Document d’orientation L’accès de mineurs roms non accompagnés aux droits fondamentaux : Besoins, défis et solutions ? Avril 2013 Katja Fournier Laetitia Van der Vennet Cofinancé par le Programme Droits fondamentaux et Citoyenneté de l’Union Européenne Table des matières Introduction ............................................................................................................................................. 3 I. Les mineurs roms non accompagnés .............................................................................................. 4 a) Qui sont-ils ? ................................................................................................................................ 4 1. Que sont des mineurs non accompagnés ? ............................................................................. 4 2. Qui sont les Roms ? ................................................................................................................. 6 b) Où vivent-ils ? .............................................................................................................................. 9 II. L’accès aux mineurs non accompagnés et le cadre légal applicable ............................................. 10 a) Comment entrer en contact avec eux ? .................................................................................... 10 b) Cadre légal ................................................................................................................................. 11 1. Cadre international................................................................................................................ 12 2. Cadre légal et politique européen ......................................................................................... 14 3. Cadre légal belge ................................................................................................................... 15 III. L’accès aux droits fondamentaux : obstacles et violations récurrentes ................................... 16 a) Obstacles transversaux .............................................................................................................. 16 b) Besoins et obstacles à l’accès aux droits fondamentaux spécifiques ....................................... 21 IV. Quelles approches, quels outils ? .............................................................................................. 27 a) Quelles sont les spécificités culturelles qui doivent être intégrées dans l’aide et le soin qui pourraient être proposés ? ............................................................................................................... 27 b) Sensibilisation et fourniture d’informations dans les communautés roms sur les droits fondamentaux ................................................................................................................................... 29 c) La sensibilisation et la formation des acteurs sociaux et institutionnels .................................. 30 V. Création d’un réseau ..................................................................................................................... 31 a) Cartographie sociale .................................................................................................................. 31 b) Entretien du réseau ................................................................................................................... 33 c) Organisation d’un système d’orientation.................................................................................. 33 VI. Conclusion ................................................................................................................................. 35 VII. Recommandations ..................................................................................................................... 37 Bibliographie.......................................................................................................................................... 38 2 Introduction Les mineurs roms non accompagnés constituent une catégorie spécifique qui nécessite une attention particulière, étant donné qu’il s’agit d’un groupe difficile à atteindre et qu’ils sont fréquemment confrontés à l’exploitation, qu’elle soit économique ou sexuelle. Beaucoup sont vulnérables et très souvent victimes de discrimination. En outre, leur accès à leurs droits fondamentaux n’est pas garanti. Il s’agit d’une réalité commune à beaucoup d’Etats Membres de l’UE1. De plus, on sait très peu de choses sur les conditions de vie exactes de ces mineurs, ou à quel point ils ont accès à leurs droits fondamentaux. Comme on sait que cette catégorie de mineurs se méfie des institutions, il existe un besoin de savoir comment les approcher et quels sont leurs besoins spécifiques, en vue de favoriser leur accès à leurs droits de façon efficiente et efficace. L’accès à leurs droits est fondamental pour leur permettre de réaliser leur projet de vie. Le présent document d’orientation2 s’inscrit dans un projet européen plus large baptisé « Promouvoir l’accès aux droits fondamentaux des mineurs étrangers non accompagnés hors dispositif de protection au sein de l’Union Européenne » (PUCAFREU), qui vise à « analyser les causes qui entravent l’accès des mineurs non accompagnés et séparés (MNA) sans protection à leurs droits fondamentaux tels que définis par la législation internationale et européenne. »3 Le projet, cofinancé par la Commission Européenne, comporte plusieurs axes de travail, dont l’un se concentre sur les mineurs roms non accompagnés en Belgique. L’objectif original de cet axe de travail était de mettre en place un système de conseil et d’accompagnement en Belgique, qui permettrait aux MNA roms de recevoir des informations et des conseils pour promouvoir l’accès à leurs droits fondamentaux. Nous avons organisé plusieurs tours de consultation avec des experts des droits de l’enfant et des Roms en Belgique pour construire le mécanisme de conseil et d’accompagnement direct. En outre, nous avons mené des interviews avec des tuteurs, des services sociaux, des avocats, des mineurs roms, des médiateurs et des organisations culturelles en vue d’arriver à une compréhension détaillée de la réalité juridique, sociale et culturelle à laquelle sont confrontés ces mineurs. Parallèlement, un comité d’accompagnement multidisciplinaire a été mis en place afin de collecter des informations exactes, d’identifier les acteurs centraux et d’assurer que notre projet réponde de façon adéquate à des besoins réels, et non des besoins imaginés. Par le biais de ces différentes actions, nous avons identifié les besoins de ces mineurs et la manière de les approcher. Suite à ces démarches à facettes multiples, il est devenu évident qu’une approche directe (sans intermédiaires sociaux et/ou culturels) semble présenter peu de chances de succès, étant donné que des prérequis, comme une sensibilisation et une formation des acteurs, étaient nécessaire avant même de tenter des consultations directes. Le manque général de connaissances de leurs droits par les mineurs roms est également devenu évident. Le projet pilote a donc été adapté sur la base de ces résultats. 1 Réseau européen des Migrations, Policies on Reception, Return and Integration arrangements for, and number of, Unaccompanied Minors- An EU Comparative Study, Mai 2010 2 Le présent document d’orientation a été élaboré par Katja Fournier et Laetitia Van der Vennet avec l’aide de Julien Blanc. Ce texte a été traduit à partir de l’anglais. 3 Pour de plus amples informations sur PUCAFREU, veuillez consulter www.pucafreu.org 3 Sur la base des résultats de recherche préliminaire, nous avons adapté les objectifs afin de : (cid:1) Accroître les connaissances sur les méthodes pour approcher les mineurs, leurs besoins et les violations les plus fréquentes de leurs droits. Ces connaissances sont utiles pour les acteurs de terrain, les institutions et les organisations d’aide dans tous les Etats Membres. (cid:1) Organiser des séances de formation et d’information s’adressant directement à 100 personnes (y compris des MNA dans la mesure du possible), qui fournissent déjà de l’aide aux mineurs roms, ou sont en contact potentiel avec eux. Le groupe cible indirect attendu de ces séances se compose de 80 à 100 mineurs roms non accompagnés. (cid:1) Mettre en place un réseau durable de 10 à 20 organisations avec des contextes et des expertises différents qui fournissent une assistance adéquate aux MNA roms. (cid:1) Développer un plan de travail pratique pour un système de conseil destiné aux organisations en contact avec des MNA roms, transposable à d’autres Etats Membres. Le présent document d’orientation s’inscrit dans le dernier point et vise à aider les (organisations dans des) Etats Membres de l’UE qui travaillent ou souhaitent travailler avec des MNA roms en (i) décrivant qui sont les MNA roms en Belgique; (ii) identifiant les obstacles juridiques et pratiques dans la législation européenne et belge du point de vue des droits des MNA (roms); (iii) analysant les obstacles culturels et structurels pour atteindre ou travailler avec ces mineurs; (iv) proposant un plan de travail pour la mise en place d’un système de conseil; et (v) en formulant certaines recommandations pour les décideurs politiques et les praticiens. I. Les mineurs roms non accompagnés a) Qui sont-ils ? 1. Que sont des mineurs non accompagnés ? La loi belge sur la tutelle se réfère aux mineurs étrangers non accompagnés (MENA). En Belgique, un MENA, tel que défini par l’article de la Loi sur la tutelle, est une personne qui doit satisfaire aux quatre conditions suivantes: (cid:1) Avoir moins de 18 ans, (cid:1) Être non accompagné d’une personne exerçant l’autorité parentale ou la tutelle sur le mineur, (cid:1) Être originaire d’un pays qui ne fait pas partie de l’Espace Economique Européen (EEE), (cid:1) Être demandeur d’asile ou ne pas remplir les conditions pour entrer ou résider sur le territoire belge. En Belgique, la définition du mineur non accompagné, qui donne droit à un tuteur, ne comprend pas les catégories suivantes : (cid:1) MNA qui sont des ressortissants de l’EEE. Ceci peut poser un problème, particulièrement aux mineurs originaires de Bulgarie et de Roumanie, présents en nombre relativement important en Belgique (lorsque ces deux Etats sont devenus membres de l’UE, de nombreux mineurs ont été exclus de cette loi et ont perdu leur protection d’un jour à l’autre). Nous reviendrons à ce point spécifique dans la section III.B du présent document d’orientation. 4 (cid:1) MNA qui possèdent un document de voyage valides à l’entrée (p. ex. pour la réunification familiale, le tourisme, les études, etc.). Ils peuvent être considérés comme MNA si leur séjour devient irrégulier – en d’autres termes, lorsque la validité du document expire. Comme la définition belge exclut certains mineurs qui sont de facto non accompagnés, nous utiliserons le terme « MNA » selon la définition fournie par la Déclaration de bonne Pratique du Programme des Enfants Séparés en Europe (PESE)4. Un MNA est tout celui qui est : (cid:1) Âgé de moins de 18 ans, (cid:1) Hors de son pays d’origine, (cid:1) Séparé de ses deux parents ou de son répondant autorisé par la loi/par la coutume. Des MNA sont arrivés en Belgique depuis le début des années 1990.5 Le phénomène s’est stabilisé au début des années 2000, mais on note une augmentation des arrivées depuis 2008. A l’heure actuelle, on signale chaque jour au moins 8 MENA en Belgique. En 2011, on a identifié 3 200 MENA.6 Ce groupe se caractérise par son hétérogénéité. En effet, peu d’autres états de l’UE accueillent une telle variété de nationalités et de profils de MENA que la Belgique. En vue de comprendre la variété des qualifications requises pour travailler avec des MNA et les aider à avoir accès à leurs droits, nous devons analyser plus en profondeur la variété des profils des mineurs. De nombreuses subdivisions ont été proposées sur la base des différents profils des MNA. Angélina Etiemble7 distingue cinq « types » de MNA : les mineurs exilés, les mineurs mandatés, les mineurs exploités, les fugueurs et les errants. Margot Cloet8 a proposé elle aussi une typologie plus détaillée, spécifique pour les MNA en Belgique, et les a divisé en huit sous-groupes. Parmi les sous-groupes de MNA présents en Belgique, on a noté la présence de MNA roms : des MNA qui se déplacent en groupes de personnes d’une même communauté. D’après Cloet, la plupart de ceux-ci travaillent dans l’économie informelle. Sur la base de notre expérience et des résultats de nos recherches, nous proposons les sous-groupes suivants, qui constituent le groupe-cible du ce document d’orientation. Il est cependant fondamental de conserver une analyse individuelle des besoins de chaque MNA et d’avoir une prudence extrême face à toute généralisation basée sur la nationalité ou l’origine ethnique. Les MNA roms peuvent être entre autres : (cid:1) Des MNA demandeurs d’asile originaires d’une ancienne république de Yougoslavie ou de groupes fuyant la guerre ou les persécutions ou discriminations ethniques, 4 Déclaration de bonne Pratique du Programme des Enfants Séparés en Europe, 4e édition révisée, 2009, p. 3. Nous utiliserons uniquement d’autres termes (tels que mineur non accompagné) si le terme est employé dans la législation ou la littérature citée. 5 Senovilla Hernandez, D., La situation et le traitement des mineurs étrangers non accompagnés en Europe. Etude comparée de 6 pays : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni, Observatoire International de la Justice Juvénile, septembre 2007, p. 23 6 Sources : statistiques du Service de Tutelle. 7 Etiemble, A., « Les mineurs isolés en France », Migration Etudes, N° 109, septembre-octobre 2002, pp. 6-7 8 Cloet, M., Voldongen feit? Opvang en begeleiding van buitenlandse, niet begeleide minderjarigen, 2007, Garant, Antwerpen-Apeldoorn 5 (cid:1) Des filles non accompagnées vivant avec leurs beaux-parents après un mariage coutumier précoce. Elles peuvent soit s’être mariées dans leur pays d’origine et avoir émigré ensuite vers un état de l’UE, soit s’être mariées après leur émigration, (cid:1) Des MNA quittant leur pays sans leurs parents en quête d’une vie meilleure, (cid:1) Des MNA exploités par un membre de la famille, des beaux-parents ou un réseau9, (cid:1) Des MNA résidant chez des membres de la famille élargie en Belgique, tandis qu’un ou les deux parents vi(ven)t dans un autre état de l’UE. Comme nous visons un groupe spécifique de MNA – les MNA roms, nous devons comprendre qui sont les Roms, où ils vivent, ainsi que leur vision de la vie et de la communauté, avant d’être capables de développer des stratégies spécifiques en vue de les approcher. 2. Qui sont les Roms ? Tous les gens du voyage en Belgique ne sont pas des Gitans10 et tous les Gitans ne sont pas des Roms. Les Gitans sont un groupe ethnique hétérogène en raison, entre autres, des différences de histoires migratoires qui sont à l’origine des différents groupes itinérants. On estime que le groupe dans son ensemble est originaire de la région du Rajasthan en Inde, où ils ont commencé leur migration vers l’ouest, via l’Iran, il y a environ 1 000 ans.11 Les différents groupes de Gitans ont des passés migratoires différents car ils se sont établis dans différentes régions, qu’ils ont quittées à nouveau à différents moments à cause de persécutions ou d’autres raisons. La première mention de la présence de Gitans à Bruxelles date de 1420. Bien qu’on ait affirmé que les raisons de leur migration fussent purement économiques,12 ces Gitans se présentaient eux- mêmes comme des pèlerins de la « Petite-Egypte »13 en Grèce, et sont probablement les ancêtres des Manouches et Sinti d’aujourd’hui. Bien qu’ils aient été bien accueillis au début, la répression est rapidement instaurée, et au cours des XVIe et XVIIe siècles, ils ont été mis hors-la-loi et pourchassés à travers toute l’Europe. Cette expérience marque le début du développement d’une identité basée sur la différence entre les Gitans d’une part et les Non-Gitans (« gadjé »14) de l’autre15. Une deuxième 9 Peyroux, O., « Exploitation des mineurs d’Europe de l’Est : du mythe de la question rom à une typologie traditionnelle », juin 2010 10 Ceux qu’on appelle « voyageurs » sont un groupe de personnes belges autochtones itinérantes, qui ne sont pas des Gitans, par exemple (http://www.minderhedenforum.be/2participatie/200906WiezijnWoonwagenbewoners.htm#voyageurs; consulté le 16.08.2012) 11 http://www.crystalinks.com/romapeople.html (consulté le 10.08.2012) 12 Elena Marushiakova & Veselin Popov, n.d., De l’Est à l’Ouest. Chronologie et typologie des migrations tsiganes en Europe (du XVème siècle jusqu’à présent). Migrations Tsiganes numéro 27-28, pp. 10-25. 13 La Petite Égypte est le nom que les premiers Roms à immigrer en Europe occidentale au XVe siècle donnaient à leur pays d'origine, ce nom ne désignant généralement pas une région bien définie. Ces groupes itinérants racontaient souvent avoir dû quitter ce pays pour expier leur apostasie (réelle ou alléguée) de la foi chrétienne. 14 « Gadjo » (singulier, « gadjé » au pluriel) est généralement utilisé pour identifier une personne qui n’appartient pas à la communauté gitane. Historiquement, il s’agissait souvent de paysans, et « gadjo » est parfois traduit ainsi, bien que l’aspect déterminant du terme est que la personne appartient au groupe extérieur, les Non-Gitans. Cependant, la langue évolue, et « gadjo » ne signifie plus toujours actuellement la distinction nous-eux qu’il avait historiquement, mais parfois simplement la distinction homme-femme. Source : Nathalie Birnisti & Marc Bordigoni, 2002, “Mon gadjo, le Gitan…”, emprunt lexical et reconfiguration catégorielle. Colloque sociolinguistique 12-14 septembre 2002. 6 vague migratoire importante est née au milieu du XIXe siècle, et est notamment liée à l’abolition de l’esclavage en Roumanie16. Ces derniers sont les ancêtres des actuels Gitans roms itinérants d’Europe de l’Ouest, qui – dans le cas de la Belgique – ont reçu la nationalité belge dans les années 1990. Après la Seconde Guerre Mondiale, pendant laquelle le peuple gitan dans son ensemble fut soumis à une extermination massive dans les camps allemands, les pays communistes ont mis en œuvre des politiques pour forcer leurs populations gitanes à se sédentariser et à s’assimiler en interdisant le style de vie nomade et la langue romani. Pendant cette même période, la Yougoslavie a encouragé l’émigration économique temporaire vers les pays d’Europe de l’Ouest, qui a pris un aspect plus permanent avec le temps. Ces politiques ont suscité une troisième vague de migration hétérogène vers l’Europe, qui a débuté dans les années 1960 et s’est intensifiée après la chute du communisme en 1989. Ce dernier groupe est appelé Roma (par opposition aux Roms belges), selon la décision prise lors du premier Congrès mondial des Roms tenu en 1971. A leur arrivée en Europe de l’Ouest, beaucoup de Roms ont demandé l’asile sur la base de la discrimination structurelle et généralisée dans les pays d’Europe de l’Est, mais – à l’exception de ceux originaires de la Yougoslavie déchirée par la guerre – les demandes furent refusées dans la plupart des cas. C’est l’une des raisons pour lesquelles beaucoup de Roms n’ont toujours pas de documents de séjour.17 Le présent document d’orientation traite de l’accès aux droits de cette troisième vague, les Roms18. L’accès aux droits par les autres groupes tziganes présents en Belgique n’est pas abordé par le présent document, étant donné qu’ils présentent un profil différent dû à une histoire migratoire différente. Ils rencontrent des obstacles différents pour accéder à leurs droits en comparaison avec ceux rencontrés par les Roms de la troisième vague. Ainsi, les Gitans et les Manouches sont entièrement intégrés dans le système administratif belge, sont (davantage) intégrés dans la société belge globale et parlent l’une des langues nationales19, ce qui a une influence sur les obstacles qu’ils rencontrent. On peut donc affirmer que la longueur du séjour en Belgique a un impact important sur le niveau d’intégration. Selon les estimations du Conseil de l’Europe, Roms et Gens du voyage de 2010, il y aurait entre 6,3 et 16,1 millions de Roms vivant en Europe20. D’autres sources fournissent des estimations plus élevées, par exemple entre 12 et 15 millions de Roms en Europe de l’Ouest et de l’Est.21 Il est cependant très difficile de chiffrer avec précision la population réelle, tant au niveau européen que belge. Pour la Belgique, cela s’explique par le fait que (i) l’administration belge n’enregistre pas l’ethnicité d’une 15 Centre régional d’Intégration le Foyer Bruxelles asbl (« Foyer »), Les Roma de Bruxelles. La situation à Bruxelles des Roma venant de l’Europe de l’Est. Leur vie, 2003-2006, Centre régional d’Intégration le Foyer Bruxelles asbl, p. 20 16 Selon Maruskiakova & Popov (n.d.), cette seconde vague est liée plutôt à des motifs socioéconomiques et est mitigée par des changements politiques, plutôt que par la simple abolition de l’esclavage. 17 Foyer, ibid., et Maruskiakova & Popov, ibid. 18 Veuillez noter que nous employons une définition des Roms différente de celle du Conseil de l’Europe, qui emploie le terme pour désigner les « Roma, Sinti, Kale et groupes liés en Europe, y compris les Gens du voyage et les groupes orientaux (Dom et Lom), et couvre la large diversité des groupes concernés, y compris les personnes qui s’identifient elles-mêmes comme « Gitans » (Conseil de l’Europe, Descriptive Glossary of terms relating to Roma issues. Version du 16 novembre 2011). 19 http://www.kruispuntmi.be/thema.aspx?id=589 (consulté le 24.08.2012) 20 http://www.coe.int/t/dg3/romatravellers/default_en.asp (consulté le 16.08.2012) 21 Open Society Institute, Mediating Romani Health. Policy and Program Opportunities, New York, 2005 7 personne, (ii) une partie de la communauté rom est en séjour irrégulier dans le pays, (iii) le groupe dans son ensemble est très mobile et (iv) des facteurs politiques, saisonniers et autres influent en outre cette mobilité.22 Par conséquent, de nombreuses sources fournissent des chiffres différents : le Conseil de l’Europe estime le nombre de Roms en Belgique entre 20 000 et 40 000,23 tandis que le centre flamand pour les minorités (Vlaams Minderhedencentrum)24 parle de 15 à 20 000 Roms en Flandre et à Bruxelles25 et la Stratégie Nationale pour l’Intégration des Roms indique 30 000 ou 0,29 % de la population du territoire entier.26 En ce qui concerne Bruxelles, Foyer asbl estime que 5 500 à 7 000 Roms vivaient dans la Région de Bruxelles-capitale en 2004-2005. Parmi ceux-ci, le plus grand groupe était de loin les Roms de Roumanie, suivi par les Roms de Macédoine, ex-Yougoslavie (excl. Macédoine), de Bulgarie, de Slovaquie et d’autres pays.27 Elle base ses estimations sur des estimations et des chiffres partiels de personnes travaillant avec des Roms, ainsi que de Roms eux-mêmes.28 Il est important de souligner que les Roms forment un groupe très hétérogène, constitué de différents nationalités, personnalités, profils socioéconomiques, attitudes, croyances religieuses, etc. Les Roms se différencient entre eux et n’adoptent pas nécessairement des attitudes positives vis-à- vis de Roms originaires d’autres pays, régions, voire même villages.29 En outre, les attitudes de Roms vivant en Belgique par rapport au travail, à l’éducation, à la santé,ainsi que leur « volonté d’intégration » sont liées à la situation dans laquelle ils ont vécu dans leur pays d’origine. De nombreux facteurs, tels que le niveau d’éducation, le statut socioéconomique et l’origine géographique (pays d’origine, mais également citadin/venant d’un milieu rural, originaire d’une région « riche » ou « pauvre ») jouent un rôle important dans leurs attitudes et choix en Belgique.30 Comme déjà indiqué, les Roms ont des croyances religieuses diverses. La majorité des Roms à Bruxelles sont membres de l’église pentecôtiste31, bien qu’il y ait également des Roms qui soient témoins de Jéhovah ou protestants. D’autres Roms conservent la religion de leur pays d’origine, 22 Foyer, ibid., p. 29 23 Conseil de l’Europe, Roms et Gens du voyage, mentionné dans « un cadre de l’UE pour les stratégies nationales d’intégration des Roms jusqu’en 2020 », 05.04.2011, p.15 24 Il est appelé désormais « Kruispunt Migratie-integratie » 25 http://www.kruispuntmi.be/thema.aspx?id=9050; consulté le 10.08.2012 26 Stratégie nationale pour l’Intégration des Roms, février 2012, p.9. 27 Foyer asbl a fait les estimations suivantes : Roms de Roumanie (entre 3 500 et 4 600 personnes), Macédoine (entre 750 et 850 personnes), ex-Yougoslavie (excl. Macédoine; entre 530 et 620 personnes), Bulgarie (entre 460 et 510 personnes), Slovaquie (124 personnes). 28 Foyer, ibid., pp. 52-75. 29 Fondation Roi Baudouin, Scolarisation des enfants roms en Belgique. Paroles de parents, p. 23, 2009 30 Foyer, ibid., p. 91 31 A Bruxelles, le Pentecôtisme est une église particulièrement populaire chez les Roms roumains : on estime que 60-70 % en font partie.31 8 comme certains Roms de Roumanie, qui font partie l’église orthodoxe roumaine.32 Certains Roms, par exemple ceux originaires du Kosovo, sont musulmans.33 b) Où vivent-ils ? La question de savoir où vivent les Roms était au centre de l’élaboration de notre projet, car elle influençait le type d’acteurs et d’institutions que nous pouvions consulter et impliquer dans le projet. Les endroits dans lesquels on sait que résident des communautés Roms ont souvent des services sociaux habitués à travailler avec ce groupe. Par opposition et en complément, les services sociaux qui travaillent avec des Roms sont en mesure de localiser les endroits où sont présentes des communautés roms. Contrairement à ce qu’on croit généralement, la très grande majorité (au moins 95 %) des Gitans ont adopté depuis longtemps un style de vie sédentaire. La plupart vivent dans des maisons, tandis qu’une petite partie vit dans les caravanes34 sur des terrains privés ou des terrains mis à disposition dans le but par la commune.35 Certains Roms vivent dans les rues, les gares ferroviaires, des squats ou des tunnels de métro inutilisés.36 D’autres sont réduits à construire des cabanons de fortune sur des terrains vagues.37 Bien que certains d’entre eux sont de nouveaux arrivants qui ne disposent pas d’un réseau en Belgique, d’autres sont ici depuis de nombreuses années mais sont exclus des réseaux sociaux informels et formels existants, qui peuvent être des filets de sécurité. Du point de vue géographique, les Roms vivent dispersés à travers toute la Belgique, avec des concentrations dans les grandes villes telles qu’Anvers et Gand en Flandre, Charleroi, Namur et Liège en Wallonie, et Bruxelles. Des villes plus petites, telles que Saint-Nicolas, Tirlemont, Diest, Tamise (Temse) et Heusden-Zolder en Flandre, possèdent également une communauté rom.38 En raison sans doute d’une structuration différente des routes migratoires liées à la nationalité,39 une concentration géographique semble s’être développée au cours des année. Certaines villes belges attirent des Roms de certaines nationalités. Ainsi, Bruxelles attire surtout des Roms roumains, tandis qu’Anvers attire des Roms de l’ex-Yougoslavie, et Gand, des Roms de Slovaquie et de Bulgarie.40 Plus récemment, les organisations basées à Bruxelles qui travaillent avec les Roms rencontrent plus de 32 Foyer, ibid., p. 51. 33 Les Roms kosovares vivent surtout à Saint-Nicolas et, plus récemment, Tamise en Flandre. Source : Frauke DECOODT & Stijn DE REU (réd.), Kosovaarse Roma in het Waasland. 10 jaar beleid met Roma in Temse en Sint- Niklaas. Odice, Oost-Vlaams DiversiteitsCentrum vzw, 2009. 34 Foyer, ibid., p. 19 35 http://www.kruispuntmi.be/thema.aspx?id=587; consulté le 16.08.2012 36 MO*, Positieve evolutie van Roma-integratie in België, 21.09.2011 (consulté le 18.08.2012) et conversations informelles avec des prestataires de services travaillant avec des Roms vivant dans des logements squattés (septembre 2012) 37 P. ex., au début 2010, des Roma slovaques ont été évacués d’un campement da vieilles caravanes et de baraques en ruines situé sur d’anciens jardins communaux à proximité de Gand (MO*, Roma in Gent, 20.01.2010). 38 http://www.kruispuntmi.be/thema.aspx?id=9050; consulté le 10.08.2012; Vlaams Actieplan MOE(Roma)- migranten 2012, p. 12, tableau 2; Centre de médiation des gens du voyage et des roms en Wallonie, De qui parle-t-on ?, disponible sur http://www.cmgv.be (consulté le 27.08.2012) 39 Fondation Roi Baudouin, ibid., p. 23, 2009 40 MO*, Roma in Gent, 21.01.2012 (consulté le 18.08.2012) 9 Roms bulgares, tandis que certains logements squattés sont occupés exclusivement par des Roms slovaques.41 Alors que les parcs à caravanes semblent prédominer en Flandre, les Roms semblent vivre davantage cachés dans des maisons en Wallonie.42 A Bruxelles, les Roms tendent à vivre dans les quartiers à forte population allochtone, car les loyers y sont généralement moins élevés. On trouve des concentrations de Roms roumains à Schaerbeek, Molenbeek, Bruxelles-ville, Saint-Josse-ten-Noode et Anderlecht, tandis que les Roms bosniaques, serbes et kosovares semblent préférer Molenbeek, le centre de Bruxelles et Saint-Gilles.43 Bien qu’on ne puisse pas généraliser, les Roms vivent parfois avec beaucoup de personnes dans un même logement, qui est parfois insalubre. II. L’accès aux mineurs non accompagnés et le cadre légal applicable a) Comment entrer en contact avec eux ? Lorsque nous avons démarré notre projet initial pour mettre en place un système direct et individuel d’accompagnement et de conseil aux MNA roms, nous avons effectué les démarches suivantes. Nous avons d’abord identifié et approché des tuteurs de MNA roms44 et des ONG bruxelloises travaillant avec et pour les Roms afin d’arriver à une compréhension détaillée de où vivent les Roms (MNA), quels sont leurs besoins et comment prendre contact avec eux. Nous avons ensuite cartographié les organisations qui travaillent avec des Roms ainsi que les organisations roms elles-mêmes. Cet exercice de cartographie a couvert une large gamme d’organisations, des prestataires d’aide de première et de deuxième ligne, y compris des organisations fournissant des soins médicaux, une assistance juridique, ou une autre aide, qui ne visent pas spécifiquement les Roms mais ont des clients roms dans la pratique. Enfin, nous avons identifié les médiateurs roms pour approfondir nos connaissances et faire office de points d’entrée vers les différentes populations roms afin d’identifier les MNA. Pendant ce processus, nous avons pris conscience qu’il est très difficile, voire pratiquement impossible, d’identifier des MNA roms et de les orienter vers un service d’accompagnement sans l’intervention préalable d’un médiateur (Rom ou non) qui a la confiance de la famille élargie qui accueille le MNA. Nous avons relevé également que de nombreux acteurs ou services n’identifiaient pas nécessairement les mineurs comme étant « non accompagnés » parce qu’ils vivent avec leur famille élargie. Ces deux aspects sont des obstacles à une orientation efficace des mineurs. Les difficultés sont multiples et seront discutées plus en détail par la suite, mais il est important de noter ce qui suit : les MNA sont incorporés dans une famille élargie (la kumpania d’origine ou celle de 41 Interviews personnelles avec l’asbl Foyer et deux professionnels travaillant avec des Roms à Bruxelles, qui ont souhaité rester anonymes. Ces trois interviews datent de la mi-septembre 2012. 42 Alain REYNIERS, Ces gens qui dérangent, en Belgique comme ailleurs en Europe, pp. 7-21, dans Jacques FIERENS (dir.), Les Roms face au droit en Belgique, Droit en mouvement, La Charte, 2012 43 Foyer, ibid., p. 52 ; p. 65 44 Des tuteurs sont désignés par le Service de Tutelle pour représenter les intérêts des MNA pendant leur séjour en Belgique. Pour de plus amples informations sur la tutelle des MNA, voir points III.B dans le présent document. 10
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