La famille, une affaire publique Rapport Michel Godet et Évelyne Sullerot Commentaires Antoine d’Autume Jean Michel Charpin Compléments Julien Bechtel, Jacques Bichot, Cécile Bourreau-Dubois, Laurent Caussat, Pascal Chevalier, Pierre Courtioux, Julien Damon, Guy Desplanques, Martine Durand, Paul Esquieu, Bruno Jeandidier, Nadine Laib, Sylvie Le Minez, Fabrice Lenseigne, Dominique Méda et Benoît Mirouse Point de vue Jacqueline Farache Réalisé en PAO au Conseil d’Analyse Économique par Christine Carl © La Documentation française. Paris, 2005 - ISBN : 2-11-006030-1 « En application de la loi du 11 mars 1957 (article 41) et du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans l’autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre. » Sommaire Introduction............................................................................................7 Christian de Boissieu RAPPORT La famille : une affaire publique.......................................................9 Michel Godet et Évelyne Sullerot Préambule.................................................................................................9 1. Pas d’avenir sans enfants ....................................................................9 2. La famille une affaire privée et publique.............................................12 3. Le mandat du groupe de travail et le plan du rapport...........................16 4. Les facteurs de développement sont endogènes et contingents ...........18 5. Une approche inductive partant des faits et se méfiant des idées reçues.................................................................................19 6. Enfants, familles, couples, ménages de quoi parle t-on ?......................22 7. Les familles et les enfants en France : quelques chiffres-clés et faits surprenants ...........................................29 Chapitre I. Les enjeux économiques et familiaux du vieillissement......35 1. Pas de développement durable sans enfants.......................................36 2. Dynamiques démographiques et économiques en France, en Europe et dans le monde ...............................................................43 3. Les fractures territoriales et sociales : les six France de 2030 .............57 4. La famille : pilier des identités et foyer des solidarités .........................65 Chapitre II. La famille au carrefour des mutations...............................73 1. Trois révolutions ont traversé la famille en deux générations ...............73 2. Fécondité et travail féminin : douze tendances et six questions ............87 3. Un enjeu majeur : la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle........................................................................ 116 Chapitre III. Enfants défavorisés, environnement familial et cadre de vie ......................................................................................133 1. La pauvreté des enfants et des familles : définitions, origines, conséquences ..................................................................................135 LA FAMILLE, UNE AFFAIRE PUBLIQUE 3 2. Le poids de la reproduction sociale...................................................144 3. Les désillusions de l’école comme ascenseur social..........................149 4. L’apartheid urbain et scolaire des enfants défavorisés ......................154 5. Familles « intactes », familles dissociées : les méfaits de la mésentente.............................................................159 Chapitre IV. Clarifier la politique familiale avec les trois volets universel, horizontal et vertical...........................167 1. La politique « familiale » n’empêche pas la paupérisation des familles avec enfants .................................................................168 2. Quel périmètre retenir pour la politique familiale ?.............................173 3. Le volet universel pour éviter les effets pervers du tout ciblage.........180 4. Le volet horizontal pour éviter la paupérisation relative des familles avec enfants.................................................................190 5. Le volet vertical pour corriger les inégalités sociales entres familles en familialisant la politique sociale.............................. 199 6. L’investissement en capital humain : les coûts de l’enfant et de la « non-famille »..................................................................... 202 Conclusions et propositions pour l’action publique...........................215 1. Trois priorités et quatre objectifs....................................................... 215 2. Douze propositions prioritaires pour l’action publique ........................217 COMMENTAIRES Antoine d’Autume................................................................................237 Jean-Michel Charpin ..........................................................................241 COMPLÉMENTS A. Portraits démographiques et socio-économiques des familles et des enfants en France.......................................251 Guy Desplanques B. La famille acteur économique et social................................263 Jacques Bichot C. Les modèles de fécondité dans la théorie microéconomique de la famille ....................................................279 Fabrice Lenseigne D. Concilier vie familiale et vie professionnelle : expérience comparée dans les pays de l’OCDE ....................293 Martine Durand E. Concilier travail et famille.........................................................309 Dominique Méda 4 CONSEIL D’ANALYSE ÉCONOMIQUE F. Niveau de vie et pauvreté des ménages et des familles en France...............................................................325 Pascal Chevalier G. Pauvreté des enfants et structures familiales : familles nombreuses, familles monoparentales, enfants de parents divorcés.........................................................337 Bruno Jeandidier et Cécile Bourreau-Dubois H. Quelques éléments d’appréciation des inégalités sociales et familiales à l’école .........................389 Paul Esquieu I. Les politiques familiales en Europe : aperçu et typologies........................................................................401 Julien Damon J. La politique familiale française : coûts et bénéficiaires.....................................................................409 Julien Bechtel, Laurent Caussat, Pierre Courtioux, Nadine Laib, Sylvie Le Minez et Benoît Mirouse POINT DE VUE L’articulation entre vie familiale et vie professionnelle en France................................................439 Jacqueline Farache RÉSUMÉ .............................................................................................451 SUMMARY..........................................................................................459 LA FAMILLE, UNE AFFAIRE PUBLIQUE 5 Introduction La famille et la politique familiale requièrent des approches multiples, aussi bien historiques, sociologiques que juridiques, économiques, etc. Le rapport qui suit le montre à nouveau, combinant une grande diversité d’angles d’attaque, de points de vue et de types de propositions concrètes. Son originalité principale est justement de privilégier l’approche économi- que, tout en l’intégrant dans une perspective plus large. Les rapporteurs ont pu et su s’appuyer sur un groupe de travail pluridisciplinaire, et je tiens à saluer l’apport et le dévouement de l’ensemble des experts réunis ainsi que l’appui indispensable des administrations concernées. Le point de départ obligé touche à la liaison entre la dynamique démo- graphique et la croissance économique. Il s’agit là d’un thème toujours en débat, dont l’importance n’échappe à personne en ces temps de transition démographique (vieillissement de la population un peu partout, chute de la fécondité dans nombre de pays…) et de croissance molle en Europe conti- nentale. Le rapport, conforté par des comparaisons dans le temps et dans l’espace, repose en grande partie sur cette liaison positive et sur le rôle, justement, du « multiplicateur démographique ». La famille est bien sûr une affaire privée, mais, par les enfants et les nombreuses externalités qu’elle engendre, elle devient forcément une af- faire publique. Dans la démarche inductive privilégiée ici, « refonder » une politique de la famille suppose d’abord de prendre la mesure des tendances constatées et de leurs implications tant individuelles que collectives. On re- lèvera en particulier la démonstration que le niveau de vie des familles dimi- nue, toutes choses égales d’ailleurs, avec le nombre d’enfants et tout ce qui est dit sur les évolutions lourdes de la fécondité, de la cellule familiale, du taux d’activité des femmes, etc., en France et à l’étranger. Les comparai- sons internationales sont éclairantes, même s’il n’y a pas en l’occurrence une expérience nationale qui s’imposerait comme modèle à suivre. Ayant ainsi déblayé le terrain, les auteurs présentent un certain nombre de propositions, dont douze sont considérées comme prioritaires pour l’ac- tion publique. Elles visent aussi bien à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, ou à lutter contre la pauvreté en stimulant l’intégration des enfants défavorisés (la liaison entre la politique de la famille et la politique de LA FAMILLE, UNE AFFAIRE PUBLIQUE 7 réduction de la pauvreté occupe, légitimement, une place centrale), qu’à des mesures fiscales pour encourager le redressement de la fécondité. Parmi ces dernières, l’idée de « familialiser » la CSG et de renforcer le quotient familial va certainement retenir l’attention dans le débat public. Ce rapport a été présenté à Dominique de Villepin, Premier ministre, lors de la réunion du CAE du 13 juillet 2005. Christian de Boissieu Président délégué du Conseil d’analyse économique 8 CONSEIL D’ANALYSE ÉCONOMIQUE La famille : une affaire publique Michel Godet Professeur au CNAM Évelyne Sullerot Sociologue et co-fondatrice du Planning familial Préambule 1. Pas d’avenir sans enfants L’avenir n’est jamais écrit d’avance, il reste, pour l’essentiel, à cons- truire et l’éventail des futurs possibles est d’autant plus ouvert que nous ne l’avons pas fermé et contraint par nos choix antérieurs de nature technique, économique, sociale, démographique, environnementale. Garder l’avenir ouvert pour les générations futures est aussi la préoccupation première du développement durable, mais il ne peut y avoir d’avenir sans enfants. (*) Le présent rapport n’engage que ses auteurs et doit beaucoup aux membres de leur secrétariat scientifique et tout particulièrement à Nathalie Bassaler et à Philippe Durance qui entre septembre 2004 et avril 2005 ont réduit leur temps libre et leur vie de famille à une peau de chagrin pour travailler sur la famille ! Il a beaucoup emprunté aux contributions importantes des membres du groupe que l’on retrouvera pour l’essentiel dans les compléments. Il s’est enrichi de la vingtaine d’auditions réalisées au cours des dix journées de réunion du groupe. Nous tenons à saluer la contribution des organismes publics, la CNAF, la DEP, la DREES, l’INED, l’INSEE ainsi que l’OCDE, l’Observatoire démographique européen et Rexecode qui ont mis leurs informations et leurs experts à notre disposition. Grâce à l’accueil chaleureux de l’Association internationale Futuribles et à son Délégué général Hugues de Jouvenel, nous avons pu nous réunir dans un lieu propice à la réflexion prospective et proche du Premier ministre commanditaire de ce rapport. LA FAMILLE, UNE AFFAIRE PUBLIQUE 9 Pendant longtemps la question démographique a été absente des préoc- cupations de l’Europe. La plupart des pays européens étaient absorbés par d’autres urgences politiques, économiques et sociales alors que la population ne cessait d’augmenter fortement suite au baby-boom d’après guerre : ainsi, la population de la France est passée de 45 millions d’habitants en 1960 à plus de 60 millions en 2005 et les jeunes de moins de vingt ans (16 millions) étaient deux fois plus nombreux en 1968 que les plus de soixante ans (8 millions). En 2010, ils seront en nombre à peu près équivalent autour de 14 millions. Il y a moins de jeunes, certes, mais des anciens de mieux en mieux portants. Cependant, si ce vieillissement par le haut est une bonne nouvelle, il ne résout pas le problème économique et social de la dépendance des personnes âgées de 80 ans ou plus dont le nombre (2,7 millions en 2005) pourrait plus que doubler d’ici à 2030. Dans un système social de solidarité intergénérationnelle fondé sur la répartition, où ce sont les actifs qui financent tant l’éducation des jeunes que la santé et la retraite des anciens, on se rend bien compte qu’il va falloir faire des choix difficiles. Avec le recul, la deuxième partie du XXe siècle apparaîtra sans doute comme exceptionnelle : une population active jeune et en croissance avec un nombre de retraités faible en proportion. Durant cette période de « vaches grasses », il aurait fallu moins consommer et penser aux périodes de « vaches maigres » en constituant des fonds de réserves et en n’avançant pas l’âge de la retraite(1) puisque l’on savait que l’équation démographique rendrait cette mesure intenable à terme. Mais, il est difficile de parler de l’hiver sous le soleil de l’été. L’échéance est arrivée et nous n’y sommes guère préparés. L’inertie des phénomènes démographiques est telle que les évolutions sont lentes à se manifester mais difficilement réversibles quand elles produisent leurs effets. Pour continuer à manger du pain blanc, il faudra certainement, comme le recommande la Commission européenne depuis le sommet de Lisbonne, augmenter le taux d’emploi des jeunes et des seniors en commençant à travailler plus tôt et en partant à la retraite plus tard. Il faudra aussi augmen- ter le taux d’emploi des femmes dans l’Union européenne (l’objectif est de 60 % à l’horizon 2010 contre 56 % en moyenne aujourd’hui ; la France avec 57 % n’est pas loin de l’objectif) tout en leur permettant d’avoir les enfants qu’elles désirent, d’où l’importance des politiques favorisant la con- ciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Cette mobilisation de tout le capital humain disponible ne suffira pas : le rapport du groupe Wim Kok, examinant à l’automne 2004 les objectifs de Lisbonne à mi- parcours, rele- vait que le vieillissement de l’Europe se traduirait par une perte de près de 20 millions de personnes de la population active d’ici à 2025 qui pourrait à terme faire baisser sa croissance potentielle d’un point d’ici à 2040. Les causes de cette inflexion de la croissance sont liées à des tendances de fond de la société européenne : l’allongement de l’espérance de vie, la baisse de la fécondité, le contre coup du baby-boom sur les départs à la retraite qui va aller s’accentuant jusqu’en 2030. (1) Sauf pour les métiers à forte pénibilité. 10 CONSEIL D’ANALYSE ÉCONOMIQUE
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