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Le Bel Avenir de la croissance PDF

81 Pages·2018·2.178 MB·French
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(cid:19)(cid:17)(cid:18)(cid:25) Introduction ces derniers pourraient devenir des économies intermédiaires entre pays en développement et pays avancés. Tout dépendra de l’adaptation des institutions politiques, économiques et sociales au choc qui se profile. Si la France ne saisit pas cette opportunité en adaptant correctement ses institutions, elle pourrait alors décrocher et devenir l’une des économies intermédiaires de demain. Mais si elle saisit cette opportunité, elle bénéficiera sans doute d’une nouvelle période faste d’amélioration du niveau de vie de chacun. Jamais dans l’histoire de l’humanité la croissance n’a été aussi forte sur une durée aussi longue qu’au XXe siècle. Plusieurs générations ont vécu cette période L’apport du présent ouvrage est de se situer à la fois sur l’horizon long des grandes vagues de croissance et dans un cadre mondial pour tirer les leçons du passé faste, et le souvenir des périodes antérieures, durant lesquelles la croissance fut et des expériences internationales afin d’en dégager les enseignements utiles pour le nettement plus faible, voire presque nulle, s’est progressivement dissipé. Nous nous présent et le futur. Ce positionnement nous permet de dégager les rouages profonds sommes ainsi habitués à une croissance élevée, et vivons souvent avec étonnement le qui ont fait la croissance dans le passé, d’analyser les conséquences des grands ralentissement observé depuis maintenant près de deux décennies dans la plupart des économies avancées. La croissance du XXe siècle serait-elle une page désormais chocs technologiques du XXe siècle et d’observer les effets de crises majeures. Cet horizon long et cette perspective internationale le différencient ainsi de travaux refermée de notre histoire ? Nos institutions, en particulier les systèmes de protection antérieurs1. sociale auxquels nous tenons tant, ont été conçues dans un tel contexte de croissance. Un ralentissement durable les menace-t-il ? La démocratie elle-même serait-elle en * danger ? Ces questions sont légitimes alors que nous n’avons pas connu trois années Le niveau de vie a connu, dans les principaux pays développés, une progression consécutives de croissance supérieure à 2 % depuis le début du XXIe siècle en considérable depuis la fin du XIXe siècle. Cette progression est sans précédent dans France. l’histoire de l’humanité. Le produit intérieur brut (PIB par la suite) est l’indicateur le Pourtant, un choc technologique de grande ampleur se dessine : celui de plus usuel pour apprécier ce développement économique. Ramené au nombre l’économie numérique et digitale. Chacun pressent que ce choc peut être source d’habitants, il a été ainsi, de 1890 à 2017, multiplié par un facteur 7 au Royaume- d’opportunités et de croissance, par les gains de productivité qu’il pourrait induire, Uni, pays très en avance en début de période, et par un facteur 24 au Japon, pays au mais aussi de menaces pour ceux qui ne sauraient s’y adapter. L’histoire économique contraire encore peu développé en 1890 (graphique Intro 1). Les autres grands pays nous enseigne qu’un grand bouleversement technologique est toujours l’occasion développés se positionnent entre ces deux extrêmes. Ainsi, en France, le PIB par d’une large remise en cause des hiérarchies de développement entre pays. Sur les habitant a été multiplié par un facteur 10 sur la période. quatre dernières décennies, on observe d’ailleurs que des pays au niveau de développement initialement comparable ont connu des trajectoires parfois très différentes. Ainsi, la Chine a bénéficié d’un développement d’une ampleur non Graphique Intro 1. Ratio du PIB par habitant 2017/1890 anticipée, ce qui est aussi le cas de pays plus petits comme la Corée du Sud. Mais juste à côté de la Chine, un autre vaste pays comme l’Inde a connu un développement beaucoup plus modeste et d’autres pays ont presque stagné, voire ont régressé en termes relatifs, comme l’Argentine. Nous nous trouvons désormais face à une bifurcation : le choc de l’économie numérique et digitale peut être le moment d’une vaste redistribution des cartes entre pays. De grands émergents pourraient supplanter des pays très avancés, et certains de d’abord parce que le PIB par habitant correspond à une moyenne qui ignore par définition les inégalités de revenus et le fait que certains segments de la population peuvent tirer un moindre bénéfice de la croissance que d’autres. Dans la plupart des pays les plus avancés, les inégalités de revenus se sont d’ailleurs amplifiées depuis la décennie 1970. Ainsi, dans les années 2010, aux États-Unis où les inégalités ont particulièrement augmenté, les 1 % des personnes les plus riches reçoivent plus de 20 % du revenu national alors qu’une part importante de la population ne semble pas, ou très peu, avoir goûté les fruits de la croissance3. Ensuite parce que le PIB ne prend pas en compte de nombreuses dimensions du niveau de vie comme l’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé, l’évolution des libertés individuelles… autant d’éléments qui, nous le verrons, n’ont pas d’incidence directe sur le niveau du PIB. Par ailleurs, le PIB ne prend pas directement en compte les questions relatives à l’utilisation des ressources naturelles et à la soutenabilité environnementale, qui sont pourtant des préoccupations majeures. Malgré ses nombreuses imperfections, cet indicateur est toutefois le plus adapté aux comparaisons dans le temps et entre pays. Ses limites doivent être gardées à l’esprit et nous y revenons largement dans cet ouvrage. L’augmentation du niveau de vie moyen dans les pays les plus développés a pris (Source : Bergeaud, Cette, Lecat [20162] ; voir www.longtermproductivity.com.) de multiples formes qui ont été évoquées par de nombreux auteurs comme Robert Gordon4. Les progrès de la santé sont gigantesques et ils se sont traduits par un allongement considérable de l’espérance de vie moyenne à la naissance (aux États- Cette forte progression du PIB par habitant est essentiellement liée aux gains de Unis, par exemple, celle-ci est passée de 45 ans en 1890 à 79,5 ans en 2015). Les productivité horaire du travail, c’est-à-dire à la capacité à produire davantage avec habitats ont été profondément transformés en confort et en salubrité. La la même quantité de travail. Ces gains de productivité du travail sont eux-mêmes consommation a progressé en quantité, qualité et sécurité dans de nombreux induits par de grandes vagues d’innovations et de transformations technologiques, domaines : l’alimentation, les autres dépenses de consommation courante, l’accès à comme l’utilisation de l’énergie électrique qui s’est progressivement généralisée la culture… Ces progrès considérables, fruits de la croissance, se sont accompagnés avant la Seconde Guerre mondiale. Ils ont été plus élevés que ceux du PIB par d’une mobilité sociale permettant à chacun de ne pas exclure a priori les plus fortes habitant, car ils ont servi pour une part non négligeable à financer une augmentation ambitions. du temps de loisirs, autrement dit une réduction du temps de travail. La durée moyenne annuelle du travail des personnes en emploi a en effet été divisée par un Pourtant, depuis le début du XXIe siècle, les moteurs de la croissance des pays les plus avancés semblent tourner au ralenti. Rarement depuis près d’un siècle et demi, facteur compris entre 1,5 et 2 dans les principaux pays développés depuis 1890. Les hormis les périodes de guerre, la progression du PIB par habitant n’a été aussi faible gains de productivité ont donc permis à la fois de travailler moins et d’augmenter de en moyenne sur presque deux décennies. Et contrairement à ce qu’on a pu penser à un façon considérable le revenu moyen (et donc le pouvoir d’achat). moment, cette faible croissance ne résulte pas des incertitudes statistiques, pourtant Bien sûr, appréhender l’augmentation du niveau de vie des populations et le développement économique des sociétés au cours du XXe siècle au regard de bien réelles, concernant la mesure du PIB et de la croissance5, celles-ci n’ayant pas une ampleur suffisante pour expliquer à elles seules le ralentissement observé. Les l’évolution du PIB par habitant offre nécessairement un tableau incomplet. Tout inquiétudes sont donc fortes, et deux scénarios extrêmes sont évoqués dans la Ailleurs, cela est illustré par les Trente Glorieuses en France, par le miracolo littérature économique. Tout d’abord, celui d’une croissance de long terme très economico en Italie ou encore par le Wirtschaftswunder en Allemagne et en faible comme celle connue avant le milieu du XIXe siècle. La forte croissance Autriche, autant de termes qui désignent cette longue période de croissance forte observée sur le siècle et demi qui a suivi ne serait donc qu’une parenthèse heureuse, dans la plupart des pays avancés. Toutefois, ces mêmes pays avancés connaissent mais déjà refermée. Ensuite, et à l’opposé, le scénario que la période actuelle ne une période de faible croissance depuis le début du XXIe siècle, ce qui a ressuscité le serait qu’une pause de courte durée avant le redémarrage d’une croissance forte spectre d’une entrée dans une longue période de croissance réduite, et dans ce portée par des innovations technologiques comme celles de l’économie numérique et contexte l’économiste américain Larry Summers9 a récemment remis au goût du jour de l’intelligence artificielle. Dans cette vision, c’est au contraire la période actuelle le terme secular stagnation qui avait été oublié depuis des décennies. qui constituerait une parenthèse, courte cette fois-ci, de croissance faible dans Pour mieux comprendre les risques qui pèsent sur la croissance future, il est une longue période de croissance forte amorcée au XIXe siècle et qui serait loin d’être indispensable de caractériser ses nombreux ressorts afin d’apprécier ceux qui achevée. Certains6 envisagent ainsi une croissance à venir d’une ampleur seraient épuisés, ceux qui seraient seulement « endormis » et ceux qui ne comparable à celle observée en moyenne durant le XXe siècle alors que d’autres demanderaient qu’à naître. C’est la démarche retenue par le présent ouvrage. Pour prédisent même une situation où les taux de croissance retrouveraient bientôt, en cela, il est utile d’analyser le passé sur une très longue période. Ce regard dans le particulier grâce à l’intelligence artificielle, des niveaux bien plus élevés que ceux rétroviseur permet de discerner les mécaniques complexes qui expliquent la que nous avons connus, sans limite dans le temps7. croissance exceptionnelle dont les pays développés ont bénéficié au XXe siècle. La Le présent ouvrage se positionne dans une logique plutôt optimiste quant aux littérature économique est très abondante sur cette question, et le présent ouvrage bénéfices potentiels de la future révolution technologique : si nous savons en saisir s’en inspire bien évidemment. Cette inspiration est particulièrement forte pour les les opportunités, les décennies à venir peuvent être à nouveau celles d’une travaux ayant développé une approche très large, multifactorielle et bien sûr amélioration forte de notre niveau de vie économique. reconnue sur le sujet. À cet égard, il nous faut tout spécialement mentionner ceux de Mais avant d’envisager ce que sera la croissance dans le futur, il est utile de Philippe Aghion et Peter Howitt10, qui irriguent tous les travaux sur la croissance et regarder ce qu’elle a été dans le passé, afin de mieux la comprendre et de mieux ses ressorts. appréhender les questions qu’elle soulève. On peut ainsi constater que le Cette littérature souligne que de multiples facteurs influencent la croissance ralentissement actuel n’est pas si exceptionnel. Même au cours des XIXe et économique. Les innovations et transformations technologiques tiennent ici un rôle de XXe siècles, la croissance n’a pas été régulière et a pu être très faible à certains premier plan. Ainsi, la seconde révolution industrielle, qui a dynamisé la croissance moments (y compris en temps de paix), comme à la fin du XIXe siècle (entre 1873 a u XXe siècle, est associée à la diffusion généralisée de l’usage de l’énergie et 1896, le taux de croissance moyen du PIB par habitant en France est inférieur à électrique notamment issue du pétrole, du moteur à explosion, du téléphone, mais 0,5 %) et au moment de la Grande Dépression des années 1930 (en 1938, le PIB par aussi aux progrès de la médecine… La question de l’apparition et de la diffusion de habitant français n’est plus que 82 % de ce qu’il était en 1928). À l’époque, la ces innovations, ainsi que la manière dont elles impactent la croissance, sont autant situation économique a déjà conduit certains économistes à envisager qu’elle d’interrogations de premier ordre qui sont largement abordées dans la littérature. demeure durablement réduite. Le président de l’American Economic Association, Tout d’abord, les innovations ne sont pas le fruit du hasard et résultent de la Alvin Hansen8, mettait ainsi en garde en 1939 contre le risque d’une telle recherche de rentes de la part de leurs inventeurs. À la fin du XXe siècle, Bill « stagnation séculaire » (secular stagnation en anglais). Nous savons maintenant Gates est devenu l’homme le plus riche du monde par la création et le succès de qu’il s’était très largement trompé dans son analyse, et la croissance a au contraire Microsoft, qui a bouleversé les modes de travail et de vie dans le cadre de la été très élevée dans les décennies qui ont suivi son discours, pendant la Seconde troisième révolution industrielle associée aux technologies de l’information et de Guerre mondiale et sur la période qui a suivi, parfois qualifiée de golden age. la communication (TIC). Ces rentes doivent être au moins temporairement protégées, et leur recherche encouragée, par des institutions adaptées (les droits avant le second conflit mondial comparable à celui des pays occidentaux, et dont de propriété intellectuelle et des subventions à la recherche) afin de motiver la le niveau relatif s’est ensuite progressivement abaissé en raison de son recherche d’innovations. L’Europe peut ainsi s’interroger sur le fait de n’avoir incapacité à adapter ses institutions. À l’opposé, partant d’un bas niveau de donné naissance à aucune grande entreprise de l’économie numérique (que ce développement, un pays comme la Corée du Sud a rattrapé après la guerre de soit les fameuses GAFA, pour Google, Amazon, Facebook et Apple, ou les plus Corée et en quatre décennies seulement un niveau de développement comparable récentes NATU pour Netflix, Airbnb, Tesla et Uber). Ses institutions (entendues à celui des pays les plus avancés, cela grâce à des institutions adaptées. Mais ici et dans le reste de cet ouvrage au sens le plus large des règles de également parmi les pays développés, certains, comme l’Italie, le Portugal ou le fonctionnement de son marché du travail, des règles de concurrence et des règles Japon, n’ont jamais totalement convergé vers les niveaux de PIB par habitant ou de droit qui s’appliquent à ses entreprises…) sont-elles bien adaptées à de productivité les plus élevés, en particulier du fait d’inadaptations très l’apparition et la diffusion de telles innovations ? spécifiques de leurs institutions. Deuxième remarque, les innovations, et même les plus porteuses d’entre elles, On verra donc que la qualité des institutions influence considérablement la mettent du temps à se diffuser largement. L’économiste Paul David, spécialiste croissance et que la capacité d’un pays à les adapter de manière continue est une du progrès scientifique, a ainsi montré11 qu’il a fallu attendre plus de condition nécessaire pour favoriser celle-ci. Une telle adaptation relève de ce qu’on cinquante ans après l’invention d’une dynamo électrique opérationnelle en 1868 appelle usuellement les « réformes structurelles », c’est-à-dire des politiques pour voir son utilisation pleinement efficace. De même, nous verrons que économiques visant à élever de façon pérenne le niveau durablement soutenable du l’utilisation généralisée des TIC dans les pays les plus développés a déjà eu des PIB et/ou de l’emploi. De telles politiques peuvent être engagées dans de très effets certains mais encore limités sur la productivité : le principal serait à venir. nombreux domaines, dont le marché du travail, le marché des biens et services, Cette diffusion des innovations dépend elle-même des institutions, et par l’État, l’éducation et la formation professionnelle… Certaines de ces réformes exemple de la façon dont elles influencent le prix de la prise de risque. peuvent dynamiser de façon permanente la croissance de la productivité et donc du Troisième remarque, en lien avec la précédente, la vitesse d’adoption et de PIB (comme celles qui renforcent les incitations à innover), tandis que d’autres diffusion des innovations diffère fortement d’un pays à l’autre. Par exemple, nous peuvent élever le niveau du PIB et donc seulement transitoirement sa croissance verrons que la diffusion des TIC est plus avancée aux États-Unis qu’en Europe. (comme celles qui permettent d’augmenter le taux d’emploi d’une ou plusieurs Ici encore, les institutions jouent un rôle crucial pour expliquer ces différences. catégories de personnes). Si le besoin de telles réformes est continu pour tous les En conséquence, les pays les plus avancés n’ont pas la garantie de le demeurer : pays, il est particulièrement important dans certains d’entre eux qui pâtissent cela dépend en grande partie de l’adaptation de leurs institutions aux nouvelles d’institutions inadaptées. De nombreux rapports et études soulignent à ce sujet que la vagues d’innovations. Ainsi, le pays le plus avancé, eu égard à son niveau de France et les quatre pays d’Europe du Sud qui sont également membres de la zone productivité, a changé au cours du XXe siècle. Au début de ce siècle, le Royaume- euro (Espagne, Grèce, Italie et Portugal) font partie des très rares pays de l’OCDE à Uni était encore le pays le plus avancé et le plus développé, tout du moins si l’on souffrir d’un chômage massif et de déficits courants et/ou publics récurrents et ont un considère les principaux pays avancés12, mais cette place lui a ensuite été ravie grand besoin de réformes structurelles ambitieuses pour sortir de ces difficultés. Comme cela a été évoqué, cet ouvrage porte essentiellement sur la croissance dans les années 1920 par les États-Unis, ce dernier pays tenant encore dans les pays les plus développés. Et, au sein des pays les plus développés, une aujourd’hui le leadership parmi les grands pays développés. De même, si le attention particulière y est portée à la France. Notre pays souffre de difficultés présent ouvrage est essentiellement consacré aux pays occidentaux, nous (chômage massif depuis plus de quatre décennies, déficit courant, large endettement évoquerons également certains pays dits émergents. Notamment, parce que public…) qui témoignent du besoin de réformes qui permettraient de dynamiser sa certains d’entre eux connaissent une évolution particulière de leur productivité. croissance de façon à la fois durable et soutenable. C’est notamment le cas de l’Argentine, dont le niveau de développement était Le premier chapitre de cet ouvrage s’intéresse aux finalités de la croissance, CHAPITRE 1 tandis que le deuxième chapitre est consacré à sa mesure et aux incertitudes La croissance, auxquelles elle se heurte, et que le chapitre 3 évoque les facteurs de la croissance. Le chapitre 4 revient sur la croissance observée dans les pays les plus avancés au pour quoi faire ? long du XXe siècle. Le chapitre 5 évoque la croissance des grands pays émergents et montre que les trajectoires de ces pays diffèrent fortement du fait d’une diversité des institutions en place. Le chapitre 6 zoome sur les caractéristiques de la troisième révolution industrielle associée à l’émergence et la diffusion des TIC. La question de la croissance envisageable sur les prochaines décennies est abordée dans le La croissance semble une notion abstraite, avec peu de conséquences sur nos chapitre 7, qui confronte ainsi les deux approches diamétralement opposées d’une vies. Les chiffres tombent chaque trimestre, parfois repris et commentés par les secular stagnation ou au contraire d’une forte vague de croissance portée par la médias, sans que nous percevions forcément le lien avec notre prospérité ou notre quatrième révolution industrielle associée à l’économie numérique. Enfin, le bonheur. Les trimestres de croissance forte, molle ou négative se suivent sans que chapitre 8 aborde le vaste sujet des réformes structurelles qui visent à adapter les notre activité professionnelle en soit forcément affectée. La naissance d’un enfant, institutions pour les rendre plus favorables à une croissance forte et soutenable. La une maladie, une séparation… ont bien évidemment plus d’influence sur notre nécessité de telles réformes en France y est tout particulièrement évoquée. bonheur que le dernier chiffre de croissance. Finalement, que nous importe la croissance ? La croissance a un impact baisses de dépenses publiques. Cet ajustement des finances publiques, à son tour, pèsera sur notre revenu après impôt, sur la santé des entreprises et de là sur nos sur la prospérité de tous salaires et nos emplois… Il est ainsi difficile d’échapper aux conséquences de la crise, quel que soit notre La croissance est un chiffre agrégé, qui laisse place à une grande variété de statut. Parmi les personnes apparemment immunisées des conséquences directes de la situations individuelles. Prenons l’exemple de la crise de 2008-2009. Avec une crise, les salariés de la fonction publique ont vu leur salaire progresser plus croissance négative de près de 3 % en France, cette crise est, Seconde Guerre lentement et leurs conditions de travail se dégrader en raison notamment de moindres mondiale mise à part, la plus grave depuis les années 1930, au point d’être qualifiée recrutements. Les salariés des grandes entreprises en CDI ont pu être indirectement de « Grande Récession ». Pourtant, au cœur de cette crise, certaines entreprises se touchés par les augmentations d’impôt et une dégradation des perspectives sont développées et ont même prospéré : 260 000 entreprises (et même plus de d’évolutions salariales. Enfin, les retraités ont pu être touchés par la dégradation de 580 000 si l’on y ajoute les 300 000 autoentrepreneurs) ont été créées en France en la valeur de leur épargne et un nouvel ajustement des dépenses de retraite ne peut 2009 et pour 5 % des entreprises de plus de 20 salariés, le chiffre d’affaires a même être exclu. augmenté de plus de 37 %. Malgré l’ampleur de la crise, on pouvait donc être À l’inverse, les Trente Glorieuses, cette longue période de croissance à partir de salarié, actionnaire ou dirigeant d’une entreprise en création ou en très bonne santé la fin de la Seconde Guerre mondiale, ont permis une amélioration considérable des économique. Néanmoins, pour la majorité des entreprises, les résultats ont baissé, niveaux de vie, dont la plupart des Français ont profité. Entre 1950 et 1983, le avec un recul moyen de près de 9 % du chiffre d’affaires1. Mais surtout, les pouvoir d’achat par adulte a augmenté en moyenne de 3,5 % par an pour la moitié de défaillances d’entreprises sont passées de près de 50 000 en 2007 à 63 000 en 2009. la population la moins riche, comme pour la population aisée (de 50 à 90 % de la Concernant le marché du travail, le taux de chômage a progressé mais n’a pas atteint distribution des revenus), et de 2,9 % pour les 10 % les plus riches2. Concrètement, les précédents sommets de 1997. Les emplois en CDI, surtout dans de grandes cet enrichissement s’est traduit par un bien meilleur équipement du foyer en voitures entreprises, n’ont pas été nécessairement menacés. Les salaires ont poursuivi leur et appareils ménagers, et une consommation de loisirs plus élevée (nous y progression et le pouvoir d’achat a été soutenu par la baisse des prix du pétrole. En reviendrons au chapitre 4). Dans le même temps, la protection sociale s’est élargie et revanche, les plus précaires ont payé le prix fort de la crise, les fins de contrat a mieux couvert tous les accidents et toutes les étapes de la vie (maladie, accidents d’intérim ou de CDD alimentant fortement le chômage. Le taux de pauvreté (défini du travail, chômage, vieillesse…). La pauvreté des plus âgés a notamment reculé par rapport à un seuil de 60 % du revenu médian) est ainsi passé de 13 % en 2008 à avec la création du minimum vieillesse en 1956 et sa multiplication par plus de trois 14,1 % en 2014. Et de l’autre côté du spectre de la richesse, les détenteurs de en termes réels entre sa création et 19803. Sur cette période, les congés payés sont patrimoine, notamment sous forme d’actions, ont également été touchés au travers de passés de deux semaines après la Seconde Guerre mondiale à cinq semaines en la baisse des prix de leurs actifs. 1982. Ainsi, si les Trente Glorieuses ont bénéficié à une large partie de la Finalement, pour les ménages, cette « Grande Récession » a surtout été population, ces bénéfices n’ont pas été uniformes et leur calendrier a pu être différent directement et immédiatement ressentie par les plus précaires et à un moindre titre d’une catégorie à l’autre. par les détenteurs d’actions. Néanmoins, cela ne veut pas dire que les autres n’en Au travers de l’exemple de la Grande Récession et des Trente Glorieuses, nous subiront pas les conséquences. Le choc de la crise a en effet été amorti par les voyons que l’impact de la croissance sur notre prospérité, nos emplois et nos finances publiques, avec une progression de la dette souveraine à des niveaux inédits revenus n’est ni uniforme, ni immédiat. Les chiffres agrégés cachent une grande en période de paix, atteignant près de 100 % du PIB. Le remboursement de cette diversité de situations. Une part des entreprises peut être protégée contre une crise dette publique pèsera à long terme sur le pouvoir d’achat, quelles qu’en soient les majeure quand d’autres seront touchées de plein fouet. Certains emplois ne seront modalités. En effet, elle occasionnera nécessairement des hausses d’impôt ou des pas menacés quand d’autres seront les premiers à souffrir de la crise. Mais à long terme, la croissance aura un impact sur la prospérité de tous. La croissance fait-elle le bonheur ? C’est le « paradoxe d’Easterlin », du nom de l’économiste qui l’a énoncé le premier. Ce paradoxe a été constaté dans de nombreux pays, avancés ou non. Easterlin5 a montré que dans les pays développés, le niveau de bonheur moyen La relation entre croissance et bonheur est complexe. Une branche de ne semble pas augmenter avec le niveau de PIB par habitant. Ce constat a suscité une l’économie, l’« économie du bonheur », s’est ainsi intéressée à ce qui détermine abondante littérature6 dont le consensus semble être que : notre bonheur, tel que mesuré par les enquêtes de satisfaction dans la vie, la Au cours du temps, le niveau de développement moyen influence le bonheur de consommation de psychotropes, le nombre de suicides ou d’autres indicateurs de chaque individu, mais avec un impact de moins en moins fort au fur et à mesure santé reflétant le bonheur. Ces mesures, très cohérentes, dégagent des régularités de l’augmentation du niveau de développement. Le gain peut finir par devenir empiriques valables quel que soit le pays ou l’époque. Les caractéristiques marginal, ce qui explique le constat d’Easterlin sur les pays industrialisés. Mais individuelles ont un impact majeur sur le bonheur. L’âge en particulier détermine un une relation positive apparaît nettement dans les pays émergents au cours de leur profil en « V » du bonheur au cours de la vie, avec une baisse régulière de 20 à développement. 45 ans puis une remontée jusqu’à l’âge de la retraite. D’autres caractéristiques non Le statut relatif de chaque personne par rapport à la moyenne de la population ou économiques interviennent, ainsi les femmes, les personnes en couple ou ayant des par rapport à un groupe de référence peut influencer son bonheur personnel. Le relations sociales riches sont plus heureux que les autres, toutes choses égales par bonheur se perçoit ainsi de façon relative aux autres : les plus riches dans une ailleurs. société se déclarent plus heureux, comme les pays les plus riches ont des indices Les études mettent également en avant le rôle de la génétique. À partir d’études de bonheur moyens plus élevés. Dans son groupe social, voir des individus sur des jumeaux, des chercheurs estiment que la moitié des différences de bonheur mieux lotis est source de frustration. Au niveau international, le progrès des entre individus tiendrait à la génétique4. Une partie importante du bonheur relève technologies de l’information permet désormais de constater les différences de ainsi de caractéristiques individuelles sur lesquelles la croissance et l’économie en conditions de vie partout sur la planète. Un revenu plus faible par rapport à général n’ont pas de prise. d’autres pays entraîne à terme ce type de frustration. Prenons l’exemple du Pourtant, croissance et bonheur ne sont pas sans lien. À court terme, cette progrès médical : savoir qu’un traitement coûteux dans un pays plus riche relation est même très étroite. En effet, un déterminant majeur du bonheur est le permettrait de soigner une maladie incurable dans notre pays paraît difficilement chômage : au-delà de l’effet de la seule perte de revenu occasionnée par le chômage, acceptable ; pourtant, c’est bien déjà le cas pour la France face à certains les chômeurs sont moins heureux que les personnes en emploi. Or, dans ses traitements, par exemple ponctuellement contre l’hépatite C7. variations, le chômage est étroitement lié à la croissance, qu’il suit généralement Le bonheur moyen de la population est décroissant avec le niveau d’inégalités. avec quelques trimestres de retard. C’est donc une des raisons pour lesquelles le En effet, la relation entre le gain de bonheur et le revenu personnel relatif est bonheur suit le cycle de la croissance. En période de récession, le bonheur baisse et concave. Autrement dit, le bonheur augmente avec le revenu, mais de moins en il augmente en période de reprise. Cela n’est qu’un effet de court terme. moins vite. Donc à des niveaux élevés de revenu, l’effet relatif prend une Au-delà de la durée d’un cycle économique, chômage et croissance ne sont pas importance croissante pour expliquer le bonheur de chaque individu : nous nécessairement corrélés : depuis 2000, l’Allemagne a eu un taux de chômage plus devenons plus sensibles à la comparaison de notre niveau de revenu avec celui faible que la France avec une croissance similaire. Le taux de chômage de long terme des autres plutôt qu’à la progression de ce niveau de revenu. Le décideur public dépend en effet des caractéristiques structurelles du marché du travail, et notamment est alors face à des arbitrages délicats entre politiques d’allocation, qui peuvent de sa capacité à former et intégrer les plus précaires. influencer le bonheur moyen en augmentant la croissance, et politiques de À plus long terme, la relation entre bonheur et PIB est donc complexe. Alors que redistribution, qui modifient surtout le bonheur relatif. le bonheur déclaré reste stable autour d’une moyenne depuis les années 1970, le PIB Les travaux les plus récents, comme ceux de Betsey Stevenson et Justin par habitant a été multiplié par près de 2 dans les pays avancés sur cette période. Wolfers8, montrent que le bonheur est continûment croissant avec les revenus, l’apporte par rapport aux générations antérieures. L’échelle de bonheur se décalerait même dans les pays les plus développés, et dans un autre papier avec Daniel ainsi avec le progrès moyen de la société dans laquelle les personnes interrogées Sacks9, les deux auteurs montrent de plus que la satisfaction (le bonheur) évoluent. Sans que cela se reflète complètement dans les résultats des enquêtes, la moyenne est, toutes choses égales par ailleurs, plus forte dans les pays en croissance, largement fondée sur le progrès technique au XXe siècle, a ainsi pu croissance, et d’autant plus forte que cette croissance est forte. La psychologie augmenter sensiblement notre niveau de bonheur. expérimentale a en effet mis en évidence l’importance des perspectives Comme on le voit, la relation entre croissance et bonheur n’est pas directe mais d’évolution dans la perception du bonheur. Notre bonheur est renforcé par elle est présente. À court terme, elle passe notamment par les fluctuations du l’anticipation d’un événement heureux, comme ceux que peuvent apporter la chômage. À long terme, une croissance négative nous priverait de biens que nous croissance et l’augmentation de la consommation ou des loisirs qu’elle peut jugeons comme acquis et pèserait sur notre bonheur. Une baisse de la croissance générer. réduit nos perspectives de progrès professionnel ou d’amélioration de notre bien- Par ailleurs, des travaux récents menés par l’économiste du bonheur Claudia être. Une croissance relative plus faible sera source de frustration face à Senik10 montrent que les Français se placeraient, toutes choses égales par l’impossibilité d’accéder aux nouvelles technologies, médicales ou autres. ailleurs, à un niveau moins élevé sur l’échelle du bonheur que d’autres nationalités. Cela s’observe, y compris durablement pour les Français vivant à l’étranger et, progressivement, pour les étrangers vivant en France. Cette particularité ne serait pas liée au langage et n’aurait d’autre explication que des facteurs culturels, voire génétiques11. Une explication du « paradoxe d’Easterlin » pourrait être une réévaluation de l’échelle utilisée dans l’enquête au cours du temps par les personnes interrogées. Cette échelle, fixe dans le temps et bornée entre deux chiffres, pourrait être interprétée en termes relatifs par les personnes interrogées. Une même valeur de cette échelle pourrait ainsi correspondre à un bonheur plus élevé au fur et à mesure de l’élévation du PIB par habitant. L’apport de la psychologie expérimentale vient étayer le lien entre croissance et bonheur. On observe en effet une tendance à s’habituer à un certain niveau de bien-être considéré comme acquis. Il nous serait très difficile de nous passer du confort apporté par le progrès technologique. Une fois habitué aux appareils domestiques permettant de gagner en productivité dans les tâches ménagères (machine à laver, aspirateur…), aux progrès médicaux, aux nouveaux outils de communication, aux nouveaux modes de transport… leurs pertes pèseraient sur notre bien-être. Nous considérons la possession d’un téléphone comme normale et non comme un élément contribuant à notre bonheur en permettant de communiquer régulièrement avec nos proches. Cela se reflète dans les réponses aux enquêtes : dans une société où il est normal de posséder un téléphone, sa possession ne sera pas considérée comme contribuant à un surcroît de bonheur par rapport aux autres membres de la société, alors qu’elle Une croissance sans limite ? des flottes aéronautiques avec des avions plus économes en carburant. De même, la réglementation peut accélérer ce type de R&D et d’investissements. Selon des travaux menés notamment par Philippe Aghion15, un système fiscal pénalisant les Néanmoins, si la croissance entraînait un effondrement écologique, par la énergies sales pousse les entreprises à se réorienter vers des innovations plus pollution, le réchauffement climatique ou l’attrition de la biodiversité, il est clair que propres et crée un cercle vertueux de l’innovation verte dont bénéficient les autres cette catastrophe ruinerait notre bonheur, si ce n’est notre survie même. Est-il entreprises du même secteur. Selon Jean Tirole16, des prix du CO identiques dans raisonnable de penser que l’économie va croître de manière infinie ? On attribue 2 tous les pays et tous les secteurs, avec une trajectoire à la hausse claire, ainsi à l’économiste américain Kenneth E. Boulding la citation suivante : « Celui qui constitueraient la politique la plus efficace. Par son caractère mondial, elle éviterait croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste12. » que certains pays ne basent leur avantage compétitif sur un moins-disant écologique. En donnant une trajectoire claire, elle permettrait aux entreprises de prévoir les La croissance actuelle n’est de toute évidence pas soutenable. Au cours du XXe siècle, les émissions de CO ont augmenté de façon parallèle à la croissance. investissements nécessaires et leur rentabilité à terme, sachant que ce type 2 d’investissement a un horizon particulièrement long. Les revenus de cette taxation Cela est en grande partie lié à notre mode de consommation énergétique, largement des émissions de CO pourraient servir à financer ou subventionner la recherche basée sur les énergies fossiles. Sur la tendance actuelle, le réchauffement climatique 2 dans les énergies propres ou le stockage du carbone. entraînerait une hausse de 4 voire 5 °C de la température mondiale à la fin du Néanmoins, en l’absence de consensus sur la mise en place de cette taxation XXIe siècle par rapport à la fin du XIXe siècle. L’OCDE a chiffré ce coût entre 2 et mondiale du CO, compte tenu notamment de l’orientation de la nouvelle 10 % du PIB mondial à l’horizon de 2100, avec une répartition de ces coûts très 2 administration américaine, de nombreux autres instruments sont à la disposition de inégale entre pays13. Mais ce chiffrage est fondé sur l’hypothèse que les coûts sont chaque État. En matière de financement, par exemple, il s’agit de soutenir proportionnels à la hausse des températures, alors qu’ils pourraient être non linéaires l’investissement de très long terme nécessaire à la transition énergétique, notamment si la hausse des températures dépasse significativement 2 °C et pourraient croître de en lui donnant un environnement macroéconomique, réglementaire et fiscal stable. façon vertigineuse au-delà d’un certain seuil. L’évolution des modes de consommation peut également favoriser une croissance Dans ces conditions, la croissance est-elle intrinsèquement condamnée par les plus respectueuse de l’environnement, comme on le voit avec le développement des limites environnementales de notre planète ? Cela n’est pas nécessairement le cas. produits bio. Tout d’abord, de nouvelles technologies, de plus en plus économes en énergie, voient De manière générale, il n’y a pas d’incompatibilité radicale entre croissance et le jour. Depuis les débuts de l’aviation commerciale, la consommation de carburant environnement, mais des politiques adaptées, dans tous les secteurs, et une prise de par passager-kilomètre a été réduite de moitié, grâce à l’amélioration des moteurs14. conscience sont nécessaires pour favoriser la soutenabilité environnementale de la Ces progrès des nouvelles technologies sont liés aux effets de réglementations plus croissance et notamment la transition énergétique. Au-delà de la question contraignantes, mais également aux chocs pétroliers successifs. Ils restent insuffisants spécifiquement énergétique, les autres dimensions de la soutenabilité de la face aux enjeux du changement climatique, mais montrent que croissance et croissance sont abordées par les économistes avec une approche semblable. Les environnement peuvent ne pas être incompatibles. D’une part, la croissance pourrait politiques engagées doivent, par un système de prix adapté, orienter l’allocation des devenir beaucoup plus économe en énergies fossiles et moins polluante. D’autre part, facteurs et les efforts de R&D de façon compatible avec la soutenabilité de la le développement de ces technologies moins polluantes est source de croissance. Il croissance et par exemple le respect de la biodiversité. demande des investissements en recherche et développement (R&D), puis des La montée des inégalités peut constituer une autre limite à la croissance. Une investissements pour acquérir les nouveaux équipements intégrant ces nouvelles croissance qui ne serait pas « inclusive », qui laisserait sur le bord de la route une technologies. partie de la population, pourrait générer d’une part une montée des extrêmes Ainsi, une nouvelle hausse des prix du pétrole peut accélérer le renouvellement

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