UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL JEUNES FEMMES ET LOISIRS COMMERCIAUX DURANT LES ANNÉES FOLLES (1919-1929): ÉTUDE DES DISCOURS ECCLÉSIASTIQUES ET JOURNALISTIQUES MÉMOIRE PRÉSENTÉ COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN HISTOIRE PAR PATRICIA COMTOIS DÉCEMBRE 2007 UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL Service des bibliothèques Avertissement La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.01-2006). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.» REMERCIEMENTS J'aimerais remercier tout spécialement ma directrice, Mme Magda Fahrni, pour sa dévotion et son optimisme rayonnant. Un grand merci également à ma cousine Christine pour ses conseils éclairés. Je suis extrêmement redevable à ma famille, Hélène, Gilles et Marie-Claude pour leur soutien indéfectible. TABLE DES MATIÈRES LISTE DES FIGURES v RÉSUMÉ VI INTRODUCTION CHAPITRE 1 HISTORIOGRAPHIE ET MÉTHODOLOGIE 7 1.1 Historiographie 7 1. 1.1 Contexte : les aIIDées folles 8 1.1.2 Femmes 14 1.1.3 Loisirs 27 1.2 Sources 34 1.2.1 La Patrie 34 1.2.2 La Revue populaire 35 1.2.3 La Bonne Parole 36 1.2.4 The Herald 37 1.2.5 L'Action catholique 37 1.2.6 L'Actionfrançaise 39 1.2.7 Le Quartier latin 41 1.2.8 McGill Daily 41 1.2.9 Mandements des évêques 42 1.2.10 Catalogue Eaton 43 1.2.11 Catalogue de Dupuis Frères 43 CHAPITRE II LE THÉÂTRE ET LE CINÉMA À MONTRÉAL 46 2.1 Fréquentation 47 2.2 Les différents discours 59 2.2.1 Frivolité 59 2.2.2 Criminalité 65 2.2.3 Moralité 70 IV CHAPITRE III LES DANSES MODERNES À MONTRÉAL 79 3.1 Nature des danses modernes 81 3.1.1 Publicités et pratiques 81 3.1.2 Danse synonyme du Mal 89 3.2 Conséquences des danses modernes 98 3.2.1 Conséquences physiques 98 3.2.2 Conséquences morales 101 CHAPITRE IV LA REPRÉSENTATION DES SPORTS FÉMININS 107 4.1 Sports d'été 108 4.2 Sports d'hiver 118 4.3 Pratique 121 4.4 Discours 127 CONCLUSION 136 BIBLIOGRAPHIE 140 LISTE DES FIGURES Figure 2.1 Publicité cinéma, La Patrie, 5 novembre 1921 49 Figure 2.2 Publicité cinéma, The Herald, 28 décembre 1929 50 Figure 3.1 Publicité danse, The Herald, 23 novembre 1928 81 Figure 3.2 Publicité danse, The Herald, 22 novembre 1928 83 Figure 4.1 Publicité costume de bain, Eaton, printemps-été 1925 109 Figure 4.2 Publicité automobile, La Patrie, 21 janvier 1920 116 Figure 4.3 Publicité sport, L'Action catholique, 10 mars 1924 118 Figure 4.4 Publicité sport, L'Action catholique, Il décembre 1928 120 RÉSUMÉ Ce mémoire analyse les discours traitant des rapports entre les femmes et les loisirs commerciaux pour la période des années dites folles, soit de 1919 à 1929. L'accent a été mis dans ce mémoire sur les jeunes femmes montréalaises. Divisé en trois chapitres analytiques, ce mémoire se penche sur le phénomène des théâtres et des cinémas, sur la danse, ainsi que sur les sports. À travers les différents discours traitant des loisirs commerciaux, nous avons tenté de dégager l'enjeu principal au cœur des réactions publiques face à la popularité du divertissement féminin. Pour ce faire, plusieurs types de discours ont été étudiés. D'abord, le discours catholique à travers les mandements des évêques ainsi qu'à l'aide du journal L'Action catholique. Divers points de vue journalistiques ont également été analysés avec La Patrie, le Beralci, L'Actionfrançaise, La Revue populaire, La Bonne Parole, Le Quartier Latin et le McGill Dai/y. Enfin, le discours publicitaire est représenté par l'ensemble de ces journaux en plus des catalogues des magasins Eaton et Dupuis Frères. Divers constats ont pu être établis au cours de cette étude. D'abord, il est clair que l'enjeu principal pour les discours étudiés s'avère être la sexualité féminine. La crainte d'une libéralisation des mœurs sexuelles engendrée par les loisirs commerciaux fait couler beaucoup d'encre chez les journalistes. Pourtant, ces discours se retrouvent en réelle opposition avec le discours publicitaire. Alors que les discours journalistiques et religieux semblent faire figure du discours dit traditionnel, les publicités sont à l'inverse un vent de modernité sur l'image de la femme. L'étude de la culture urbaine montréalaise a permis de constater que celle-ci encourageait la fusion des diverses classes sociales, des deux sexes et des ethnies. Les sports semblent toutefois faire figure d'exception, puisqu'ils divisent les classes sociales en plus des anglophones et des francophones. Mots-clés: XX e siècle, femmes, sexualité, cinéma, danse, théâtre INTRODUCTION La décennie 1920 est bien connue sous le nom des années folles, au Québec et ailleurs. Cette appellation n'est pas sans raison. En effet, ces années sont spéciales puisqu'elles surviennent après une Première Guerre mondiale extrêmement meUi1rière. Ensuite, vient la crise économique des années 1930 avec ses énormes retentissements sur la population québécoise. Enfin, la fin de la crise se termine par la Deuxième Guerre mondiale également marquante pour les Québécois. Bien que les années 20 semblent représenter des années tranquilles comparativement à celles qui précèdent et qui suivent, il en va tout autrement. D'abord, la décennie débute par une récession qui dure deux ans, entraînant dans son sillon une vague de chômage. Terminée en 1922, cette récession permet à tout le moins de mettre un terme à l'inflation qui perdure depuis la guerre. À la suite de ces deux premières années plutôt difficiles, commence pourtant une période d'effervescence sur plusieurs plans. L'économie québécoise bénéficie particulièrement de la prospérité. La croissance est visible entre autres par la hausse des exportations et des investissements étrangers, principalement américains. En découlent deux phénomènes capitaux pour l'époque, soit l'urbanisation ainsi que l'industrialisation en forte croissance. Évidemment, ceux-ci sont particulièrement présents à Montréal. Déjà en 1921, la population urbaine correspond à la moitié de la population québécoise totale'. Du côté politique, la situation est stable. Les libéraux, au pouvoir depuis 1897, ont à leur tête Louis-Alexandre Taschereau de 1920 à 1936. Bien que celui-ci présente quelques lois qui ne font point l'unanimité, telles la loi de l'assistance publique et la loi qui établit la Commission des liqueurs, il assure tout de même un gouvernement en continuité avec ses prédécesseurs. Effectivement, le patronage et la proximité du gouvernement avec les entreprises industrielles sont monnaie courante. Paul-André Linteau et aL, Histoire du Québec contemporain, De la Confédération à la crise 1 (1867-/929), tome l, Montréal, Boréal, p. 406. 2 Cependant, le gouvernement de Taschereau doit faire face à des adversaires de taille, le mouvement nationaliste et la presse cléricale2. À cette époque, l'Église catholique représente pour le Québec une institution fondamentale. Présente à plusieurs égards, tant par ses nombreux effectifs qui contrôlent les systèmes éducatif, hospitalier et social que par ses diverses associations, l'Église rencontre pourtant des difficultés en milieu urbain3. Devant multiplier les paroisses pour assurer un contrôle maximal, l'Église ne parvient toutefois pas à empêcher un déclin de la vie sociale dans celles-ci, comme l'a montré Lucia Ferretti4. Il n'en demeure pas moins que les idées religieuses se retrouvent largement répandues par le biais de la presse qu'elle acquiert ou met sur pied, telle journal L'Action catholique. Dans ce journal, l'Église réussit à diffuser la pensée nationaliste, idéologie traditionaliste basée sur le trio famille, religion et agriculture. En force dans les années 20, la pensée clérico-nationaliste se retrouve dans L'Action catholique, mais aussi dans L'Action française. Outre le nationalisme, l'Église se prononce également sur la vie culturelle de ses ouailles. Il faut dire que cette vie culturelle est particulièrement fertile dans la décennie 1920. Le Québec, traversé par un vent de modernisme, est pris d'assaut par une pléthore de nouveautés, tels la radio, le prêt-à-porter, les modes américaines et à plus grande échelle l'automobile qui permet l'échange de ces nouvelles idées et modes5. e De plus, de profondes mutations s'opèrent dans la société au début du XX siècle qui viennent rendre possible le développement des loisirs au Québec. D'une part, une des premières revendications chez la classe ouvrière constitue la création de temps libres. Cette requête est entendue et quelques améliorations sont notables dont la limitation 2 Ibid., p. 407. 3 Ibid., p. 606. 4 Lucia Ferretti, Entre voisins, La société paroissiale en milieu urbain Saint-Pierre-Apôtre de Montréal, 1848-1930, Montréal, Boréal, 1992,264 p. 5 Collectif Clio, L 'histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, Montréal, Le Jour, 1992, p. 261. 3 6 des heures de travail pour les femmes et les enfants en 1919 . Cette loi qui abaisse la semaine de travail à 55 heures octroie par conséquent plus de temps libres aux ouvriers. D'autre part, l'apparition graduelle du filet de protection sociale, telles l'assistance publique et les pensions de vieillesse, a également permis aux loisirs commerciaux de s'installer. Malgré des débuts plus que modestes, ces lois ont tout de même procuré une plus grande sécurité aux travailleurs 7. Enfin, un dernier phénomène est lié à l'industrialisation, c'est-à-dire la possibilité pour les travailleurs de se permettre des vacances. En effet, pour la première fois les travailleurs urbains, grâce à une conjoncture réunissant les syndicats, les employeurs et leur salaire, connaissent les vacances, au contraire des habitants agricoles qui ne peuvent se permettre ni en temps ni en finances de s'en payer8 . Par ces transformations, le XXe siècle a donc réussi à établir les conditions nécessaires à l'établissement des loisirs commercIaux. Les loisirs semblent avoir évolué rapidement vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe pour aboutir aux loisirs commerciaux. Effectivement, les loisirs traditionnels ruraux sont liés aux conditions, aux cycles et aux modes de vie. Ils se situent près des événements de la vie quotidienne et à l'intérieur du cadre de la famille ou de la communauté. Dans le contexte québécois, ils sont souvent caractérisés par la place importante qu'occupe la religion catholique9. À l'opposé, le milieu urbain et l'amélioration de ses voies de communication permettent la mise en place à la fin du XIXe siècle de tout un éventail de loisirs commerciaux : « parcs d'attraction et d'amusements, salles de jeux commerciales, cabarets et tavernes, 6 Paul-André Linteau et al, op. cil., p. 550. 7 Michel Bellefleur, L'évolution du loisir au Québec, essai socio-hislorique, Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec, 1997, p. 20. 8 Ibid., p. 20. 9 Ibid., p. 17.
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