et novae, Corneliae et triumphalis, dans la carrière équestre de P. Gavius Balbus (AE 1924, 82 = IEph VII/1, 3048): ™pimelht¾j tîn Ðdîn Kornhl…aj kaˆ trioumfal…aj, et dans la carrière d’un sénateur anonyme de Philippopolis (AE 1966, 376: [™pimelht¾j Ðdîn AÙrhl…aj] Kornhl…aj trioumf£lij; voir sur ces voies les commentaires de W. Eck, Die staatliche Organisation Italiens in der hohen Kaiserzeit, München 1979, pp. 45-46; W. Eck, L’Italia nell’Impero romano. Stato e amministrazione in epoca imperiale, Bari 1999, pp. 47-48. 32. O. Hirschfeld, Die kaiserlichen Verwaltungsbeamten bis auf Diokletian3, Berlin 1963, pp. 208-209, n. 1. 33. Voir Vita Hadriani 6, 3 et l’aureus de 117-118 portant la légende triumphus Parthicus (H. Mattingly, RCBM III, 19763, p. 244, no 47); voir encore P. v. Rohden, s.v. «Aelius», in RE I, 1, Stuttgart 1894, col. 503. 34. Voir pour celle-ci F. Blume, K. Lachmann, A. Rudorf (eds.), Gromatici Veteres, Berolini 1848, pp. 24. 26. 35. Voir aussi Eck, Die staatliche Organisation..., cit., p. 86; Eck, L’Italia nell’Impero..., cit., p. 90. 36. Pflaum, Les carrières procuratoriennes...I, cit., p. 971; Pflaum, Les Fastes..., cit., p. 160; le même avis chez L. Petersen, PIR2, J 258. 164 SEBarc vi, 2008, pp. 155-168
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