Juifs et Européens d Algérie l'antisémitisme oranais 1892 1905 Geneviève Dermenjian Institut Ben-Zvi Geneviève Dermenjian Juifs et Européens d'Algérie L'antisémitisme oranais (1892-1905) Vingt ans après la promulgation du décret Crémieux, l'Algérie connut une première vague d'antisémitisme d’une rare virulence. L’étude de Geneviève Dermenjian est consacrée à la “crise anti-juive" qui secoua Oran à la fin du XIXe siede. Dirigé par Paul Bidaine, le mouvement culmina dans les émeutes de mai 1897. Autres publications du Centre de Recherches sur les Juifs d’Afrique du Nord M. Abitbol, Les Corcos et Yhistoire du Maroc contemporain, 1977 Judaïsme d*Afrique du Nord aux XIXe et XXe siècles, édité par M. Abitbol, 1980 R. Attal, Périodiques juifs d'Afrique du Nord 1980 S. Schwarzfuchs, Les Juifs d'Algérie et la France (1830-1855), 1981 Communautés juives des marges sahariennes du Maghreb, édité par M. Abitbol, 1982 couverture: Véronique Cohen photogravure: Tafsar imprimerie: Ahva JUIFS ET EUROPEENS D’ALGERIE L’antisémitisme oranais (1892-190$) Publications du Centre de Recherche sur les Juifs d’Afrique du Nord Institut Ben-Zvi et VOrgamsatiort Mondiale des Juifs d'Afrique du Nord GENEVIEVE DERMENJIAN JUIFS ET EUROPEENS D’ALGERIE L’ANTISEMITISME ORANAIS (1892-1905) Institut Ben-Zvi pour la recherche sur les communautés juives d’Orient Yad Izhak Ben-Zvi et l’Université hébraïque de Jérusalem Jérusalem 1983 Avec le concours du Centre pour l’intégration du patrimoine culturel du Judaïsme d'Orient, Ministère de l’Education et de la Culture •i © Joua^ drgfts réservés,l’Institut Çen-Zvi, .Jérusgleçf, 1983 ISBN 965-235.-008-77 Imprimerie Daf-Chen, Jérusalem TABLE DES MATIERES Introduction 7 PREMIERE PARTIE LE CONTEXTE DE LA CRISE ANTISEMITE Chapitre Premier: Oran à la fin du XIXe siècle 11 1. La vie économique 11; 2. La vie politique 14; 3. Les jourriaux 18 Chapitre II: les populations oranaises 21 1. Les Français d’origine 22; 2. Les juifs 28; 3. Les autres éléments de la population 30 Chapitre III: la question juive 33 1. Antijudaisme et élections 33; 2. Racines de l’antisémi­ tisme oranais 38; 3. Kanoui et l’anti-Kanouisme 45 Chapitre IV: la montée des périls 53 DEUXIEME PARTIE LES ANNEES FASTES (1895-1898) Chapitre I: L’évolution de la crise antisémite 65 1. Naissance et développement 65; 2. L’année 1897, 73; 3. L’apogée 89 Chapitre II: la vie politique nationale dans le prisme oranais 95 1. Naissance et développement 65; 2. L’année 1897, 73; 3. L’apogée 89 Chapitre III: Oran aux antijuifs 111 1. L’appareil antijuif 111; 2. L’action antijuive 132; 3. “A bas les Juifs!” 140 Chapitre IV: les juifs et l’antisémitisme 157 1. Les frères Chalom 157; 2. Les juifs ripostent 164; 3. La critique de l’antisémitisme 173 TROISIEME PARTIE LE DECLIN DE L’AGITATION ANTIJUIVE Chapitre I: un long déclin politique (1899-1905) 181 1. Les années charnières (1899-1900) 181; 2. L’effritement (1901-1902) 187; 3. Les dernières années (1902-1905) 194 Chapitre II: les milieux officiels et Tantijudaïsme 199 1. L’armée 199; 2. La magistrature 200; 3. L’administration 202 Chapitre III: Musulmans et Espagnols devant l’antisémitisme 205 1. “A nous les Arabes!” 205; 2. Espagnols et naturalisés 212 Chapitre IV: Eglise, franc-maçonnerie, libéraux 219 1. L’église .d’Oran et l’antisémitisme 219; 2. Les francs- maçons 223; 3. Opposants européens à l’antijudaïsme 229 Conclusion 235 Annexes 1. Quelque Saynètes du Charivari Oranais 245; 2. Anthro­ pologie de la province d’Oran 247; 3. Géryvilie 248; 4. Le sang .des races 250; .5. Cagayous antijuif 251; 6. Quelques surnoms de juifs J252; 7- Commandements du brave Israélite 253; 8. Les juifs s’expliquent 255; 9. Le juif commerçant 255; 10. Le juif 256; 11. Les Youtres 256; 12. Les juives 257; 13. La femme juive 259;, 1,4. Le, yom-Kippour 259; 15. Un juif assimilé 260;. 16. Les troubles île, 1,897 dans l’Oranais 262 Planches et illustrations (hors .texte) Abréviations 264 Sources et bibliographie 265 Index 269 Résumé en hébreu INTRODUCTION Les années 1892^1895 virent en Algérie l’éclosion d’un malaise géné­ ralisé1 qui s’exprima sous diverses formes: la critique de la métropole et la revendication autonomiste, la dénonciation du “péril étranger” et des impasses dé la colonisation, et enfin la “crise antijuive”. Cette crise antisémite attira particulièrement l’attention én métropole car elle correspondit partiellement aux troubles qui suivirent en France l’affaire Dreyfus et parce qu’elle fut, à Alger, haute en couleurs et en re­ bondissements. La crise oranaise ne laissa, pour sa part, que peu de sou­ venirs marquants. La ville ne posséda en effet ni dirigeant proprement antijuif (tel Max-Régis Milano à Alger) maintenant la ville sous pression pendant plusieurs années, ni chef antisémite républicain incontesté prêt à jouer son rôle jusqu’au bout comme Morinaud à Constantine. Elle ne connut pas non plus (à deux exceptions près) de troubles de rue comparables à ceux d’Alger par leur importance et leur durée. L’hostilité des Français et des étrangers1 2 d’Oran envers les Israélites était bien antérieure à 1895 mais elle ne prit un tour menaçant qu’à cette .date, lorsqu’un Belge naturalisé français, nommé Paul Bidaine, lança une campagne de presse contre un de ses anciens amis israélites, Mardochée Chalom. La ville répondit avec enthousiasme à cette cam­ pagne antijuive violente et ordurière. Des politiciens profitèrent de cet engouement et s’emparèrent entre 1896 et 1898 du conseil municipal, du siège du député de la première circonscription ainsi que de sièges au conseil général et aux Délégations financières. Dans le même temps, 1 Voir à ce propos CR? Ageron, Les Algériens musulmans et la France, 1871-1914, Thèse de lettres 1968, PUF, 2 tomes, t. 1, chap. 21 et 22. 2 On appelait ainsi les étrangers d'origine européenne. 7 Juifs et Européens d’Algérie les Israélites étaient soumis à de nombreuses mesures vexatoires et les antijuifs faisaient régner un climat de violence qui culmina dans les émeutes de mai 1897. La ville retrouva rapidement son calme après cet épisode et ne fut plus désormais troublée qu’en de rares occasions. Mais la persécution antijuive continua de s’exercer dans la.'yie quotidienne et officielle. La fièvre du plus grand nombre des Oranais se calma cependant entre 1898 et 1900, lorsque Paris accorda l’autonomie que la colonie récla­ mait depùis longtemps. L’antisémitisme politique redevint alors ce qu’il était avant 1895, principalement une plate-forme électorale dont n’eurent"cependant pas.raison les élections suivantes. Malgré leur peu dë'succès dans le cadré de la lutte-antijuive, les antisémites se maintin­ rent à la mairie jusqu’à-1905 alors que la députation avait été perdue dès 1902.