Université Pierre et Marie Curie Ecole doctorale 3 C Département de psychiatrie et d’addictologie- Hôpital Paul Brousse LA PLACE DE LA SPIRITUALITE DANS LA PRISE EN CHARGE DES MALADIES MENTALES ET DES ADDICTIONS Par : Olfa MANDHOUJ THESE DE SCIENCES pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ Paris IV Spécialité : Médecine-Psychiatrie Dirigée par : Mr le Professeur Henri Jean AUBIN Présentée et soutenue publiquement : Le 23 Janvier 2015 Devant un jury composé de : Mr le Professeur Charles-Siegfried PERETTI Mme le Professeur Lucia ROMO Rapporteur Mr le Professeur Philippe HUGUELET Rapporteur Mr le Professeur Michel REYNAUD Mr le professeur Bruno FALISSARD Mr le Professeur Roland DARDENNES Mr le Professeur Jean Paul WILLAIME Mr Le Professeur Henri Jean AUBIN Mr Le Docteur Philippe NUSS PRODUCTIONS SCIENTIFIQUES SUR LE TRAVAIL A. Articles Articles publiés 1. Mandhouj O, Aubin HJ, Amirouche A, Perroud NA, Huguelet P. Spirituality and Religion Among French Prisoners: An Effective Coping Resource? Int J Offender Ther Comp Criminol. 2013 Jun 18. PMID: 23782706 2. Huguelet P, Mandhouj O. Spiritual assessment as part of routine psychiatric evaluation: Problems and implications. World Psychiatry. 2013 Feb;12(1):35-6. doi: 10.1002/wps.20008. PMID: 23471794 3. Huguelet P, Mandhouj O. Religion et suicide. Revue de littérature. 4. Mandhouj O, Etter JF, Courvoisier D, Aubin HJ. Franch-language version of the World Health Organization quality of life spirituality, religiousness and personal beliefs instrument. Health Qual Life Outcomes. 2012 Apr 19;10(1):39. PMID: 22515747 5. Aubin HJ, Mandhouj O, Reynaud M. Depression not related to lower religious involvement in bipolar disorders? Bipolar Disord. 2010 Aug;12(5):582; author reply 583-4. PMID: 20712761 Article soumis 1. Huguelet P., Mandhouj O.. Religion and suicide. Review. (sous press) 2- Mandhouj O., Perroud N, Aubin HJ, Younes N, Huguelet P. Sprirituality among suicide attempters. (soumis) Article en préparation 1- Mandhouj O, Bettache H, Aubin HJ. Spirituality among alcoholic anonymous 2- Mandhouj O. Spirituality and tobacco. Review B. Communications orales - O Mandhouj. Place de la spiritualité dans le traitement des troubles mentaux. 7ème congrès Francophone de Médecine et Spiritualité. Lyon, Octobre 2014. - O Mandhouj. Qualité de vie et tabagisme. GEST. Paris, Janvier 2012 - O Mandhouj. Spiritualité et religion des détenus : cohabitation des religions, particularités et évolution des croyances. Congrès des 5 continents -Lyon 2011. - O Mandhouj. Spiritualité et religiosité : implication dans la prise en charge des patients souffrant de conduites addictives. Congrès Français de Psychiatrie- 2ème Edition,17-20 Novembre 2010, Lyon. - O Mandhouj. Tabac et Spiritualité/ Religiosité/ Religion.. 4ème congrès de la SFT – 4 et 5 Novembre 2010. 3. Communication écrite O Mandhouj, JF Etter, D Courvoisier, HJ Aubin. Faut-il intégrer la spiritualité/religiosité parmi les dimensions prises en charge dans le traitement des addictions? Congrès de l'Encéphale 2011, Paris. REMERCIEMENTS Je remercie ici tous ceux qui m’ont aidée dans cette traversée. Le professeur Henri Jean Aubin, pour avoir dirigé cette thèse. Il ne réalise pas tout ce qu’il m’a donné, en sciences et à titre personnel, par son accueil, son énergie positive, son encouragement, sa disponibilité, sa façon d’être pour m’autonomiser et sa rigueur. Le Professeur Philippe Huguelet, qui m’a soutenu le long de ce travail et dans les moments les plus délicats et me donne la chance de participer à quelques uns de ses beaux projets. Le Professeur Bruno Falissard qui m’a accueillie, conseillé et soutenu chaque fois que j’ai sollicité. Son intérêt à ce travail m’a été de grand soutien et tout ce que j’ai appris avec lui au cours de mon Master m’a été des ressources très précieuses. Le professeur Charles Peretti, le professeur Michel Reynaud, Le professeur Roland Dardennes et le Dr Philippe Nuss qui m’ont fait l’honneur de participer au jury. Le professeur Lucia Romo, rapporteur de cette thèse. A mon cher ami Bruno Tranchant, pour la relecture de ce travail. A l’équipe de psychiatrie du CH André Mignot toute plus ou moins liée à ce travail, surtout à Dr Nadia Younes, qui a veillé au bon déroulement de l’étude menée dans son service et avec laquelle j’ai eu un immense plaisir de travailler, aux professeurs Marie Christine Hardy Baylé et Christine Passerieux, à mes amies et collègues Sonia Belaid, Yassaman Montazami et Marion Larquet. A l’équipe de l’hôpital Charcot, secteur 13, surtout à Dr Martine Sprung qui m’apporte beaucoup de son savoir être et de son savoir faire et à mes collègues Florence Danzin, Pascale Marmey, Eric Caillon, Mathieu Hajbi, et Djilali Adda ainsi qu’à toutes l’équipe des psychologues et toute l’équipe soignante et surtout à nos charmantes secrétaires les deux Brigitte et Béryl. A Dr Wiltzer, Dr Kapsambellis et Dr Plas, mes anciens chefs de service qui m’ont beaucoup aidé dans ma formation de psychiatre et dans ma carrière professionnelle. A toute l’équipe du SMPR de Bois d’Arcy et tous les collègues des différents secteurs de l’hôpital Charcot à Plaisir. A Mme Le professeur Saida Douki Dedieu qui est mon modèle et celui des femmes franco- tunisiennes et tunisiennes qui défendent les valeurs morales et humanitaires. A tous mes enseignants de l’école primaire jusqu’à mon doctorat. A mes très chers parents pour leur soutien inconditionnel et pour le sens de la recherche existentielle et scientifique qui les guide. A mes très chères et magnifiques sœurs Daad, Selsabil et Nada, mes très chers et charmants frères Onsi et Rayan, mes beaux frères Sami et Atef et mes belles sœurs Siwar et Imène. A mon cher neveu Elyes et ma chère nièce Sarah. A tous mes amis, avec mes amitiés et ma reconnaissance à tout ce que vous m’apportez au quotidien, surtout : Aida, Aurélie, Catherine ma maman d’adoption , Chiraz et son mari Adnène, Corrine, Erika, Foudil et sa femme Malika, Imène, Hadhem et son mari Mondher, hamid, Hayet, Jean Phélix, Kais, Kawthar la plus chère cousine, Lamine, Manel que son âme est très présente dans ce travail, Ma brise, Marie Agnes ma lumière et mon ange gardien et son mari Pierre, Marie Noëlle et son mari Mourad, Marina, Micheline et Patrick, Mon coach sportif et psychologique, Mouna et son fiancé Nizar, Nadia, Nacera, Nathalie, Nunu, Sarah, Selma, Sophie mon cadeau du ciel, Sawssen, Samy, Sana, Salwa, Sihem, Sonia, Tcheslave, Ténin et Véronique. A mes chers amis à la clinique d’Yveline surtout Dr Cruanes, Dr Alexandre, Dr Maouch, Dr Abbas, Mme Sebagh, Cathy et Anita. TABLE DES MATIERES I- PREMIERE PARTIE : ETAT DE LA QUESTION I-1- INTRODUCTION I-2- DEFINITIONS I-3- RELIGIOSITE EN FRANCE ET DANS LE MONDE 1-4- SPIRITUALITE/ RELIGIOSITE ET SANTE Spiritualité/Religiosité et bien-être Spiritualité/Religiosité : effets négatifs sur la santé Spiritualité/Religiosité et maladies mentales Spiritualité/Religiosité et suicide Spiritualité/Religiosité et addictions Spiritualité/Religiosité : Attitude des praticiens II- DEUXIEME PARTIE : MESURE DE LA SPIRITUALITE ET DE LA RELIGIOSITE II-1- Les outils de mesure de la spiritualité/Religiosité II-2- Choix du questionnaire WHOQOL-SRPB II-3- Etude de la validation du questionnaire WHOQOL-SRPB en langue française III- TROISIEME PARTIE : SPIRITUALITE/RELIGIOSITE DANS DES POPULATIONS SPECIFIQUES : 1- Etude de la spiritualité dans une population de « suicidants » 2- Etude de la spiritualité des soignants et de leur attitude envers l’inclusion de la spiritualité dans la prise en charge des patients 3- Etude sur la spiritualité en milieu carcéral 4- Etude de la spiritualité chez des patients souffrant d’addiction 3-1- Les addictions dans la population générale 3-2- Spiritualité chez les alcooliques anonymes IV- CONCLUSION ET PERSPECTIVES V- BIBLIOGRAPHIE VI- ABREVIATIONS VII- ANNEXES I- PREMIERE PARTIE : ETAT DE LA QUESTION I-1- INTRODUCTION Cette thèse est le fruit d’un questionnement sur le rôle de la religiosité et de la spiritualité dans les maladies mentales et les addictions. Elle s’insère dans le cadre des recherches cliniques du service d’addictologie de l’hôpital Paul Brousse et de l’unité INSERM 669. L’idée est partie de la constatation de la faible fréquentation des alcooliques en France des groupes des alcooliques anonymes (AA) et de l’hypothèse que c’est l’aspect spirituel de ces groupes qui seraient un obstacle à leur intégration. Bien que la religion joue un rôle dans la vie humaine depuis plus de 500 000 ans, que c’est la plus ancienne forme de la pratique médicale [Miller WR, 1999 ; Sulmasy DP, 2009], aujourd’hui, elle est devenue « un sujet tabou », le plus souvent évité par les praticiens. Je commence par chercher l’histoire de la séparation, ensuite de la « réconciliation » entre la médecine et la religion. Il s’avère qu’avant le développement de la médecine, les personnes se soignaient par les guérisseurs. Il s’agissait de consulter un leadership spirituel comme « les chasseurs », « Curandero et curandera » au Mexique, ou d’aller dans un lieu de pèlerinage comme à Lourdes ou à Chimayo [Miller WR , 1999]. Les chamans étaient les traditionnels guérisseurs des tribus. Leurs soins consistaient à des rituels religieux [Sulmasy DP, 2009]. Dans de nombreuses cultures, une vision holistique de l’être humain demeure prédominante telle que le cas de la médecine chinoise. L’émergence de la médecine expérimentale moderne au XIXème siècle a été accompagnée de l’abandon du vitalisme et d’une séparation explicite de la science et de la religion. Différentes polémiques ont développé l’idée de l’incompatibilité entre la science et la religion et ont encouragé l’idée que la religion ne peut pas avoir de place dans la médecine. On pourrait citer les livres de John William Drapers: “History of the conflict between Religion and Science” (1874) et celui de Andrew Dickson White: “A History of the Warfare of Science with Theology in Christendom” (1896). Le modèle de technologie médicale a émergé comme un paradigme dominant en médecine, mais aussi en psychologie et en d’autres disciplines médicales. Ce modèle consiste à établir le diagnostic, à identifier le trouble ou la maladie, à chercher sa 1 cause et à trouver le traitement qui éradique la cause. Ce modèle est efficace pour traiter certaines maladies comme les maladies infectieuses. Toutefois, ce modèle se montre inefficace quand la cause de la maladie ou des symptômes est sociale, environnementale, psychologique, ou comportementale. Avant les années 1990, les chercheurs mesuraient souvent des variables sur la religion et la spiritualité et les exposaient dans les résultats de leurs études mais, ils ne les considéraient pas comme des dimensions légitimes dans leur recherches (ne les incluaient pas dans les titres ou les abstracts de leurs publications). Quelques études ont mesuré la religion et la spiritualité et étudié leurs effets sur la santé mentale. Toutefois, la qualité de ces études était assez médiocre [Miller WR &Thoresen CE, 2003]. Les années 1970 ont été marquées par le développement de la « Médecine Alternative » et depuis les années 90, les recherches sur la relation entre la médecine et la spiritualité et la religion s’est considérablement accrue. A partir des années 1990, aussi bien la quantité des études sur la relation entre la religion et la santé, que la qualité méthodologique de ces études ont largement augmenté. Le développement de la recherche sur la spiritualité a amené l’assemblée mondiale de la santé (World Health Assembly) à incorporer le bien-être spirituel dans la définition de l’OMS de la santé [O’Connell KA & Skevington SM, 2009]. Dans les vingt dernières années, ont été publiées de nombreuses études portant sur la relation entre la spiritualité et la santé dans différentes disciplines telles que la médecine, le nursing, la sociologie, la psychologie, la théologie etc. Entre 1995 et 2005, il y a eu 600% d’augmentation du nombre d’articles avec les mots clefs « Spirituality AND health » [Visser A et al., 2009]. Cette augmentation de l’attention pour la spiritualité et la religion est due à la reconnaissance de l’importance de ces concepts dans la prise en charge des patients [Balboni TA et al., 2007]. De nombreuses études ont montré l’existence d’une association positive entre la religiosité et la santé, aussi bien physique que mentale. La spiritualité est une source de coping (façon de faire face à une difficulté) et une composante de la qualité de vie pour beaucoup de patients, essentiellement ceux qui souffrent de maladies 2 chroniques ou de maladies graves. L’utilisation des ressources spirituelles est de plus en plus fréquente dans la prise en charge de plusieurs maladies tel que les cancers, la dépendance à l’alcool et les addictions aux drogues. [Koenig HG, McCullough ME & Larson D, 2001; Pargament K, 1997; Ferrell BR, Dow KH & Grant M, 1995; Miller WR, 1998; O’connor AP, Wicker CA & Germino BB, 1990; Shafranske EP& Malony HN, 1990, Bussing A, Ostermann Th& Matthiessen PF, 2005]. Ce domaine de recherche, émergent depuis une vingtaine d’années, a été rarement exploré en Europe ; la grande majorité des études a été menée en Amérique du Nord [Nicholson A, Rose R & Bobak M, 2009 ; Nicholson A, Rose R & Bobak M, 2010]. Les résultats de ces études ne peuvent pas être généralisés sur d’autres populations et dans d’autres cultures. Au moment ou je débute ce travail de recherche, il y avait quasiment pas d’études françaises portant sur la spiritualité et la religion dans le domaine de la santé mentale et des addictions. Cette thèse vise, donc, à explorer la dimension spirituelle et religieuse dans le contexte français, laïque, multiculturel et multi-religieux. Le premier pas était de dépasser le constat que la religion est un sujet tabou en pratique clinique et de pouvoir aborder la spiritualité, dans son sens large en évitant sa confusion avec la religion. Pour commencer, je rappellerai quelques éléments de définition concernant la religion, la religiosité et la spiritualité ainsi que la difficulté de définir ces concepts. Ensuite, je préciserai les particularités des croyances en France, après avoir présenté les croyances dans le monde. Une revue de la littérature a fait l’objet d’une publication [Huguelet P & Mandhouj O, 2014] que je complèterai par des données plus détaillées sur la spiritualité/religiosité et la santé, en abordant les principaux domaines dans lesquels la spiritualité/religiosité joue un rôle important (bien-être, maladies mentales, suicides, addictions), ainsi que l’attitude des praticiens envers ce sujet. Dans la première étape de cette recherche, il me fallait sélectionner un outil de mesure parmi les dizaines de questionnaires qui existent dans la littérature. Celui pour lequel j’ai opté était le WHOQOL-SRPB (World Health Organization Quality Of Life - Spirituality, Religiousness and Personal Beliefs), développé par l’OMS. Les 3
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