La mise en œuvre de la réforme des GRETA depuis trois ans Rapport à madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE, DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE _____ Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche La mise en œuvre de la réforme des GRETA depuis trois ans Septembre 2016 Jean-Michel QUENET Philippe SULTAN Alain TAUPIN Inspecteurs généraux de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche SYNTHÈSE Aux termes de l’article L. 423-1 du code de l’éducation, les GRETA sont des groupements d’établissements scolaires publics qui s’associent pour mettre en œuvre leur mission dans le champ de la formation continue, dont ils constituent l’un des tout premiers réseaux nationaux. Créés il y a plus de quarante ans, les GRETA ont vu leur existence remise en cause en 2011, lorsqu’il a été prévu d’intégrer la formation continue au sein des GIP FCIP des académies1. À la suite de la loi pour la refondation de l’école de la République qui a rétabli la référence législative aux GRETA, la réforme engagée en 2013 a visé à pérenniser le modèle du groupement d’établissements, structure sans personnalité juridique dont le cœur d’activité se situe au niveau de l’EPLE, tout en organisant un pilotage académique plus affirmé et un meilleur fonctionnement en réseau. Sa mise en œuvre s’inscrit de surcroît dans un contexte en forte évolution, marqué à la fois par la réforme de la formation professionnelle (loi du 5 mars 2014) et par la réforme territoriale, avec la reconfiguration de la carte régionale et la création des régions académiques au 1er janvier 2016. La réorganisation des GRETA fait l’objet d’un suivi attentif du ministère, dans le cadre d’un comité national de suivi (CNS) et d’un groupe de travail sur les métiers de la formation continue (GT 15), constitués avec les organisations syndicales. En 2015, une enquête rapide des correspondants académiques de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche avait fourni de premiers éléments de bilan sur la mise en œuvre de la réforme qui appelaient un nécessaire approfondissement, objet du présent rapport. L’état des lieux effectué par la mission dans cinq académies2 débouche sur des constats contrastés, qualifiés de « bilan en demi-teintes ». Les avancées les plus significatives ont été observées : – dans le domaine du pilotage académique, nettement plus affirmé, au travers d’une réelle implication des recteurs et de stratégies élaborées avec l’ensemble des acteurs ; – dans l’organisation plus intégrée des réseaux, favorisant les convergences et les mutualisations, donnant aux GRETA une véritable force de frappe avec des équipes renforcées de conseillers en formation continue. Globalement, le réseau des GRETA est passé en dix ans de 258 groupements à 135 (sans compter le GRETA de Mayotte) ; leur nombre avoisinait 200 en 2013. Entre l’académie de Lille, qui a adopté une approche territoriale « multipolaire » centrée sur quatre « GRETA nouvelle génération », et celle de Poitiers, qui a choisi un modèle de GRETA unique – qui n’est pas sans intérêt pour la simplification et l’optimisation qu’il apporte, ou pour son poids face aux prescripteurs, mais qui comporte des risques en termes de sécurité financière notamment –, les choix apparaissent dissemblables. Pourtant, la préoccupation commune des académies a été de maintenir et même d’accentuer le maillage territorial, le partage des compétences et la professionnalisation des réponses du réseau ; – enfin, dans l’harmonisation des pratiques et des modes de gestion. De réels progrès ont été observés dans le champ des ressources humaines – modalités de recrutement avec 1 Depuis 2002, chaque académie s’est progressivement dotée d’un groupement d’intérêt public formation continue et insertion professionnelle (GIP - FCIP) pour développer des coopérations qui complètent l’offre de service des GRETA. 2 Besançon, Bordeaux, Lille, Orléans-Tours et Poitiers. des fiches de poste, diffusion de contrats-types, élaboration de grilles de référence pour la rémunération des personnels de catégorie B et C, rédaction de lettres de mission, mise en place d’entretiens d’évaluation, développement de la formation – comme dans celui des réponses aux appels d’offres ou de la communication. Dans tous ces domaines cependant, les académies n’ont pas avancé du même pas. Dans certaines d’entre elles, coexistent, à côté des GRETA en ordre de marche, des GRETA qui revendiquent leur autonomie face au pilotage de l’académie et des GRETA fragiles financièrement. Les préoccupations d’organisation ont mobilisé les énergies au détriment des actions externes de développement et même d’animation interne. Les regroupements de GRETA se font encore souvent sous le coup de la nécessité et ne résultent pas d’une réflexion d’ensemble. Au-delà de l’objectif de donner aux GRETA une assise financière plus solide, la mission relève trois principes qui doivent guider ces décisions : – rechercher quelle en sera la plus-value en termes de formation ; – viser une mutualisation suffisamment poussée des fonctions support ; – éviter les déséquilibres manifestes entre GRETA pour que le fonctionnement en réseau soit viable. Les articulations avec les GIP, qui jouent pourtant un rôle structurant en matière d’appels d’offres et de suivi des marchés, ne sont pas encore calées. Sans revenir à la situation antérieure à la réforme de 2013, la mission observe que le point d’équilibre entre GIP et GRETA n’est pas encore atteint. La réforme des GRETA, conjuguée aux réorganisations dans les académies et aux évolutions de la formation professionnelle continue, a un fort impact sur les conditions d’exercice des personnels, les fonctions et les métiers. Les académies n’ont pas mené à son terme le chantier de l’harmonisation des pratiques RH. À cet égard, la mission rappelle que le « statut » de contractuel, en l’état actuel du droit et de la jurisprudence, reste essentiellement attaché à l’établissement public qui dispose du pouvoir de recruter en propre ses agents. Cette situation, souvent préjudiciable aux personnels contractuels, pose la question plus large du décloisonnement des réseaux au sein du système éducatif, entre formation initiale sous statut scolaire, apprentissage et formation continue : une telle évolution faciliterait la mobilité, la gestion des ressources humaines et les reconversions en cas d’activité insuffisante. Dans des groupements plus importants, les personnels de direction et de gestion voient leurs responsabilités accrues : le ministère doit tirer toutes les conséquences, en termes de recrutement, d’affectation et de formation, du choix qui a été fait de pérenniser le modèle des GRETA autour des EPLE. Le positionnement des directeurs opérationnels reste encore problématique, mais leur fonction est en train de se construire. Un nouvel équilibre est à trouver dans les missions des conseillers en formation continue. Le modèle d’obligation de service des formateurs permanents, qui repose sur un décompte des heures de face à face pédagogique, n’apparaît plus aussi pertinent. Enfin, les équipes administratives, dont les tâches sont reconfigurées et alourdies, ont besoin de stabilité et de professionnalisation. Au-delà de la mise en œuvre proprement dite de la réforme des GRETA, le réseau reste confronté à plusieurs défis qui restent à relever, totalement ou en partie. Il s’agit d’abord de défis d’organisation : adaptation du réseau à son environnement, dont la réforme territoriale relance la nécessité ; rénovation du système d’information national dont le chantier est en cours en vue de remplacer l’application ProgrÉ à l’échéance 2019 ; professionnalisation des acteurs, objectif partagé, mais qui reste à maints égards à concrétiser. La mission souligne également les défis plus stratégiques que sont la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie ministérielle, définie en 2016 par la DGESCO ; le pari de l’innovation et du numérique, qui fera la différence entre prestataires de formation dans un univers de plus en plus concurrentiel ; enfin, le rôle des GRETA pour inscrire l’EPLE dans le continuum de la formation tout au long de la vie. Incontestablement, le réseau des GRETA connaît une réorganisation de grande ampleur. Pour poursuivre l’action entreprise, la mission formule, dans six domaines, des recommandations d’ordre général, avec six préconisations plus précises, ainsi qu’une proposition pour rénover le régime des indemnités versées aux personnels de direction et de gestion des GRETA (IPDG) : – conforter le pilotage national : l’impulsion du ministère doit se maintenir et investir plus particulièrement le champ des appels d’offres nationaux et celui de l’innovation numérique, au travers notamment de la refonte de la plate-forme de ressources pédagogiques e-Greta ; – prendre en compte la réforme territoriale : il est indispensable que la réflexion des comités régionaux académiques avance sur le devenir des GIP (des pistes sont évoquées dans la deuxième partie du rapport) et une carte cohérente des GRETA doit être définie dans les régions recomposées ; – poursuivre l’effort de réorganisation du réseau sans imposer de modèle unique au plan national : la mission a observé des pratiques qui apparaissent globalement favorables et porteuses d’efficacité, telle que la fonction de directeur du GIP confiée au DAFCO ou au DAFPIC, la distinction entre les fonctions de chef d’établissement support et de président du GRETA, la nomination d’un directeur opérationnel, etc. L’harmonisation des pratiques RH doit constituer une priorité pour les recteurs ; – se donner les moyens de ses ambitions stratégiques : la mission préconise de nommer des directeurs opérationnels dans tous les GRETA qui sont restructurés, en redéployant des supports budgétaires de conseiller en formation continue s’ils sont en nombre suffisant ou en en créant de nouveaux dans le cadre du BOP 141 ; – faciliter la gouvernance en adaptant le fonctionnement des conseils d’administration dans les établissements support ; – rénover le régime des IPDG afin de promouvoir sa transparence, la responsabilisation des acteurs, la reconnaissance de l’engagement des personnels, l’incitation au développement de l’activité et l’esprit de réseau, la fonction de pilotage du recteur et une meilleure prise en compte des activités de service public. La proposition de la mission – qui devra être expertisée – porte notamment sur un dispositif fondé sur le chiffre d’affaire global du GRETA et la distinction entre une part fixe et une part variable de l’indemnité. SOMMAIRE Introduction ................................................................................................................................. 1 1. Un bilan en demi-teintes ...................................................................................................... 4 1.1. Des avancées incontestables ...................................................................................................... 4 1.1.1. Un pilotage académique manifestement plus affirmé ......................................................................... 4 1.1.2. Une organisation plus intégrée de l’ensemble du réseau .................................................................... 5 1.1.3. Des règles et des modalités de gestion en voie d’harmonisation ...................................................... 10 1.2. Des difficultés et des inquiétudes persistantes ........................................................................ 13 1.2.1. Des questions d’organisation et de gestion toujours prégnantes ...................................................... 13 1.2.2. Des articulations pas encore calées avec les GIP ............................................................................... 19 1.2.3. Des tensions au niveau des acteurs et des métiers ............................................................................ 22 2. Des défis à relever .............................................................................................................. 35 2.1. Des défis d’organisation ........................................................................................................... 35 2.1.1. L’adaptation du réseau à son environnement ................................................................................... 36 2.1.2. La rénovation du système d’information ........................................................................................... 39 2.1.3. La professionnalisation du réseau ...................................................................................................... 42 2.2. Des défis stratégiques .............................................................................................................. 44 2.2.1. La mise en œuvre opérationnelle de la stratégie ministérielle........................................................... 44 2.2.2. Le pari de l’innovation et du numérique ............................................................................................ 46 2.2.3. L’EPLE dans le continuum de la formation tout au long de la vie ...................................................... 48 Conclusion et préconisations ...................................................................................................... 50 Annexes ..................................................................................................................................... 55
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