L'accord culturel du 6 mars 2007 portant création d'un musée universel du Louvre à Abou Dhabi BINDER Martin - IHEI – 2008/2009 Table des matières Introduction 4 Section 1. Accord de forme bilatérale classique 5 §1. Processus d'élaboration traditionnel A. Négociation i. contexte général ii. déroulement des négociations 6 B. Signature de l'accord 7 C. Ratification ou approbation? D. Publication §2. Traduction d'un phénomène de mode international 8 A. Accord culturel inscrit dans la lignée de conventions antérieures i. influence d'une convention multilatérale ii. « mode » entamée par d'autres conventions bilatérales 9 B. Accord teinté d'une contractualisation grandissante dans les relations entre États 10 Section 2. Accord novateur dans son contenu 11 §1. Création d'un musée à vocation universelle avec l'aide de la France A. Grandes ambitions du musée créé à Abu Dhabi i. qualité des expositions 12 ii. ambitions techniques B. Consistance de l'engagement Français 13 i. « L'Agence internationale des musées de France » : moyen d'action de la partie française ii. Rôle de cette agence 14 §2. Noyau dur de l'accord : l'utilisation du nom « Louvre » 16 2 A. Une exception à la propriété intellectuelle du musée du Louvre 17 i. Principe de l'exclusivité ii. termes généraux de l'exception 18 B. Une exception très encadrée 19 i. Limitations dans le temps et dans l'espace ii. Conditions strictes d'utilisation du nom §3. Larges garanties et contreparties obtenues par la France. 20 A. Garanties juridiques étendues i. Garanties fortes en faveur de la France pour la protection des biens envoyés et du nom utilisé ii. Garanties plus équilibrées dans les autres domaines 22 B. Contreparties financières généreuses 23 Conclusion 24 Bibliographie 25 Annexe I : Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats Arabes Unis relatif au musée universel d'Abou Dhabi 27 Annexe II : Accord additionnel à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats Arabes Unis relatif au musée universel d'Abou Dhabi portant dispositions relatives à la garantie des États Parties 45 Annexe III : Accord additionnel à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats Arabes Unis relatif au musée universel d'Abou Dhabi portant dispositions fiscales 46 3 Introduction « L'art est un département des aberrations » Jean Dubuffet Prospectus et tous écrits suivants Paris,Gallimard, 2001 Le sens de cette citation se vérifie tout à fait en étudiant l'accord culturel du 6 mars 2007 portant création d'un musée universel du Louvre à Abu Dhabi1. Cette entente entre la France et les Émirats Arabes Unis fait partie d'un projet gigantesque de construction à Abu Dhabi, capitale des EAU, sur l'île artificielle de Saadiyat où seront ainsi construits de nombreux hôtels de luxe, une piste de ski mais aussi plusieurs musées (dont le Louvre Abu Dhabi) afin de faire de ce lieu un carrefour culturel de premier plan. Le Louvre Abu Dhabi devrait être terminé en 2013 et coûter aux Émirats Arabes Unis 83 millions d'euros pour sa simple édification planifiée par l'architecte français Jean Nouvel. En outre, les Émirats Arabes Unis verseront de façon échelonnée environ 1 milliard d'euros aux musées français participant à l'opération en envoyant certaines de leurs œuvres. 400 millions d'euros seront destinés au seul Musée du Louvre, en contrepartie de l'utilisation de son nom. Quelles sont les motivations de l'État fédéral des Émirats Arabes Unis l'ayant poussé à conclure un tel accord et même à se lancer dans un projet culturel et touristique si ambitieux sur l'île de Saadiyat? Pour les connaître, il faut revenir brièvement sur l'histoire de cet État. Sans statut particulier pendant de nombreux siècles, ce n'est qu'en 1853 que les cheikhs locaux de ce territoire de la péninsule arabique concluent un traité avec le Royaume-Uni afin d'éviter la piraterie contre les navires britanniques. C'est alors la naissance des « États de la trêve » qui vont entrer rapidement dans l'empire colonial britannique. Ce n'est que très récemment que l'indépendance de ce territoire a été proclamée. En effet, le 2 décembre 1979, six émirats accèdent à l'indépendance et constituent une fédération qui sera un peu élargie par la suite. Le pays se développe rapidement grâce aux ressources pétrolières et gazières qui y sont découvertes, à tel point qu'il possède aujourd'hui le quatrième PIB par habitant du monde (43400 US Dollars par habitants en 2005). L'épuisement progressif des ressources fossiles a toutefois conduit les autorités du pays à entreprendre de nombreux projets touristiques, le but étant de diminuer la dépendance au pétrole ou au gaz. Certains 1 L'orthographe de la capitale des EAU est variable. Nous emploierons la plus fréquente : Abou Dhabi. 4 de ces projets ont déjà abouti et sont couronnés de succès. Ainsi, le Burj al-Arab, hôtel de luxe (7 étoiles) de Dubaï ayant la forme d'une voile est aujourd'hui très fréquenté. Le projet du Louvre Abu Dhabi s'inscrit dans cette perspective de diversification. Il l'est toutefois dans un domaine très particulier, le domaine culturel, et apparaît comme un tempérament de la convention UNESCO sur la diversité culturelle entrée en vigueur le 18 mars 2007 soit 12 jours après la signature de l'accord portant création du Louvre Abu Dhabi. Cette convention, que les Émirats Arabes Unis n'ont pas signé, mais en vigueur en France, affirme la spécificité des œuvres d'art et de l'esprit, et refuse catégoriquement de considérer les œuvres comme des marchandises. Or l'accord créant un musée universel du Louvre à Abu Dhabi, outre ses dispositions sur l'emploi du nom « Louvre » par le musée de l'émirat d'Abou Dhabi, prévoit une circulation assez poussée d'œuvres d'art issues de collections publiques de plusieurs musées français. La circulation d'objets d'art est donc possible par la conclusion de conventions bilatérales. L'accord culturel portant création d'un musée universel du Louvre à Abou Dhabi en est la preuve. Pour comprendre au mieux cet accord, il convient de savoir en quoi il s'inscrit dans une tradition conventionnelle établie, mais est toutefois novateur? L'accord portant création d'un musée universel du Louvre à Abou Dhabi est un accord bilatéral tout à fait classique quant à sa forme et à son processus d'élaboration (Section I) mais dans son contenu, cet accord est novateur (Section II). Il se distingue en effet des accords similaires qui l'ont précédé, et ce par l'intervention de plusieurs musées français au travers d'un mécanisme original. Il organise en outre l'utilisation du nom prestigieux du « Louvre » par ce musée émirati et prévoit des contreparties très généreuses pour la France. Section 1. Un accord de forme bilatérale classique. L'accord portant création du Louvre à Abou Dhabi2 est un accord qui, par sa forme, est extrêmement classique. Il s'inscrit en effet dans le processus d'élaboration traditionnel des accords internationaux (§1) mais traduit également diverses influences au point que l'on pourra parler de phénomène de « mode internationale » (§2). §1. Processus d'élaboration traditionnel La procédure qui a été suivie avant de parvenir à l'élaboration de cet accord est classique, tant en droit interne qu'en droit international. Il convient de revenir sur ces aspects extérieurs à l'accord (ce 2 L'accord a été annexé au présent mémoire pour plus de facilité dans son étude. 5 qui ne nous empêchera pas de mettre en évidence plus tard son originalité). Quatre étapes devront ici être étudiées. A. Négociations brèves. i. contexte général La volonté de créer un musée à l'image du « musée le plus visité et le plus connu dans le monde »3à savoir le Louvre, est venue aux Émirats Arabes Unis dans le cadre de leur projet sans pareil sur l'île de Saadiyat (signifiant en arabe « île du bonheur ») à 500 mètres au large de l'émirat d'Abou Dhabi, visant à en faire un gigantesque complexe touristique et culturel. L'île est ainsi destinée a comprendre des résidences, hôtels de luxe et terrains de golf mais surtout tout un quartier culturel de renommée mondiale dans lequel s'inscrit parfaitement un musée universel à l'image du Louvre. Les relations avec la France étant bonnes, un tel projet ne pouvait qu'aboutir. En effet, les Émirats Arabes Unis représentent un marché essentiel pour les entreprises françaises puisqu'ils sont le premier débouché commercial de la France au Moyen-Orient. De plus, ils ont déjà manifesté auparavant leur volonté d'entretenir des relations culturelles étroites avec la France (c'est ainsi que deux Alliances Françaises ont été crées à Abu Dhabi et à Dubaï, qu'une antenne de l'université Paris IV-Sorbonne a ouvert à Abu Dhabi, ou encore que des partenariats avec HEC et d'autres écoles de commerce françaises se sont développés4). ii. Déroulement des négociations Ainsi, les négociations ont été rapides. En effet, au mois de juin 2005, le Président de l'autorité du Tourisme d'Abou Dhabi, Cheikh Sultan bin Tahnoon, a exprimé le souhait de créer un partenariat avec le Louvre afin de construire un musée sur son modèle à Abou Dhabi. Dès ce moment là, des négociations ont été entamées, diverses lettres ont été envoyées et cela a abouti le 6 mars 2007 à la signature de l'accord intergouvernemental5. Ces négociations au travers d'échange de lettres constituent ce que certains auteurs appellent le « negotium »6. Il s'agit de l'accord de volonté des parties en lui-même et non du document écrit retranscrivant cet accord (dénommé, par opposition l'« instrumentum »). Ainsi, le negotium établi, la France et les Émirats Arabes Unis n'avaient plus qu'à signer l'instrumentum afin de concrétiser cet accord de volonté. 3 Message de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, adressé au cheikh Khalifa bin Zayed Al Nayhan, Président de la Fédération des Émirats Arabes Unis à l'occasion de la signature de l'accord intergouvernemental créant le Musée universel du Louvre Abou Dabi, http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/français/interventions/lettres_et_messages/2007/mars/message_adresse_au_presid ent_de_la_federation_des_e_a_u_a_la_suite_de_la_signature_de_l_accord_creant_le_musee_universel_du_louvre_abo u_dabi.73691.html 4 Informations tirées de la fiche n°13 du dossier de presse réalisé sur cet Accord et disponibles sur le site http://www.culture.gouv.fr/culture/actualités/index-aboudabi.html 5 Ibid. fiche n°3. 6 Arbour (J.-M.) & Parent (G.), Droit international public, Québec, éditions Yvon Blais, 5e éd., 2006, p. 94 6 B. La signature de l'accord. Cette signature a été apposée du côté Français par Renaud Donnedieu de Vabres, Ministre de la culture et de la communication. Pourquoi? Car au sens des articles 52 et suivant de la Constitution française de 1958, une différence est faite entre les traités qui relèvent exclusivement de la compétence du Président de la République (article 52) et les accords, négociés pour leur part par le Gouvernement7. Dans le présent cas, nous sommes en présence d'un accord au sens de la constitution française et cela explique l'intervention d'un ministre pour signer un tel accord bilatéral. Du côté des Émirats Arabes Unis, l'accord a été signé par le Directeur des autorités du tourisme, de la culture et du patrimoine, le sultan Bin Tahnoun Al Nahyan. Cette signature n'engageant en rien, il fallait encore qu'une ratification intervienne. C. Ratification ou approbation? La ratification est « l'acte juridique par lequel un État donne son consentement définitif à une convention qu'il a négociée et signée »8. L'accord étudié est une illustration parfaite de ce mécanisme. En France toutefois, une distinction est à faire entre la ratification et l'approbation (la convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 reprend cette distinction). La ratification est la voie en principe utilisée et relève du seul président de la République (article 52 de la constitution). Elle se manifeste plus concrètement par un échange de lettres. En revanche, l'approbation relève du gouvernement mais en pratique, l'effet de ces deux mécanismes seront strictement identiques : l'État sera engagé dans le respect de ses obligations. Pour marquer la différence, la constitution parle de traités qui sont ratifiés par le président et d'accords qui sont approuvés par le gouvernement. Reste à ajouter que l'article 53 de la constitution exige que, pour certains traités ou accords, la ratification ou l'approbation n'ait lieu qu'en vertu d'une loi d'autorisation. Cela concerne notamment les traités ou accords qui engagent les finances de l'État, ce qui, nous le verrons plus tard, concerne l'accord culturel portant création du Louvre à Abu Dhabi. En résumé, nous sommes en présence d'un accord international engageant les finances de l'État au sens de la constitution française (c'est-à-dire qui est approuvé par le gouvernement suite à une autorisation parlementaire). La loi autorisant l'approbation a effectivement été adoptée le 17 octobre 2007 et son titre est révélateur de tout le raisonnement exposé : « loi autorisant l'approbation entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats Arabes Unis relatifs au musée universel d'Abou Dabi ». D. Publication C'est par le décret du 1er septembre 2008 que l'accord a été publié au Journal Officiel de la République Française. Cette date est éloignée de la signature et de la loi autorisant l'approbation car 7 Combacau (J.) § Sur (S.), Droit international public, Paris, Montchestien, coll. Domat droit public, 7e édition, 2006, p. 123 où cette distinction est notamment faite. 8 Arbour (J.-M.) & Parent (G.), Droit international public, op. cit., p.101 7 plusieurs conditions n'étaient pas encore remplies et notamment l'approbation de l'accord par les autorités des Émirats Arabes Unis. Cette étude permet ainsi de constater que l'accord portant création du Louvre a Abu Dhabi est un accord bilatéral classique ayant fait intervenir tous les mécanismes conventionnels traditionnels. Il s'inscrit en outre parfaitement dans le courant international qui s'est développé ces dernières années dans le domaine culturel. §2. Traduction d'un phénomène de « mode internationale » Cette expression figurée paraît tout à fait adaptée pour décrire l'élaboration de l'accord portant création d'un Louvre à Abu Dhabi. En effet, la conclusion de cet accord intervient dans la lignée d'autres conventions conclues auparavant (A) et semble teintée par le mouvement de contractualisation9 des relations entre États qui s'est développé ces dernières décennies (B). A. Accord culturel inscrit dans la lignée de conventions antérieures Comme le font très souvent les internationalistes lorsqu'ils parlent de conventions internationales, il conviendra de distinguer l'influence d'une convention multilatérale (i) mais aussi celle de conventions bilatérales (ii). i. influence d'une convention multilatérale Renaud Donnedieu De Vabres, dans son allocution10 adressée aux directeurs et conservateurs des musées de France le 16 janvier 2007 mais aussi dans son discours prononcé à l'occasion de la signature de l'accord11, fit part d'une influence en particulier : celle de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles conclue dans le cadre de l'UNESCO le 20 octobre 2005 et à peine ratifiée par la France lors de ce discours (le 18 décembre 2006). Cette convention, entrée en vigueur le 18 mars 2007, soit trois mois après que la trentième ratification intervienne selon les exigences du texte, ne compte pas parmi ses membres actuels (96 États membres et la Communauté européenne) les Émirats Arabes Unis. Pourtant, elle reste importante car elle traduit un mouvement particulier et explique en partie la raison pour laquelle l'accord bilatéral portant création d'un Louvre à Abu Dhabi a été conclu. Rappelons brièvement le rôle de l'UNESCO. Cette organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, née le 16 novembre 1945, est une agence spécialisée des Nations Unies. Son mot d'ordre est de « construire la paix dans l'esprit des hommes à travers l'éducation, la science, la 9 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, Quadrige/PUF, 7e éd., 2005, p.225 où contractualisation est défini comme un « choix de politique juridique en faveur d'un traitement contractuel des questions » ce qui correspond au mouvement amorçé dans les relations interétatiques ces dernières années. 10 Cf dossier de presse réalisé sur l'accord, op. cit. Dans les annexes 11 Discours de Renaud Donnedieu de Vabres, Signature de l’accord « Louvre Abou Dabi » Abu Dhabi - Palais des Emirats - mardi 6 mars 2007, http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/index-aboudabi.html rubrique discours 8 culture et la communication »12 et tout l'intérêt de cette organisation apparaît alors clairement : alors que l'ONU s'occupe d'assurer matériellement la paix dans le monde, l'UNESCO a pour sa part une mission plus subjective. Cela se traduit dans la conclusion de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles dont la particularité est d'affirmer la valeur non commerciale des activités, biens et services culturels. Si cette affirmation est contenue pour la première fois dans un instrument international, l'idée avait déjà été soulevée auparavant et notamment par Siehr Kurt dans un article « Museum and international law »13 paru en 1993. Ainsi les œuvres d'art ne seront pas considérées comme des marchandises et, pour assurer leur circulation, il faudra conclure des traités bilatéraux. Cela démontre l'utilité de l'accord portant création d'un Louvre à Abu Dhabi car si les œuvres d'art avaient été considérées comme des marchandises, les accords de l'Organisation Mondiale du Commerce auraient été applicables, les Émirats Arabes Unis étant membre de l'OMC depuis le 10 avril 1996. Cela aurait abouti à une libéralisation des échanges de biens culturels et l'accord étudié n'aurait pas été nécessaire. Mais, comme nous venons de le voir, la convention UNESCO sur la diversité culturelle a permis d'échapper à ce risque. L'accord culturel portant création d'un Louvre à Abu Dhabi en est le témoignage. ii. « mode » entamée par d'autres conventions bilatérales Il est en effet possible de parler de « mode » puisque plusieurs « ententes »14 du type de l'accord portant création du Louvre à Abu Dhabi ont été conclues auparavant, ou vont l'être dans un futur proche. Ce « phénomène nouveau », décrit par Renaud Donnedieu de Vabres dans ses deux discours précités, a débuté dans le cadre de l'exportation du musée Guggenheim de New York en Allemagne (Deutsche Guggenheim Berlin qui a ouvert en 1997), en Espagne (Guggenheim Bilbao également de 1997) mais aussi beaucoup plus récemment aux Émirats Arabes Unis à Abu Dhabi avec la signature d'un protocole d'accord (« memorandum of understanding ») le 8 juillet 2006 portant création d'un musée Guggenheim sur l'île de Saadiyat et dont la construction, supervisée par l'architecte Frank Gehry, devrait s'achever d'ici 201115. Cet accord, conclu un peu moins d'une année avant l'accord instituant le Louvre à Abu Dhabi, semble avoir véritablement ouvert la voie aux achats de musées étrangers. A cela se sont ajoutés divers projets envisagés avec des musées français et notamment l'implantation d'un centre Pompidou à Shanghaï. Ce projet a été ralenti 12 www.unesco.org/fr rubrique « UNESCO en bref » 13 Cf. S. Kurt, « Museum and international law », in Recueil des cours – Académie de droit international de La Haye, 1993, p.64 où il emploie l'expression latine de « res extra commercium » 14 Il faut parler ici d'ententes car certains des accords qu'il convient de décrire à présent ne sont pas à proprement parler des accords bilatéraux au sens du droit international. Cf B. Accord teinté d'une contractualisation grandissante dans les relations entre États 15 Cf Carol Vogel, « Guggenheim foundation and Abu Dhabi plan museum there », The New York Times, 9 juillet 2006 disponible sur le site www.nytimes.com 9 dernièrement suite aux difficultés diplomatiques entre la France et la Chine16, mais reviendra sans doute très vite d'actualité. Ce mouvement général a été très critiqué, spécialement dans le cadre de l'instauration d'un Louvre à Abu Dhabi. De nombreux directeurs et conservateurs Français se sont opposés à ce projet lorsqu'il a été annoncé, estimant que cette commercialisation des œuvres d'art est néfaste pour le patrimoine Français et considérant ce projet comme « alarmant » puisqu'il prévoit des « prêts à long terme » privant ainsi « les sept millions de visiteurs annuels du Louvre » d'œuvres essentielles, le gouvernement méprisant par là les visiteurs pour leur « engouement monomaniaque pour La Joconde »17. Malgré ces critiques virulentes, l'accord créant un Louvre à Abu Dhabi a été signé et ratifié. Une « mode » d'exportation de musées de renommée internationale s'est indéniablement développée. B. Accord teinté d'une contractualisation grandissante dans les relations entre États Afin de cerner l'objet de cette subdivision, il faut au préalable bien comprendre l'emploi du terme de « contractualisation ». Cela part d'un constat simple : depuis le début du XXème siècle s'est développée une vision très économique des relations entre États. En effet, cela s'observe en droit du commerce international où les États qui avaient à l'origine un simple rôle de régulateur des relations commerciales internationales (en édictant différentes règles) se sont vu dotés, surtout à l'issue de la Seconde Guerre mondiale d'un rôle d'opérateur dans le commerce international18. C'est ainsi que les États sont intervenus de façon grandissante dans la signature de contrats internationaux. Même si ces contrats particuliers ont posé de multiples problèmes de qualification (notion de contrat d'État posée par la doctrine et notamment F. A. Mann, P. Weil et P. Mayer) ou encore de rattachement (plusieurs propositions de loi applicable avaient été faites avec un grand débat sur l'application ou non du droit international public19), ils démontrent qu'une contractualisation des relations entre États s'est bien enclenchée. Quel est donc le lien avec l'accord culturel portant création d'un Louvre à Abu Dhabi? Il s'inscrit dans un même mouvement. En effet, il s'apparente dans toutes ses dispositions à un contrat: clause de choix de loi applicable (article 18 de l'accord. Cf Suite); clause de règlement des différends (article 10 et article 18 de l'accord. Cf suite). Formellement, il n'en est pas un, car cet accord a été conclu entres deux États (ou du moins par leurs représentants respectifs) et constitue un traité bilatéral classique, mais il peut s'apparenter à une relation contractuelle. Cette affirmation est renforcée lorsqu'on considère le protocole d'accord conclu pour la création du 16 Cf Brice Pedroletti & Michel Guerrin, « Le projet d'antenne du Centre Pompidou à Shanghaï se heurte aux réalités chinoises », Le Monde, 12 septembre 2007 disponible sur le site www.lemonde.fr 17 Cf Article de Françoise Cachin, Jean Clair et Roland Recht, « Les musées ne sont pas à vendre », Le Monde, 13 décembre 2006 disponible sur le site www.lemonde.fr 18 Cf sur cette distinction notamment J.-M. Jacquet, « L'État, opérateur du commerce international », JDI 1989, p.621 19 Mouvement doctrinal très bien résumé dans l'article de M. Charles Leben, « Retour sur la notion de contrat d'État et sur le droit applicable à celui-ci », in Mélanges offerts au professeur H. Thierry, Paris, Pedone, 1998, p.247-280 10
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