Document généré le 6 déc. 2018 21:10 Les Cahiers des dix « Le Bulletin des agriculteurs » : pour vous mesdames. : L’empreinte d’Alice Ber (1938-1979) Jocelyne Mathieu Résumé de l'article Traces et itinéraires Numéro 60, 2006 Le Bulletin des agriculteurs voit le jour le 2 février 1918. Ce périodique vise à renseigner sur l’actualité agricole et agroalimentaire, sur les techniques, les nouveaux produits, URI : id.erudit.org/iderudit/045774ar l’économie et la vie familiale sur la ferme dans un contexte où https://doi.org/10.7202/045774ar les systèmes coopératifs tentent de s’implanter pour améliorer le travail des agriculteurs et leur revenu. Comme son nom Aller au sommaire du numéro l’indique, le Bulletin s’adresse d’abord auxhommes, mais tente aussi de rejoindre les femmes. En 1938 est embauchée Jeanne Grisé qui devient rédactrice en charge de la section féminine. Pendant plus de 40 ans, sous le pseudonyme d’Alice Ber, elle prodigue ses conseils laissant entendre que tant vaut Éditeur(s) la femme, bien agréable est la maison et heureuse la famille, car elle croit que les fermières peuvent avoir une influence Les Éditions La Liberté considérable sur le progrès et le développement de l’agriculture québécoise, voire sur la qualité de vie. Alice Ber a sûrement eu une influence importante auprès des femmes de ISSN 0575-089X (imprimé) la campagne et même auprès de plusieurs de la ville qui 1920-437X (numérique) allaient notamment écouter ses conférences. Jeanne Grisé- Allard ou Alice Ber a encouragé les femmes à faire preuvede dynamisme. Découvrir la revue Citer cet article Mathieu, J. (2006). « Le Bulletin des agriculteurs » : pour vous mesdames. : L’empreinte d’Alice Ber (1938-1979). Les Cahiers des dix, (60), 277–292. https://doi.org/10.7202/045774ar Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services Tous droits réservés © Les Éditions La Liberté, 2006 d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique- dutilisation/] Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org Le Bulletin des agriculteurs : pour vous aussi mesdames L’empreinte d’Alice Ber PAR JOCELYNE MATHIEU* Le Bulletin de la Société coopérative agricole des fromagers du Québec1 dont le premier numéro parut le 26 février 1916 a donné le jour au Bulletin des agriculteurs deux ans plus tard, soit le 2 février 1918. Ce périodique2 vise * J’aimerais remercier chaleureusement le personnel de la Bibliothèque de l’Assemblée natio- nale, section des périodiques, pour leur amabilité et leur empressement à répondre à toutes mes demandes pour la recherche préparatoire à ce texte. Je remercie aussi le personnel de la Division des Archives de l’Université Laval, notamment Carole Saulnier et Marie-Claude Bouchard pour leur soutien et leur collaboration particulière en ce qui concerne la consul- tation du Fonds Maclean Hunter (F1354) et pour leur travail sur les illustrations. Mes remerciements s’adressent aussi au Bulletin des agriculteurs et à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec pour les autorisations obtenues. 1. La page couverture de ce Bulletin précise : du producteur au consommateur par la coopéra- tion. Fromage, beurre, sirop d’érable, sucre d’érable. Œufs, volailles, viandes et autres produits de la ferme. La Société coopérative agricole des fromagers de Québec, située rue William à Montréal, assure l’édition de cette publication. 2. Le Bulletin des agriculteurs a d’abord été un hebdomadaire avant de devenir un mensuel. Son format a changé à quelques reprises. Son identification et sa numérotation varient aussi Les cahiers des dix, no 60 (2006) 09-Mathieu.indd 277 16/01/07 19:44:04 278 CAHIERS DES DIX, NO 60 (2006) à renseigner sur l’actualité agricole et agroalimentaire, sur les techniques, les nouveaux produits, l’économie et la vie familiale sur la ferme dans un contexte où les systèmes coopératifs tentent de s’implanter pour faciliter le travail des agriculteurs et améliorer leur revenu. Comme son nom l’indique, il s’adresse d’abord aux hommes, mais tente aussi de rejoindre les femmes. Les directeurs de la coopérative des fromagers n’avaient pas été lents à se rendre compte que, si les cultivateurs de notre province étaient souvent dans une situation désavantageuse pour la vente de leurs produits, c’est qu’ils n’étaient pas à même de se renseigner sur les conditions du marché. C’est pourquoi la Coopérative des Fromagers commença, il y a quelques années la publication d’un simple feuillet sur lequel elle indiquait les prix qu’elle avait obtenus pour les produits qu’on l’avait chargé de vendre. Ce feuillet était distribué gratuitement à tous ses sociétaires chaque quinzaine ; ceux-ci cependant en réclamèrent bientôt la publication chaque semaine. Mais l’on comprit qu’il fallait faire mieux encore. En 1916 la Coopérative des Fromagers commença donc la publication d’un bulletin à huit pages ; en 1917 il fallut le porter à 12 pages ; en 1918, il fallut, pour répondre à toutes les deman- des, lancer un véritable journal : C’est le « Bulletin des agriculteurs »3. L’objectif d’améliorer la production agricole, la qualité des produits et le rehaussement de l’économie s’inscrit dans un contexte où les agronomes cherchent à engager les cultivateurs dans un processus de modernisation et à leur permettre de rompre leur isolement. La publicité est explicite : « Le confort de la Ville à la campagne. Enlevez à la vie sur la ferme la fatigue excessive qui pèse sur elle. Remplacez-la par le confort et les facilités que donnera l’installation d’un matériel d’éclairage électrique…4 ». L’orientation combative du Bulletin s’estompera progressivement pour prendre un air de plus en plus commercial. Dans un contexte où les préoccupa- tions économiques jouent d’évidence, les femmes sont aussi interpellées et solli- citées ; diverses pratiques leur sont suggérées afin d’améliorer la rentabilité du ménage. Une certaine dichotomie se perçoit cependant entre la modernité à adopter et la tradition à conserver. passablement, certains exemplaires portant un numéro de volume, d’autres non ; seule la date est alors indiquée. Depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui, le Bulletin a été imprimé sur différents papiers ; la couleur est introduite progressivement, d’abord seulement pour la couverture, ensuite pour certaines annonces publicitaires, puis de façon plus généralisée. Enfin, tous les numéros ne comportent pas de table des matières, surtout durant les premiè- res années. 3. JEAN TRUDEL, « Le Bulletin des agriculteurs : son rôle », Bulletin des agriculteurs, 3, no 30, 24 août 1918, p. 6. 4. Le Bulletin des agriculteurs, 3, no 21, 22 juin 1918, p. 16. Les cahiers des dix, no 60 (2006) 09-Mathieu.indd 278 16/01/07 19:44:04 LE BULLETIN DES AGRICULTEURS : POUR VOUS AUSSI MESDAMES 279 L’intérêt pour les femmes Le Bulletin servira indéniablement à informer les cultivateurs et leurs épouses des progrès techniques et de la bonification des pratiques, des possibi- lités des marchés et du travail quotidien, sur la terre et dans la maison familiale. S’ajoutent assez tôt des chroniques adressées spécialement aux femmes. Elles sont généralement écrites par des femmes et incluent des thématiques qui sont souvent associées aux « loisirs » féminins. Travail et loisirs se côtoient dans une sorte d’imbroglio de fonctions selon des intentions à peine dissimulées de bali- ser l’adoption des modes qui préoccupent aussi les campagnes influencées par les courants urbains. Dès le numéro du 16 novembre 1918, paraît une chronique intitulée « Acti- vités féminines rurales - mes loisirs » signée par Madame Alphonse Désilets5. L’année suivante, Madame Désilets vante la rentabilité de l’apiculture, présentée aux femmes comme fort intéressante, car au point de vue économique l’apiculture est sans contredit l’une des branches agricoles les plus payantes […] la conduite d’un petit rucher amènera des revenus suffisants pour combler les petits déficits d’un budget domestique. […] Il est donc à souhaiter que toutes les jeunes filles et jeunes dames ayant quelques loisirs, dans les villages comme à la campagne, aient leurs petits ruchers … selon le mot de mon mari le remède à tous les maux6. Les femmes sont donc considérées d’abord comme contribuant au revenu familial par leur travail sur la ferme. Peu à peu, leurs occupations à la maison feront aussi l’objet d’attention : information, conseils et surtout mise en valeur de leur fonction de « reine du foyer » caractériseront les articles consacrés aux agricultrices : « Tant vaut la femme, tant vaut la ferme7 » clame-t-on dans le Bul- letin comme dans les Écoles ménagères en voie de se multiplier dans toutes les régions. Les années 1930 correspondent à une période de retour à la terre et à la valorisation de la vie à la campagne. Tous les média sont utilisés : journaux, revues, radio. Des apôtres de la vie à la campagne entrent dans le nouveau mouvement de propagande pour l’attachement et le retour à la terre : la Société du Réveil rural a été incorporée par lettres patentes le 31 décembre 1937. Georges Bouchard, 5. Elle était l’épouse de l’agronome Alphonse Désilets qui a été directeur des Cercles de fermières et chef du service d’économie domestique du Département de l’instruction publique. 6. Le Bulletin des agriculteurs, 4, no 9, 8 mars 1919, p. 7. 7. ARMAND LÉTOURNEAU, « Tant vaut la femme, tant vaut la ferme. Un mot aux fermières », Le Bulletin des agriculteurs, 3, no 33, 14 septembre 1918, p. 9. Les cahiers des dix, no 60 (2006) 09-Mathieu.indd 279 16/01/07 19:44:04 280 CAHIERS DES DIX, NO 60 (2006) député de Kamouraska aux Communes, et professeur à l’École supérieure d’agri- culture de Sainte-Anne de la Pocatière en est le président ; se sont joints à lui le colonel Wilfrid Bovey, directeur des relations extérieures de l’Université McGill, Adolphe Brassard agriculteur de Danville, comté de Richmond, Arthur Dupont et Léopold Houlé, publicistes à la Direction de la Radio d’État à Montréal et Alphonse Désilets qui agit comme secrétaire. Ces « apôtres » constituent alors le Comité Renaissance campagnarde. Georges Bouchard et Alphonse Désilets signent plusieurs textes dans le Bulletin des agriculteurs, notamment sous la rubrique « Le réveil rural. » De plus, chaque soir, Radio-Canada diffuse une émission radio- phonique sur des thèmes semblables, proposant récits, musique, causeries et conversations. En janvier 1938, un nouveau collaborateur joint le Bulletin, l’abbé Albert Tessier, du Grand Séminaire de Trois-Rivières, visiteur général des écoles ména- gères de la Province. À ce moment, il inaugure une rubrique intitulée « La vie familiale » qui fait l’éloge du foyer à la campagne. Il met aussi à profit son rôle d’éducateur, notamment auprès des adultes. « L’éducation régionale des adultes importe pour le moins autant que celle des enfants. Elle est plus difficile à réaliser, mais ce n’est pas une raison pour ne pas essayer de l’entreprendre8. » Des formations particulières sont annoncées : « des cours de vacances ». Outre l’objectif de ne pas garder oisives les jeunes filles une fois l’année scolaire terminée, ce cours vise à faire aimer la terre et à convaincre que « la culture du sol devient de plus en plus payante ; elle devient une industrie9 ». C’est dans ce contexte que la journaliste Jeanne Grisé est embauchée en 1938. Avec son arrivée, le Bulletin accordera une place définitivement plus impor- tante aux pages féminines. Par ses conseils, elle laisse entendre que tant vaut la femme, bien agréable est la maison et heureuse la famille, car elle croit que les fermières peuvent avoir une influence considérable sur le progrès et le dévelop- pement de l’agriculture québécoise, voire sur la qualité de vie. L’information déployée dans le Bulletin des agriculteurs vise à instruire par l’information prodi- guée. Le choix des chroniques et les propos tenus rejoignent les mêmes valeurs éducationnelles que celles qui sont privilégiées dans les programmes d’enseigne- ment ménager10. 8. « La vie familiale. Ne pas oublier les adultes », Le Bulletin des agriculteurs, 25 janvier 1938, p. 21. 9. Le Bulletin des agriculteurs, 3, no 18, 1er juin 1918, p. 8. 10. Dans un numéro précédent des Cahiers des Dix, nous avons déjà traité de l’éducation des filles et notamment de la formation dans les programmes d’enseignement ménager. « L’édu- cation familiale et la valorisation du quotidien des femmes au XXe siècle », Les Cahiers des Dix, no 57 (2003), p.119-150. Les cahiers des dix, no 60 (2006) 09-Mathieu.indd 280 16/01/07 19:44:05 LE BULLETIN DES AGRICULTEURS : POUR VOUS AUSSI MESDAMES 281 Jeanne Grisé-Allard ou Alice Ber Née à Saint-Césaire de Rouville le 27 mars 1902, Jeanne Grisé étudie chez les religieuses de la Présentation de Marie de l’endroit et suit des cours de diction, de musique et de pein- ture. Dès l’âge de huit ans, elle découvre la poésie qu’elle affection- nera particulièrement tout au long de sa vie. Fille d’imprimeur, elle sera très tôt attirée par la littérature et le journalisme ; elle fréquentera l’Uni- versité de Montréal en sciences sociales. À partir de 1927, Jeanne Grisé collabore à plusieurs revues et jour- naux dont La revue préventive. Elle est successivement journaliste au journal le Canada français de Saint- Jean d’Iberville de 1928 à 1931, et à La Patrie en 1935 où elle sera la directrice des pages féminines. Jeanne Grisé Photographe inconnu, vers 1930. Bibliothèque et Archives Juillet 1938 marque un tour- nationales du Québec, Centre d’archives de Montréal. Fonds nant dans la vie de Jeanne Grisé : elle Jeanne Grisé-Allard MSS 440, D36, P18. devient rédactrice en charge de la section féminine du Bulletin des agriculteurs. Elle y demeurera pendant plus de 40 ans. Cette même année, le premier octobre, elle épouse Jacques-Hertel Allard. À l’époque, les femmes renonçaient à leur carrière lorsqu’elles prenaient mari, mais elle trouvera un compromis : elle travaillera à domicile tout en devenant mère de quatre enfants, une fille qu’elle perdra en bas âge et trois garçons. Jeanne Grisé-Allard signe son propre nom ou utilise le pseudonyme d’Alice Ber du nom de sa mère Alice Bergeron. En plus du courrier, Alice Ber signe plusieurs chroniques et s’adresse aux plus jeunes sous le nom de Marraine ou de Grande-Soeur. Son courrier la rend populaire ; elle devient une référence tant auprès des jeunes filles que des femmes mûres. De 1937 à 1942, elle entame une série de conférences qu’elle donnera à Montréal et à Québec et qui contribueront à étendre sa réputation. Au fil de sa longue carrière, elle continuera de prononcer des conférences et des causeries parallèlement à ses activités journalistiques dans les périodiques, à la radio, puis Les cahiers des dix, no 60 (2006) 09-Mathieu.indd 281 16/01/07 19:44:07 282 CAHIERS DES DIX, NO 60 (2006) à la télévision11. Entre autres, des émissions radiophoniques l’inviteront pour le « Courrier de Jeanne, réponse à tous », formule qu’elle poursuivra fort longtemps tout particulièrement pour le Bulletin des agriculteurs. Comme responsable des pages féminines, Jeanne Grisé-Allard, ou Alice Ber, accueillera des spécialistes comme la tisserande Germaine Galerneau durant les années 1950 et 1960. Alice Ber, conférencière. Division des archives de l’Université Laval, Collection MacLean-Hunter, Bulletin des agriculteurs, novembre 1960, p. 34. Membre de la Société des poètes de Québec, de l’Association des auteurs canadiens, de la Société des écrivains pour la jeunesse et du Canadian Woman’s Press Club, elle est reconnue comme écrivaine et ce sont surtout ses écrits litté- raires qui ont capté l’attention jusqu’à maintenant12. Son deuxième livre de 11. Les archives nationales possèdent le Fonds Jeanne-Grisé-Allard. Ce fonds de 4,28 m. contient des manuscrits de ses œuvres : poésie, romans inédits, articles, textes radiophoniques, con- férences, récits de voyages, guides pratiques et correspondance. 12. Jeanne Grisé-Allard a été retenue comme faisant partie des écrivaines québécoises du XXe siècle : « Persister et signer. Les signatures féminines et l’évolution de la reconnaissance sociale de l’écrivaine (1893-1929) », CHANTAL SAVOIE dans Voix et images, XXX, 1, automne 2004, p. 67-79. Les cahiers des dix, no 60 (2006) 09-Mathieu.indd 282 16/01/07 19:44:08 LE BULLETIN DES AGRICULTEURS : POUR VOUS AUSSI MESDAMES 283 poésie13, Médaille de cire, publié en 1933, lui avait d’ailleurs mérité la médaille de vermeil de l’Académie française et plusieurs lettres élogieuses de grands aca- démiciens14. Un long parcours À la fin des années trente, Jeanne Grisé commence donc à collaborer au Bulletin des agriculteurs. Elle signe le « Courrier des abeilles » et un billet sous le pseudonyme de Grande-sœur. Elle fait écho à l’honneur qui vient d’être rendu à une fermière française décorée de la Légion d’honneur. Ce n’est qu’au mois de septembre qu’elle prend le pseudonyme d’Alice Ber lors du lancement de la chronique « La Fermière chez elle ». L’auteure écrit alors de sa plume poétique sur « Le mois d’or » : Septembre va sonner l’horloge des saisons. C’est le mois d’or ! On a vu les champs rutiler sous la caresse du soleil. La moisson blonde est main- tenant engrangée et l’astre resplendissant continue à battre les toits, à jeter dans le ruisseau des lames flamboyantes15. « La fermière chez elle » Division des archives de l’Université Laval, Collection MacLean-Hunter, Bulletin des agriculteurs, 16 août 1938, p. 1. 13. Le premier étant Goutte d’eau publié à l’encouragement d’Alfred Desrochers et d’Émile Coderre. 14. CÉCILE FABIEN, Bio-bibliographie de madame Jeanne-Grisé-Allard. École de bibliothécaires, Montréal, 1945, 63 p. 15. Le Bulletin des agriculteurs, 5 avril, 1938, p. 23. Les cahiers des dix, no 60 (2006) 09-Mathieu.indd 283 16/01/07 19:44:09 284 CAHIERS DES DIX, NO 60 (2006) La poésie fait cependant place au quotidien : « après les délassements de l’été c’est la vie sérieuse, aussi bonne, aussi féconde, car elle trempe les caractères ». Référant à une brochure intitulée Le paradis terrestre, Alice Ber annonce les articles du numéro de septembre qui auront comme fil conducteur l’amabilité dans l’expression du sourire, la générosité de répondre aux demandes d’autrui, la bonne humeur malgré les ennuis de l’existence. Dans ce même numéro de septembre, Alice Ber, toujours dans la chronique « La Fermière chez elle » prête ses yeux à ses lectrices pour leur rapporter ce qu’elle a vu à l’exposition provinciale de Québec. Elle ne manque pas de souligner que « sur les terrains de cette immense Exposition, on se sent tellement chez nous. Toutes les inscriptions sont en français et les voix qui dominent la foule sont bien canadiennes ». Puis elle s’attarde au « palais des arts domestiques » où étaient représentés les 75 cercles de fermières alors implan- tés. Le style d’Alice Ber est vivant, sa communication directe, son écriture lim- pide. Le message qu’elle diffuse n’est pas politique bien qu’un commentaire comme celui sur la langue entendue à l’Exposition provinciale pourrait le laisser entendre. L’expression identitaire des Québécois est, semble-t-il, encore à construire. Avant de s’intituler « le Courrier d’Alice Ber », celle-ci a d’abord publié « L’heure du Courrier ». Elle répond alors à une variété incroyable de questions portant sur le vocabulaire, la teinture à cheveux, l’alimentation, la mode vesti- mentaire, le décor de la maison, la bienséance et les codes de savoir-vivre et, bien sûr, aux questions de cœur. Par exemple, dit-on à l’étouffée ou à l’étuvée ? Com- ment blondir les cheveux ? Quelle teinte convient le mieux à un manteau rouge brique ? Une jeune fille de 17 ans peut-elle donner un cadeau à un jeune homme pour son anniversaire ? Q.- Pourriez-vous me dire si les sourcils, après qu’ils ont été arrachés, repous- sent plus longs et plus nombreux ? (2) Est-ce qu’il y aura des manteaux à godet cet hiver ? (3) Quelle est la signification des noms suivants : Amédée, Lorraine, Rosaire ? (4) Connaissez-vous un moyen pour maigrir sans porter atteinte à sa santé ? R.- Les sourcils ne repoussent pas plus nombreux mais plus raides et plus difficiles à maîtriser, après qu’on a pris l’habitude de les arracher. (2) On verra encore cet hiver des manteaux cintrés à la taille avec jupe en forme. (3) Voici la signification des noms : Amédée, bon.- Lorraine, patriote.- Rosaire, pieux.- (4) Il faut suivre un régime qui ne soit pas trop sévère. Le Bulletin des agriculteurs, « L’heure du Courrier », du 15 novembre 1938, p. 39. Les cahiers des dix, no 60 (2006) 09-Mathieu.indd 284 16/01/07 19:44:09 LE BULLETIN DES AGRICULTEURS : POUR VOUS AUSSI MESDAMES 285 En décembre de la même année, Alice Ber entame une nouvelle rubrique : « Pour embellir ma maison » qui s’inscrit dans la suite des propos de l’abbé Tessier qui prône l’embellissement des intérieurs domestiques16 ; l’idée étant que « mettre du chic autour du foyer, c’est un moyen entre plusieurs de le rendre attirant et d’y attacher la famille »17. Elle suggère aux femmes d’entretenir les lieux en se mettant à la peinture des murs et à la réparation des meubles. Elle leur suggère d’améliorer la luminosité et la fraîcheur de l’air donnant au passage quelques conseils se rapportant à l’amélioration des conditions d’hygiène et à l’ambiance de la maison. « Demandez-moi des suggestions de couleurs si vous êtes embar- rassée pour l’arrangement d’une pièce ou la modernisation d’un meuble ». « Embellissez votre maison » Division des archives de l’Université Laval, Collection MacLean-Hunter, Bulletin des agriculteurs, 20 décembre 1938, p. 28. « La mode des tissus domestiques prend de l’ampleur » déclare-t-elle sous le titre « Vieilles traditions, méthodes nouvelles » où elle affirme qu’ « [À] la campa- gne comme à la ville les modes et les rêves sont pareils. Ils suivent les saisons, les goûts, les dictées des créateurs de Paris, de Londres, de New-York18 ». Elle relate un événement venant d’avoir lieu à Montréal, « La marche de la laine » alors que « dans un club très chic, laine, toile et lin défilaient en parade ». La marche de la laine avait été organisée selon une formule thé-mode au Cercle universitaire « pour montrer à tous ceux que la chose intéresse, et pour prouver à ceux qui en doutaient, les merveilles que font nos tisserandes canadiennes. [...] À la ville, on parle de 16. « Ayons des meubles jolis ! » et « Décorons à la canadienne », Le Bulletin des agriculteurs, avril 1938, p. 37 et 51. 17. Ibid., mai 1938, p. 30 et 39 18. Ibid., 18 octobre 1938, p .57. Les cahiers des dix, no 60 (2006) 09-Mathieu.indd 285 16/01/07 19:44:10
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